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06/09/2009

Influences (2)

« A dix-neuf ans, dès que j'ai eu mon premier magnétoscope, je me suis dit : « Je vais dénicher tous les films de Howard Hawks ». Je vais guetter les programmes télé, je vais étudier ses films jusqu'à les connaître par coeur, les titres, les acteurs, les génériques... Le problème, c'est qu'il en a fait beaucoup. Je m'attendais à tout, même à ce que cela ne soit pas aussi bon que ça, mais film après film, Hawks m'a prouvé le contraire. Il est devenu mon maître. Un maître relax, un maître que je n'étais pas le premier à découvrir, mais que j'ai découvert par moi-même, que je me suis approprié. »

Quentin Tarantino interrogé par Bertrand Tavernier dans Amis américains – Editions Institut Lumière / Acte Sud

05/09/2009

L'invasion des morts vivants

Je dois dire que je ne m'attendais pas à cela. Il y a bien longtemps que je n'ai été autant pris par un film d'horreur, au point de finir par m'inquiéter des bruits nocturnes et de l'obscurité derrière moi. Au point d'interrompre le film et d'aller allumer la lumière du couloir. Oui, autant que faire se peut, je regarde toujours les films dans le noir. Il faut dire que j'étais seul à la maison ce soir là, compagne et progéniture parties en vacances. Mais quand même ! Et avec un classique encore. Ce que c'est que de rentrer complètement dans un film...

Réalisé par John Gilling en 1965, Plague of the zombies (L'invasion des morts-vivants) m'apparaît comme une réussite majeure de la légendaire Hammer Films, fameuse maison de production britannique devenue emblématique de la terreur classieuse à l'anglaise. L'intrigue est basique. Le docteur Forbes, accompagné de sa charmante fille Sylvia, répond à l'appel à l'aide de son ancien élève, le docteur Tompson. De mystérieux décès déciment un paisible village de Cornouailles. Paisible, voire. Les habitants rustiques subissent la tyrannie aristocratique du « Squire », gros propriétaire terrien local, Clive Hamilton qui a importé des méthodes bien exotiques pour se procurer de la main d'oeuvre bon marché. Le docteur Forbes va rapidement découvrir, et nous avec, que les décès ne sont pas naturels et que, par ailleurs, les défunts ne le sont pas tout à fait. C'est dans le titre si vous avez suivi.

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La réussite du film se situe, c'est souvent le cas, à plusieurs niveaux. L'interprétation pour commencer, est digne d'éloges. Trop de films de genre sont plombés par des acteurs approximatifs (Oh non, John, c'est trop horrible !). Juste avant de voir le film de Gilling, je me disais que j'aurais bien vu Peter Cushing dans le rôle principal. Après avoir vu le film, je n'imagine personne d'autre que André Morell, habitué d'ordinaire aux seconds rôles (Ben Hur (1959) de William Wyler, Dark of the sun (Le dernier train du Katanga - 1968) de Jack Cardiff, Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick). Il est le savant distingué plein d'une autorité tranquille, sûr de lui et de sa foi en la science, ouvert toutefois tant à la modernité qu'à l'étrange. So british entre Sherlock Holmes et Van Helsing, c'est pourtant une panique authentique qu'on lit dans ses yeux dans la scène de l'incendie. Diane Clare qui joue sa fille est vive et téméraire comme il faut, du genre à courir les bois la nuit poursuivant une ombre. Ce n'est pas une beauté, mais cela renforce sa crédibilité. Brook Williams, le jeune médecin, est un peu falot mais ça va bien avec son personnage dépassé par la situation. En revanche Jacqueline Pearce est superbe dans le rôle d'Alice, la jeune épouse au sort terrible tout à fait dans la tradition des héroïnes sacrifiées du genre. Sa résurrection, comme celle de Lucy dans Horror of Dracula (Le cauchemar de Dracula – 1958) de Terence Fisher est l'un des grands moments du film. Et puis il y a John Carson, impressionnante incarnation du mal en squire Hamilton. Un gentleman froid et cruel, séducteur et implacable. L'arrière-plan, assez réduit, est incarné de manière efficace par de solides seconds rôles dans les personnages du vicaire, du paysan furieux, du policier bien compréhensif (pour une fois) et des hommes de main libertins du squire.

Second élément remarquable, la richesse et l'intelligence du traitement des mythes. J'ignore quelle est la part de Gilling et de son scénariste Peter Bryan (collaborateur de Fisher par deux fois), mais il semble que la Hammer ne se soit pas beaucoup intéressée aux zombies. Ce sera le seul film sur ce thème. L'objectif du studio était d'avoir un film vite fait, bien fait. Gilling aura donc eu les mains libres dans la mesure d'un temps de tournage de moins d'un mois dans des décors déjà utilisés pour d'autres productions. La nécessité pouvant rendre ingénieux, les auteurs puisent subtilement dans plusieurs mythes pour créer quelque chose d'inédit alors.

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Le zombie tire son origine du culte vaudou des Caraïbes. De fait le film s'ouvre sur une cérémonie du genre avec joueurs de tambours créoles, masques exotiques et figurines trempées de sang reposant dans des cercueils. C'est un peu kitsch, mais dans la ligne de ce que le cinéma avait illustré jusqu'ici, de Tourneur à Halperin : le mythe du mort rendu à la vie pour n'être plus que force de travail dans les plantations. Là-dessus, Gilling et Bryan greffent le mythe vampirique à travers la symbolique du sang mais surtout celle, sublimée dans les films de Fisher, de la séduction. Comme Dracula, Hamilton doit séduire ses victime et être invitées par elles à entrer dans leur maison pour prélever leur sang et les mettre sous sa dépendance psychique. Métaphore sexuelle à connotation sado-masochiste, cette approche enrichit indéniablement le personnage du squire, renforçant le suspense des scènes avec les deux femmes et l'horreur de voir Alice dépérir, mourir puis revenir sous le regard impuissant de ceux qui l'aiment. Troisième mythe convoqué, celui de Frankenstein. Il faut rappeler que les films de Fisher pour la Hammer remettent le docteur au premier plan alors que les américains privilégiaient la créature. Fisher travaille en particulier le statut d'homme de science en butte à l'obscurantisme de son époque. Et bien le bon docteur Forbes a un peu le même problème et c'est toute une histoire quand il demande une autopsie. Comme le fameux baron avec lequel il partage des traits de caractère, le voilà réduit, avec Tompson, à creuser les tombes fraîches la nuit pour examiner les cadavres.

C'est l'occasion du coup de génie du film, j'en frissonne encore. Lors d'une séquence qui va se révéler un rêve, Gilling met en scène la résurrection des morts-vivants dans le petit cimetière. La terre fume, les tombes se soulèvent, une main jaillit de terre et les morts foulent à nouveau la terre de cette démarche si caractéristique. Cette vision inédite à l'époque a indéniablement marquée tout un pan du cinéma d'horreur, de Georges Romero à Lucio Fulci en passant par Armando De Ossorio. Ne manque encore que l'élément cannibale introduit par Romero. On peut ajouter au tableau les maquillages encore impressionnants de Roy Ashton et quelques effets chocs dont l'apparition du mort-vivant portant le cadavre d'Alicia dans le décor magnifique du moulin, et la décapitation de la même à la pelle (après qu'elle soit morte, hein).

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A ce brassage de mythes, on pourra ajouter si l'on est d'humeur folâtre la lecture d'un sous-texte politique quelque peu satirique. Hamilton est un bon capitaliste qui pour mieux exploiter les masses laborieuses et paysannes les transforme en ouvriers dociles, sans âme et sans besoins. Une sorte d'idéal libéral. Il règne grâce à la peur et s'appuie sur une milice. Le terrible patron sera combattu par les représentants d'un humanisme éclairé et progressiste. La jolie parabole que voilà !

John Gilling mène son affaire sur un train d'enfer quoique cette expression n'a peut être plus le même sens aujourd'hui qu'en 1965. Disons qu'il n'y a pas de temps morts, rebondissements et péripéties sont nombreux et habilement agencés. Le réalisateur exploite les ressources limitées de ses décors par des angles variés, des cadres souvent larges aux compositions équilibrées, alternant avec quelques effets comme la caméra à l'épaule lors de la tentative de viol de Sylvia par les hommes du squire et de brusques gros plans qui toujours précipitent l'horreur (le visage du cadavre tombé dans la rivière, le zombie au moulin, la tête d'Anna roulant à terre en un plan quasi subliminal). Les séquences à suspense sont découpées avec précision, mettant en valeur les confrontations entre les personnages et donnant au spectateur la connaissance des machinations en cours. La tension n'en est que plus intense. La photographie est signée Arthur Grant, spécialiste du genre, tout à fait à l'aise avec les brumes, les nuit américaines en forêt, les villages gothiques, les robes flottant sur les pavés, les souterrains mystérieux et l'inévitable incendie final. Le summum étant une fois de plus la scène du cimetière avec ses effets de brume et ses cadres tordus. Inévitable aussi la partition de James Bernard, pilier musical de la Hammer, sans doute le moins original des divers composants de ce superbe cauchemar aux images entêtantes, Plague of the zombies.

Photographies : source Tout le ciné

Sur horreur.com

Sur Psychovision

Sur Cinéma fantastique.net

03/09/2009

Trois fois femme

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Ieri, oggi, domani (Hier, aujourd'hui, demain - 1963) de Vittorio De Sica avec la Loren, bientôt sur Kinok. (Captures DVD Carlotta).

02/09/2009

Le blogdayliseur fou frappe à l'aube

Le dernier jour du mois d'août, c'était celui des blogs, le BlogDay. Pour l'occasion, Frédérique m'a fait l'honneur de me blogdayliser en bonne compagnie. Sans lui retourner littéralement la politesse, je sacrifie au rituel en vous proposant, non pas une sélection de mes liens habituels ce qui n'aurait qu'un intérêt limité, mais cinq des derniers blogs que j'ai découvert au hasard de mes voyages virtuels :

Spaghetti (!) Cinema devrait faire plaisir à certains de mes lecteurs. Voici un blog original, pas tant sur la thématique (le cinéma populaire italien) que sur le contenu. Il donne en effet la parole à ceux qui l'ont fait et vécu à travers des extraits d'entretiens (en anglais). On trouvera ainsi des informations de première main de la part de Gianfranco Parolini, Jacques Tourneur, Tonino Delli Colli, Duccio Tessari, Sergio Leone, Sergio Corbucci, Eli Wallach et beaucoup d'autres. Ça donne envie, non ?

Dans un registre proche, European film star postcards, comme son nom l'indique, publie des cartes postales d'acteurs et d'actrices sur la vaste période 1895 – 1970. Il y a de bien belles choses, comme la carte de la toute jeune Claudia Cardinale. Voilà qui devrait alimenter le fétichisme de certains.

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Où notre héros apprend qu'il est blogdaylisé (source Dr Macro)

Hollywood encore et toujours avec Obscure Classics qui explore l'âge d'or du grand cinéma américain avec régularité. L'iconographie est superbe.

Chuck-a-luck est un blog cinéphile animé par Michael Sooriyakumaran. Un ensemble de textes de bon goût puisque le programme d'août comprenait Tarantino, Miyazaki, Cimino et Von Trier. Il y a des liens passionnants, notamment celui sur Ozu.

Pour terminer, Beyond the canon est une proposition bien intéressante de Ian Stott. Il s'agit de sortir de la liste des 100 meilleurs films du monde en proposant une liste de laquelle sont impérativement exclus les 300 films apparaissant dans la plupart des grandes enquêtes du genre. Un défi amusant sur lequel je travaille. Je vous en reparle bientôt.

16:13 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : blog |  Facebook |  Imprimer |

01/09/2009

Le chat

Revu avec plaisir Le chat, adaptation de Simenon par Pierre Granier-Deferre en 1971 avec Le Gabin et La Signoret. Le genre de films que je voyais il y a trente ans, en famille à la télévision. Vraiment bien à tous points de vue, le travail sur le son en particulier. Le vieux couple vit à Courbevoie, dans un pavillon promis à la démolition entouré d'engins de chantiers vrombissants. Le film a été tourné dans la partie de la ville promise à la démolition pour donner les tours de la Défense. Il traduit l'agression sonore de l'urbanisation et l'utilise dramatiquement pour brouiller la communication entre les êtres. Un peu à la façon dont Leone utilisait le son de la guerre pour masquer celui des éperons des tueurs dans Il buono, il brutto, il cattivo (Le bon, la brute et le truand – 1966). Belles idées aussi comme celles de la rue coupée en deux dans le sens de la longueur et de ce camion sombre d'éboueurs qui la remonte tous les jours, variante moderne de la charrette de l'Ankou, personnification de la mort chez les bretons.

Le plus surprenant peut être aujourd'hui, c'est la présence d'un troisième monstre sacré entre les deux icônes du cinéma national, Paris. Le Paris populaire et sa proche banlieue, ses petites maisons, son côté ville à la campagne. « Vous serez tranquille ici », dit l'agent immobilier dans le souvenir de Julien – Gabin. Le petit jardin du bassin parisien, l'habitat à échelle humaine, un rêve de Front Populaire, le cinéma de René Clair, Marcel Carné, Jean Renoir ou Julien Duvivier, les pavillons dessinés par Tardi, les photographies d'Eugène Atget. Un idéal douillet et moyen dont a pu se gausser, mais pour le remplacer par quoi ? Des tours, des barres, du béton en bloc, des banques et des compagnies d'assurance, Total et Elf, le centre des congrès avec sa galerie marchande dans laquelle le cadre en séminaire peut errer entre douze et quatorze, hagard comme un personnage de Georges Romero, l'argent lui brûlant les doigts même le dimanche. Belle réussite du gaullisme immobilier, de ses initiateurs, de ses continuateurs, de ses imitateurs et de ses héritiers.

Dans Le chat, il y a encore les traces, les dernières. Pour Casque d'or et pour Lantier, il ne reste que le suicide et la colère rentrée.

31/08/2009

Influences

Were you influenced by the likes of Robert Aldrich, Samuel Fuller, or Sergio Leone? What other directors have had a positive effect on you ?

Quentin Tarantino : Oh, yeah. You better believe they were big influences. Sergio Leone is my favorite director of all time. I don’t think this is it, but I remember when I first started the movie after Jackie Brown, it was one of the things that I wanted to be my The Good, The Bad, and The Ugly, and it was. I love those guys’ work. Oddly enough though, as much as I love Sergio Leone, if you are familiar with a lot of those directors, I think my work resembles more of Sergio Corbucci. Not that I am trying to do either of those guys, but he is the other master as far as I’m concerned. I think my films are closer to his than Leone’s.

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Avez vous été influencé par dens gens comme Robert Aldrich, Samuel Fuller, ou Sergio Leone ? Quels autres réalisateurs ont eu un effet positif sur vous ?

Quentin Tarantino : Oh, oui ! Vous pouvez dire qu'ils ont été des influences majeures. Sergio Léone est mon réalisateur favori de tous les temps. Je ne crois pas être arrivé à cela, mais je me souviens que quand j'ai commencé le film après Jackie Brown, je voulais que ce soit mon Le bon, la brute et le truand, et ça l'était. J'adore le travail de ces gars. Assez étrangement, autant j'aime Sergio Leone, si vous êtes familier de ces réalisateurs, je crois que mon travail ressemble plus à celui de Sergio Corbucci. Ce n'est pas que je cherche à être l'un ou l'autre de ces gars, mais il est l'autre maître en ce qui me concerne. Je pense que mes films sont plus proches des siens que de ceux de Leone.

Entretien avec Quentin Tarantino sur Screencrave (en anglais). Traduction laborieuse de mes petites mains. La photographie vient de Movie-moron, je n'ai pu résister aux mains de Mélanie dans le celluloïd.

26/08/2009

Bientôt la rentrée...

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My darling Clementine (La poursuite infernale - 1946) de John Ford - Source MOMA

24/08/2009

(In)glourious critiques

De retour d'une semaine à la montagne et au frais, loin de tout ordinateur, je n'avais qu'une hâte, savoir ce que mes petits camarades avaient bien pu penser du petit dernier de MrQ. Comme la réception cannoise le laissait prévoir, ça défouraille sec.

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Revue :

Le cinéma n'est pas une arme métaphorique mais réelle.

Independencia

Tout est affaire de croyance et c’est cette croyance qui emporte totalement le spectateur à la vision d’Inglourious basterds.

L'avis du Bon Docteur (et celui de Julien en commentaire)

Mais, cette violence est souvent pénible en ce qu'elle pousse le spectateur à ricaner (ricaner de se voir choqué).

L'avis de de Nightswimming

Il est clair qu’avec le finale d’Inglourious Basterds, Tarantino atteint le noyau dur de son cinéma : l’ivresse à se faire le reclus volontaire du cinéma au risque de se faire dévorer par lui.

L'avis de Joachim sur 365 jours ouvrables

Fidèle à sa réputation, Tarantino nous livre ainsi avec Inglourious basterds moins un film antinazi qu’une œuvre pronaze, assumant totalement la bêtise autant que la perversion de ses personnages.

L'avis de Buster sur Baloonatic

Et puis le mien, à chaud en mai et pour rappel. Pas encore revu, pas certain que j'ai encore grand chose à ajouter. Juste une chose parce que je l'ai retrouvée à plusieurs reprises : « western spaghetti » est une expression péjorative, un sarcasme inventé par les américains qui avaient en travers de la gorge le culot de ces fichus ritals venus piétiner avec bonne humeur leurs plate-bandes. Comme disait Leone : « Ce mot de western spaghetti, c’est un des plus cons que j’aie jamais entendu de ma vie ! ».

 

09/08/2009

L'initiation

Je n'y connais rien, mais j'imagine que pour bien préparer une guerre, il faut commencer par une bonne préparation psychologique. Du baratin de Léonidas à ses 300 spartiates à l'axe du mal cher à Georges Bush junior en passant par les pyramides de Bonaparte en Égypte du haut desquelles tant de siècles nous contemplent, il s'agit de galvaniser les troupes pour le combat. Pour ce qui est de la guerre économique, c'est le même principe. Le remarquable documentaire L'initiation de Boris Carré et François-Xavier Drouet met en évidence le discours destiné aux futurs traders, dirigeants, managers de tout poil, DRH de toutes plumes.

Dans un hôtel de banlieue, classe, luxueux, impersonnel et sinistre, nous suivons un séminaire de trois jours de préparation intensive aux concours d'entrée en école de commerce. Quelques dizaines de jeunes gens, à peine sortis de l'adolescence, viennent y entendre la plus pure langue de bois du libéralisme « à l'américaine », préparation psychologique à la vie en entreprise ou c'est « cool » d'être « manager » et de se faire « un maximum » de pognon. Qu'est-ce que l'on ne sacrifierait pas au dieu argent ! Et en plus il faut aimer ça pour ne pas ressembler à ces masses de pauvres types qui prennent le métro tous les matins avec leur regards vides, aussi vides que leurs comptes en banque. Mais je m'égare, je m'irrite, je m'énerve. Le film.

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La grande question que l'on s'est posé en ressortant de la séance, c'était de savoir comment cela avait été tourné. La caméra est au cœur de l'action, du discours. Face aux stagiaires comme face aux intervenants. Fixe la plupart du temps, à la fois évidente et discrète. Impersonnelle à la limite. La photographie aussi est très neutre, bien dans les tons de décoration (si l'on peut dire) de ces endroits normés : bleuté, grisé, brun - crème. Le film laisse parler tous ces gens très bavards. Pas de commentaire. Le propos du film émerge du montage, superbe travail de mise en correspondance des paroles, des idées, des regards et des attitudes. Les réalisateurs observent leur petit monde comme on filmerait une tribu de babouins ou une colonie de pingouins, avec la même distance. Il s'en dégage une sacrée force comique, comme pour les singes ou les palmipèdes. Vu à cette distance, ils sont ridicules, trop énormes pour être vrais. Mais ce sont des hommes et des femmes bien sûr, alors le rire (on a rit beaucoup lors de cette séance au festival du Cinéma Brut) s'étrangle. Et puis l'on se rend compte qu'ils parlent de nous et c'est l'horreur qui devient le sentiment dominant. Comme lorsque l'intervenant principal, un poème celui-là avec son pull noué autour des épaules, explique comment on fait du dégraissage en entreprise à coup de touche [Suppr] sur un tableur excel. Et surtout sans états d'âme, hein les petits.

Horreur et colère. On a invectivé l'écran plus d'une fois lors de cette séance au festival du Cinéma Brut. Cela ne sert à rien mais cela défoule.

Alors, oui, la question du tournage c'est comment le film a été fait. Comment Boris Carré et François-Xavier Drouet ont eu l'autorisation de filmer tout ceci comme cela et qu'est-ce que les organisateurs en ont pensé du résultat final ? J'ai eu la désagréable impression que les réalisateurs avaient eu toutes les autorisation nécessaires sans problème mais encore que le film avait plu à ses personnages. Après tout, les intervenants et le jury semblent fermement convaincus de leurs valeurs (pourquoi non ? ) et les petits apprentis ont la foi du charbonnier. Ils sont d'ailleurs touchants parfois avec leurs expression encore enfantines. C'est peut être là le plus grand scandale, comment cette mentalité de la gagne, des affaires à tout prix, salit tout ce qu'elle touche jusqu'à l'enfance. Rien, je crois, ne l'a autant mis hors de moi que ce pauvre garçon qui utilise le fait de s'être occupé de sa petite sœur (ses parents sont morts ou un truc dans le genre) pour montrer qu'il sait « gérer une situation », « manager » et « prendre ses responsabilités ». Pauvre gosse.

L'initiation est un film excellent pour aider à comprendre le monde dans lequel nous vivons et la bande de dangereux maniaques qui nous dirige. On entre en profondeur dans leur processus de pensée et cela donne, comme écrivait l'autre, envie de

Chercher sur la terre un endroit écarté

Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.

Mais comme le chantait le regretté Bobby Lapointe :

Seulement voilà y en a pas

Tout est loué depuis Pâques

Alors qu'est-ce que tu veux faire ?

On peut toujours voir L'initiation de Boris Carré et François-Xavier Drouet disponible dans un DVD collectif, Trois petits films contre le grand capital à l'initiative de Pierre Carles.

08/08/2009

En hommage à John Hughes

04/08/2009

Casanova '70

Andrea – Marcello dans un costume sombre impeccable, la main négligemment posée sur un chat de porcelaine chinoise, glisse en barque à fond plat sur les eaux de la rivière du comte dont il convoite la si belle femme. Sur son passage, les statues noyées dans la végétation luxuriante perdent leurs morceaux et le pont à l'allure florentine s'écroule en un soupir. « Tout est pourri, ici », commente laconiquement le marin d'eau douce qui le conduit.

Peut être que l'apport majeur du cinéma italien, c'est ce sens de l'autodérision, cette faculté à montrer le fragile humain comme les palais vénitiens montrent leurs trous dans le crépi des façades et les colonnes romaines leurs fissures. Comme ils montreront la sueur et les mouches quand ils investiront le western. Et d'en rire.

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Virna Lisi, ma che bella...

Casanova '70, réalisé par Mario Monicelli en 1964, l'année de ma naissance mais cela n'a rien à voir, allie dans son titre l'esprit de tradition séculaire du séducteur latin avec l'aspiration à la modernité typique des années 60. C'est une pièce maîtresse du travail de sape opéré sur le mythe italien le plus tenace. Marcello Mastroianni c'est le charme et l'élégance incarnée, avec ou sans fine moustache taillée au poil. C'est un peu Cary Grant ou Ronald Colman. Et autour de lui gravitent quelques beautés absolues de l'époque : Michèle Mercier avant sa période Marquise des anges, Virna Lisi et sa mouche à la lèvre, la féline Marisa Mell, Margareth Lee, Liana Orfei, Rosemary Dexter, Beba Loncar, du calme, j'en oublie sûrement. Ce tableau merveilleux est pourtant miné de l'intérieur comme les statues du parc du comte par le blocage d'Andrea qui se manifeste par un besoin irrépressible du danger au sein du processus amoureux. Le pauvre.

La suite sur Kinok

Photographie : capture DVD Carlotta

Le DVD

03/08/2009

C'era una volta Sergio Leone

Un article de Pierre Cadars sur le site Radici.

SergioLeone.jpg
Photographie : Spaghetti western

31/07/2009

Questionnaire estival

La saison est propice à l'exercice, que l'on patiente au bureau dans l'attente du retour des collègues ou que l'on se prélasse à Palavas les flots, ou ailleurs, ou n'importe où. Sur la suggestion du Bon Dr Orlof, je me suis attelé avec mon maigre bagage d'anglais à la traduction de l'un de ces questionnaires concoctés par nos amis cinéphiles américains et relayé il y a peu par Flickhead. Voici donc 38 questions qui ont pour but de raviver les souvenirs, de susciter la curiosité et éventuellement de polytraumatiser les amateurs de Robert Altman.

 

1) Quel est votre second film favori de Stanley Kubrick ?

Eyes Wide Shut (1999).

2) Quelle est l'innovation la plus significative / importante / intéressante dans le cinéma de la dernière décade (pour le meilleur ou pour le pire) ?

La lumière des films de Wong Kar-wai.

3) Bronco Billy (Clint Eastwood) ou Buffalo Bill Cody (Paul Newman)?

Eastwood. Plutôt la machoire carrée que les yeux bleus, Marie-Thé me pardonne.

4) Meilleur film de 1949.

She wore a yellow ribbon (La charge héroïque) de John Ford.

5) Joseph Tura (Jack Benny) ou Oscar Jaffe (John Barrymore)?

« So they call me Concentration Camp Ehrhardt ? »  Benny presque sans hésiter.

6) Le style de mise en scène caméra au poing et cadre tremblé est-il devenu un cliché visuel ?

Certes... c'est surtout devenu un cliché critique dans la mesure ou, en cette matière comme en tant d'autres tout dépend de qui tient la caméra.

7) Quel est le premier film en langue étrangère que vous ayez vu ?

En salle, Stagecoach (La chevauchée fantastique – 1939) de John Ford, le film qui m'a incité à m'inscrire à la cinémathèque de Nice.

8) Charlie Chan (Warner Oland) ou Mr. Moto (Peter Lorre)?

Leurs films sont peu connus par ici, mais Lorre, c'est Lorre.

9) Citez votre film traitant de la seconde guerre mondiale préféré (période 1950-1970).

Kanal (1957) d'Andrzej Wajda.

10) Citez votre animal préféré dans un film.

Pyewacket, le chat de la sorcière incarnée par Kim Novak dans Bell, book and candle (L'adorable voisine – 1958) de Richard Quine. Photographie : the cat files.

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11) Qui ou quelqu'en soit le fautif, citez un moment irresponsable dans le cinéma.

Qui a eu l'idée de filer une caméra à Michael Haneke ? Pour la palme d'or on le sait.

12) Meilleur film de 1969.

The wild bunch (La horde sauvage) de Sam Peckinpah. Pas si facile, c'est une grande année.

13) Dernier film vu en salles, et en DVD ou Blu-ray.

En salle : Whatever works de Woody Allen. En DVD, au moment ou j'écris, Casanova '70 de Mario Monicelli.

14) Quel est votre second film favori de Robert Altman ?

M*A*S*H* (1970)

15) Quelle est votre source indépendante et favorite pour lire sur le cinéma, imprimé ou en ligne ?

Pour ne créer de tension parmi mes nombreux amis en ligne, je citerais la revue à laquelle je reste fidèle : Positif.

16) Qui gagne ? Angela Mao ou Meiko Kaji ?

Cheng Pei-pei.

17) Mona Lisa Vito (Marisa Tomei) ou Olive Neal (Jennifer Tilly)?

J'adore l'accent avec cheveu sur la langue de Jennifer Tilly.

18) Citez votre film favori incluant une scène ou un décor de fête foraine.

Panique (1946) de Julien Duvivier

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19) Quel est à aujourd'hui la meilleure utilisation de la video haute-definition sur grand écran ?

L'anglaise et le duc (2001) d'Eric Rohmer.

20) Citez votre film favori qui soit à la fois un film de genre et une déconstruction ou un hommage à ce même genre.

Django (1966) de Sergio Corbucci, comme plusieurs autres de ses films.

21) Meilleur film de 1979.

1941 !

22) Quelle est la plus réaliste / Sincère description de la vie d'une petite ville dans un film ?

Manon des sources version Pagnol en 1953.

23) Citez la meilleure créature dans un film d'horreur (à l'exception de monstres géants).

La chose de John Carpenter.

24) Quel est votre second film favori de Francis Ford Coppola ?

Peggy sue got married (Peggy Sue s'est mariée – 1986)

25) Citez un film qui aurait pu engendrer une franchise dont vous auriez eu envie de voir les épisodes.

Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro – 1988) de Hayao Miyazaki. Photographie source Bao-blog.

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26) Votre sequence favorite d'un film de Brian De Palma.

La scène avec la tronçonneuse dans Scarface (1983), c'est à cause d'elle que j'ai mis quelques années à me décider à aller voir le film.

27) Citez votre moment préféré en Technicolor.

L'orage dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque – 1949) de John Ford

28) Votre film signé Alan Smithee préféré.

Alan Smithee, invention bien américaine, est un pseudonyme utilisé par les réalisateurs qui ne souhaitent pas voir leur nom lié à un film qu'ils désavouent. Il s'agit donc en général de navets et il est délicat d'en citer un de favori. Le seul que j'ai pu voir est Supernova ( 2000) réalisé en fait par Walter Hill et dans lequel Coppola aurait trempé.

29) Crash Davis (Kevin Costner) ou Morris Buttermaker (Walter Matthau)?

J'aime bien les deux acteurs mais je n'ai vu aucun des deux films. Plutôt Tony D'Amato.

30) Quel film post-Crimes et délits de Woody Allen préférez vous ?

Vicky Cristina Barcelona (2008)

31) Meilleur film de 1999.

Eyes Wide Shut (1999)

32) Réplique préférée.

Hey, shérif, you forget your pants !

33) Western de série B préféré.

Apaches drums (Quand les tambours s'arrêteront - 1951) de Hugo Fregonese, ultime production Val Newton.

34) Quel est selon vous l'auteur le mieux servi par l'adaptation de son oeuvre au cinéma?

Encore sous le choc et venant de lire la longue nouvelle d'origine, je dirais Akiyuki Nosaka pour l'adaptation de Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) par Isao Takahata.

35) Susan Vance (Katharine Hepburn) ou Irene Bullock (Carole Lombard)?

Choix autrement plus difficile que pour les hommes. Plutôt Susan et son léopard. Photographie : Battleship Pretention.

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36) Quel est votre numéro musical préféré dans un film non musical ?

Purple light in the canyons

That's where I long to be

With my three good companions

Just my rifle, pony and me

37) Bruno (Le personnage si vous n'avez pas vu le film, ou le film si vous l'avez vu) : une satire subversive ou un ou un stéréotype ?

Pas vu et pas tenté.

38) Citez cinq personnes du cinéma, mortes ou vivantes, que vous auriez aimé rencontrer.

Catherine Deneuve, Jeanne Balibar, Steven Spielberg, François Truffaut et bien que ça me terrifie, John Ford.

28/07/2009

Un double Mocky pour l'été - 2

Un drôle de paroissien

Jean-Pierre Mocky. Bourvil. Bourvil et son visage illuminé par la Grâce, en prières aux pieds de la statue de la vierge. « Sans la prière des humbles, que deviendrait le monde ? ». Bourvil qui marche comme en apesanteur revenant chez lui après avoir reçu le signe du ciel. Bourvil et ce geste de danseur pour arracher la boite aux lettres qui va lui servir à s'entraîner à piller les troncs d'église. Bourvil, fils de famille au phrasé délicat, aux gestes subtils et toujours précis. Bourvil et sa raie au milieu. Bourvil qui par moment ressemble étrangement à Claude Rich, autre évanescent fameux et futur comédien mémorable pour Mocky. Bourvil sublime naïf qui obéit scrupuleusement au commandement paternel : « Tu ne travailleras pas » et qui s'étonne que l'on s'irrite de son voeux d'oisiveté. « Est-ce que je m'irrite de les voir travailler ? ». Bourvil qui expose si simplement les principes et l'absurdité du capitalisme à son ami Raoul.

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Photographie : capture DVD Cahiers du Cinéma

Raoul, c'est Jean Poiret. Poiret au phrasé de Donald Duck. Poiret prothésiste dentaire qui se laisse entraîner par son ami par goût de l'aventure. Poiret qui s'amuse, comme en visite dans le film de Mocky, une visite qu'il renouvellera plusieurs fois. Poiret qui regarde Bourvil jouer et qui admire le jeu de Bourvil. Poiret qui s'amuse encore de faire tourner en bourrique les inspecteurs de la brigade de protection des églises, et le premier d'entre eux, l'inspecteur Crucherat. Francis Blanche. Poiret qui regarde jouer Francis Blanche et qui se régale.

Blanche. Son inspecteur cauteleux et asthmatique. Blanche et son sifflet et ses essoufflements. Blanche agenouillé en prières aux côté de Bourvil, sans le voir, dans un superbe slowburn. Blanche le transformiste qui entraîne le film dans une débauche de déguisements. Blanche qui contamine le film avec son goût du travestissement et tous de se travestir. « Au ciel, au ciel, au ciel... »

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Le DVD

26/07/2009

Un double Mocky pour l'été - 1

Snobs !

... ne pas oublier le point d'exclamation, est le troisième film de Jean-Pierre Mocky qui débuta dans le cinéma en tant qu'acteur, notamment pour Georges Franju. Ici, il rode une formule sans trouver pleinement ses marques. Il est intéressant de le découvrir dans la collection Deux films des Cahiers du Cinéma aux côtés de Un drôle de paroissien (1963) pour mesurer l'évolution rapide de Mocky cinéaste à l'époque. Foisonnant, pétillant, maladroit, empli de possibles, Snobs ! est, selon l'expression consacrée, une aimable pochade.

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Photographie : capture DVD Cahiers du Cinéma

Aimable parce qu'il contient déjà la majorité des éléments qui font le bonheur des admirateurs du cinéaste, dont je suis n'en doutez pas. Sens de la dérision, art de la caricature, talent pour le portrait croqué en deux plans ou un travelling, Mocky travaille un humour personnel qui nourrit la charge satirique d'une bonne dose d'humanité. Cela passe d'abord par son travail sur les acteurs, avec les acteurs, et s'exprime par ce goût bien connu pour les trognes étonnantes ce qui fait de lui, dans le genre, le plus proche équivalent français de Federico Fellini.

Il opère dans Snobs ! une alliance excitante entre différentes familles et générations d'acteurs, brassant les vétérans Noël Roquevert, Francis Blanche et Pierre Dac avec les atypiques Michael Lonsdale (excellent) ou Jacques Dufilho ; les jeunes pousses Gérard Hoffman et Véronique Nordey (madame Mocky) avec quelques visages profondément mockiens : l'imposant Robert Secq en patron de poids lourds amateur de jeunes danseuses, Claude Mansard dans son bain, et l'inimitable Roger Legris qui gobe quantité d'oeufs.

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Le DVD

24/07/2009

Poupée

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Debbie Edwards (Lana Wood) dans The searchers (La prisonnière du désert - 1956) de John Ford et Setsuko dans Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) de Isao Takahata. Merci à Rom qui m'a inspiré ce rapprochement.

23/07/2009

Indicateur

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Boite à bonbons ou pot de fleur, il faut savoir regarder les indicateurs.
Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) de Isao Takahata et E.T. (1982) de Steven Spielberg. Captures DVD Kaze et Universal

22/07/2009

Tant que ça fonctionne

Le nouveau film de Woody Allen, Whatever works, pour moi, ça sera plutôt pour. Restons dans l'esprit du titre (Quoi que ce soit tant que ça fonctionne), et disons que ça fonctionne avec moi et que c'est bien comme ça. Pour aller plutôt dans le sens du bon Docteur Orlof, j'ai été sensible à l'énergie juvénile du récit, aux dialogues bien balancés (Ma réplique favorite : « Alors votre mère, c'était aussi un homme ? » à l'absurde façon Billy Wilder), aux piquantes Evan Rachel Wood et Patricia Clarkson, à la mise en scène discrète mais toujours précise qui fait progresser le film à grandes enjambées d'ellipses, au côté faussement théâtral du dispositif allié aux interventions face caméra qui utilisent habilement le plan de l'écran et la complicité du spectateur. L'humour allenien a de nouveau un parfum des années 70, date à laquelle a été écrit le projet, bref Whatever works a tout du petit film pétant de santé, juste ce qu'il me fallait pour me remettre de l'expérience Takahata.

Pour aller, néanmoins un peu, dans le sens de Ed de Nightswiming, le film a tout du film de transition, une détente peut être après le périple européen et l'oeuvre majeure qu'était Vicky, Cristina, Barcelona. Ce retour à New-York, c'est un peu retrouver ses marques comme on retrouve, non sans déplaisir, ses pantoufles. Allen n'est guère original et souvent prévisible. On retrouve assez souvent des motifs vus par ailleurs (le poids du destin et du hasard, les allusions à la Shoah, le héros hypocondriaque...). Ce qui fait du film moins une oeuvre somme englobant et dépassant toutes les autres qu'une nouvelle variation sur les mêmes thèmes.

Je n'irais pas jusqu'à taxer le film d'un relatif cynisme et après la réplique grandiose du dernier Tarantino, « Je crois que je viens de réaliser mon chef d'oeuvre », j'ai apprécié avec gourmandise l'ultime confidence de Boris Yellnikoff : « Je suis le seul à avoir une vision globale ».

Depuis la fin des années 70, il y a toujours eu avec les films de Woody Allen ce sentiment contradictoire entre plaisir de retrouver régulièrement un univers familier et agacement à retrouver un peu toujours la même chose. C'en est même devenu une tarte à la crème critique. Après 40 ans de compagnonnage, il faut peut être en prendre son partit, accepter les hauts avec les bas. Après tout, tant que ça fonctionne...

17/07/2009

L'homme aux mille visages

Les quatre premiers plans du film disent assez ce qu'est Man of a thousand faces (L'homme aux mille visages) réalisé en 1957 par Joseph Pevney. Le premier est un logo façon médaille commémorative qui inclus le film dans la célébration des 50 ans de Hollywood. C'est du noir et blanc. Hollywood va se pencher sur son prestigieux passé, salutaire exercice pour un système qui sent alors le sol se dérober sous ses pieds. Le second, c'est le fameux logo de la Universal avec son globe terrestre. Nous verrons donc un film Universal qui se penche sur l'histoire de Universal et des films Universal. Le troisième est le logo du procédé Cinémascope. L'écran large est à cette période l'arme de choc de Hollywood contre la télévision. Cinémascope est devenu synonyme de vastes westerns, d'aventures épiques, de films plus grands que nature. C'est une façon de dire que l'on fait passer l'histoire du studio dans la dimension de la légende. Le quatrième nous montre l'entrée d'un studio (devinez) et un drapeau américain qui descend pour se mettre en berne. Un texte nous apprend que l'on va rendre hommage à un acteur. Avec le drapeau, Universal et le cinéma se fondent avec la patrie. Deux plans plus loin, une plaque, commémorative elle aussi, nous donnera son nom : Lon Chaney. Man of a Thousand Faces est donc la légende à grand spectacle de Lon Chaney aux studios Universal.

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Lon Chaney (1883 – 1930) est un acteur essentiel de la période muette de l'histoire de Hollywood. Comme Charlie Chaplin, il vient de la scène, de la pantomime, du clown. Il fait partie de ceux qui apportent quelque chose au jeu de purement cinématographique, une présence magnétique, électrisant les foules et traversant le temps. Il a un sens du visuel qui lui permettra de donner corps aux visions de metteurs en scène inspirés, au premier rang desquels il faut citer Tod Browning, Victor Sjöstrom, Rupert Julian ou Franck Lloyd. Le créneau de Chaney, c'est le fantastique, l'étrange, le différent, le bizarre. Son visage est dur et anguleux, il n'a pas un physique de séducteur. Alors il va faire peur, inquiéter, déranger. Son corps a la souplesse des grands burlesques et Chaney a développé un art très sûr du maquillage. Il laissera une empreinte indélébile sur des personnages comme Quasimodo, Le fantôme de l'opéra, le clown « he who get slapped », l'artiste qui s'ampute des deux bras par amour, l'assassin de Londres après minuit, le génie criminel du club des trois. Une galerie délirante et poétique, terrifiante et émouvante de gueules cassées, d'estropiés, de criminels hallucinés, d'amoureux diaboliques marqués par le destin. Lon Chaney est la première grande star de la peur à l'écran.

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Photographie : Lon Chaney (l'original) dans son rôle fétiche du fantôme de l'opéra. Source : Wikimedia

Le DVD

16/07/2009

Pur moment de perfection