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04/05/2009

Le comique en contrebande

Depuis le 17 avril et jusqu'à la fin du joli mois de mai, le Centre Pompidou accueille Luc Moullet, ses oeuvres et ses amis. Si j'étais à Paris, je saurais quoi faire pendant ces belles journées de printemps. En attendant, pour fêter cela, les éditions Capricci ont édité deux livres, Notre alpin quotidien et Piges Choisies. Le premier est un livre d'entretiens avec Emmanuel Burdeau et Jean Narboni. Le second une sélection de textes critiques, depuis ses premiers pas vers 12 ans jusqu'à sa toute récente collaboration avec Positif, lui qui fut un pilier des Cahier du Cinéma. Il y a également une jolie bande annonce.

En bons zélateurs que nous sommes, le Docteur Orlof et votre serviteur ont planché sur les deux livres, deux chroniques à paraître rapidement sur Kinok qui organise au concours sur le sujet. Et pour que la fête soit complète, quelques extraits :

Les balances s'expriment fort bien par le comique : Keaton, Tati, McCarey, Groucho Marx, sont tous nés entre le 2 et le 8 octobre : le deuxième décan. J'en veux beaucoup à ma mère : si au lieu d'accoucher le 14 octobre, elle s'était pressée un peu, je serais du deuxième décan et j'aurais fait des films bien plus drôles. (Les douze façons d'être cinéaste – Cahiers du Cinéma – 1993)

Pourquoi critiquer P.P. (Powell-Pressburger) alors que je défends Une question de vie ou de mort ? On risque de me reprocher cette contradiction. C'est tout simplement que, quand on fait cinquante films dans sa vie, c'est bien le diable si on arrive pas à en réussir un. (Michael Powell n'existe pas – La lettre du cinéma – 1995)

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Les espagnols devaient bien se douter qu'ils misaient sur le mauvais cheval en l'allant chercher dans la Mancha, où, c'est logique, ils ne pouvaient tomber que sur une piètre rossinante... (Pédro Almodovar, rien sur ma mère – inédit)

Lorsque Lelouch emprunte le langage de Godard en recopiant les idées stylistiques de Godard, il échoue forcément parce que l'expression stylistique de Godard dépend du fait que Godard est suisse et protestant et qu'il est Godard. Lelouch n'est rien de tout cela, il exprime des thèmes personnels différents de ceux de Godard, ou, le plus souvent, il n'exprime pas de thèmes. (De la nocivité du langage cinématographique, de son inutilité, ainsi que des moyens de lutter contre lui – Table ronde - 1966)

La puissance de Ford réside d'abord dans une dialectique entre la présentation des mythologies et la familiarité, l'absolu et le relatif, le pensé et le vécu, la morale et la truculence, les nuages lourds du destin et la main au cul. (John Ford, le coulé de l'amiral – Cahier du Cinéma spécial Ford - 1990)

22:57 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : luc moullet |  Facebook |  Imprimer | |

03/05/2009

La chanson d'Hélène

26/04/2009

Ponyo, Ponyo, lalalala

Après la pluie qui tombe sur la tête de Totoro, la plage intérieure où se prélasse Porco Rosso, le lac enchanté du Dieu-Cerf et le paysage submergé que traverse l'autorail emprunté par Chihiro, Hayao Miyazaki confirme avec éclat qu'il est le maître de la représentation de l'eau au cinéma dans Gake no Ue no Ponyo (Ponyo sur la falaise – 2008). Le film s'ouvre par une séquence d'une beauté à couper le souffle. Au fond des mers, juché à la proue d'un navire aérien, un homme étrange anime un merveilleux ballet d'animaux marins. Répandant le contenu de fioles élégantes, il diffuse un feu d'artifice de couleurs au milieu de centaines de méduses translucides. Allégorie tout aussi transparente du créateur Miyazaki, déployant toutes les ressources de son art pour faire naître la magie. Le film est animé à l'ancienne, essentiellement à la main, avec de superbes couleurs pastels. Notre personnage se nomme Fujimoto, un homme qui s'est exilé dans le monde marin et est devenu le compagnon de la reine de la mer. Il y est également une sorte de créateur de beauté, reniant le monde des hommes, proche cousin en cela du capitaine Némo de Jules Verne. Verne dont l'imaginaire a nourrit nombre de créations du réalisateur japonais, les machines improbables et baroques qui fendent airs et flots en particulier. Discrètement, Fujimoto est observé par sa fille, un curieux petit personnage, petit poisson rouge tout en rondeur. Miyazaki convoque alors Andersen et la légende de la petite sirène. Partie à l'aventure, prise dans un filet dérivant, la fille-poisson est recueillie par un petit garçon, Sôsuke, qui la baptise Ponyo. Comme dans le conte, les deux enfants tombent amoureux, la fille-poisson devient une véritable petite fille tandis que Fujimoto déchaîne les forces de la mer pour la récupérer. C'est un petit peu plus compliqué parce que, pour devenir petite fille, Ponyo a libéré sans le vouloir la magie de Fujimoto et mis une sacrée pagaille. Mais à ce niveau, il n'est pas nécessaire d'entrer plus avant dans les détails.

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Une nouvelle fois, Miyazaki brasse différentes influences culturelles pour donner naissance à un univers qui lui est propre et au sein duquel il peut développer ses thèmes de prédilection. L'écologie, l'enfance, l'agression de la Nature par le monde des hommes, la famille, les anciennes divinités merveilleuses, la magie du monde. Cette fois, il revient également sur plusieurs titres clefs de son oeuvre et Gake no Ue no Ponyo m'apparaît comme un film synthèse. Attention, je n'ai pas dit, même pas pensé « testamentaire ». Mais à son âge bientôt vénérable, Miyazaki semble se délecter de revenir sur des motifs, des ambiances, des réflexions qui lui sont chers. Tout le monde a noté que le film apparaît comme un retour à la simplicité de Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro – 1988), Joe Hisaishi reprenant même quelques mesures du fameux thème dans sa nouvelle partition. Ce n'est pas faux, mais ça me semble trop limité. On retrouve effectivement le même sens du détail et la délicatesse dans le traitement des scènes du quotidien (l'intérieur de la maison de Sôsuke, la scène du repas, la maison de retraite, la fuite des insectes des rochers qui rappelle celle des « noiraudes »), une attention qui rapproche Miyazaki du cinéma de Yasujiro Ozu (rappelez vous le début de Bakushū (Eté précoce - 1951) et la façon de montrer les enfants dans la scène d'ouverture). Mais dans le même temps, les morceaux de bravoure et le traitement du merveilleux s'éloignent de la sobriété unique de Totoro pour retrouver le foisonnement, le lyrisme des grands moments de Mononoke Hime (Princesse Mononoké – 1998) ou Sen to Chihiro no kamikakushi (Le Voyage de Chihiro – 2001). Et le sommet du film, la course de Ponyo sur les vagues-poissons de l'océan déchaîné au son d'un morceau démarquant La chevauchée des Walkyries de Wagner, retrouve l'enthousiasme grisant du mouvement des ballets aériens de Porco Rosso ou de Majo no takkyūbin (Kiki la petite sorcière – 1989). Voler, courir, planer en équilibre sur le monde. Il n'y a qu'une poignée de réalisateurs dans toute l'histoire du cinéma capables de nous faire ressentir une telle exaltation.

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Miyazaki s'est toujours plu à animer les éléments. Vent, terre, feu et eau. L'eau surtout qu'il est capable de représenter avec une pureté sans égale. De ce point de vue, Ponyo est un impressionnant festival dont l'eau est le motif central. Elle prend toutes les formes, toutes les couleurs. Tour à tout nappe sombre aux yeux inquiétants, vaste agglomérat de poissons qui se fondent les uns aux autres, larges étendues translucides révélant les paysages engloutis, divinité au visage féminin sublime et aux cheveux ondulants, simple jet, celui que Ponyo crache, espiègle, celui de la pompe qui permet à Sôsuke de la sauver une première fois.

Variations, disais-je plus haut. L'expérience brutale de Ponyo avec le filet dérivant est traitée de la même manière que la rencontre entre Chihiro et le dieu du fleuve dans l'établissement de bain. Prise dans le filet, Ponyo roule dans un maelström d'immondices soigneusement décrits, nuage roulant boueux et terrifiant, comme Chihiro « vidait » littéralement le dieu du fleuve d'une montagne de déchets qui envahissait le bâtiment, manquant d'engloutir la fillette. Miyazaki se sert de sa fibre écologique et de son sens aigu de l'observation d'objets ordinaires pour construire une séquence fantastique et angoissante, jouant également sur un procédé d'accumulation virtuose des objets, « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ».

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De ses oeuvres foisonnantes, Miyazaki reprend le principe de la coexistence de principe entre le « réel » et le « merveilleux ». Le monde de Sôsuke semble immédiatement conscient de celui de Ponyo et la mère du petit garçon ne semble guère surprise de voir débarquer, en pleine tempête, une fillette qui court sur les vagues. Pas plus que Sôsuke n'est véritablement surpris des pouvoir magiques de Ponyo. Le film développe là une décontraction qui désamorce les côtés les plus dramatiques de l'histoire. Le tsunami et ses résultats sont prétexte non à une débauche d'effets de destruction mais à une série de visions élégiaques d'une nature en paix, dans laquelle de grands poissons venus du fond des âges nagent paresseusement au dessus de routes submergées. Face au merveilleux, la réaction des personnages de Miyazaki est rarement la peur mais plutôt la joie, comme ces deux marins remerciant les divinités maritimes. Totoro reste peut être le plus radical de ce point de vue, mais chez Miyazaki, il n'y pas toujours de « méchants ». Et quand il y en a, ils possèdent toujours une facette plus positive. Ils ont leurs raisons et nous sommes à même de les comprendre, sinon de les accepter. Ici, cela pourra désarçonner certains, Fujimoto, ou plutôt le côté obscur de Fujimoto est une piste qui fait rapidement long feu. Il représente plus la voix angoissée d'un père qu'une véritable menace. Et le film se dépouille petit à petit de ses principes antagonistes pour devenir un voyage initiatique, contemplatif, et intérieur, celui de Sôsuke. J'ai lu quelque part que le film pourrait n'être qu'un rêve de petit garçon. L'idée est séduisante, mais il s'agirait alors de la même sorte de rêve que celui de Chihiro. De ces rêves que l'on fait en traversant un tunnel.

Un long article sur Buta connection

Chez Ed sur Nightswiming

Chez le bon Dr Orlof

 

Photographies © Walt Disney Studios Motion Pictures France

24/04/2009

Le goût d'ma vieill' pipe en bois

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Je m'en fous, j'prends pas le métro.

(source : The new black magazine)

Et merci à Charles Tatum pour l'idée de la série

23/04/2009

Ceci n'est pas une pipe

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C'est une luge et je ne suis pas Jacques Tati, mon nom est Orson Welles.

(source Wisconsinology)

22/04/2009

Smoking

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De quoi mon cigare, tu me prends pour Tati ?

John Ford dirigeant John Wayne sur They were expendable (Les sacrifiés - 1946) Source : NYTimes, l'article est bien aussi.

21/04/2009

Films noirs

C'est la saison des listes. Après les années 70 et les années 80, Julien me propose de plancher sur une liste de mes films noirs préférés. Déjà, ce n'est pas facile de définir le genre. Il est plus mouvant que, disons, le western. Il pose pas mal de questions comme celle ci : l'oeuvre de Hitchcock relève-t'elle du film noir ? Vertigo (1958) ou Rear window (Fenêtre sur cour - 1954) incitent à dire oui, mais quelque chose me souffle que c'est un peu à part. On pourrait s'en tenir à l'âge d'or américain du genre entre Underworld (Les nuit de Chicago - 1928) de Joseph Von Sternberg et Touch of evil (La soif du mal - 1958) de Orson Welles, mais ça me semble réducteur. La peinture sociale d'une société, l'ambiance urbaine moderne, le crime, le brouillard, les flics verreux, la femme fatale, le détective, les bas fonds, tout ceci irrigue un courant important du cinéma français. On ne finit plus de découvrir le film noir asiatique qui a influencé radicalement le genre. Et puis les italiens qui ont exploité toutes les pistes tout en inventant un genre à part entière, le giallo. Si l'on veut ouvrir, ça va se compliquer, mais je peux essayer de définir ce que représente le film noir pour moi avec ces titres :

Les canoniques

Laura (1944) Otto Preminger

The big sleep (Le grand sommeil -1946) Howard Hawks

The killing (L'ultime Razzia - 1956) Stanley Kubrick

Underworld USA (Les bas fonds de New-York - 1961) Samuel Fuller

The Asphalt Jungle (Quand la ville dort – 1950) John Huston

Kiss me deadly (En quatrième vitesse - 1955) Robert Aldrich

The roaring twenties (Les fantastiques années 20 – 1939) Raoul Walsh

Gun crazy (1950) Joseph H. Lewis

DOA (1950) Rudolph Maté

The big heat (Règlement de comptes – 1953) Fritz Lang

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Les modernes

Bring me the head of Alfredo Garcia (Apportez moi la tête d'Alfredo Garcia – 1974) Sam Peckinpah

Gloria (1980) John Cassavetes

Scarface (1983) Brian De Palma

The Cotton club (1984) Francis Ford Coppola

Year of the dragon (L'année du Dragon – 1985) Michael Cimino

Reservoir dogs (1992) Quentin Tarantino

Miller's crossing (1991) Frères Coen

The funeral (Nos funérailles – 1996) Abel Ferrara

Goodfellas (Les affranchis – 1990) Martin Scorcese

Q & A (Contre-enquête - 1990) Sidney Lumet

Time and tide.jpg

Source : filmbug

Du monde entier

Once upon a time in America (Il était une fois en Amérique – 1984) Sergio Leone

Panique (1946) Julien Duvivier

La sirène du Mississipi (1968) François Truffaut

Time and tide (2001) Tsui Hark

Bande à part (1964) Jean Luc Godard

Quai des orfèvres (1947) H. G. Clouzot

Tengoku to jigoku (Entre le ciel et l'enfer - 1963) Akira Kurosawa

Koroshi No Rakuin (La marque du tueur – 1963) Seijun Suzuki

Hana-Bi (1997) Takeshi Kitano

Arrivederci amore ciao (2006) Michele Soavi

23:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : film noir |  Facebook |  Imprimer | |

19/04/2009

Pour Pierre Etaix

"Deux fois dans ma vie j'ai connu le sens du mot génie. La première fois en regardant dans le dictionnaire, la seconde fois en rencontrant Pierre Etaix » Jerry Lewis.

Dans la série « le monde merveilleux des droits d'auteur », il y a l'histoire de Pierre Etaix. Si son nom parle encore à nombre de cinéphiles, ses films tendent à devenir un simple souvenir prestigieux parce que, tout simplement, il n'est plus possible de voir ses films. Etaix n'y est pour rien. A quatre-vingt ans, il n'a plus le droit de montrer ses propres films. Ses cinq longs métrages (dont quatre co-écrits avec Jean-Claude Carrière) sont aujourd'hui totalement invisibles, victimes d'un imbroglio juridique scandaleux qui prive les auteurs de leurs droits et interdit toute diffusion (même gratuite) de leurs films. Pour avoir les détails, vous pouvez regarder ce joli petit film :


Il y a quelques temps que circule une pétition, notamment sur Kinok. En juin 2008, 16 000 signatures (dont la mienne) ont été remises aux avocats de Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière. Visiblement, ce n'était pas assez. Le 28 novembre 2008, les auteurs se sont vu refuser le droit de procéder à la restauration de leurs films (une restauration pourtant jugée urgente et dont le financement était assuré). On pourrait appeler cela non assistance à oeuvre en danger. Mais bon, les amis du cinéaste n'ont pas désarmé et lancent un nouvel appel. L'objectif est d'atteindre 50 000 signatures et de remettre la pétition à madame Albanel, la hum-ministre de la hum-culture pour l'ouverture du festival de Cannes. Je ne suis pas d'assez bonne humeur pour être optimiste, mais on ne sait jamais.

Alors si vous avez envie de revoir ou de découvrir les films de Pierre Etaix correctement, si vous estimez comme moi que ce genre de situation est inadmissible par principe, si vous estimez qu'il serait lamentable que la seule façon à l'avenir de voir ces films serait de passer par des copies approximatives issus de réseaux que hadopi réprouve, il vous reste à signer la pétition. C'est par là.

21:20 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pierre etaix |  Facebook |  Imprimer | |

11/04/2009

Un moment springsteenien

Il y a une scène que j'aime vraiment bien dans The wrestler de Darren Aronofsky. C'est celle où le personnage du catcheur déchu, Randy "The Ram" Robinson joué par Mickey Rourke (dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à retrouver le Stanley White de Michael Cimino), tente de renouer avec sa fille jouée par Evan Rachel Wood. Passé un moment, il la convainc d'aller se balader sur la promenade d'Asbury Park, entre le Convention Hall et le casino. C'était l'endroit où il la menait quand elle était petite fille. Le couple déambule sur le front de mer, de grands espaces désertés, une ancienne salle en ruine. Les plans sont larges et respirent la grandeur passée. Les couleurs sont désaturées, comme passées par le temps. Au cœur de la grande salle, dans le souvenir d'un orchestre fantôme, père et fille esquissent quelques pas de danse. Un moment apaisé dans un film tout en mouvement et au montage acharné. Un temps de mystère qui m'a ramené au décor final de Carnival of the souls de Herk Harvey.

Mais bon, pour moi, c'est surtout l'ambiance de quelques-unes des plus belles chansons de Bruce Springsteen qui se déroulent autour d'Asbury Park comme Sandy (4th of july, Asbury Park)

And the boys from the casino dance with their shirts open like Latin lovers along the shore
Chasin' all them silly New York girls

Ou la fameuse Born to run

The amusement park rises bold and stark
Kids are huddled on the beach in a mist

C'est de retrouver cette qualité d'émotion qui m'a séduit, tout comme ma récente sensibilité aux histoires de pères et de filles. On retrouve cette mélancolie dans le morceau final écrit par Springsteen par amitié pour Mickey Rourke. Mais pourquoi, bon sang, sur le générique quand tout le monde se précipite hors de la salle ! Étonnant par ailleurs l'allure du Boss dans le clip du morceau, reprenant des extraits du film tandis qu'il chante sur un ring déserté. Springsteen, tel un caméléon, s'est fait le corps de Rourke. En habitant ainsi sa chanson, en investissant le personnage (la chanson est à la première personne), on pourrait dire que Springsteen joue plus que Rourke, puisque l'on nous a tellement souligné que Randy « The Ram » était Mickey Rourke. Si cela peut passer pour un compliment envers le boxeur, c'est assez vache pour l'acteur.

Have you ever seen a one-legged dog making its way down the street?
If you've ever seen a one-legged dog then you've seen me

Pour le reste, je ne suis pas trop amateur du cinéma de Darren Aronofsky. Sa mise en scène est voyante, même si elle est très maîtrisée, et convient mal me semble-t'il à une histoire somme toute classique, comme on en a vu pas mal depuis The set-up (Nous avons gagné ce soir - 1949) de Robert Wise. Du coup, ce sont quand même les acteurs qui font la valeur de ce film, donnant parfois même l'impression de batailler contre les effets de la réalisation.

07/04/2009

Rumba

Le plus difficile pour aborder Rumba, la délicate comédie signée à trois mains par Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy, c'est de ne pas commencer par empiler les références. Difficile parce que le film s'inscrit résolument dans une prestigieuse lignée qui va de Buster Keaton à Aki Kaurismaki en passant par Jerry Lewis et Jacques Tati. Et oui quand même. Pourtant, il faut bien vous situer la chose puisque le brillant trio ne reste connu que d'une poignée d'admirateurs au franc sourire que je viens de rejoindre sur le champ. Et mon but, lecteurs chéris, c'est d'élargir leur audience, partager le plaisir du rire qui est le propre de l'homme au lieu de vous abandonner à la 187e rediffusion télévisée de Bienvenue chez les bronzés. De quoi ? Non, je ne me résous point à discourir de ce film avec trop de sérieux. J'ai essayé, je vous jure, mais je m'ennuie moi-même. Alors, vous, vous pensez bien...

(La suite sur Kinok)

Rumba.jpg

Le site du film

Le DVD

Un entretien avec les auteurs

Photographie : © MK2 Diffusion

06/04/2009

Bon point

Cheyenne-autumn.jpg
Merci beaucoup, Ed.

22:51 Publié dans Curiosité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, john ford |  Facebook |  Imprimer | |

04/04/2009

5 x 13

Ah, un questionnaire ! Plutôt originale, cette variation en titres proposée par Joachim de 365 jours ouvrable (qui fête ses deux ans, soit dit en passant et en lui souhaitant un bon anniversaire) :

 

5 films dont la deuxième vision est meilleure que la première, puis la troisième meilleure que la deuxième puis la quatrième meilleure que la troisième puis la cinquième... : Rio Bravo (Hawks), The quiet man (Ford), Lawrence d'Arabie (Lean), Heaven's gate (Cimino), Mon voisin Totoro (Miyazaki)

5 films que j’ai dû voir trois, quatre, cinq, six fois et plus, mais je  n’aimerais pas trop que ça se sache : On l'appelle Trinita (Barboni), Cul et chemise (Zingarelli), L'aile ou la cuisse (Zidi), La grande évasion (Sturges), Le maître du kung-fu attaque (Wang-Yu)

5 réussites incontestables (qui plus est, signées de grands cinéastes) mais qui ne me touchent pas trop :  Persona (Bergman), Stalker (Tarkovski), Théorème (Pasolini), La ligne rouge (Malik), Elephant (Van Sant)

5 films qui m’ont laissé de mauvais souvenirs, mais vu le calibre de leurs auteurs, j’ose à peine le dire : Hook (Spielberg), Dieu est mort (Ford), Les communiants (Bergman), L'avventura (Antonioni), Eraserhead (Lynch)

Mastroianni.jpg

Saint questionnaire, priez pour nous

5 films réputés mineurs ou oublié, signés par des cinéastes reconnus, mais qui m’ont davantage impressionné que certains de leurs titres emblématiques : Always (Spielberg), Peggy Sue got married (Coppola), Madadayo (Kurosawa), La montée au ciel (Bunuel), The trouble with Harry (Hitchcock)

5 grands chocs cinématographiques malgré les conditions déplorables de leur découverte : Casino (Scorcese) malade comme un chien, Crash (Connenberg) séance houleuse à Cannes, 8 1/2 (Fellini) vu d'abord une demi-heure dans le cadre d'un concours, L'idiot (Kurosawa) inversion de bobines, Lawrence d'Arabie (Lean) première vision à la télévision, en français et noir et blanc (!)

5 films dont j’ai eu une vision totalement différente selon la période de la vie à laquelle je les ai vus : La prisonnière du désert (Ford), Rio Bravo (Hawks), King Kong (Schoedsack et Cooper), 2001 (Kubrick), Il était une fois la révolution (Léone)

5 films dont j’ai dit à tout le monde que je les avais vus, alors que ce n’était que par fragments, parfois espacés de plusieurs années, au hasard des diffusions télé, de la disponibilité du magnétoscope ou du DVD : Le seul qui s'approche de cette définition, en tant que spectateur, c'est L'avventura d'Antonioni. je crois bien que je me suis endormi avant la fin. Mais dans mon travail associatif, il m'arrive d'interrompre un film avant la fin quand je le trouve très mauvais et de rester diplomatique avec son auteur.

5 films que tout le monde aime, mais moi j’y arrive pas : L'aldilà (Fulci), Coeurs (Resnais), Cendrillon (Disney), Les dames du bois de Boulogne (Bresson), L'avventura (Antonioni)

Trinita.jpg

Notre héros réfléchit aux réponses

5 films où j’ai d’abord souffert / été déçu au début de la projection puis au bout d’un moment, whaoooaaaaah : Le retour de Ringo (Tessari), Rosetta (Les frères Dardenne), Pierrot le fou (Godard), Flowers of Shanghai ( Hsiao Hsien), Alamo (Wayne)

5 films que je continue à défendre bien que signés de cinéastes qu’on adore détester : Schindler's list (Spielberg), Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (Yanne), Katyn (Wajda), Sudden impact (Eastwood), Le syndrome de Stendhal (Argento)

5 films d’abord aimés puis ensuite rejetés : Midnight express (Parker), High Noon (Zinnemann), Le gaucher (Penn), The Killer (Woo), Le gendarme de St Tropez (Girault)

5 films d’abord incompris ou rejetés puis ensuite aimés voire adorés : Roma (Fellini), Les deux cavaliers (Ford), Un condé (Boisset), Je t'aime, je t'aime (Resnais), Annie Hall (Allen)

Pour la question subsidiaire, je me souviens surtout d'avoir vu La rage du tigre de Chang Cheh en séance spéciale à Cannes avec Tsui Hark et David Carradine (c'était l'année Tarantino).

17:50 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : questionnaire |  Facebook |  Imprimer | |

01/04/2009

Hommage au compositeur

Tilaaa tilalalalala tilaaaa mhmmmmmouou ouou tilalalala

Il m'est impossible, depuis des années, de monter sur le moindre tas de sable, sur un dromadaire ou un chameau, sans me sentir instantanément envahi par les accords divinement lyriques de Maurice Jarre. Rien que de fredonner je me vois vêtu de blanc, dans le vent du désert, marchand à grands pas sur les toits du train tandis que des dizaines de guerriers arabes m'acclament. Tel sont les ravages des compositions de Jarre sur mon impressionable personne.

J'ai appris qu'il avait une formation de timbalier. Cela se sent dans ce qu'il a apporté de neuf dans la musique de film à partir des années 60. Un son plus moderne souvent basé sur une utilisation créative des percussions. Ce qui ne l'empêchait pas d'écrire avec beaucoup de délicatesse. On a beaucoup cité les musiques à succès et à oscars sur lesquelles je me garderais bien de faire la fine bouche. Mais Jarre a également composé, comme Ennio Morricone et Jerry Goldsmith, ses contemporains, pour des films qui ne le méritaient pas toujours et auxquels ses accents épiques donnent un minimum de tenue. Je pense à ses westerns, Villa rides (Pancho Villa – 1968) de Buzz Kulik, El Condor (1970) de John Guillermin ou encore Red Sun (Soleil rouge – 1971) de Terence Young. Il n'est pas étonnant qu'il se soit si bien entendu avec David Lean, qui concevait le cinéma comme plus grand que nature. Épique oui.

Ce souffle de l'aventure, il l'a donné à John Huston pour The man who would be king (L'homme qui voulut être roi – 1976), à Robert Stevenson pour un film de mon enfance estampillé Disney, The island on the top of the world (L'île sur le toit du monde – 1974), à Richard Brooks pour The professionals (Les professionnels – 1966). Je suis moins fan de ses compositions à partir des années 80, quand il découvre les instruments électroniques, notamment dans sa collaboration avec Peter Weir. Mais le morceau qui accompagne la scène ou Lawrence ramène Gassim au camp d'Ali, quand il apparaît comme un point loin, très loin à l'horizon du désert, et puis avance tandis que la mélodie prend son essor, c'est tout en haut de mon panthéon personnel.

 

23:08 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : maurice jarre |  Facebook |  Imprimer | |

29/03/2009

Les pirates du rail

Je suis toujours étonné de la façon dont les premiers films que j'ai vus sont restés en moi au-delà de ce que j'ai pu voir ou apprendre depuis. Prenons Christian-Jaque par exemple. Pas tout à fait le type du metteur en scène que l'on va chercher à réhabiliter. Le type « chefs d'œuvres méconnus ». Plutôt du genre de ceux qui se sont fait piétiner allègrement par la Nouvelle Vague, non parfois sans raisons. Plutôt du genre populaire, à succès et récompenses, sans grande ambition formelle apparente, progressivement dépassé par l'évolution du cinéma français dans les années 50 puis 60. Pourtant, pourtant, si je prends le temps de la réflexion, certains films de Christian-Jaque sont liés à mes premiers souvenirs de cinéma, des souvenirs que je lie avec mes lectures d'enfance, de Jules Verne à Conan Doyle en passant par Enid Blyton et Mark Twain. Ce sont le squelette Martin et la société secrète des Chiche-Capons (Les disparus de St Agil – 1938), le bondissant Fanfan la Tulipe (1952) avec Gérard Philippe (Le décolleté de Gina Lollobrigida, ça sera pour plus tard), les bolides improbables de Raphaël le tatoué (1938), la chèvre et le Larousse de Fernandel dans François 1er (1937). Quand je retombe sur l'un de ces films aujourd'hui, je trouve que certains ont plutôt bien tenu le coup. J'ai même été surpris de découvrir une œuvre comme Le repas des fauves (1964) un huis clos dans lequel, pendant l'occupation, un groupe d'amis est obligé de désigner l'un d'entre eux comme otage par les allemands. Un film amer et d'une rigueur de mise en scène irréprochable. Pour peu que l'on s'y attache, on trouve dans le cinéma de Christian-Jaque de bien belles choses : sa façon de filmer les couloirs déserts dans le pensionnat de St Agil, son sens du rythme, ses effets de montage et ses scènes à suspense, des gros plans saisissants. Et puis il possède une certaine fraicheur du cinéma des origines, un souffle pour l'aventure et une décontraction non feinte qui se perdront, il est vrai dans les dernières années d'une longue carrière.

Parmi tout ces films qui m'ont marqué, l'un de mes tout premiers souvenirs est lié aux Pirates du rail, un film réalisé en 1937. Ça se passe en Chine sur une ligne de chemin de fer construite et gérée par des français, en butte aux raids de seigneurs de la guerre pour lesquels elle est devenue un enjeu. La compagnie est dirigée par la main de fer de l'ingénieur Pierson, joué par Charles Vanel qui va se retrouver au cœur d'un conflit entre deux généraux, Tchou King et Tsai (Erich Von Stroheim et Lucas Gridoux) et un chef de bande, Wang (Valéry Inkijinoff), dont il est frère de sang.

Les pirates du rail affiche.jpg

Dès les premières scènes, nous sommes plongés dans une sorte de western à l'Est avec bandes de cavaliers cavalcadant dans les montagnes, attaque de ville, messages alarmants transmis par télégraphe et téléphone sur la situation de la ligne. Deux trains sont engagés, arriveront-ils à temps ? Il y a très peu de dialogues, surtout des noms exotiques qui aident au dépaysement. Cette première partie est très réussie. Après un superbe panoramique sur une cité chinoise, Christian-Jaque filme une première attaque avec un montage très vif, brisant allègrement la règle des 180°, traduisant le mouvement frénétique de l'assaut. Ce montage lui permet aussi de ne pas s'attarder sur la figuration. J'ai appris bien plus tard que ce film avait été tourné dans les Alpes-Maritimes, dans les studios de la Victorine et sur les lignes de chemin de fer de Cannes-Grasse et de Nice-Digne. Pour qui connait la région, c'est assez amusant. Les gares typiques sont ornées de jolis panneaux en chinois et l'on a fait appel à tous les extras asiatiques du département. Cela n'a sans doute pas suffit puisque l'on peut sans peine reconnaître des physionomies bien méridionales dans les fameux pirates. Mais ce n'est pas pire que bien des indiens dans les westerns d'outre Atlantique.

Mon ancien souvenir est lié à une scène qui a conservé son potentiel de beauté macabre. Le second train est attaqué, de nuit sous l'orage, et mitraillé sans pitié. Un peu plus tard, il arrive en gare, lentement sous une pluie battante. Pierson et ses hommes, déjà bien angoissés, voient s'avancer le convoi sombre, sifflant lugubrement (bande son impeccable sans recours à une musique pléonastique). Le train s'arrête doucement, défilant devant les hommes sur le quai et révélant les cadavres qui pendent aux portières. Le chauffeur blessé s'écroule dans un ultime effort. J'en ai rêvé pendant des années.

Un autre passage m'avait marqué par son étrangeté. La femme de l'ingénieur se rend chez un général pour demander son aide. Elle est introduite dans un palais par un officier étrangement souriant. Elle passe devant des sentinelles raides comme des statues, dans un silence de mausolée. Dans une vaste pièce, elle s'avance vers le général en question, assis à son bureau. Celui-ci s'affaisse d'un coup, mort. Entre derrière elle la silhouette raide et massive d'Erich Von Stroheim. En revoyant cette scène admirable de tension silencieuse et d'esprit feuilletonesque, je me disais que l'on était proche de l'esthétique d'un Von Stenberg. Proche seulement.

Les pirates du rail.jpg

Aujourd'hui, Les pirates du rail garde pour moi un charme entêtant. Il alterne les scènes fortes (celles déjà citées, l'attaque d'un couple sur la ligne et la femme qui devient progressivement folle, les moments avec Von Stroheim), avec des passages plus faibles qui doivent surtout à un scenario mal ficelé et à une certaine désinvolture quand à la crédibilité de certains personnages. Si la première partie est rigoureusement construite, la fin enchaîne les invraisemblances (Tchou King perd d'un coup son armée) et nous transporte dans un monastère certes esthétique mais complètement incongru. Reste que Von Stroheim, tout à fait savoureux en émule asiatique de son personnage de La grande illusion, ressemble autant à un seigneur de la guerre chinois que moi à Bruce Willis. Enfin le film dégage une bonne conscience coloniale bien de son époque, entre Tintin au Congo, les Tarzan MGM et les aventures de Buck Danny. Avec un minimum de recul, ça passe tout seul. Cela peut même prendre un tour exceptionnel avec le duo Doumel (Les rois du Sport, César, Ignace) et Maupi (inoubliable visage pagnolesque, c'est lui le chauffeur de la trilogie). Le premier est Morganti un marseillais sans nuance qui a sa propre méthode de « civilisation ». Maupi joue un indigène surnommé Titin, premier résultat de cette méthode. Résultat : il sert le pastis, rêve d'un bateau sur le port de Marseille, peste contre ses compatriotes et s'exprime avec l'accent du vieux port. A un français admiratif « Il a même l'accent ! », Morganti répond « Qué accent ? ». Si ce n'est pas de la comédie.

Au crédit du film, la musique de Henri Verdun tranche agréablement avec les partitions ronflantes et stridentes de l'époque. Utilisée judicieusement, elle développe quelques thèmes héroïques tout à fait acceptables. La photographie signé de Marcel Lucien, André Germain et Pierre Lebon est souvent réussie, plus dans les séquences d'intérieur et de nuit (l'arrivée du train encore) que dans les extérieurs qui manquent un peu de puissance. Mais certains gros plans (Stroheim, Suzy Prim) sont expressionnistes à souhait et frappent l'imagination. Le film possède enfin une belle distribution. Charles Vanel est un peu raide, comme le veut son rôle mais sans trop de nuance. Simone Renan joue sa femme avec élégance, Suzy Prim y devient folle de façon convaincante. Von Stroheim, Inkijinoff et Lucas Gridoux s'amusent avec leurs personnages chinois. En support, on retrouve avec plaisir Dalio, Maupi, Doumel et le visage inquiétant de Héléna Manson (Le corbeau de H.G. Clouzot).

Les pirates du rail auraient pu être une sorte de Only angels have wings (Seuls les anges ont des ailes – 1939) de Howard Hawks, version ferroviaire. S'il vaut la peine d'être découvert, il n'en est malheureusement pas du même niveau. Il reste le témoin d'un cinéma d'aventure naïf et mouvementé et de la fantaisie de son auteur.

 

Photographie : Première.fr

Affiche : Moviecovers.com

26/03/2009

Ariane

De l'amour entre une très jeune femme et un homme d'âge mûr, le cinéma européen fait volontiers un drame : Tristana (1970) de Luis Bunuel, Noces Blanches (1989) de Jean-Claude Brisseau, La peau douce (1964) de François Truffaut. Le cinéma américain pencherait plutôt pour la comédie et a constitué quelques couples mythiques sur la base d'une différence d'âge conséquente : Lauren Bacall et Humphrey Bogart ou Angie Dickinson et John Wayne. Au coeur des années 50, entre maccarthysme et regain ultime de la censure du code Hays, apparaît la fine silhouette et le visage angélique d'Audrey Hepburn qui aura comme partenaires quelques acteurs qui étaient déjà des stars quand elle portait encore des couches. Le rude Bogart dans Sabrina de Billy Wilder en 1954, l'aérien Fred Astaire dans Funny face de Stanley Donen en 1957 et, la même année, le viril Gary Cooper dans Love in the afternoon « Ariane », toujours de Wilder et qui nous occupe ici.

(La suite sur Kinok)

le DVD

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24/03/2009

Films de vacances

Je suis donc parti passer une semaine à la montagne histoire de prendre l'air et de monter à ma fille comment on fait de la luge et comment on monte un bonhomme de neige. Et puis j'ai emmené quelques films aussi. Pour commencer, je suis tombé à la télévision sur Gentlemen Prefer Blondes (Les hommes préfèrent les blondes - 1953), le film de Howard Hawks avec La Monroe et La Russel. Hélas, c'était La version française dans laquelle même les chansons sont doublées. C'est irregardable, enfin inécoutable. J'ai tenu malgré mon amour pour ce film, une vingtaine de minutes. Je me suis consolé avec The Life and Death of Colonel Blimp (Colonel Blimp - 1943) de Michael Powell et d'Emeric Pressburger film fleuve aussi drôle qu'émouvant et fondamentalement beau. Comme je l'ai dit chez Christophe, je me sens assez incapable d'écrire sur un tel film. Je trouve difficile d'exprimer l'enchantement constant que me procure la mise en scène virtuose, le panache de certaines scènes et le visage de Deborah Kerr.

Devoir de vacances avec Love in the afternoon « Ariane », l'excellente comédie de Billy Wilder avec Audrey Hepburn, Gary Cooper et Maurice Chevalier. Je voulais monter ce film à ma compagne, et ça me permet de le voir une seconde fois pour travailler ma chronique pour Kinok. Contrairement au souvenir que j'avais du film, c'est véritablement une très belle oeuvre placée sous le signe de Lubitsch et il me faudra plusieurs jours pour accoucher de mon texte.

Comme là nous avions le temps, nous en avons profité pour montrer de nouvelles choses à notre fille. Je lui ai dégoté Le chien, le général et les oiseaux (2003) un dessin animé de Francis Nielsen. C'est l'histoire d'un général de l'armée russe qui ne se remet pas d'avoir sacrifié les oiseaux de Moscou pour brûler la ville envahie par l'armée de Napoléon. Devenu vieux, il ne peut se déplacer sans un parapluie car les oiseaux rancuniers lui fientent dessus. Il trouvera la rédemption et le pardon grâce à un chien pas banal. Le conte est joli et le graphisme original. Mais si ma fille a été captivée, le grand air a provoqué rapidement ma somnolence et je vais devoir revoir la chose avant de vous en dire plus.

Un soir un peu tard, seul dans le silence des montagnes sublimes, je me suis regardé Bowfinger, une comédie signée Franck Oz de 1999. Écrit et joué par Steve Martin dont l'humour n'est jamais bien passé chez nous, le film est une ode pleine de bons sentiments au plaisir de faire des films. Martin joue un réalisateur-producteur minable mais sincère qui décide de faire un film avec une grande star qu'il va filmer à son insu. La star, c'est Eddie Murphy qui, comme à son habitude, joue plusieurs rôles dont celui de son jumeau pas célèbre du tout. C'est assez drôle, un cran au dessous du Ed Wood de Burton où du récent Be kind rewind de Gondry. La mise en scène de Oz est assez plate mais respecte les numéros de comédiens qui se régalent visiblement comme Murphy en Star paranoïaque, Terence Stamp en gourou ou Heather Graham en starlette nymphomane.

Madagascar de Tom McGrath et Éric Darnell est une grosse production Dreamworks d'animation en images de synthèse. Ça pète dans tous les sens, c'est très coloré, c'est d'un rythme très rapide, c'est bourré d'idées et ça brosse le spectateur dans le sens du poil. Pour une enfant de trois ans, je pense que c'est un peu trop intense et un peu trop référencé. Cette fois, c'est ma fille qui a décroché. La parodie plutôt amusante du plan final de Planet of the apes (version 1968) avec Charlton Heston désespéré au pied de la statue de la liberté, ça ne lui a pas dit grand chose. Côté esthétique, je ne suis pas très fan du genre mais ici, je reconnais que j'aime beaucoup le commando des quatre pingouins.

Marcello otto e mezzo.jpg

Le suivant, c'était une séance de rattrapage pour ma compagne. Et puis c'est bien tombé, avec toutes ces discussions sur Gran Torino. J'appréhendais un peu de revoir Million dollar baby. C'est le premier film de Clint Eastwood dans sa dernière période que je revois. Je suis resté sous le charme, plus attentif à sa mise en scène qui est quand même l'une de ses plus travaillées. Dans les compositions très sombres, notamment dans la salle de boxe, il y a une beauté qui évite le côté ostentatoire de films plus « prestigieux » (disons Mystic river) mais franchement affirmée contrairement à son dernier opus qui travaille plus dans la discrétion. J'ai bien sûr été tout particulièrement attentif au traitement de la famille de Maggie. Eastwood ne les ménage pas, mais en même temps, ils sont les briseurs de rêve. Je ne crois pourtant pas qu'il faille y voir un équivalent aux « salauds de pauvres » d'Autant Lara. Après tout, tous les personnages de ce film sont des gens durement touchés par la vie, comme Scrap, le personnage de Morgan Freeman ou le jeune Danger. Ce qui les différentie, c'est leur attitude en tant qu'individus. Et c'est de façon profondément individuelle qu'agit, in fine, Frankie.

Retour à un peu de légèreté avec Anastasia, le dessin animé réalisé par Don Bluth et Gary Goldman en 1997. C'était le premier dessin animé produit alors par la 20th Century Fox et j'en avait gardé un souvenir assez fort. Somptueux, le film mêle adroitement les techniques classiques d'animation avec des effets numériques (la séquence du train). Il y a des plans de toute beauté, vastes fresques minutieusement animées : les scènes de bal, la chorégraphie dans les enfers, la séquence de la tempête en mer. Le couple Anastasia / Dimitri fonctionne sur les ressorts les plus classiques de la comédie des années 30/40 avec des dialogues brillants illustrant les disputes des amants en devenir. C'est du travail d'orfèvre. Visiblement, le film fonctionne à ses différents niveaux et si je suis resté sensible au spectacle et à son humour jamais niais, ma fille est restée bouche bée par cette histoire de princesse orpheline, appréciant les nombreuses séquences musicales et le méchant Raspoutine aux morceaux amovibles. La délicieuse chauve-souris Bartok permet en outre de désamorcer les moments les plus terrifiants.

Soirée classique avec le Otto e mezzo (8 ½ - 1963) de Federico Fellini. Je voulais, là encore le montrer à ma compagne qui ne le connaît pas encore. Cette fois, c'est elle qui a piqué du nez à mon grand désappointement. Il faut dire que j'ai récupéré l'édition Criterion, de toute beauté et bourrée de bonus, mais sans sous titrage français. Comme ma compagne ne maîtrise pas l'italien, ce n'était pas évident de suivre avec les sous titres anglais. J'ajouterais que j'ai dû moi-même m'y reprendre à deux fois avant d'apprécier le film. Aujourd'hui, je dois en être à ma huitième vision, et je commence à bien circuler dans les méandres de ce film labyrinthe. J'ai désormais tout le temps de m'attarder sur les plans sublimes baignés de la lumière en noir et blanc de Gianni Di Venanzo (que son nom soit loué), et sur les visages de Claudia Cardinale, Anouk Aimée, Barbara Steele, Sandra Milo, Caterina Boratto et Rosella Falk. Assez, c'est trop, mon regard chavire...

Claudia otto e mezzo.jpg

Conclusion de la semaine avec un ultime dessin animé, mais des meilleurs : La prophétie des grenouilles (2003) de Jacques-Rémy Gired, auquel on doit L'enfant au grelot et le récent Mia et le Migou. Conte humaniste et écologique, variation sur l'histoire de l'Arche de Noé, le film possède un graphisme simple et original. Un brusque déluge amène de nombreux animaux à se réfugier dans une grange montée sur une chambre à air (!) en compagnie d'une famille « recomposée », sous la direction d'un sympathique capitaine-fermier joueur de guitare. Herbivores et carnivores vont de voir se supporter et survivre grâce à une imposante réserve de pommes de terre. Il est amusant de constater que ce film aborde avec franchise le sujet que l'américain Madagascar élude hypocritement. Il s'agit dans les deux cas de l'improbable coexistence entre chasseur et proie. Gired montre, non sans humour mais avec franchise, les renards, lions et tigres plumer et embrocher des poulets dans une crise de violence dont ils seront, quand même, honteux plus tard. Ma fille a adoré (elle l'a déjà vu plusieurs fois) et semble bien comprendre les ressorts du film. J'avoue que pour ma part, j'ai un faible pour le couple d'éléphants auxquels Michel Galabru et Annie Girardot prêtent leurs voix. Le reste de la distribution n'est pas mal non plus avec Michel Piccoli, Anouk Grinberg, Jacques Higelin, Thomas Fersen et quelques autres.

Les meilleurs choses ont une fin, les vacances aussi. J'ai aussi vu Welcome en salle et il va falloir que je travaille là-dessus.

Photographies : capture DVD Criterion

18/03/2009

Interlude musical (Une semaine de vacances)

16/03/2009

Chez le bouquiniste

Film complet.JPG

14/03/2009

Le genou de Claire

Le genou de Claire c'est d'abord la belle barbe de Jean-Claude Brialy dans le rôle de Jérôme qui me fait toujours irrésistiblement penser à celle que portait mon père dans les années 70. Ce sont les chaussettes blanches de collégienne que porte Béatrice Romand quand elle entre dans le cinéma de Rohmer. C'est la blondeur de Fabrice Lucchini au début de sa carrière, qui fait lui aussi sa première apparition chez le maître. C'est le teint pain d'épice et les courbes délicates de Laurence de Monaghan au genou tentateur et si parfait. C'est l'accent roumain de Aurora Cornu, sa démarche posée et ses mains délicates.

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Capture DVD Opening

Le genou de Claire est l'une des plus éclatantes réussites d'Eric Rohmer. Il suit immédiatement Ma nuit chez Maud et peu se voir comme un contre-pied. A la neige de Clermont-Ferrand, au noir et blanc de Nestor Almendros, aux dialogues en profondeur sur la foi, Pascal et l'amour, au visage un rien sévère de Jean-Louis Trintignant se substituent le soleil d'été sur le lac d'Annecy, les cerisiers sous la brise, les couleurs de montagne du même chef opérateur, un marivaudage (le terme est particulièrement bien adapté ici) brillant et la décontraction barbue de Jean Claude Brialy. Le film a la grâce et la légèreté des jeunes filles en fleur. Le rose est sa couleur, comme celle de ses intertitres.

(La suite sur Kinok)

Le DVD

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12/03/2009

Gran Torino pour les nuls

J'avoue que ça me réjouis assez de voir, face à l'unanimité louangeuse de la critique officielle, que c'est sur la blogosphère que les avis sont plus tranchés et que les esprits s'échauffent autour du Gran Torino de Clint Eastwood. Je suis plus sceptique sur les empoignades autour du présupposé racisme d'Eastwood et de son film, qui tournent vite au dialogue de sourd. Les échanges autour du texte de Jean-Baptiste Morain sur le site des Inrocks sont exemplaires (façon de parler). Cette histoire de racisme me semble passer à côté de ce qu'est le film mais de cela, j'en ai déjà parlé. Ce qui se joue dans le texte de Morain, et qui fait que ça tourne en rond, c'est que son attaque du film l'amène à attaquer ceux qui l'ont aimé, ses lecteurs au passage, puisque le film selon lui permet à ses admirateurs « d'exprimer sans remords ni conséquence leur racisme larvé ». Morain a regretté cette phrase dans l'un de ses commentaires et je lui en sais gré, mais c'est révélateur de cette manie que l'on a de vous sommer de choisir votre camp. Chose que je déteste entre toutes. Holà, camarade ! Es-tu Val ou Siné ? Royal ou Aubry ? Fromage ou dessert ? Critique dialectique ou poétique ? Misère...

Ceci posé, j'avais envie de revenir sur film par un autre angle : celui de sa mise en scène. Ses détracteurs l'ont souvent attaqué là-dessus sur l'air de la platitude tandis que les louangeurs en restaient souvent à la performance de l'acteur sans entrer dans le détail. Cela tient je crois à la pratique d'une forme classique de cinéma par Eastwood qui ne se prête pas facilement à l'analyse à l'opposé de celles, pour reprendre les exemples de Ed sur Nightswimming, de David Lynch ou Gus Van Sant. J'ai donc eu envie de voir un peu comment était faite une scène du film, celle qui m'a servi de déclencheur et qui circule sur Internet. Histoire de voir ce qu'il y a sous le capot de la Gran Torino. D'ou le titre de la note, que personne ne se sente visé. Voici :

Le premier plan est un élégant mouvement de grue descendant qui nous approche de Sue et son ami marchant dans une rue vers nous. Ce qui frappe, c'est que le plan démarre sur la clôture barbelée qui entoure un pavillon. On note que le plan englobe toute une partie de la rue, une de ces rues de banlieues typiques des États-Unis, et que la maison du premier plan est la seule à être clôturée ainsi. Gran Torino est un film construit largement sur la notion de territoire. Dans l'univers du western, la clôture c'est le conflit, le danger, c'est Kirk Douglas empêtré dans les barbelés. La porte ruinée devant laquelle ils passent est comme le symbole mis à bas de l'accueil et de la propriété, valeurs américaines basiques. Il est ainsi clairement signifié que le couple pénètre dans une zone dangereuse et ces signes de danger contrastent avec leur attitude nonchalante et leur dialogue insignifiant. Bingo. La caméra les suit dans le virage et le cadre les coince entre la clôture et le groupe des trois jeunes noirs. Jolie maîtrise de l'espace.

Confrontation entre les trois noirs et le couple, c'est le jeune homme qui tente de faire croire qu'il n'ont pas transgressé le territoire parce qu'ils en font partie. Il tente des signes de reconnaissance, : gestes et paroles. Ça tombe à plat. La mise en scène enchaîne des plans moyens animés d'un léger mouvement qui s'oppose au mouvement tournant des trois jeunes noirs. Le cadre encercle littéralement le couple et le coince contre la clôture. Ce qui m'avait frappé à la première vision, c'est ce mouvement de la caméra, qui donne une impression de porté mais reste maîtrisé, sans doute à la steadycam. Il se superpose à une sorte de balancement qui redouble l'effet de balancement des corps et les souligne ironiquement. On est loin d'une banale caméra à l'épaule.

Dans l'étape suivante, les trois jeunes noirs s'en prennent directement au jeune homme et l'éjectent littéralement du cadre à plusieurs reprises. La sensation de violence suspendue est accentuée par le resserrement du cadre qui rend le danger moins visible, témoin l'irruption de la main qui renverse la casquette sans que l'on voit l'agresseur.

Arrivée du héros dans sa camionnette. Une sorte de mini ellipse dans l'espace dont la continuité est assurée par le son. C'est un très beau plan large, peut être un peu trop court, suivi d'un mouvement en avant sur le visage de Kowalski. Eastwood va convoquer ici deux figures mythiques, L'homme sans nom et l'inspecteur Harry. Le brusque changement de point de vue et l'élargissement du cadre donnent une aura immédiate au véhicule puis à celui qui le conduit. Tout à coup, il est là. Pas de raison particulière. C'est ainsi qu'Eastwood apparaît dans nombre de ses westerns et dans le fondateur Per un pugno di dollari. Dans les films avec l'inspecteur Harry, il est toujours là où ça se passe, mais il est généralement déjà en scène (il vient prendre son café ou manger un morceau). C'est un plan qui a un côté très années 70, comme en on a vu de superbes dans Assaut ou Halloween de John Carpenter.

Le saut dans l'espace qui suit accentue la violence fait au jeune homme coincé contre la clôture. Il est mis hors du coup et la scène reprend avec une variante. Cette fois, c'est Sue qui s'oppose au groupe mais elle a choisi de se défendre et tente de rompre l'encerclement tout en insultant copieusement ses agresseurs. Kowalski amène alors sa camionnette en bordure du « territoire » des jeunes noirs et ceux-ci se disposent en triangle, selon une géométrie classique pour les admirateurs de Sergio Léone.

La descente d'Eastwood est un grand moment. D'abord, il est là, même de dos, dans la camionnette, le visage se reflétant discrètement dans le rétroviseur. A de nombreuses reprises, Kowalski sera ainsi filmé en un reflet, face à un miroir. Quand il sort, il est dans un premier temps sur la chaussée et donc apparaît plus petit que ses antagonistes. Puis il fait un pas en avant et monte sur le trottoir tandis que la caméra s'avance un petit peu. Cela donne l'impression qu'il domine tout à coup, qu'il s'étire sur la hauteur du cadre. C'est un procédé que John Ford utilisait avec Henry Fonda, façon d'accentuer sa domination morale. C'est assez subtil et c'est le genre de trouvaille qui me met en joie, comme un coup de crayon bien placé dans un dessin de Franquin. Et puis il crache mais on ne va pas revenir là-dessus.

Lors de la confrontation qui suit, on retrouve le même mouvement oscillant de la caméra mais cette fois, il épouse les mouvements de Kowalski qui vise les jeunes avec son doigt. Le danger, cette fois, c'est lui. « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme ». Il s'agit pour Kowalski d'envahir le territoire des jeunes noirs et de s'y affirmer pour « exfiltrer » Sue. Son entrée sur le territoire se fait par ses irruptions dans le cadre, d'abord le doigt, puis, comme cela ne suffit pas, il dégaine son arme, convoquant cette fois un geste (et un cadre) vingt fois vu chez Harry Callahan, qui traverse le plan comme l'a fait tout à l'heure le bras qui retire la casquette. La symétrie jusqu'au bout, c'est à cela que l'on reconnaît une belle mise en scène classique. La sortie de l'arme correspond aussi au début d'une musique façon Lalo Schiffrin, assez martiale avec roulement de tambour. On est en plein dans le retour du mythe.

La jeune fille dans la camionnette, reste le jeune homme. On peut dire que Eastwood manifeste le mépris de Kowalski pour son attitude conciliante en les séparant nettement des plans. On entend la voix du jeune homme sur un plan de Kowalski puis celui-ci, tout en l'insultant, le pointe de son arme comme il l'a fait avec les trois jeunes noirs. Mais alors que l'un des deniers plans montre Kowalski de profil dans le même cadre que les trois jeunes noirs, il n'apparait jamais dans le même plan que le jeune homme. Il lui refuse cet « honneur ». Malheur aux vaincus. On peut presque sentir une sorte de sympathie entre le polonais et les trois noirs, ils s'acceptent comme adversaires. Ce qui est accentuée par le plan large sur le dialogue qui détend la toute fin de la séquence.

Voilà, nous sommes bien avancés. C'est pour moi une façon de faire très maîtrisée mais très peu ostentatoire. La forme se coule dans l'action et la mise en place de celle-ci sait prendre son temps. Nous sommes dans un style que je trouve proche des classiques des années 60 et 70, Don Siegel en tête, mais aussi Franklin J. Schaffner, Richard C. Sarafian ou même Peter Yates. Éloignée quand même de celui d'un John Ford dont les plans ont une force poétique indéniablement plus grande, ou d'un Howard Hawks ou d'un Sergio Léone qui ont des dispositifs bien plus sophistiqués. Merci de votre attention et à la semaine prochaine. Sortez en rang et que le grand Cric ne vous croque pas.

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