04/01/2015
2014, petit bilan
Trois chefs d’œuvre, deux inédits excitants, un film sensible, deux fidélités, un western agréable, un court métrage : dix, le compte y est.
De haut en bas et plutôt dans l'ordre : Kaze tachinu (Le vent se lève) de Hayao Miyazaki, Kaguya-hime no monogatari (Le Conte de la princesse Kaguya) de Isao Takahata, Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, Kodachrome de Agathe Corniquet, Julien Doigny, Nicolas Lebecque, Thyl Mariage et Lydie Wisshaupt-Claudel, La chambre bleue de Mathieu Amalric, La machina de Thierry Paladino, Jimmy's hall de Ken Loach, Au fil d'Ariane de Robert Guédiguian, The salvation de Kristian Levring et Moul lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq. Photographies : Studios Ghibli - Le pacte - Alfama films - Zentropa - DR.
15:21 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : 2014, robert guédiguian, hayao miyazaki, isao takahata, super 8, thierry paladino, ken loach, mathieu amalric, abderrahmane sissako, agathe corniquet, julien doigny, nicolas lebecque, thyl mariage, lydie wisshaupt-claudel, kamal lazraq, kristian levring | Facebook | Imprimer | |
01/01/2015
2014, des films (2eme semestre)
Espagne encore avec le Mourir à Madrid (1963) de Frédéric Rossif. J'en connaissais le commentaire pour l'avoir lu dans un poche marabout que possède mon père. Quelques nouveaux titres pour Les Fiches : The fan (L'éventail de lady Windermere - 1949) d'Otto Preminger avec une délicieuse Jeanne Crain que j'ai envoie de revoir ailleurs, The brink's job (Têtes vides cherchent coffres plein – 1978), comédie de William Friedkin ce qui est rare, une poignée de films de science fiction italiens des années soixante assez peu convaincants, et The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) de John Huston avec le piano, la superbe scène de la tempête de sable, la musique de Dimitri Tiomkin, le bonheur quoi. Je mets la main sur un film peu connu de Sergio Corbucci, Donne armate, polar qu'il tourne pour la télévision en 1989. Ce sera son avant dernier. J'y retrouve Christina Marsillach, une pointe d'influence argentesque, et une actrice que je découvre, Lina Sastri. Corbucci se révèle très à l'aise en féminisant son couple de héros habituel. Beau travail. Je regarde avec ma fille Reverendo Colt (Le Colt du révérend – 1970) western de Leon Klimovsky, et je m'endors devant. A mon réveil, ma fille me dit que c'était bien, alors je m'y remets.
Sur Baloonnatic, Buster signale la reprise d'une comédie de Preston Sturges The miracle of Morgan Creek (Miracle au village – 1942). Je fais le rapprochement avec Hail the Conquering Hero (Héros d'occasion – 1944) du même réalisateur avec le même acteur Eddie Bracken. Celui-ci, je l'ai parce que la vedette féminine est la sublime Ella Raines, mais les choses étant ce qu'elles sont, je ne l'ai pas encore vu. Du coup je fais un doublé et c'est l'extase. Dans ...Morgan Creek, Bracken essaye de tirer d'affaire Betty Hutton qui s'est retrouvée enceinte sans savoir de qui. Postulat hardi pour l'époque dont Sturges se tire haut la main sans un poil de vulgarité. Dans ...Conquering hero, Braken qui a été réformé pour un rhume des foins chronique, est pris en charge par six marines qui décident de sauver l'honneur en le faisant passer pour un héros dans son petit village. Là encore on mesurera l'audace du scénario dans une Amérique en guerre. Dans les deux cas, Sturges fait preuve d'un haut sens de la mécanique comique, compliquant à loisir des situations qu'il pousse à leur point de rupture, tout proche du drame, pour les dénouer avec élégance. M'épatent l'ampleur de sa mise en scène dans les mouvements de foule et la capacité à faire vivre tout un petit peuple très américain qu'il peint avec chaleur, tendresse et une pointe d'ironie. Il joue en virtuose des grandes figures de l'Americana : la tarte aux pommes, la mère, les communautés rurales et les barrières blanches devant les maisons de bois. Ella Raines en tailleur blanc est à tomber et Betty Hutton fait preuve d'un tempérament comique dévastateur. Merci, Buster.
Sur Internet le bon Dr Orlof fête les dix ans de son journal cinéma avec plein d'invités. C'est l'occasion de retrouver d'anciennes connaissances virtuelles. Le Dr Devo cite au passage le cinéaste Don Coscarelli. Bon sang, mais c'est que je n'ai jamais vu son Phantasm de 1979. Pourtant son image de boule argentée volante et mortelle m'avait marquée en son temps. Allez, j'enquille le film et suit avec le très original Bubba Ho-Tep (2002). Conquis, voilà un cinéma fantastique que j'aime, imaginatif et viscéral, enrichissant l’imaginaire, avec un ton, un style personnel comme chez John Carpenter ou George Romero à son meilleur. Je fais partager à ma fille la conquête de l'espace vue par Philip Kaufman dans The right Stuff (1984) puis par Stanley Kubrick. Cette fois elle hésite un peu devant 2001 car je me refuse à lui donner la moindre information sur le film. A mon grand plaisir, elle suit même après la dernière partie, vers Jupiter et au-delà. Bien sûr, elle me demande ce que cela signifie et je lui avoue que je n'en sais pas plus qu'elle. Chacun doit trouver ses réponses.
The purple plain (La flamme pourpre – 1954), délicat film de guerre si l'on peut dire, me plonge dans la filmographie de Robert Parrish d'où je ressorts avec son western rare Saddle the wind (Libre comme le vent – 1958). Julie London y chante la chanson titre à un John Cassavetes à ses genoux et c'est très beau. Autre grand moment de l'année, je fini par mettre la main sur un film qui est une très vieille obsession, Cinq tulipes rouges (1949) de Jean Stelli. Cette histoire policière de vengeance sur le tour de France n'a rien du chef d’œuvre méconnu, mais il m'a marqué enfant au point que je fais rarement du vélo sans penser à la scène où un cycliste fait une chute parce qu'on a scié son guidon. Pas revu depuis peut être quarante ans, je fais abstractions des faiblesses de la chose pour jouer le jeu à fond et me délecter de tout l'arrière plan d'une France décontractée après la tourmente de la guerre. Je savoure la moindre miette de cette madeleine.
S’enchaînent quelques pellicules agréables, Téléphone en concert et en split screen, De Broca par la queue, le dernier Astaire-Rogers qui me manquait, James Bond qui retrouve son Aston Martin, un Disney Song of the south (1948) que l'on tente de faire oublier, la vision semestrielle du requin de Steven Spielberg (vous reprendrez bien un petit récit de l'USS Indianapolis ?), un Daminano Damiani contre la Mafia avec la Cardinale et le Franco Nero. Je suis en roue libre. Et en plein conflit social, du coup je participe a minima à Un festival c'est trop court, le festival du court métrage de Nice en octobre. Je vois quand même une programmation régionale intéressante et à la soirée de clôture quelques jolies choses dont Moul lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq, qui plonge son jeune héros un rien renfermé dans un voyage au cœur des bas-fonds de Casablanca pour tenter de retrouver son chien qui lui a été enlevé sur la plage. Le côté cauchemardesque de l'aventure et la climat de violence qui baigne le film sont remarquables, comme tous les acteurs non professionnels, souvent proches de leurs personnages.
Pour les Fiches, je découvre le cinéaste Henri de La Falaise et ses films qui mélangent documentaires exotiques (Bali, l'ancienne Indochine) et fiction. Tourné en 1935, Legong bénéficie de l'un des premiers procédés technicolor et c'est une splendeur. De La falaise fait preuve d'une sensualité dans ses images tout à fait remarquable. Coffret Prévert ensuite avec un long documentaire que Pierre consacre en 1960 à Jacques et une jolie collection de court-métrages réalisés par les deux hommes. Du coup je m'offre une belle édition des œuvres du poète. Corbucci inédit de nouveau avec sa version de Robinson Crusoé tournée en 1976 avec Paolo Villaggio et la très belle Zeudi Araya. Curieux portrait souvent très drôle, parfois cruel, de l'auteur en naufragé. Robinson est un italien aisé, aliéné comme on dit par le monde moderne, qui va faire l'expérience de la vie sauvage avec un manque notable de sens pratique. Vendredi devient une sculpturale fille des îles que Corbucci filme avec beaucoup de... naturel. Il va falloir que je me penche sur ce film important chez mon réalisateur fétiche.
Quelques films anecdotiques plus loin, j'ai une soudaine et irrépressible envie de Jean Grémillon et revois Lumière d'été (1942). Je me sens mieux, je vais récupérer Remorques (1940) dont j'ai lu le roman de Roger Vercel cette année. Dans un entretien pour Midi-Minuit Fantastique, Jacques Tourneur, déclare aimer beaucoup The uninvited (La falaise mystérieuse – 1944) de Lewis Allen. Dans ce film, il y a Gail Russel, actrice délicate que j'ai adoré aux côtés de John Wayne à la fin des années quarante. Hop. Le film est superbe, classique histoire de fantômes pas très loin de Mrs Muir, mais traitée avec un mélange de subtilité, de premier degré dans les effets et de décalages bienvenus comme la façon la sœur du héros envisage la présence de fantômes dans la grande demeure qu'ils ont acheté ensembles. C'est pour ce film qu'à été composé le superbe standard Stella by starlight par Victor Young. Gail Russel dont c'est le premier rôle important est excellente avec son air fragile et, d’émotion, je revois Angel and the bad man (L'ange et le mauvais garçon – 1947). Russel est l'ange, Wayne le mauvais garçon qui sera vite repenti, le film toujours délicieux. Comme c'est Halloween, je propose à ma fille Bride of Frankenstein (La fiancée de Frankenstein - 1935). Vieux souvenir, La bourse et la vie (1966) de Jean-Pierre Mocky dont je me souvenais avoir vu les trois dernières minutes il y a bien trente ans. Comédie de voyage assez réussie, plutôt gentille de la part de Mocky, avec des numéros formidables de Darry Cowl, Jean Poiret, Michel Galabru et Michel Lonsdale, et puis la très jolie Marilù Tolo et les têtes habituelles de l'auteur. Quelques jolies reprises dans la foulée des rétrospectives Zoom Arrière avec Melville, Corbucci, et le condé de Boisset. Je me mets sous les yeux La Novia Ensangrentada (La Mariée sanglante) signé Vicente Aranda en 1972, un film d'horreur inspiré de la Carmilla de Sheridan Le Fanu mais situé dans l'Espagne de la fin du franquisme. Le film peut se lire de plusieurs façons, matérialisation des craintes de l'héroïne face à la sexualité, critique sociale et politique d'un pays dominé par le machisme, histoire de vampirisme actualisée, mais dans tous les cas il est assez radical. Il est étonnant qu'une telle production ait vu le jour dans un pays encore très corseté, mais c'est peut être la raison. Nombre de films fantastiques de cette période sont audacieux, y compris selon nos standards actuels. Le film vient d'être édité par les éditions Artus, mais j'en avais une copie venue d'Angleterre.
Science-fiction soviétique un rien désuète, un Duvivier période américaine avec un superbe duo Ginger Rogers – Henry Fonda, qui me donne envie de revoir Panique (1946) et sa place des fêtes où vivaient mes parents jeunes, film indépendant américain un rien monté en épingle, un polar signé Castellari avec Franco Nero en citoyen rebelle. Inisfree a 10 ans. J'arrive doucement aux Rencontres, la manifestation que j'organise chaque année avec mon association. Des films présentés, je retiens deux longs métrages originaux et très aboutis : Kodachrome de cinq belges Agathe Corniquet, Julien Doigny, Nicolas Lebecque, Thyl Mariage et Lydie Wisshaupt-Claudel. Documentaire sur un voyage entrepris par les quatre premiers en Amérique, à la recherche du dernier laboratoire développant le procédé Kodachrome avant son arrêt définitif. Le film est une réflexion sur l'acte créateur, le monde comme il va, le cinéma comme on peut le pratiquer. Les images sont surtout du super 8, avec un peu de 16mm et un tout petit peu de vidéo. Outre la forme du road-movie, le film revisite les grands thèmes du super 8 : film de voyage, film de mariage, visite de ville nez en l'air pour filmer les buildings, reportage, film de vacances, film entre amis. C'est intelligent, parfois émouvant et bien construit utilisant même les contraintes de ces formats. A découvrir en espérant que le film, qui va de festival en festival, pourra être édité en DVD. L'autre beau film, c'est La machina de Thierry Paladino qui mêle un zeste de fiction à un documentaire autour d'un vieux marionnettiste qui initie, le temps d'une tournée estivale, un petit garçon à son art. Filmé sous le soleil du haut pays niçois avec une photographie très soignée, La machina est encore un road movie, doublé d'un récit initiatique touchant, triplé d'un regard précis sur tout un art de vivre, des marionnettes aux contes, des fêtes de villages aux jeux. Remarquable performance des acteurs Serge Dotti et du jeune Adrien Woodall.
Je fais un peu de rattrapage sur 2014 avec The salvation, western du danois Kristian Levring avec Mads Mikkelsen, classique mais efficace, et le nouveau Robert Guédiguian, Au fil d'Ariane. Film plutôt mal accueilli de ce que je peux lire, mais qui, passé les incompréhensibles trois premières minutes, déploie de réelles qualités autour de l'univers bien connu du cinéaste : Ascaride, Meylan en patron de restaurant, Boudet, Darroussin, l'Estaque, la musique de Jean Ferrat... C'est une version lumineuse de A la vie, à la mort (1995) et je me dis que le film est peut être plus touchant pour ceux qui sont fidèles à Guédiguian. Je le suis. Je vérifie, suite à sa remarquable position sur Zoom Arrière, que Se sei vivo, spara (Tire encore si tu peux – 1968) de Giulio Questi est toujours un film unique en son genre. Il l'est. Le lendemain, j’apprends la mort du réalisateur. J'en suis triste. Je vérifie ensuite que Giù la testa ! (Il était une fois la révolution – 1971) est toujours explosif, et que j'avais bien vu un érotisme subtil chez Chen Pei-pei la guerrière émérite dans The lady hermit (Les griffes de jade – 1972). Je montre le Legend (1985) de Ridley Scott à ma fille. Mon fils nous rejoint mais ne semble pas impressionné par Darkness, plus intrigué qu'effrayé. Le film tient bien le coup, surtout la partition cristalline de Jerry Goldsmith. Pour rendre hommage à Virna Lisi, je vois 5 marine per 100 ragazze (1962) de Mario Mattoli, un DVD que j'avais acheté il y a deux ans à Caen. J'aurais pu trouver mieux. Pour les fêtes de fin d'année, il y a Tony Curtis en Lepke le truand, Tim Burton, le magique Meet me in St Louis (Le chant du Missouri – 1944) de Minnelli, have yourself a merry little christmas, Pierre Richard, Ben Hur moins pénible que dans mon lointain souvenir, Hellzapoppin', Amélie Poulain, les gremlins, le trou noir de chez Disney que j'avais renoncé à voir en son temps, le Cygnus et la musique tourbillonnante de John Barry font leur effet. Je découvre aussi Thief (Le solitaire – 1981) de Michael Mann avec un James Caan bien meilleur que De Niro dans Heat (1995). Tout l'univers de Mann est déjà bien en place, ses qualités comme ses limites. Ultime rattrapage avec La chambre bleue (2014) de Mathieu Amalric avec lui-même, adaptant Simenon avec ce me semble fidélité. Peter Sellers en Clouseau pour finir l'année en famille, les dernières minutes débordant sur 2015. Et déjà une question : Par quoi vais-je commencer ?
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28/12/2014
2014, des films (1er semestre)
Galvanisé par l'impressionnant travail de FredMJG qui est partie sur un bilan de son année 2014 avec une note par mois (!), je me lance dans un exercice que j'ai jusqu'ici toujours repoussé : faire le bilan complet d'une année de cinéma. C'est à dire bien au-delà des films vus en salle, toujours peu nombreux, mais ce qui me permet de me replonger dans ce qui fut pour moi le mouvement de 2014. Que mes lecteurs chéris se rassurent, je vais me limiter à deux notes, une par semestre.
Le premier film de l'année a son importance et j'essaye toujours de commencer par quelque chose d'inédit et d'excitant, soit par un classique ayant fait ses preuves. Plongé depuis quelques temps dans le gothique italien, je démarre avec La notte dei diavoli (1972) du vétéran Giorgio Ferroni avec Gianni Garko, une variation sur l’épisode Les Wurdalak déjà illustrée par Mario Bava dans I tre volti della paura (Les trois visages de la peur – 1963), lui même inspiré d'une nouvelle de Tolstoï. Le film possède une atmosphère angoissante réussie malgré une esthétique qui tire sur les années 70, la photographie surtout, et puis Garko réussi un joli voyage au bout de la folie. J’enchaîne avec Nattlek (1966) un film de la réalisatrice suédoise Mai Zetterling dont j'avais beaucoup aimé le premier opus, Älskande Par (Les Amoureux – 1964). Toujours sous une relative influence bergmanienne, le film est plus âpre mais fascinant. Ingrid Thulin est au centre d'une intrigue complexe culminant avec une scène d'inceste dérangeante.
De retour à la maison, j'ai reçu quelques DVD de classiques de la Hammer films. Une envie venue avec ma période fantastique all'italianna. Je découvre enfin Curse of the wherewolf (La nuit du loup garou – 1961) et revoit avec plaisir le fondateur Horror of Dracula (Le cauchemar de Dracula – 1958) tous deux de Terence Fischer. Le premier me déçoit un brin côté récit malgré la très belle direction artistique. Le second est une révélation. Je ne l’avais vu jusqu'ici qu'à la télévision en noir et blanc, il y a donc bien longtemps. Le travail sur les couleurs et la mise en scène avec ses accélérations brutales et le contraste entre les interprétations de Peter Cushing et Christopher Lee m'emballent. Dans le salon plongé dans le noir et le silence, j'ai presque peur. De Fisher, histoire de compléter sa filmographie, je découvre aussi dans la foulée The devil rides out (Les Vierges de Satan - 1968). Le film a très bonne réputation chez les admirateurs du réalisateur et je ne les contredirais pas. Le film est aussi original qu'efficace dans son traitement. Fisher arrive à provoquer une véritable angoisse avec des effets sobres, l'attente, le son, la lumière. Les quelques effets plus mélodramatiques ont un peu vieillit, mais cela ne pèse guère face à l'atmosphère d'ensemble. Encore un peu de fantastique, assez différent, avec le Opéra (1987) de Dario Argento qui manquait à mon palmarès. Le film a fait couler pas mal d'encre et pour beaucoup, il est le début d'une pente artistique qui n'a cessé de glisser. Je n'aime pas non plus l'utilisation du hard-rock dans les scènes de meurtre, pas plus que cette musique d'une façon générale. Mais je trouve pas que cela nuise tant que cela au film. Après tout, Argento a toujours eu des accès d'un goût curieux, douteux diront certains, mais ici il maintient l'équilibre et cela fait partie à sa façon de son cinéma. La musique des Goblin est elle très réussie et Christina Marsillach superbe. Pour parachever le cycle, je montre à ma fille King Kong, le premier, le seul, celui de 1933. Je lui avais promis l'année de ses sept ans, comme je l'avais découvert moi-même. Je poursuis la transmission.
Nous recevons à Nice les cinéastes Joseph Morder et Gérard Courant. Le premier présente L'arbre mort (1987), vaste poème en super 8 où Nice devient ville des tropiques où l'on tombe amoureux de femmes sublimes qui laissent le vent jouer dans leurs robes et leurs cheveux. Le second présente le portrait plein d'humour du premier, et vivent les Morlocks ! Ce sont mes premiers films en salle de l'année. J'y retourne en compagnie de ma fille pour Kaze tachinu (Le vent se lève) de Hayao Miyazaki qui annonce sa retraite. Je vais rester sec pour ce qui est d'écrire sur ce film, ne dépassant pas les dix lignes. Il y avait pourtant beaucoup à dire. Beaucoup a été écrit, le plus souvent sur le ton de la révérence avec comme une pointe d'agacement pour ce fichu japonais dont les films ridiculisent à peu près tout ce qui se fait aujourd'hui. « Ridiculiser » n'est peut être pas le terme juste, mais devant ses films, on retrouve ce que l'on aime profondément dans le cinéma et qui manque tant de fois à tant de films au point que l'on se dit qu'on l'a perdu. Mais non ! Le souffle, l'émotion artistique, la précision dans la description d'une petite herbe folle et l'intensité spectaculaire de ce tremblement de terre qui souffle comme un monstre mythologique, la construction burlesque de la scène de l'avion de papier, la peur langienne des ombres nazies sur les murs, la délicatesse d'un rendez-vous amoureux, la pudeur, l'humanité, la vie, toujours ce sens de l'air et de l'eau. Miyazaki remet les pendules à l'heure, intime et universel, épique et délicat. Tous derrière et lui devant.
Pas de festival de Clermont-Ferrand cette année pour cause d'emploi du temps. Je me console avec quelques westerns américains des années cinquante où passent les visages de Maureen O'Hara, Mara Corday, Yvonne DeCarlo, Martha Hyer et sa robe rouge, et puis je redécouvre Elsa Martinelli au bain dans Indian Fighter (La rivière de nos amours – 1954). Je reviens à quelques gothiques italiens avec Barbara Steele histoire de nourrir ma semaine consacrée à la belle sur Inisfree, puis à quelques westerns italiens signés Giuliano Carnimeo pour un ensemble de chroniques destinées aux Fiches du Cinéma. Ce qui est amusant est que j'avais découvert ces films dans un coffret acheté en Allemagne il y a deux ans mais, malgré le plaisirs pris à ces films, je n'avais pas pu écrire dessus. Je me rattrape donc, d'autant plus volontiers que les films résistent bien à une seconde vision. Dans le lot, il y a également le très intense Per 100 000 dollari t'ammazzo (Le jour de la haine - 1968) de Giovanni Fago qui va m'entraîner sur d'autres pistes un peu plus à l'ouest.
J'aime bien suivre les conseils de mes collègues. Une image de Rossana Podesta sur Nage nocturne me pousse illico à acheter et visionner La red (Le filet - 1953) d'Emilio Fernandez. Suivant ceux de Griffe je découvre Orléans (2013) de Virgil Vernier qu'il avait mis dans son palmarès 2013. Suivant ceux de Christophe, je reviens sur un vieux souvenir télévisuel avec Tendre Poulet (1978) de Philippe De Broca où j'apprécie en effet l'histoire d'amour naissante entre Giradot et Noiret. Gérard Courant m'envoie deux films de Werner Schroeter pour m'initier à l'univers du cinéaste. Je suis séduit par le superbe Willow Springs réalisé en 1973 et en Amérique avec un trio féminin à tomber : Magdalena Montezuma, Christine Kaufmann, Ila von Hasperg. Outre la beauté des images et la manière très sensuelle de filmer ses actrices, le film adopte la forme d'un suspense pour surprendre à chaque instant en se décalant par rapport aux règles du genre. Je rattrape le documentaire original L'Image manquante de Rithy Panh. Pour les fiches, je me plonge dans les tréfonds du cinéma avec un trio de films de Ninjas gratinés, réalisés selon la technique du « deux en un », soit un film acheté au mètre mélangé à de nouvelles scènes tournées à la va-vite. De l'escroquerie sur pellicule parfois drôle à force de nullité.
Revenons aux choses sérieuses avec une série de chefs-d’œuvre signés Franck Borzage. Cela restera pour moi le grand moment de 2014 avec quatre sommets de la transition entre muet et parlant, mélodrames autour du couple Janet Gaynor et Charles Farrell, et puis The river (La femme au corbeau) avec Farrell et Mary Duncan à la place de Gaynor. J'avais découvert le film en salle il y a pas mal d'années mais le lyrisme de certaines scènes, l'incroyable érotisme qui passe dans la relation entre les deux protagonistes sont toujours aussi intenses. Du coup je n'ai plus trop envie de voir autre chose et j'enchaîne avec sa version de Liliom en 1930, Farrell toujours, mais guère plus convaincu qu'avec la version de Lang tournée quelques années plus tard lors de son passage en France. Je revois aussi Three comrades (1938) que j'avais découvert, lui, en son temps au cinéma de minuit. Ce devait être ma première et décisive rencontre avec Borzage. Je verrais enfin un film très curieux Strange cargo (1940), parabole christique avec Clark Gable, la satinée Joan Crawford, et Peter Lorre dans un joli rôle de faux-cul. Quand on voit la puissance de la mise en scène de ce réalisateur, son inventivité constante, sa façon d'être à la fois dans son époque, dans la précision de ce qu'elle est, dans une morale et en même temps dans un monde irréel construit sur une poétique intime, je me dis une nouvelle fois que quelque chose s'est perdu en route. Mais je constate que c'est ce que je pense aussi à propos de Miyazaki, et que, mais si, il y a une continuité. Du moins que rien n'est perdu, qu'il faut juste les hommes (ou les femmes, pas de discrimination, hein) qu'il faut pour perpétuer la flamme.
Après cela, je trouve bien pâle le succès de Guillaume Gallienne Les Garçons et Guillaume, à table ! (2013). Zoome arrière m'amène à découvrir, enfin, In harm's way (Première Victoire – 1965) de Otto Preminger avec une jolie romance vieillissante entre John Wayne et Patricial Neal et puis la danse impudique de Barbara Bouchet. Un couple intéressant aussi dans Hustle (La cité des dangers - 1975) de Robert Aldrich avec Catherine Deneuve et Burt Reynolds. Je montre à ma fille la trilogie Back to the future et La Marseillaise (1938) de Renoir.
Je me décide enfin à voir Pilgrimage (1933) de John Ford. Dans son livre, Joseph McBride met le film très haut mais, allez savoir pourquoi, il est resté trois ans sur mes étagères. Après Borzage, je reste au sommet. Là encore, je ne dépasserais pas quelques lignes pour Inisfree. Le film m'a peut être trop secoué. L'histoire de cette mère qui envoie son fils à la guerre où il y reste, plutôt que de lui voir épouser une femme qu'elle estime indigne de lui, est du très grand Ford, nous faisant passer du mélodrame à la comédie et à la pure tragédie d'un plan à l'autre, avec une aisance, une assurance qui laissent la bouche ouverte et l’œil humide, avant de vous diffuser une impression profonde et durable, et ce sentiment que l'humanité a un bon fond malgré tout ce qui nous en fait douter chaque jour. Et puis Ford avec ce film casse une nouvelle fois les images toutes faites qui existent sur lui. Voilà un film dont le protagoniste est une mère égoïste et butée, une femme d'un certain âge rien moins que sexy. Comme je l'ai lu quelque part, Hannah Jessop jouée avec justesse par Henrietta Crosman, est une première version du Ethan Edwards que John Wayne interprétera 23 ans plus tard. Pour m'en remettre, rien ne vaut une vison semestrielle de The quiet man (L'homme tranquille – 1952).
Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot où Catherine Deneuve joue son âge est sympathique mais anecdotique. Giovanni Fago, disais-je un peu plus haut. Je vois son O' Cangaçeiro de 1970 avec Tomas Milian parlant à sa vache avant de devenir bandit pour la venger. Le cangaceiro, c'est une sorte de bandit d'honneur ayant sévi dans la région du Sertão au Brésil avec une dimension sociale et politique. Quoiqu'en dise le réalisateur, ce film d’aventures picaresques et mystiques tourné sur place avec de superbes extérieurs, a plein de liens avec le western italien. Mais par un intéressant effet de ricochets, il m'amène à voir le O Cangaceiro de 1953 signé Lima Barreto avec sa fameuse chanson que Fago avait récupérée. Puis, suivant les conseils avisés de Frédérique via Zoom Arrière, je passe à du plus authentique avec deux films de Glauber Rocha. A ma grande honte je n'avais jamais rien vu ce ce représentant emblématique du cinéma novo, nouvelle vague du cru.
Il est temps d'aller faire un tour à Cannes. Petit tour cette année, mais qui me permet de voir deux films admirables Timbuktu d'Abderrahmane Sissako et Le Conte de la princesse Kaguya de Isao Takahata. Du coup Miyazaki sera moins seul. Bonne surprise avec le film de Ken Loach et l'histoire hongroise avec des chiens, White God de Kornel Mundruczó. Moment pénible avec le film d'Olivier Assayas. Bilan globalement positif.
Comme j'ai terminé le roman de H.R.Haggard, je vois la version 1937 de King Solomon's mines (Les Mines du Roi Salomon) signée Robert Stevenson. Comme c'est le 6 juin, je montre à ma fille The longest day (Le jour le plus long – 1962) et passe un moment à lui expliquer qui sont les américains, les allemands, les anglais, etc. Puis je la délasse avec l'agréable E per tetto un cielo di stelle (Ciel de plomb - 1968) de Giulio Petroni avec le beau Giuliano Gemma. Comme il est arrivé premier pour l'année 1967 sur Zoom arrière, je découvre avec délice le I walked with a zombie (Vaudou – 1943) de Jacques Tourneur. Comme je me plonge dans une histoire de la guerre d'Espagne, après un court séjour à Barcelone, je revois une version en espagnol de L’Espoir d'André Malraux, sur youtube et sans sous-titres. Je n'y retrouve pas vraiment mes lointains souvenirs d'enfance, mais le film est intéressant. Je termine ce semestre avec Park Row, dynamique histoire de journalisme plein d'encre, de fureur et de conviction signée Samuel Fuller. Bientôt l'été...
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