02/05/2020
Tu peux pas test
The Big Doll House (1971), un film de Jack Hill.
S'il était besoin de démontrer l'inanité du test dit de Bechdel, le film de Jack Hill, The Big Doll House (1971) serait tout à fait adapté. C'est en tout cas ce que je me suis dit après l'avoir vu, un sourire narquois aux lèvres. Mais qu'est-ce que ce fichu test ? C'est une idée de l'auteure de bandes dessinées Alison Bechdel et de son amie Liz Wallace qui, se désolant de la place des personnages féminins dans les films, ont mis au point ce test en trois questions :
- Y a-t-il au moins deux personnages féminins portant des noms ?
- Ces deux femmes se parlent-elles ?
- Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu’un personnage masculin ?
Répète après moi les trois questions !
A partir de là, on est censé mesurer le sexisme d'un film, un peu comme on fait des tests qualité pour mesurer l'adéquation des boulons ou des pastilles de menthe dans l'industrie. Que cette idée ait pu germer dans des cerveaux américains ne surprendra personne. Cette histoire de test, cela m'a fait penser à la méthode du professeur Evans Pritchard dans Dead Poets Society (Le Cercle des poètes disparus, 1989) de Peter Weir, un système de graphe censé mesurer la qualité d'un poème. Ces pages mêmes que le professeur joué par Robin Williams fait déchirer à ses élèves d'un geste libérateur. Autant je peux comprendre que l'on s'irrite de la manière dont sont représenté (ou non représenté) tel ou telle partie de l'humanité, ou tel événement, autant je trouve aussi grotesque qu'inutile de vouloir appliquer ce genre de grille de lecture à une œuvre de l'esprit. C'est le même principe qui faisait voir au maccarthysme des rouges partout ou à la critique de gauche des années 60/70 des fascistes dans le moindre film qui n'était pas révolutionnaire. Que l'on utilise des outils venus de l'industrie pour parler d'art (même très mineur, ce qui est le cas du film de Hill) me semble significatif et désolant. Quand une œuvre déplaît, et les motifs peuvent en être légitimes, on peut s'abstenir ou en faire la critique. Et quand une œuvre plaît, on se la passe entre gens de goût, c'est à dire de goûts proches, ou du moins ouverts d'esprit. Moi, j'aime les films de John Ford et je déteste ceux de Michael Haneke. Je ne vois pas au nom de quel masochisme je continuerais à voir les seconds quand je peux me repaître des premiers. Et si j'ai déjà expliqué le pourquoi du comment, je ne me vois pas créer un « test de Haneke » que je ferais subir à mes visionnages. On me dira que derrière ces problèmes de représentation, il y a des questions politiques d'égalité. Je répondrais que oui, mais ce n'est pas une raison. Le combat politique est une chose, la création artistique en est une autre, voilà pour eux !
Viens un peu là qu'on te teste !
Ce qui nous ramène à notre The Big Doll House. Voilà un film produit par une femme, Jane Schaffer, pour la New World Picture de Roger Corman, qui devait être réalisé par une femme, Stephanie Rothman, qui déclina la proposition par manque d'enthousiasme pour le projet, avec une distribution essentiellement féminine. Il y a des héroïnes et des méchantes et des figurantes, et juste trois types perdus là-dedans, un mollasson et deux idiots. Si l'on applique les critères du test, il y a bien plusieurs femmes portant des noms, elles se parlent entre elles et elles ne parlent pas (ou peu) d'hommes. C'est normal car nous sommes dans un film de femmes en prison, ou WIP (pour Women In Prison), et donc leur principal sujet de conversation, c'est l'évasion. Mais vous aurez deviné à ce stade que, bien que The Big Doll House passe haut la main le test, c'est un pur film d'exploitation jouant sans aucun complexe à titiller les bas instincts des spectateurs, les mâles en particulier. C'est même l'un des films matrice du genre. L'action se déroule dans un pays exotique ou de jeunes et jolies jeunes femmes sont emprisonnées et doivent subir les pires avanies, de la part des gardiennes comme de leurs co-détenues. Elles portent de seyantes tenues dévoilant leur belles jambes, parfois un peu plus. Elles sont maquillées et coiffées avec soin. Elles sont américaines dans un bagne des Philippines, comme les hauts responsables sont occidentaux. Aux autochtones la figuration intelligente. Le genre requiert ses scènes obligatoires et Jack Hill coche toutes les cases : scène de douche, bagarre dans la boue, tortures imaginatives à forte connotation sexuelle, rapports lesbiens, morts cruelles, évasion, élimination des méchantes et fin ouverte.
Tout ceci est bien réjouissant pour peu que l'on ait le sens du second degré et puis Jack Hill fait preuve à la fois de métier et de retenue. S'il est dommage qu'il ne retrouve pas l'inventivité délirante de son Spider Baby (1968), il sait donner du rythme à ses aventures carcérales, faire gentiment monter la tension lors des scènes de torture par les cadres et le montage, jouant le suspense plutôt que l'effet graphique, et conserve l'équilibre entre les principales protagonistes. Parmi elles, crevant déjà l'écran, Pam Grier fait ses vrais débuts et chante Long Time Woman sur le générique d'ouverture, chanson que reprendra l'admiratif Quentin Tarantino dans Jackie Brown (1997). A ses côtés, Judith Brown, qui a tué son mari violent, Pat Woodel qui joue une détenue politique (!) habile à la mitraillette, et l’émouvante Brooke Mills en junkie. Voilà de quoi méditer sur les films où les femmes avec des noms parlent entre elles de se faire la malle. Et vous pouvez essayer les tests de la lampe sexy, de Mako Mori ou celui de Furiosa, ça marche aussi.
Gratte moi le dos et je t'explique la lampe sexy...
Photographies © New World Pictures
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11/05/2010
Spider baby...
21:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jack hill | Facebook | Imprimer | |
21/04/2010
Spider baby
La profonde crise du cinéma hollywoodien dans les années 60 a favorisé, entre autres choses, l'émergence d'un certain cinéma américain indépendant. Non qu'il n'ait pas existé auparavant, mais la période le voit se développer et rencontrer le succès. Son essor correspond à la fermeture des départements « B » des grands studios et surfe sur les derniers coups portés au code de censure dit code Hays qui cède face à la libéralisation des moeurs et aux audaces venues d'Europe. En retour, ce cinéma va influencer Hollywood à un point que l'on ne mesurait peut être pas à l'époque. Par cinéma indépendant, il ne faut pas entendre le cinéma à visée intellectuelle régulièrement promu aujourd'hui par le festival de Sundance. Non, il s'agit de films produits en marge du système, le plus souvent loin de ses centres décisionnels (Georges Romero fait ses premiers films à Pittsburg).
Ce sont des films à petits budgets, des films d'exploitation souvent, destinés aux drive-in et aux salles de quartier, aux salles artistiques parfois, des météores sur pellicule au ton particulier, brisant les règles en vigueur pendant quatre décennies. Des films qui auraient pu rester noyés dans la masse d'un cinéma de consommation courante ou d'un ghetto auteurisant, mais qui, par une conjonction favorable et l'acharnement de quelques hommes, se sont révélés comme autant de pépites. Là, oui, nous pouvons parler d'authentiques films cultes. Ces films ont eu de fervents admirateurs, rares au début, et parmi eux de futurs réalisateurs. Il seront séduits par l'audace des images, la force des propos et la liberté des réalisations, et c'est là que l'on pourra mesurer à quel point ces films ont influencé les quarante années qui ont suivi à coup d'invention et d'énergie. Aujourd'hui encore, au risque du cul-de-sac.
Quoique très différents, je mettrais dans ce cinéma indépendant les délires gore d'Hershell Gordon Lewis, les films inclassables et sensibles de John Cassavetes, les cartoons mammaires de Russ Meyer, le gothique façon Roger Corman, les westerns de Monte Hellman, et puis quelques oeuvres uniques, magnifiques diamants noirs : Carnival of the souls (1962) de Herk Harvey, Night of the living dead (La nuit des morts vivants – 1968) de Georges Romero, le hippie Easy rider (1969) de Dennis Hopper et jusqu'au Texas Chainsaw massacre (Massacre à la tronçonneuse – 1974) de Tobe Hooper.
Et puis, il y a le Spider baby de Jack Hill.
A suivre sur Kinok
Sur Série Bis
Sur Sueurs froides
Sur Les déjantés du ciné (avec traduction de la comptine)
Sur Flickerama
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18/04/2010
Comptine
Screams and moans and bats and bones
Teenage monsters in haunted homes
The ghosts on the stair
The vampires bite
Better beware, there's a full moon tonight
Cannibal spiders creep and crawl
Boys and ghouls having a ball
Frankenstein, Dracula and even the Mummy
Are sure to end up in someone's tummy
Take a fresh rodent, some toadstools and weeds
And an old owl and the young one she breeds
Mix in seven legs of an eight-legged beast
Then you are all set for a cannibal feast
Sit around the fire with the cup of brew
A fiend and a werewolf on each side of you
This cannibal orgy is strange to behold
And the maddest story ever told
Photographie : DR
23:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jack hill | Facebook | Imprimer | |