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04/01/2015

2014, petit bilan

Trois chefs d’œuvre, deux inédits excitants, un film sensible, deux fidélités, un western agréable, un court métrage : dix, le compte y est. le-vent-se-leve-11.jpg

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De haut en bas et plutôt dans l'ordre : Kaze tachinu (Le vent se lève) de Hayao Miyazaki,  Kaguya-hime no monogatari (Le Conte de la princesse Kaguya) de Isao Takahata, Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, Kodachrome de Agathe Corniquet, Julien Doigny, Nicolas Lebecque, Thyl Mariage et Lydie Wisshaupt-Claudel, La chambre bleue de Mathieu Amalric, La machina de Thierry Paladino, Jimmy's hall de Ken Loach, Au fil d'Ariane de Robert Guédiguian, The salvation de Kristian Levring et  Moul lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq. Photographies : Studios Ghibli - Le pacte - Alfama films - Zentropa - DR.

22/06/2014

Petits carnets cannois (2)

Irlande

Avec Jimmy's hall, Ken Loach revient à son meilleur. Si ce doit être son dernier film, comme il l'a annoncé, ce serait une belle conclusion à sa filmographie. Loach n'a rien perdu de sa verve militante, ce que ne manqueront pas de lui reprocher ses détracteurs habituels, ni de ce rien de naïveté qui fait tout son charme et l'amène à conserver vivante la flamme de l'espoir au terme de récits de défaites. Les hommes tombent mais cette flamme se transmet. Il me semble surtout que de situer ses histoires dans le passé oblige le réalisateur à travailler plus sa mise en scène, à trouver des solutions cinématographiques pour la reconstitution, pour rendre vivante l'époque utilisée. Il y a une richesse visuelle dans Land and freedom (1995) ou The wind that shakes the barley (Le vent se lève – 2006) absente des contemporains Looking for Éric (2009) ou Bread and roses (2000). Avec Jimmy's hall, nous sommes dans l'Irlande des années trente pour suivre l'expérience collective de Jimmy Gralton qui ouvre à travers un danging en pleine campagne un lieu d'éducation populaire, de culture et de militantisme. Une sorte de MJC alternative quoi. Il se heurte sans surprise aux puissants, l'église en premier lieu, suivie de l'IRA et des gros propriétaires, alliance du sabre, du goupillon et de l'argent. Loach intègre en filigrane un discours sur le fondamentalisme religieux valable pour les intégristes de tout poil et de toutes convictions. Il synthétise avec ce récit l'essence de son combat et cela fonctionne plutôt bien. D'abord parce que Jimmy, incarné par Barry Ward, est un porte parole idéal et idéalisé qui ramène à de prestigieux modèles comme le Tom Joad de Henry Fonda, ensuite parce que le film est porté par un souffle, un rythme assuré qui emballe le discours dans un grand mouvement. Il y a aussi la belle photographie de Robbie Ryan, la musique de l'inamovible George Fenton, la beauté de Simone Kirby et l'énergie d'une troupe d'acteurs irlandais homogènes et enthousiasmants. Comme dans Land and freedom qui reste pour moi son chef-d'œuvre, Loach sait rendre dynamique les échanges au sein d'un groupe, l'intelligence et la soif de savoir collectives. Loach soigne également quelques personnages mémorables comme ce prêtre progressiste ou la mère fordienne de Jimmy, et donne de belles scènes comme la danse nocturne où la scène finale où les jeunes du village accompagnent Jimmy emmené par la police en exil. Une fin loachienne au possible. Naïve et sincère, musicale et intense.

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Vive Takahata !

Belle occasion manquée pour le festival de mettre en avant Isao Takahata, compagnon de route de Hayao Miyazaki avec lequel il fonda dans les années 80 le studio Ghibli. Kaguya-hime no monogatari (Le Conte de la princesse Kaguya – 2013), film d'animation que son auteur annonce comme son dernier (quelle épidémie !), a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs quand la sélection officielle présentait hors compétition Dragon 2. L'écart entre ces deux films est tel qu'il se passe de commentaire. Restons donc à un niveau acceptable et risquons la comparaison entre Takahata et, disons, Alain Resnais. De Cello hiki no Gōshu (Gōshu le violoncelliste – 1982) à Pompoko (1994) en passant par Hotaru no haka (Le tombeau des lucioles – 1988), Isao Takahata aura fait des films très différents, se lançant des défis formels toujours renouvelés tout en gardant un ton propre. Il mêle avec bonheur des éléments intellectuels (adaptations littéraires, calligraphie, peinture traditionnelle, philosophie, musique, religion...) avec des formes populaires (le manga, le burlesque, la caricature, le fantastique). Takahata sait aborder les convulsions les plus douloureuses de son temps sans se départir d'une étrange douceur, sans sacrifier ni à la poésie, ni à l'humour. Il a vu, lui, quelque chose à Hiroshima. Un maître, dis-je.

Kaguya-hime no monogatari est une nouvelle démonstration éclatante de son art. Inspiré d'un conte traditionnel Le Conte du coupeur de bambou, le film suit la destinée d'une petite princesse recueillie par un couple de paysans, grandissant à une vitesse surhumaine au sein d'une vie simple et naturelle. Kaguya va être victime des ambitions de son père, lui-même victime d'un système social féodal rigide. Le brave homme aimant sincèrement l'enfant cherche à faire son bonheur selon les normes de pensée en vigueur et va donc chercher à lui trouver un riche et puissant époux, sollicitant les grands du royaume et jusqu'à l'empereur lui-même. Ce faisant, il la coupe de ses racines et de cette vie simple où elle a rencontré un aimable jeune paysan, amenant le malheur et le drame. Récit initiatique, conte moral, réflexion sur la destinée humaine, je ne puis lire ce film qu'à travers ma culture occidentale, celle des contes de Grimm ou d'Andersen, et je n'ai donc que des intuitions sur la relation que l'œuvre entretien, relation profonde sans doute, avec les religions japonaises, le shintoïsme et le bouddhisme, le cycle de la vie et la réincarnation en particulier. Mais la spiritualité du film émane de ses images, du finale impressionnant dont la dernière image renvoie au 2001 de Stanley Kubrick. Un dernier plan qui, si Takahata a dit vrai, sera une pièce de choix pour la collection de Buster.

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Visuellement, Kaguya-hime no monogatari est une splendeur graphique incroyable, un grand coup d'air frais dans notre ère de numérique criard. Équilibre des compositions, beauté des estampes classiques, infinie délicatesse des pastels, formes plus ludiques venues des mangas, simplicité expressive des traits, le film ose l'hétérogénéité justifiée par les tonalités émotionnelles du récit. Là où Miyazaki est mouvement, Takahata est souvent plus contemplatif, parfois immobile pour laisser le spectateur se pénétrer de la beauté d'un plan, de l'harmonie d'une image. Il joue aussi en virtuose des variations de lumière via la couleur et sait à l'occasion utiliser le mouvement comme dans cette scène du cauchemar de la princesse. Joe Hisaishi, précieux partenaire, offre une nouvelle partition dont la faculté de renouvellement n'inspire que le plus profond respect.

Photographies © Sixteen Filmset Ghibli.

17/11/2013

Politique et cinéma (partie 2)

Suite (et fin) sans langue de bois du questionnaire de Cinématique.

11) L'anarchisme au cinéma, c'est qui ou quoi ? 

Quoi : les petites communautés autonomes des films de Howard Hawks, Hatari ! (1962) de façon exemplaire.

Qui : Luis Bunuel.

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12) Quelle est la meilleure biographie filmée d'une femme ou d'un homme de pouvoir ? 

Lincoln (2012) de Steven Spielberg, qui est aussi une réponse possible à la question 10.

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13) De quelle femme ou quel homme de pouvoir, aimeriez-vous voir filmer la biographie ?   

Michel Rocard sous forme de comédie musicale. Pierre Larrouturou incarné par Denis Podalydès.

14) Au cinéma, quel personnage de fiction évoque le style des politiciens français suivants : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ? (vous pouvez en choisir d'autres) 

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De gauche (!) à droite : Jean-Luc Mélenchon, François Hollande et Nicolas Sarkozy.

Marine Le Pen : le personnage joué par Al Mulock (Quand on tire, on raconte pas sa vie)

François Bayrou  : Le frère de Tuco

Jean-François Copé : le mexicain au brin d'herbe (T'as pas la tête de celui qui va les toucher)

Jean-Louis Borloo : le capitaine nordiste (facile)

15) Quel film de propagande n'en est-il pas moins un grand film  ?

Beaucoup de grands films sont des films de propagande, tout dépend de ce que l'on met dans ce mot. Le dernier vu en date, et bien que Lang s'en soit défendu, : Man hunt (Chasse à l'homme – 1941) qui milite ouvertement pour l'intervention de l'Amérique. Dans un registre plus léger :

16) Quel a été pour vous, en France, le meilleur Ministre de la Culture ? Expliquez pourquoi en deux mots.  

Jack Lang. Je ne sais pas vraiment dans quelle mesure il y était pour quelque chose, mais de 1981 à 1986, j'aimais le cinéma à la télévision (et d'autres choses aussi). Après...

17) Quel est le meilleur « film de procès » 

La poison(1951) de Sacha Guitry.

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18) Quel film vous paraît le plus lucide sur le quatrième pouvoir (les medias) ? 

Deadline U.S.A. (Bas les masques - 1952)de Richard Brooks.

19) Citez un film que vous aimez et qui vous semble assurément « de droite ». 

Mad Max (1979 de George Miller.

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20) Citez un film que vous aimez et qui vous semble certainement « de gauche ».

Land and freedom(1995) de Ken Loach.  

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27/05/2009

Cannes 2009 - jour 3

Football, chirurgie et rendez-vous manqué

Looking for Éric, le film proposé cette année par Ken Loach, est désarmant. Il se suit sans ennui ni passion et j'y ai ris plus d'une fois (la séance de "détente mentale" est irrésistible). Sur le fond, c'est la même histoire que Play it again, Sam, le film de 1972 réalisé par Herbert Ross avec Woody Allen, séducteur timide qui trouvait de l'aide auprès du fantôme d'Humphrey Bogart. Ici, c'est un postier anglais, Éric, la quarantaine sur le retour, qui reconquiert son ex-femme, ses fils et l'estime de lui-même avec le concours de l'ectoplasme d'Éric Cantona. Pourquoi pas ? Le problème est que Loach se contente de refaire des choses déjà vues en mieux au sein même de sa carrière. C'est la même histoire que My name is Joe (1998) ou Raining stones (1993), les aphorismes en plus. Pire, toute cette histoire autour du gang dans lequel est entré l'un des fils et qui finit par terroriser la petite famille fonctionne très mal. J'ai pensé pas mal au Gran Torino de Clint Eastwood, mais là où l'américain en fait le moteur de sa fiction, l'anglais et son scénariste fétiche Paul Laverty plaquent péniblement une intrigue-prétexte, artificielle, comme s'ils n'avaient pas assez confiance en leurs propres personnages. Et puis Cantona... Il faut dire que je suis totalement hermétique à la chose footbalistique. On rit beaucoup avec lui. Il a beau avoir commandité le film, on se demande constamment si c'est du lard ou du cochon et si l'on est pas en train de rire de lui. L'autodérision, les mouettes et les sardines et toutes ces sortes de choses, trouvent leurs limites et tournent au répétitif. Dommage.

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Loach et Cantona : source site du film

Question mise en scène, Loach en reste aussi au service minimum, sur un style rôdé. La caméra est assez mobile, toujours très près des personnages, une photographie sans relief donne à l'ensemble un aspect un peu terne. Rien de saillant sauf quelques effets brutaux comme l'irruption de la police lors du repas de famille. J'en suis venu à penser que Loach est plus doué quand il fait se télescoper ce style avec des sujets historiques, créant alors des formes inédites et exaltantes comme l'attaque du village et la réunion politique dans Land and freedom (1995) ou les embuscades de The Wind that Shakes the Barley (Le Vent se lève - 2006). La rencontre du travail intimiste de la caméra et des exigences de l'action épique est nettement plus excitante. De ce que j'ai pu voir, Loach est finalement le seul à avoir donné cette année une oeuvre de routine, assez loin de ses plus belles réussites.

L'après midi, j'ai revu avec plaisir l'ami Joachim qui vous raconte plus à chaud sa semaine sur 365 jours ouvrables. Nous avions décidé de découvrir ensemble le nouvel opus d'Alain Guiraudie, Le roi de l'évasion, mais nous n'avons pu accéder à la séance de la Quinzaine des réalisateurs. Rendez vous manqué, frustrant quand on pense aux difficultés qu'il y a à voir les films de cet auteur en temps normal.

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Les yeux sans visage : source Electric sheep

Pour me consoler, j'ai lâchement abandonné mon camarade pour revoir Les yeux sans visage de Georges Franju, l'un des deux ou trois plus beaux films fantastiques français. Réalisé en 1960, ce film est resté sans véritable descendance, même s'il a acquit le statut de classique. La poésie d'Edith Scob, de son masque blanc et de son long cou gracile fascine toujours, comme l'opération du visage continue d'arracher des cris horrifiés au public. Alida Valli est toujours aussi émouvante avec son amour refoulé pour le terrible chirurgien Pierre Brasseur dont le fils, Claude, est à jamais un juvénile inspecteur. Ce qui est amusant aussi, ce sont les divers appareils chirurgicaux, notamment un appareil pour les encéphalogrammes, qui resurgissent pour nous rappeler un passé qui semble si lointain. C'est comme les voitures dans les films de Godard et de Truffaut, elles ajoutent aujourd'hui un charme supplémentaire. La copie a été restaurée par Gaumont et c'est du beau travail qui rend toute la profondeur de la photographie en noir et blanc de Eugen Schüfftan qui avait travaillé avec Fritz Lang. Les noirs sont particulièrement intenses. Je ne me souvenais plus que c'était Maurice Jarre qui avait composé la partition. C'est l'une de ses premières grandes oeuvres pour le cinéma dans laquelle s'affirme déjà un style plutôt moderne (percussions, accents jazz), singulier, bien en phase avec ce conte macabre et intemporel qui n'a rien perdu de son charme ni de son éclat.

(à suivre)