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17/04/2010

Canine

Ela na sou po (J'ai quelque chose à te dire – 2000) est un court métrage de Katerina Filiotou. Un conte sensuel et drôle qui voit un petit bout de femme bien installée dans son univers familial vivre un moment de pulsion solaire avec un jeune homme beau comme un demi-dieu, Grec bien sûr. De retour chez elle, sa joie est telle qu'elle ne peut se retenir de la faire partager à mari et enfants dans un irrépressible fou-rire. Sensible, fluide, lumineux, le film de Katherina Filiotou est un petit bijou qui rend heureux avec un petit arrière-goût mélancolique pas désagréable du tout.

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Pourquoi vous parler de ce film modeste et éclatant à propos de Kynodontas (Canine – 2009) de Yorgos Lanthimos ? Parce qu'il ne faudrait pas croire que les jeunes cinéastes grecs font tous des films aussi pénibles que celui-ci malgré la flopée de prix et d'éloges qu'il a récolté.  Kynodontas se vautre avec complaisance dans la prétention de la forme, la provocation des images et le blême du fond. Papa, vieux cadre pas trop dynamique dont on se demande bien en quoi consiste son boulot, a reclus son fils et ses deux filles avec l'accord tacite de maman qui était funambule ou danseuse dans une autre vie. Ils vivent en vase clos dans une charmante villa avec parc et piscine, les enfants acceptant les histoires à dormir debout que raconte papa sur l'extérieur. Bien évidemment, il va y en avoir un des trois qui va avoir envie d'aller vérifier par lui-même. Pourquoi pas ? Acharné à faire décalé, à cultiver l'originalité, à bien marteler sa critique de la société-tu-m'auras-pas et de l'éducation-piège-à-c...,  Lanthimos ne propose finalement qu'une variation sur The village (Le village – 2003) pensum déjà peu léger de M. Night Shyamalan, revu dans l'esprit de  Michael Haneke. Quel programme enthousiasmant chers lecteurs !

A suivre sur Kinok

L'avis d'Ed(isdead)

Sur Lanterna magica

Sur Critikat par Marion Pasquier (« La fin du film est un cadeau que l’on aimerait voir plus souvent à l’écran... »). Comme quoi je peux être ouvert.

Un entretien avec le réalisateur sur Excessif

Photographie : source MK2

16/04/2010

Les joies du bain : jambe en l'air

Julie Ege espiègle dans le film de Jack Cardiff The Mutations (1974). Actrice norvégienne à la brève carrière, nous l'avons vue dans de jolies productions Hammer Films et en fugitive Bond girl aux côtés de Georges Lazenby.

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Photographie : source Women out of time

15/04/2010

Basculements

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- Qu'est-ce que tu dirais si je t'envoyais mon verre à la figure ?

- Vas-y.

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- Crache moi dessus.
- Quoi ?
- Cra-che-moi-des-sus !
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C'est le privilège du cinéma d'être capable de saisir, dans son entier déroulement, de tels moments ou tout bascule. Cette attirance entre deux êtres qui se fait irrésistible. Cette passion qui fait tomber tous les blocages et les peurs diffuses. La réalisation d'un acte libre, ce cet acte libre qu'Albert appelle de ses voeux, "Un acte libre qui rompt le cours du temps" comme l'explique Anna. Un acte qui nous change en profondeur, avec un avant et un après. Une véritable inflexion de nos vies. C'est si rare, il y a de quoi avoir peur, vraiment.

Les mises en scène de Bruno Podalydès et de Sam Taylor-Wood s'organisent autour de ce moment, explorant le temps et l'espace autour de ce mouvement des êtres, du passage de deux à un.

Ce qui est drôle dans Dieu seul me voit (1996), c'est que les deux personnages, Anna et Albert, on théorisé cet acte, qu'ils discutent longuement ce moment de basculement, mais qu'Albert ne se résout pas à en être le moteur. Podalydès explore ses mille et une micro-reculades, ses esquives, décrit ces liens invisibles qui immobilisent son corps et son âme. Et ce geste violent, inédit, ludique et si chargé de sexualité, du jet du verre d'eau au visage, malgré le courage d'avoir cédé à l'impulsion, ne suffit pas. Albert pense trop.

Ce qui est beau dans Love you more (2008), c'est le contraire. Georgia et Peter ne théorisent rien. Jeunes encore, ils ont la candeur de l'innocence malgré leurs touchantes attitudes d'affranchis. Ils ne pensent pas et s'abandonnent à leur instinct. La communion intellectuelle autour du morceau des Buzzcocks les réunit mais ne suffit pas à briser les inhibitions. Par contre le geste de la bière crachée au visage repose sur la même idée que chez Podalydès avec le même sous-entendu sensuel. Il est ici suffisant, les digues de la peur cèdent et la passion déferle.

Ce qui est charmant et paradoxal chez Podalydès, c'est que ce sera finalement Anna qui aura ce geste libre, doux, apaisant, sur la cuisse d'Albert, alors que le suspense est construit minutieusement sur l'attente de l'action de l'homme.

Ce qui est touchant chez Taylor-Wood, c'est la lumière solaire qui baigne la scène, cette scène si ordinaire et si unique, lumière divine qui transcende le trivial.

Ce qui est émouvant dans ces deux scènes, c'est d'avoir réussi à montrer cette première fois, cette douceur, cette violence, cet abandon à l'autre. La joie de la passion.

14/04/2010

Les dix ans d'Un festival c'est trop court

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Du 20 au 25 avril se tiendra dans la bonne ville de Nice la dixième édition d'Un festival c'est trop court. Au programme, du court métrage (On pourra voir une fois encore le Montparnasse de Mickael Hers !), des tas de programmes spéciaux et de rétrospectives.  Cerise sur le gateau, il y aura une programation régionale à laquelle l'association que je préside, Regard Indépendant, a participé. Et puis j'aurais le plaisir  d'animer une table ronde et de présenter un certain nombre de programmes dont la première niçoise du film d'Eric Quéméré, Aux Ponchettes. Un film à la longue histoire que je vous raconterais peut être dans ces colonnes un de ces jours. Bref, comme disait Pépin, si vous êtes dans le coin, passez voir.
Cliquez sur l'affiche pour accéder à l'ensemble de la programmation et des informations

13/04/2010

Clin d'oeil de bienvenue

09/04/2010

Rome plutôt que vous

Et vous, votre café, vous le faites comment ? Avec des coquilles d'œuf dans le filtre comme chez John Ford ? Avec une de ces machines sophistiquées à capsules qui permettent de vous le vendre dix fois plus cher ? A la cafetière électrique qui donne le plus souvent une lavasse claire à l'américaine ? Ou bien à la cafetière italienne ? La cafetière italienne, c'est le mieux. Tous les gens de qualité savent que les italiens font le meilleur café. Vous ne savez pas vous en servir ? Alors précipitez vous sur Rome plutôt que vous premier long métrage de l'algérien Tariq Teguia sortit en 2006. Il y a un plan séquence où Zina, jouée par la belle Samira Kaddour, réalise l'opération en temps réel dans la cuisine familiale. Elle pourrait faire autre chose comme éplucher les légumes pour le taboulé, mais ça aurait fait trop long. Je sais, j'ai l'air de faire de l'ironie facile. Ce n'est pas (tout à fait) le cas. Il est vrai que la tentation est grande de faire léger avec un film si sérieusement dense, comme il n'est pas mauvais de faire sérieux avec des films plus légers.

La suite sur Kinok

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Le DVD

Sur Excessif

Chez MadameDame à laquelle j'ai également emprunté la photographie.

 

19:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tariq teguia |  Facebook |  Imprimer | |

08/04/2010

Les joies du bain : téléphone

Elle prend des risques, la belle Florinda Bolkan dans Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon - 1970) d'Elio Petri. Mais le téléphone est bien joli...

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Photographie : source BiFi

07/04/2010

Ford par Vecchiali

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"GRANDEUR. Grandeur du regard. Grandeur des sentiments. Grandeur de l’homme face à l’adversité. Grandeur de la femme face à la sauvagerie. Grandeur de la nature, symbole de liberté avec ses pièges sournois."

Paul Vecchiali repris sur La Furia Umana via O signo do Dragao

Photographie : source House of Mirth and Movies

04/04/2010

En concert

Concert enregistré le 7 février 2010 à Milizac (Finistère - France) par l'orchestre d'harmonie de Lannilis sous la direction de Claude Maine (deux premières vidéos). Troisième vidéo enregistrée le 10 février 2008 à Lannilis (Finistère - France) par l'orchestre d'harmonie de Lannilis.

01/04/2010

Les joies du bain : kitsch

Calme, luxe et volupté. Un grand classique hollywoodien, la piscine d'intérieur exotique dans une production MGM sophistiquée avec cette inimitable lumière chatoyante. Mirna Loy dans The barbarian (Le chanteur du Nil – 1933) une kitcherie de Sam Wood.

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Photographie : source The other side of Kim

30/03/2010

Je veux voir

Emmanuelle Riva, nous dit-on, n'avait rien vu à Hiroshima. Catherine Deneuve, qui est une femme bien organisée, entend bien voir quelque chose au Sud Liban de la violente et rapide guerre de 2006. Elle saisi donc l'occasion offerte par le couple de cinéastes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige de faire sur place un film qui repose sur ce désir de voir. Désir de Deneuve mais aussi désir des auteurs qui se sont retrouvés bloqués en France pendant le conflit et l'ont suivi comme la grande Catherine, vous ou moi, sur leur écran de télévision. Désir qui se complique de celui d'(a)voir Deneuve, désir de cinéaste pour susciter celui du spectateur et rassurer accessoirement celui des producteurs. Désir de revoir aussi, de la part des réalisateurs libanais, revoir cette part de leur pays meurtri. Désir qui s'incarne dans l'acteur Rabih Mroué, qui fera office de guide pour Deneuve puisqu'il est originaire de la région dévastée. La constitution de ce couple d'acteurs injectée dans le dispositif documentaire lui donne une part de fiction. On l'aura compris, Je veux voir est un film à tiroirs.

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A cette injonction « Je veux voir », Mroué répond « Allons-y », tel le personnage de William Holden dans The wild bunch (La horde sauvage – 1969) de Sam Peckinpah, ce qui est sûrement la comparaison la plus incongrue que je puisse trouver à propos du film. Pour préciser les choses et se donner un repère, un objectif est nommé : voir/revoir la maison de la grand mère de l'acteur. Et Deneuve de mettre des chaussures à talon plats adaptés à la situation, une tenue élégante( toujours) mais sobre, et en voiture, Simone ! Non, pardon Catherine, ce n'est pas un bon mot facile. A plusieurs reprises votre visage de rayonnante sexagénaire m'a fait penser à celui de la Signoret période Le chat (1971) ou L'aveu (1970). Une grande actrice, une femme engagée et courageuse, capable de porter un regard sur le monde.

Chronique à suivre sur Kinok

le DVD

Photographie © Patrick Swirc

Sur la Kinopithèque

Sur le Ciné-Club de Caen

Sur Excessif

Sur Politis

28/03/2010

Les joies du bain : Façon Botticelli

La très belle Sharon Tate dans une pose sophistiquée, admirez la position de la mèche, la texture de la mousse, le style de la baignoire, dans le film de son époux Roman Polanski, The fearless vampire killer (Le bal des vampires - 1967). La scène dans le film est aussi très drôle et très tendre.

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Photograhie : source A and H blog

26/03/2010

Odes à la Muse Nue (copinage)

Scream Queen quatre étoiles, plus délicieusement vulgaire que Barbara Steele, plus onctueuse et intense que Barbara Bach et Caroline Munro réunies dans le waterbed d'Ursula Andress,  Edwige Fenech est l'argument principal des deux productions, qui n'auraient vraisemblablement de sens sans elle (comme souvent les films dans lesquels elle avance en « starring »).

Icône masochiste au sein de réguliers cauchemars à la plastique plus-psyché-tu-meurs, la belle brune, peu regardante (voir ses softies grivois en pensionnat, commissariat ou hôpital) mais fort regardée, se fait la docile et inlassable victime de la hardiesse, ou la plus vénale envie, de tout son entourage.

Mariaque succombe au(x) charme(s) de la belle Edwige dans deux gialli de Sergio Martino, chroniqués sur Kinok.

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Photographie : DR

24/03/2010

Les joies du bain

Charles Tatum a ses hotties reading, Peter Nellhaus a ses coffee break, je voulais, moi aussi, commencer une collection qui me permette de satisfaire aux instincts les plus fétichistes de ma cinéphilie. Ce sera donc les joies du bain, le plus régulièrement possible et dans toutes les baignoires possibles. Pour commencer, un classique : Claudia Cardinale avec sa brosse et sa mousse dans C'éra una volta il west (Il était une fois dans l'Ouest – 1968) de Sergio Leone. Capture DVD MGM.

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23/03/2010

Visions de l'impossible

Depuis le 10 mars et jusqu'au 31 août 201, vous pouvez, si vous êtes à Paris, visiter l'exposition proposée par le Mémorial de la Shoah : Filmer les camps, de Hollywood à Nuremberg. John Ford, Georges Stevens, Samuel Fuller.

Ford, dès les années trente, parallèlement à sa carrière de réalisateur, collabore avec les services secrets (l'OSS), fait du renseignement à l'occasion de ses croisières sur son yacht l'Araner, et met sur pied, de sa propre initiative, une équipe d'opérateurs capables d'intervenir sur le terrain en cas de guerre. Il sont prêts bien avant Pearl Harbour et l'entrée en guerre des USA en 1941, donnant naissance à la Field Photographic Branch (FPB). Les hommes seront sur tous les théâtres d'opération, Ford lui-même filmant la bataille de Midway en 1942.

Georges Stevens, lui, rejoint et met sur pied la Special Coverage Unit (SPECOU) en vue de filmer le débarquement de Normandie. L'unité sera de tous les combats d'Omaha Beach jusqu'au coeur de l'Allemagne. En 1945, ils sont présents quand l'armée américaine ouvre les portes du camp de concentration de Dachau.

Samuel Fuller est soldat dans la fameuse Big Red One dont il racontera l'histoire dans son film magnifique de 1980. En 1945, son unité libère le camp de Falkenau en Tchécoslovaquie et Fuller est chargé de tourner un documentaire quand les américains forcent la population allemande à se rendre au camp pour enterrer les morts. Ce sera son premier film, tourné avec avec la caméra Bell & Howell 16 mm à manivelle que sa mère lui avait offerte.

En 1945, Ford supervise un montage d'images tournées lors de la libération des camps, en particulier celles des hommes de Georges Stevens à Dachau. Ce montage donne naissance à un film que signe Ray Kellog alors opérateur, futur spécialiste des effets spéciaux et réalisateur de seconde équipe prestigieux. Ce film est destiné à préparer le procès de Nuremberg. Il dure une heure et prend le titre de Nazi concentration camps. Dans le documentaire Imaginary Witness : Hollywood and the Holocaust (Hollywood et la Shoah - 2004) de Daniel Anker, on explique que ce film ne fut finalement pas vraiment montré au grand public. Les images étaient considérées comme trop dures et rapidement, avec le plan Marshall et le début de la guerre froide, les priorités changèrent. Ces images pourtant sont les principales archives qui existent du cauchemar concentrationnaire. On va les retrouver en partie dans Nuit et Brouillard (1956) d'Alain Resnais, puis c'est Stanley Kramer qui va les intégrer de façon spectaculaire dans son film de télévision Judgment at Nuremberg en 1959 puis dans la version cinéma en 1961 ou elles sont commentées par le personnage joué par Richard Widmark.

L'exposition retrace la façon dont ces images sont parvenues jusqu'à nous.

Les images sur lesquelles ont travaillé Ford et Kellog sur le PhiblogZophe et le film Nazi concentration camp (attention, c'est assez éprouvant).

Le site du Mémorial de la Shoah

22/03/2010

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La Banda J.& S. Cronaca criminale del Far West (Far West story – 1972) de Sergio Corbucci. Captures DVD Wild Side.

21/03/2010

La poêle dans les nuages

Quand on aime le travail d'un réalisateur et que l'on commence à connaître une part conséquente de son oeuvre, il se développe un sentiment de familiarité bien agréable. Le plaisir de retrouver des thèmes, des figures, un ton, un sens du temps et de l'espace, le goût d'un certain jeu d'acteur, des mots, des paysages, certains choix musicaux, bref, tout ce qui constitue la mise en scène et tout ce qui est mis en scène. La part de risque, c'est que cette familiarité ne devienne pantoufle, les motifs de simples trucs, et le plaisir de glisser progressivement vers l'ennui. C'est là qu'intervient le talent dans la façon de nourrir ce sentiment de familiarité de la capacité de renouvellement du metteur en scène, de sa façon d'introduire des variations, d'explorer plus avant certaines pistes, d'emprunter tout à coup d'inattendus chemins. Et cela sans se perdre. Fichu métier.

Quel chemin tortueux pour vous dire tout le bien que je pense de La Banda J.& S. Cronaca criminale del Far West (Far West story – 1972) du maestro Sergio Corbucci. Un film peu connu tourné au moment ou le western italien sombre dans la parodie à la suite de l'énorme succès du personnage de Trinità. La Banda J.& S. sera un échec commercial et il n'était devenu visible que dans des copies minables, aux couleurs délavées, et vraisemblablement incomplètes. Dans plusieurs textes, on s'étonne de la soudaine cécité du shérif Franciscus alors qu'il n'y a pas motif. C'est un peu comme quand on voit la version mutilée de Rio Bravo et que l'on s'étonne des trous soudains dans la porte de la prison. Saluons donc comme il se doit le travail de Wild Side qui rétabli le film dans sa cohérence, rend justice à la photographie splendide du fidèle Alejandro Ulloa et de Luis Cuadrado, et propose une version originale indispensable.

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J. c'est Jed Trigado, bandit de grand chemin, et Jed, c'est Tomas Milian. Il a récupéré le béret du Ché et s'est emmitouflé dans les pelisses massives des héros de Il grande silenzio (Le grand silence – 1968). Il faut le voir, dans la toute première scène, exposer sa philosophie de Robin des bois anar à un petit cochon tout rose. Cochonnet volé bien sûr. Il faut le voir engloutir une plâtrée de spaghettis, hilarant pied de nez aux détracteurs du genre, déclarant « Celui qui a inventé les spaghettis c'était un génie, et il a du se faire un paquet d'argent ! ». Exubérant, macho, grossier, terriblement bavard, individualiste et solidaire, animal et libre, Jed est l'occasion pour Milian de peaufiner le personnage de peone débrouillard qui a fait sa gloire et qui annonce le « er Monnezza » folklorique des polars des années 70. Jed utilise la langue vernaculaire romaine, truffée de turpiloquio, une façon de parler mêlant imprécations, grossièretés et beaucoup d'humour. L'utilisation de ce langage renforce l'aspect latin de ce western iconoclaste et le rapproche de certains films de Pasolini, rapprochement que Corbucci souligne en faisant jouer Laura Betti, égérie pasolinienne s'il en fût, dans le personnage de la maquerelle, pendant féminin de Jed. Il est donc évident que cet aspect se perd complètement dans la version française qui se contente d'une vulgarité vulgaire. Or il faut que fusent les Figli della mignotta !

S. c'est Sonny et Sonny, c'est Susan George, britannique beauté blonde à l'oeil humide, juste sortie du traumatisant Straw dogs (Les chiens de paille – 1971) de Sam Peckinpah. Habillée à la garçonne façon informe, seul son regard exprime sa féminité. Elle n'en a pas l'air mais c'est bien elle le personnage principal de cette histoire. D'ailleurs c'est son prénom que reprennent les choeurs d'Ennio Morricone (inspiré, le maestro). Et puis Sergio Corbucci lui a réservé les attributs de ses héros précédents. Quand on la découvre, elle porte un chapeau à large bords à la façon de Franco Nero, traînant derrière elle, sur un chariot, un cercueil. Tiens donc. Plus tard, c'est elle qui subira le rituel du passage à tabac sans lequel il ne saurait y avoir de véritable héros corbuccien. Admirative et amoureuse, elle s'attache à la destinée de Jed, endurant ses coups, sa tentative de viol, sa tentative de vente, son turpiloquio, et son goût pour les rousses aux gros seins. On évoque souvent Bonnie et Clyde pour Sonny et Jed. Il me semble que l'on est bien plus près de Gelsomina et de Zampano, les frustres héros de La strada (1954) de Federico Fellini. Susan George est tout aussi « déféminisée » que l'était Giulietta Masina et leurs regards d'enfants sont si proches. Le côté bandit du couple compte bien moins que le portrait d'une relation étrange mêlant soumission, masochisme, tendresse et violence. A la fois très animale et très pudique. Deux solitudes qui se ressemblent et qui pourtant s'opposent, l'un cultivant son animalité (bouffe, sexe et liberté), l'autre tentant de conserver la tête dans les nuages. Corbucci ne suivra pas la pente du tragique. Son film est aussi le récit d'une émancipation, de l'affirmation de Sonny, qui passera par un renversement final des rôles, forçant Jed à reconnaître sa part la plus humaine. Il nous force à considérer Sonny en tant que personne en refusant assez radicalement la moindre touche érotique. Il offre juste à sa courageuse interprète un moment plus sensuel lors de la brève séquence de l'hôtel de luxe. Et puis bien sûr ce long plan de baiser, d'une infinie tendresse, d'une grande animalité, un baiser comme on en a jamais vu.

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Ceci fait de Sonny un personnage rare sinon exceptionnel dans l'univers codifié du western. Une femme-enfant, femme d'action, femme-femme qui intègre toutes les aspirations des héroïnes souvent particulières de Sergio Corbucci. Le western italien est avare de beaux personnages féminins à quelques exceptions près (Claudia Cardinale chez Sergio Leone, Luciana Paluzzi chez Ferdinando Baldi, Martine Beswick chez Damiano Damiani). Corbucci, lui, n'a cessé de faire de ses femmes le contre-champ nécessaire à sa violence baroque. Dans ses films, elles aspirent à sortir de la sauvagerie ambiante et proposent, souvent en vain, un espoir d'apaisement aux âmes masculines torturées. Maria essaye de fuir le monde fou de Django (1966) comme Pauline tente d'arracher Silence à son destin dans Il grande silenzio. Claire est la seule personne censée de l'équipée de I Crudeli (1967). Virginia tente de se faire une place au soleil dans Gli specialisti (Le spécialiste – 1969) et Columba porte un regard lucide sur les révolutionnaires de pacotille de Il mercenario (1970). Leurs aspirations leur sont propres et ne sont pas de simples prétextes scénaristiques. Elles en payent souvent le prix : Pauline et Virginia meurent, Maria et Claire sont sérieusement meurtries. Sonny est la victoire de toutes ces femmes, réussissant à s'affirmer et à entraîner Jed à sa suite. Et trois pas derrière s'il vous plaît.

Cette évolution de la place de la femme vers le centre du film est marquée par le traitement de plusieurs motifs typiques du réalisateur : le shérif, le vilain capitaliste et la mitrailleuse. Telly Savalas campe un shérif Franciscus conforme aux canons corbucciens, sûr de lui et déterminé, régulièrement joué par Sonny et Jed sans pour autant perdre de sa prestance. Corbucci a l'idée, à mi-parcours et à l'issue d'une scène intense dans un entrepôt de grains, de le rendre aveugle. Il n'en reste pas moins dangereux mais permet à Corbucci d'exercer à son encontre un humour noir assez inédit, dans le style de Bunuel dirais-je. De la même façon, Eduardo Fajardo joue une nouvelle fois avec élégance un gros propriétaire impitoyable à la tête d'une horde d'hommes de main. Lancé aux trousses de Jed qui a enlevé sa femme, il rentrera chez lui tranquillement dès qu'il l'aura récupérée. Ce peu d'acharnement pourra frustrer l'amateur d'action mais est le signe que l'enjeu du film est ailleurs. Du coup la sacro-sainte mitrailleuse, bien présente, bien déterrée par Jed, sera peu employée. Pas de massacre final des rurales. Le héros, c'est Sonny vous dis-je !

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Et puis La Banda J.& S. est un beau film. Un film de ciels. Soleil couchant, soleil levant, soleil rasant, soleil jouant dans les feuillages. Un film de nuages tranquilles à l'infini. La mise en scène de Corbucci orchestre cette opposition entre les décors pelés et boueux aux dominantes grises et marrons avec les lumières superbes des cieux vers lesquels s'élèvent les regards de Sonny et Jed en même temps qu'une caméra contemplative. Alejandro Ulloa et Luis Cuadrado ont ici une photographie proche de celle de Nestor Almendros, recherchant les moments magiques entre chien et loup. Inspiré, Corbucci filme le réel au sein de l'univers irréel du genre. Il filme le temps qu'il fait, la sensation de froid, le vent qui court sur les roches désolées, la pluie qui transperce au crépuscule, la boue qui englue les pas, la poussière dans la chaleur, la texture accueillante du maïs. La nature ici est refuge et complice : la rivière qui permet de fuir le shérif, l'arbre pour surprendre le traître, le grain qui dissimule (la grande séquence d'action du film, montée au petit poil une fois encore par Eugenio Alabiso). La Banda J.& S. est peut être le film le plus sensible et le plus poétique de son auteur. Son héros débraillé rêve aux cummulonimbus en y cherchant une figure féminine aux seins de déesse tandis que sa compagne y voit des symboles de civilisation, une poêle et une trompette.

Photographies : Wild Side

Un très beau texte de Tepepa

Sur Psychovision

Sur Spaghetti western (en anglais)

La chronique sur Kinok

Par Sylvain Perret sur 1Kult

20/03/2010

Corbucci au travail

Un document tout à fait exceptionnel : Sergio Corbucci et Tomas Milian en pleine séance de post-syncronisation sur La bande J&S, cronaca criminale del Far West (Far West story - 1972). Le commentaire est en allemand, mais ce n'est pas bien grave, on y voit l'humour et la passion.

16/03/2010

Godard / Graves

Tiens, non...

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14/03/2010

Godard / Ferrat