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23/01/2009

Barbary coast

Tout arrive et j'ai fini par recevoir le film de Howard Hawks Barbary coast (Ville sans loi – 1935). Un peu court pour le Early Hawks Blog-a-thon, mais tant pis. Il faudrait se replonger dans le livre de McBride pour avoir les détails, mais il semble que ce ne soit pas un projet sur lequel Hawks se soit beaucoup investi, de ces projets qu'il développait longtemps à l'avance, avec méthode et passion. Plutôt un boulot en mercenaire.

Situé à San Francisco aux temps de la ruée vers l'or, Barbary coast est l'aventure de Mary Rutledge (Miriam Hopkins) débarquée là pour se marier. Las ! Son futur a été refroidi après avoir perdu son or au jeu. Décidée à faire néanmoins fortune « Je serais bonne perdante », la belle qui n'a pas froid aux yeux (qu'elle a fort charmants) se fait engager comme croupière dans la maison de jeu de l'assassin, le tyrannique Chamalis (Edward G. Robinson) qui met la ville sans loi (d'où le titre français) sous la sienne. De loi. La belle finira par rencontrer un poète-prospecteur (Joel McCrea) qui provoquera chez elle passion et une salutaire prise de conscience.

barbary_coast.jpg

Nous sommes bien dans un mélo taillé sur mesure par les scénaristes Ben Hecht et Charles MacArthur qui ne font malheureusement pas d'étincelles. Leur scénario est à la fois trop balisé tandis que les efforts d'originalité ne fonctionnent pas. On trouve ainsi une réplique comme « Les femmes, c'est comme les grenouilles. On ne sait jamais de quel côté elles vont sauter ». Voilà.

La plus grosse faiblesse du film, c'est le personnage de Jim Carmichael, le poète-prospecteur. McCrea n'a pas grand chose à jouer dans cet homme éthéré et passif, grand bêta aux limites du ridicule. Un héros en rien hawksien. On a du mal à comprendre, à accepter l'amour qui enflamme Mary et ses grands déchirements de la fin.

Bien que cela m'en coûte de l'écrire, Miriam Hopkins est ici assez irrégulière. Si elle est convaincante dans les scènes du début et dans sa confrontation avec Chamalis, le menton fièrement relevé derrière sa roulette, elle pêche par excès dans les parties plus mélodramatiques, mis à part la jolie scène où elle se sèche au coin du feu dans une cabane. Elle ne manque pas de classe mais de cette décontraction langoureuse des grandes héroïnes de Hawks. Il semble que ni le réalisateur, ni ses scénaristes aient vraiment travaillé les nuances. Reste un avant goût néanmoins savoureux de la Feathers de Rio Bravo.

C'est un peu la même chose avec le Chamalis de Robinson, joué avec autorité et une boucle à l'oreille, mais d'un bloc. Il fait peur comme les autres gangsters psychopathes joués par l'acteur. Sa passion pour Mary est elle aussi d'un bloc, mal exploitée, et si le retournement final évoque celui de Red River (La rivière rouge – 1946), il est encore plus incongru. Pour se consoler, il y a un morceau de choix avec Old Atrocity joué par le grand Walter Brennan. Sorte de clochard vicieux et fier de l'être, plus ou moins homme de main de Chamalis, efflanqué, édenté, roublard, bandeau sur l'oeil et l'autre oeil fou, il est le digne prédécesseur de Groot et de Stumpy. Certains pensent même que Hawks n'a fait le film que pour lui. Ça se défend plutôt bien.

Brennan.JPG

Au crédit du film, il faut ajouter la prestation de Brian Donlevy avec son nez « pré-Lee Van Cleef » en homme de main vêtu de noir, et celle pleine d'inquiétante autorité de Harry Carey en chef de file du partit des braves gens. Le second conduira le lynchage du premier après le meurtre d'un journaliste faisant bigrement penser à celui de Ford dans The man who shot Liberty Valance (1962). Une scène étrange qui est l'un des sommets du film.

Le plus décevant, c'est sans doute le manque d'envergure de la mise en scène. La photographie de Ray June est belle, dans le genre atmosphère à la Von Sternberg, les compositions sont soignées, mais l'ensemble manque d'intensité, de vie. Plans larges, montage fonctionnel, Hawks semble s'être ennuyé de son film. Restent quelques beaux moments comme la scène d'ouverture, l'arrivée du bateau de Mary dans le brouillard, l'entrée dans le port de nuit qui rappelle l'arrivée du personnage de Jean Arthur au début de Only angels have wings (Seuls les anges ont des ailes) que Hawks tournera quatre ans plus tard. L'ombre de Jim recouvrant Mary. Et puis la scène de la pendaison avec ces plans de bottes avançant dans la boue, des images qui donnent un côté terrifiant à l'application de « la loi et l'ordre » malgré la noirceur du méchant piégé.

Je me rangerais donc sagement du côté de ceux qui, nombreux, trouvent que Barbary coast n'est pas une oeuvre majeure sans être indigne. Le film se voit avec plaisir, illuminé de temps à autre par le regard clair de Miriam Hopkins , l'accompagnement musical sur Jeanie with the light brown hair et les savoureuses apparitions du cher Brennan.

Photographie : DVD Toile et capture DVD MGM

La chronique de Seul le cinéma

Un joli portrait de Brennan sur Some came running

Le DVD

22:07 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : howard hawks |  Facebook |  Imprimer | |

18/01/2009

Héroïnes première manière

Early Hawks blog-a-thon

Avant les grands héroïnes hawksiennes, il y a eu de grandes héroïnes hawksiennes.

Howard Hawks est l'un des plus brillants illustrateurs de la formule de François Truffaut selon laquelle le cinéma a été inventé pour filmer les jolies femmes. Charmeur et séduisant, il n'a cessé dans son oeuvre de dessiner le portrait de son idéal féminin, construisant ses films tout autant sur les rapports d'amitié entre les hommes que sur une conception très personnelle de la relation entre un homme et une femme. Il les aime assez grandes mais pas trop, fines et plutôt jeunes, la bouche bien dessinée, sensuelle sans être plantureuse. Belles. Féminines mais capables de porter le pantalon et de manier le révolver. Il les aime endurantes, capables de prendre une flèche indienne sans broncher. Il les aime surtout insolentes, intellectuellement et sexuellement. Il aime qu'elles aient de la répartie, de l'humour, la voix un peu rauque et le regard par en dessous, mais les yeux crânement plantés dans ceux de leur partenaire. Il aime qu'elles aiment le jeu de la séduction mais n'en soient pas dupes. Il aime quand elles prennent l'initiative. Il aime qu'elles soient à la hauteur. On pourrait croire un peu vite qu'il aime qu'elles soient finalement soumises, acceptant les jeux dangereux de leurs partenaires. Il me semble qu'il s'agit plutôt de la recherche d'un équilibre en deux désirs, équilibre difficile à établir mais promesse de bonheur ineffable. Quand John Wayne oblige Angie Dickinson à retirer ses collants noirs, on pourrait penser qu'il l'oblige à renoncer à une part d'elle-même. Mais c'est elle, en fait, qui joue avec lui de ce code de séduction plutôt machiste et l'oblige à se révéler. Quand elle lui propose de les garder pour leurs jeux intimes, il jette les collants par la fenêtre, signifiant par là qu'il l'accepte telle qu'elle est, la femme qu'elle est. Ils sont adorables. De cet idéal, nous connaissons bien les grandes figures, Lauren Bacall, Rosalind Russel, Angie Dickinson, Jean Arthur, Elizabeth Threatt ou Jane Russel. Mais elles existent dans le Hawks première manière, celui du muet et des premiers chef-d'oeuvres du début du parlant.

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Louise Brooks (source Harvard film archive)

Il n'est pas étonnant que l'on retrouve en vedette de son premier grand film emblématique, A girl in every Port (Une fille dans chaque port – 1928) la grande Louise Brooks, symbole d'émancipation et de liberté, star atypique et tellement moderne, confrontée aux virils Victor McLaglen (le mouchard de Ford) et Robert Armstrong (le réalisateur dans King Kong).

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Ann Dvorak (source Dr Macro)

Ann Dvorak est peut être la plus étrange des héroïnes hawksiennes. Soeur du balafré dans le mythique Scarface (1932), victime de la possessivité du gangster que Hawks et son scénariste Ben Hecht voyaient bel et bien comme un désir incestueux, elle y évolue comme un personnage gothique, vêtue de robes sombres et fines, le cheveu bouclé, le jeu expressionniste comme issu du muet (ou du théâtre) et dans ses yeux passe tout ce que la censure avait tailladé, clair comme son regard terrifié.

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Joan Crawford (source Dr Macro)

Joan Crawford porte admirablement l'uniforme dans Today we live (Après nous le déluge - 1933 » mélodrame de guerre (la première) adapté par William Faulkner d'une de ses romans. Une femme prise entre trois hommes, et quel hommes : Gary Cooper, Francho Tone et Robert Young. Le genre de femme à s'engager comme infirmière pour rejoindre le front et poursuivre ses amours.

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Howard Hawks dirigeant Carole Lombard (source IMDB)

Élégante, classieuse et sophistiquée, Carole Lombard est aussi la reine de la « screwball comedy », aussi brillante que belle, elle étincelle dans Twentieth Century (Train de luxe – 1934) première grande comédie hawksienne, aux côtés de John Barrymore qui en voit de toutes les couleurs.

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Miriam Hopkins (source Dr Macro)

Même si le film ne semble pas majeur (Et que je n'ai toujours pas pu en juger, que fait la poste ?), il me semble évident que la route de Hawks croise en ces années trente celle de la belle Miriam Hopkins, divine actrice chez Lubitsch ou Mamoulian, portant admirablement le déshabillé de satin, elle est aussi fine et sensible que sensuelle et délicieusement drôle. Dans Barbary Coast (Ville sans loi – 1935), elle y est une femme devenue joueuse par nécessité dans ce qui n'est pas tout à fait un western, une première version de Feathers ?

Farmer.jpg
Frances Farmer (source Dr Macro)

De l'aveu de Hawks lui-même, la meilleure des actrices avec laquelle il ait tourné, ce fut Frances Farmer dans Come and get it (Le vandale – 1936) pour lequel elle joue un double rôle. Ceux qui ont vu le film Frances de Graemme Clifford où l'actrice est jouée par Jessica Lange connaissent son tragique destin, car il n'était pas si facile de se comporter comme l'idéal hawksien dans la vraie vie du Hollywood de l'époque.

21:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : howard hawks |  Facebook |  Imprimer | |

15/01/2009

Je ne suis pas un numéro !

Où suis-je ?
Au Village.
Que voulez-vous ?
Des informations.
De quel côté ètes-vous ?
Ce serait révéler. Nous voulons des informations. Des informations. Des informations.
Vous n'en aurez pas.
De gré ou de force, nous les obtiendrons.
Qui ètes-vous ?
Le nouveau numéro 2.
Qui est le numéro 1 ?
Vous ètes le numéro 6.
Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !

Goohan.jpg
Patrick McGoohan 1928 - 2009

14/01/2009

Demy !

Gâté par le père-Noël, le bon Dr Orlof revisite l'intégrale de Jacques Demy. Je vous invite à aller faire un tour entre Nantes et Rochefort, au fil de ces visages de femmes sublimes, de la reine Catherine à Danielle Darrieux, de Françoise Dorléac à Anouk Aimée, de l'envoûtante Delphine Seyrig à Jeanne Moreau. J'en profite pour vous proposer une programmation spéciale sur radio Inisfree (colonne de droite). Et quelques instants de grâce avec Gene Kelly, ça ne se refuse pas.

 

08:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jacques demy, blog |  Facebook |  Imprimer | |

13/01/2009

Berri, Berri... ?

Et "Tchao pantin" à droite, et "Le patron" à gauche, je comprends que beaucoup de monde connaissait Claude Berri et qu'ils aient aujourd'hui envie de le saluer, mais je suis quand même un peu surpris par le déferlement d'hommages "comme si la France venait de perdre Orson Welles"(merci Joachim, pour le lien). La première chose dont je me souviens à propos du cinéaste, c'est que quand on lui avait fait remarquer que jamais les Aubrac n'avaient fait dérailler de train (c'est la scène d'ouverture du film Lucie Aubrac), il avait répondu que oui mais faire dérailler des trains, ça faisait plus "résistant". Je cite de mémoire mais j'avais trouvé ça un peu gonflé. Reste que son cinéma ne m'a jamais enthousiasmé, Uranus était un peu pénible, Germinal caricatural et j'aime trop le film de Pagnol pour avoir eu envie de voir le dyptique méridional. Tchao pantin, je ne sais pas, j'ai toujours pensé que c'était le prototype du faux film à risque. Je me demande s'il a bien vieillit. Reste juste le souvenir plaisant et léger de Deneuve dans Je vous aime. Sa carrière de producteur est plus intéressante, inégale mais il y a de belles choses. Je me fais peut être encore des illusions sur ce qu'est un "grand producteur", mais Berri ne correspondait pas vraiment à cette image. En même temps, je trouve qu'il correspond tout à fait à l'image globale que donne notre cinéma national depuis bientôt trente ans.

12:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : claude berri |  Facebook |  Imprimer | |

09/01/2009

La femme qui a vu l'ours

Après l'exécution en règle effectuée en son temps par le bon Dr Orlof, je me suis un peu tâté pour chroniquer le dernier film des frangins Larrieu pour le site Kinok. Ne reculant devant aucun obstacle, j'ai relevé le défi et bien m'en a pris. Non, ce n'est pas le film de l'année, mais dans l'océan de médiocrité de la comédie française contemporaine, voici un joli ilôt de résistance, un film attachant avec les jolis yeux de Arly Jover.

Le voyage aux Pyrénées d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu a été plutôt fraîchement accueilli à sa sortie il y a six mois. Du coup, avec le recul et la sortie de l'édition DVD, ça me donne envie de le défendre. Un peu. Leur cinéma a pour moi quelque chose d'irrésistiblement sympathique. Ils font partie de cette génération de cinéastes quadragénaires venus du court métrage et qui ont ancré leur imaginaire en province, généralement dans leur région d'origine comme Yves Caumont (La beauté du monde, Un amour d'enfance), Alain Guiraudie (Pas de repos pour les braves) ou Philippe Ramos (Capitaine Achab). Pour les Larrieu, originaires de Lourdes, ce sont les Pyrénées. C'est là que se déroule La brèche de Roland, le moyen métrage avec Mathieu Amalric qui les révèle. C'est là que s'achève le troisième mouvement de Un homme, un vrai, premier long métrage toujours avec Amalric et la belle Hélène Fillières, qui me donna en son temps de grandes espérances. Le second film est toujours redoutable et Peindre ou faire l'amour a été une déception. Les frères se sont empêtrés dans quelques figures imposées du « cinéma d'auteur à la française », lorgnant du côté d'Alain Resnais avec les déboires sentimentaux et sexuels de cinquantenaires établis, des personnages trop attendus et de fausses audaces. Ils abandonnaient au passage avec leur racines (le film est tourné en Rhône-Alpes) ce qui faisait l'originalité de leur ton.

(La suite sur Kinok)

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Photographie : capture DVD Diaphana

08/01/2009

Solitude du grand organisateur

L'essence d'un pays. Deux acteurs emblématiques. Le sens du spectacle et celui de l'Histoire. Deux portraits d'hommes habités par une vision à laquelle ils sacrifient tout. Deux autoportraits de cinéastes en démiurges. Le sens du beau, de l'épique, de l'humour et une certaine tendresse.

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Jean Gabin dans French Cancan (1955) de Jean Renoir (capture DVD Criterion) et John Wayne dans Red River (La rivière rouge - 1946) de Howard Hawks (Capture DVD MGM)

07/01/2009

Et l'éléphant est passé à ça !

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John Huston et Richard Burton sur le plateau de Night of the Iguana en 1963. Photographie de Gjon Mili, source Life.

04/01/2009

Corbucci majeur "autour du feu"

Le western autour du feu du mois est un film de circonstance. En ces périodes de froid intense quoique de saison, il est du meilleur goût de se lancer dans l'analyse du film de Sergio Corbucci (Encore !, Oui, encore !) Il grande silenzio (Le grand silence – 1968). Western hivernal avec Jean-Louis Trintignant en énigmatique tueur à gages muet, Klaus Kinski en chasseur de prime impitoyable et raffiné, Franck Wolf en shérif sympathique mais quelque peu borné, Vonetta McGee en beauté douloureuse et puis Mario Brega, Luigi Pistilli, Ralf Baldassarre, Spartaco Conversi et la musique d'Ennio Morricone. Un des films les plus étranges qui soit, les plus dérangeants, les plus étonnants. J'ai déjà évoqué cette œuvre à plusieurs reprises sur Inisfree, tant l'impression qu'il m'a faite a été profonde et durable. L'ayant revu il y a peu, j'avais envisagé de faire enfin une note plus fournie mais d'ici, là, je vous invite à rejoindre le forum western movie et à partager vos points de vue. A noter, dans la série des coïncidences actuelles, la note qui tombe à pic de l'ami Julien.

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Photographie : capture DVD Canal par Tepepa dont je vous recommande le texte tout autour.

12:17 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sergio corbucci |  Facebook |  Imprimer | |

03/01/2009

Early Howard Hawks Blogathon

En revoyant il y a peu le magnifique Red River (La rivière rouge - 1946) de Howard Hawks, je me faisais la réflexion que je n'avais pas encore écrit de véritable chronique sur un film de cet auteur en plus de quatre années de blog. "Cela doit cesser" me dis-je. "Cela tombe bien" me fis-je remarquer, puisque le blog Seul le cinéma (dont l'intitulé en français ne doit pas masquer son américanitude) propose un Early Howard Hawks Blogathon à partir du 12 janvier et jusqu'au 23 du même mois. Il s'agit d'explorer la première période de l'oeuvre du maître, de ses premiers films muets jusqu'au milieu des années 30 soit de Road to glory (1926) à Come and get it (Le vandale - 1936). Je peux déjà vous dire que je me suis commandé Barbary coast, film de 1935 que je ne connais pas avec la belle Miriam Hopkins et que je compte plancher dessus. Si vous voulez en savoir plus et éventuellement participer, il vous suffit de cliquer sur le joli logo ci-dessous.

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01/01/2009

Life (bonne année)

Le magasine Life, vous en avez peut-être déjà entendu parler, vient de mettre en ligne quelque chose comme 100 000 photographies de son fond d'images. La démarche mérite d'être saluée même s'il y a quelques couinements d'ayant-droits. C'est un peu comme découvrir une grande malle pleine de souvenirs venus d'un peu partout. C'est un peu la jungle mais c'est plein de belles surprises. Pour nous, cinéphiles émérites et fétichistes, voici un échantillon d'une plongée dans la malle : Howard Hawks fasciné par les jambes d'Angie Dickinson sur le tournage de Rio Bravo (photographie d'Allan Grant), Charlton Heston et Senta Berger sur le tournage de Major Dundee de Sam Peckinpah (Photographie de Bill Ray), Joanne Dru dans Red River de Hawks (Photographie de Martha Holmes), Marilyn toujours délicieuse quand elle lit (Photographie Edward Clark) et François Truffaut dirigeant Julie Christie sur Fahrenheit 451 (Photographie Paul Schutzer). Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une belle et bonne année 2009.

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08:21 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : life |  Facebook |  Imprimer | |

30/12/2008

Hommage à la Belgique

Il y a des films que l'on rêve pendant des années avant de les voir enfin. Un film, c'est d'abord un objet de séduction. On lit quelques lignes dans une revue, on accroche à un synopsis, on croise une affiche. Souvent, c'est une photographie qui met en branle l'imagination et suscite l'envie. Cela tient à peu de choses : une attitude, l'expression d'un visage, la courbe d'un décolleté, un monstre, une composition d'image. Ça y est, c'est imprimé. Un film qui n'existe pas vraiment mais qui restera bien au chaud un an, cinq ans, vingt ans, jusqu'au jour où...

Ma passion pour le western italien, par exemple, tient pour beaucoup à un séjour à Bruxelles. J'y suis resté un mois en 1985 pour passer le concours d'entrée à l'INSAS, une école de cinéma. J'ai échoué comme une crêpe, mais le voyage a été profitable à bien des égards. Entre les épreuves, j'ai fréquenté assidument la Cinémathèque Royale et je me suis livré à l'une de mes occupations favorites : faire les librairies. C'est ainsi que je suis tombé sur Le western italien, un opéra de la violence de Laurence Staig et Tony Williams, un petit bouquin illustré en noir et blanc. « Une poignée de thèmes et quelques cinéastes » comme ils écrivaient. Des textes subjectifs, passionnés, souvent drôles, sans volonté encyclopédique, avec parfois de belles erreurs mais on s'en fiche. A l'heure ou ressort le pavé de Giré (Oh, le beau cadeau de Noël !), massive compilation systématique à vocation exhaustive (mais néanmoins estimable), il me faut dire toute l'importance des 144 pages de Staig et Williams sur mon parcours. Ils m'ont donné à rêver. Milian dans la rue poudreuse de Se sei vivo spara (Tire encore si tu peux !) de Giulio Questi, George Hilton dans l'arène de Quei disperati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre déseperados) de Julio Busch, Giuliano Gemma en Ringo à la tête de sa troupe hétéroclite, Johnny Halliday sur le balcon de Gli specialisti (Le spécialiste) de Sergio Corbucci, le blindman dans le cimetière, John Philip Law sous le pressoir dans Da uomo a uomo ( La mort était eu rendez-vous) de Sergio Sollima, autant d'envies que j'ai pu assouvir au fil des années, plutôt récemment d'ailleurs car ces films étaient, et restent pour certains, difficiles à voir. Le DVD a beaucoup aidé.

Staig et Williams s'arrêtent assez longuement sur le cas de Sergio Corbucci. Mais ils le traitent curieusement pour ce que je connais de ses films aujourd'hui. Django, Companeros ! et Il mercenario sont vus comme de sympathiques bandes-dessinées, sans plus. Il grande silenzio (Le grand silence) est apprécié mais guère développé tandis que le film avec Halliday comme Navajo Joe sont négligés. Ce qui frappe, c'est la place accordée à I crudeli, un film inédit en France de 1967. Les films de Sergio Léone mis à part, les duettistes s'attardent longuement sur cette oeuvre dans laquelle ils voient la réussite majeure du cinéaste. Leurs envolées lyriques, l'exploration détaillée du scénario et les liens avec l'opéra et la tragédie antique m'ont donné à rêver pendant vingt-cinq ans. Jusqu'à ce que le film soit enfin édité cet été dans la collection Studio Canal. Merci Studio Canal. Même si j'ai émis de fortes réserves sur le traitement global des films, je dois saluer la décision de sortir cette pièce de choix avec un doublage réalisé pour l'occasion. Je complète ainsi ma filmographie corbuccienne et achève le voyage proposé par ce livre de Staig et Williams.

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I crudeli (les cruels), ce sont les membres d'une famille de sudistes menés par l'inflexible patriarche Jonas joué par le grand Joseph Cotten. Ils refusent la défaite du Sud et s'emparent d'un convoi d'or nordiste. Jonas a le projet chimérique de reconstituer avec une armée capable de reprendre la lutte. Le grisbi est placé dans un cercueil, nous ne sommes pas chez Corbucci pour rien, et la famille s'engage dans un voyage absurde pour échapper à l'armée qui les poursuit. Afin de passer inaperçus, ils font passer le cercueil pour celui d'un officier mort au combat et engagent une jeune femme pour jouer la veuve éplorée. D'où péripéties nombreuses, moments de suspense et déchirements du petit groupe qui révèlera le pire de lui-même jusqu'à sa fin aussi tragique qu'inéluctable. C'est très réussi.

Si j'avais dû deviner, je n'aurais jamais pensé que I crudeli fut postérieur à Django. Moins extrême, moins original formellement, le film semble se situer à la jonction des westerns qui imitent le modèle américain des années 50 et des envolées baroques initiées par Léone. Cela vient peut être du fait que I crudeli est une commande du producteur américain Albert Band qui venait de réaliser lui-même Gli uomini dal passo pesante (Les forcenés – 1965) sur une histoire très proche, toujours avec Joseph Cotten aux côtés de Gordon Scott, Franco Nero et James Mitchum. Le film ayant eu du succès, Band écrit une nouvelle histoire et en confie la réalisation à Corbucci dont il avait produit le premier western Massacro al grande canyon (Massacre au grand canyon – 1965). Corbucci bénéficie de moyens confortables, d'une partition d'Ennio Morricone, des images d'Enzo Barboni (futur créateur de Trinita) et de Nino Baragli au montage (collaborateur tant de Léone et de Baldi que de Fellini et surtout Pasolini). Côté distribution, outre l'imposante présence de Cotten dont le visage s'affaisse mais l'œil reste d'acier, on retrouve quelques figures du genre comme Ennio Girolami, Aldo Sambrell et le visage inoubliable d'Al « Quand on tire, on raconte pas sa vie » Mulock, ainsi que le jeune Julián Mateos fraichement sortit de la première suite des Magnificent seven (Les sept mercenaires – 1960) de John Sturges. Côté féminin, c'est la belle Norma Bengell, vedette brésilienne, qui joue Claire, la prostituée engagée par la famille après l'élimination de la première « veuve » trop portée sur l'alcool. Bengell venait de faire en Italie le fameux Terrore nello spazio de Mario Bava. Bref, tout ça, c'est du réjouissant.

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Le film commence presque comme une série B, modeste scène de l'attaque du convoi étrangement proche de celle qui ouvre Se sei vivo spara de Questi la même année. Tepepa en a souligné les naïvetés, j'en relève le montage très vif caractéristique des scènes d'action chez Corbucci. L'essentiel n'est pas là. Le réalisateur installe son huis-clos et le fait monter en intensité au fur et à mesure que son style se déploie, s'éloignant du modèle américain pour culminer dans une scène de cimetière gothique (orage, tombe profanée, éclairs bleutés) puis dans un final tragique et sarcastique, aussi beau que dans ses films les plus sombres. On pourrait dire que le voyage des crudeli, c'est celui du western de l'époque, de la série B américaine, disons Hangman's knot (Le relais de l'or maudit – 1952) de Roy Huggins, à Django.

Et Corbucci de passer le genre à la moulinette de son humour noir. En s'emparant du thème de la défaite sudiste, il en démonte le mythe. Staig et Williams montrent avec brio comment sont brocardées les valeurs dont se réclament la famille de Jonas. En fait de chevalerie, hospitalité, et douceur de vivre, les crudeli sont des assassins, des voleurs, des violeurs. Ils ne respectent ni les vivants, ni les morts, leur convoi funéraire n'étant qu'une mascarade. Ils tirent sur un porteur de drapeau blanc, scellant sans le savoir leur destin. L'irruption du personnage joué par Al Mulock, déserteur sudiste clochardisé, comme le fantôme de la mauvaise conscience de Jonas, précipite le drame. Il leur renvoie l'image du Sud défait. En le tuant, la famille essaye de tuer cette image mais tue du même coup le mensonge que Jonas a créé autour d'elle. La famille ne pePhotographiesut qu'imploser en une ultime convulsion. Jonas arrive au bout de son voyage, rampant comme la salamandre, emblème de son régiment, blessé à mort sur le sable craquelé d'un décor à la Django. Une image superbe et tragique pour un naufrage complet. Corbucci se révèle ici presque aussi radical (et passionnant) qu'il le sera l'année suivante dans Il grande Silenzio.

La chronique de Tepepa

Sur le forum Western movies

Photographies : tre ragazzi d'oro

27/12/2008

Katyn, un film toujours pas sorti d'Andrzej Wajda

Par l'une de ces coïncidences que j'affectionne, je répondais un peu vertement à un commentaire avant les fêtes chez le bon Dr Orlof, le soir même ou je découvrais enfin le nouveau film d'Andrzej Wajda, Katyn. Or les aléas de distribution de cette œuvre illustrent parfaitement les raisons de mon mouvement d'humeur. L'intervenant reprochait l'emploi du mot « cinéma » là où il ne voyait que chroniques télévisuelles et de DVD. Passons sur le côté hâtif du jugement. Un film est conçu pour la salle, dit en substance notre homme, on ne peut prétendre l'avoir vu si on le découvre dans son salon. Je me suis sentit indirectement visé, moi « l'accro aux salles obscures », en cure de désintoxication malgré moi. Jusqu'à une époque récente, je partageais ce point de vue. Dans les carnets où je note les films que je vois, je ne porte depuis toujours que ceux vus en salle. Mais ma position a évolué. Avec ma vie personnelle d'une part, avec l'évolution numérique d'autre part. Si la salle reste le moyen privilégié de la découverte des films, je me suis rendu compte, surtout depuis que le DVD me permet de redécouvrir les films de mon enfance, combien la télévision a eu de l'importance dans ma formation de cinéphile. Importance des films vus en famille et à veiller tard le soir en attendant les ciné-clubs de FR3 et Antenne 2. Je me rends compte aussi que l'accès aux films est très inégalitaire. J'ai eu la chance de vivre dans une ville possédant une cinémathèque et une salle art et essai dynamique. J'ai eu aussi la chance de faire de nombreux festivals. Je pense être un privilégié. Je vois aussi que nombre de films que je découvre aujourd'hui dans mon bureau n'y sont jamais passé. Et que si je devais attendre pour y voir The long voyage home de Ford ou Il pistolero dell'Ave Maria de Baldi, je pourrais tout aussi bien mourir sans les avoir vus.

Parlons un peu qualité. Cet été je suis allé voir Darknight, le dernier Batman. Pour avoir la VO, je l'ai vu dans une petite salle à l'écran mal adapté. L'image était rognée sur les côtés et en haut. Pendant une demi heure, il y a eu une rayure verte au beau milieu. Je suis certain que l'édition DVD sera meilleure. En octobre, j'ai diffusé, pour les Rencontres, le film de Paul Vecchiali, En haut des marches. La copie était très moyenne, le son de la salle que nous avons louée épouvantable. Alors ? Alors, c'est comme en amour, quand ça se passe bien, c'est mieux que tout, mais c'est compliqué.

Ce qui nous amène à Katyn dernier film en date d'Andrzej Wajda, estimable cinéaste polonais de 82 ans. C'est un autre problème. En salle, comme à la télévision que j'ai connue, on est très dépendant du choix des autres. Programmateurs, diffuseurs, distributeurs. La VHS, puis le DVD et Internet cassent largement cette logique. Le film devient comme le livre de poche et un maximum d'œuvres sont désormais à notre disposition. Ce n'est peut être pas du relié plein cuir, mais il y a le texte.

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La non-sortie de Katyn est un scandale. C'est un beau film, un film ample sur lequel passe le souffle de l'Histoire. C'est un film de deuil et de mémoire, un film sensible et glaçant, un film qui parle d'Europe, un fichu sacré bon sang de bon film qui vaut mieux que 95% des bouses généreusement étalées sur les écrans des salles, ces fichues salles dans lesquelles il faut absolument découvrir les films. Je ne donnerais pas de nom, je suis plus calme que la semaine dernière. Alors quoi avec Katyn ? Le film est sortit un peu partout en Europe, il était au festival de Berlin. Il paraît que ça marche, alors quoi? Wajda boude la France ? Le film est trop polonais ? Pas assez gai ? Chatiliez a pris tous les écrans ? Toujours est-il qu'en France, il n'est sortit que dans quelques festivals (dont celui de Pessac ou l'a vu Ed de Nightswimming) et puis on le trouve sur Dailymotion (!). Moi, je l'ai vu grâce à un ami sur un DVD aux sous-titres anglais. Ce n'était pas de la tarte quand ils se superposaient aux sous-titres polonais sur les dialogues en russe ou en allemand. Mais ça valait le coup.

Katyn c'est le nom d'une forêt près de la ville de Smolensk où furent exécutés d'avril à mai 1940, d'une balle dans la tête, 4404 prisonniers polonais, officiers, médecins, avocats, l'élite civile de la société polonaise d'avant guerre. Œuvre du NKVD, ancêtre du KGB, le massacre fut ordonné par Staline et Béria, et Katyn est devenu par extension le symbole d'une « purge » qui fit plus 20000 victimes. Lorsque en 1941 les nazis envahissent l'URSS ils découvrent les fosses et accusent les soviétiques. Compte tenu des circonstances, on ne les croit pas trop. Quand les soviétiques reconduisent les nazis chez eux, ils « re-découvrent » les fosses et accusent les nazis. Compte tenu des circonstances, on les croit un peu. Puis les circonstances changent et on les croit de moins en moins. Aujourd'hui encore, on bataille sur les archives. Mais derrière les archives, il y a des vies et un pays. Parmi les officiers assassinés se trouvait le père d'Andrzej Wajda. Katyn apparaît comme un aboutissement pour celui qui, à 82 ans, a construit son œuvre sur l'exploration de l'histoire et de l'âme polonaise, de Kanal (1957) à Pan Tadeusz (1999) en passant par Cendres et diamants (Popiół i diament - 1958) et L'homme de marbre (Człowiek z marmuru – 1977). Ce projet qu'il a sans doute longuement mûrit, me semble assez proche de The Schindler list (La liste de Schindler – 1994) de Steven Spielberg. On y trouve la même volonté d'honorer ses origines et d'entretenir la mémoire collective, de proposer une œuvre à un public large sans transiger sur ses exigences artistiques, de se confronter à la représentation de moments particulièrement tragiques. C'est un film très maîtrisé sur la forme, bénéficiant outre d'une interprétation impeccable, de la photographie de Pawel Edelman, chef-opérateur de Roman Polanski sur ses derniers films et de la musique du compositeur et chef d'orchestre polonais Krzysztof Penderecki.

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La première scène de Katyn est d'une belle symbolique. Sur un pont étroit, deux groupes de réfugiés se croisent. Les premiers fuient l'avance des nazis, les seconds celle des soviétiques. Pris entre la peste et le choléra, les polonais se demandent quel est le bon choix. Disons le moins pire. Le film montre qu'il n'y en a pas et Wajda adjoint à son thème central un épisode retraçant la déportation par les allemands de l'élite universitaire en camp de concentration. Les tyrannies sont renvoyées dos à dos, les méthodes restant les mêmes. Premier partit-pris fort du réalisateur, il choisi de raconter son histoire du point de vue des femmes : épouses, sœurs, mères et filles. Les passages mettant en scène les officiers sont toujours reliés aux récits fait par les lettres qu'ils arrivent à faire passer puis par le carnet que tient consciencieusement Andrzej (joué par Artur Zmijewski) et qui parviendra jusqu'à son épouse Anna (très émouvante Maja Ostaszewsk) en introduisant l'épisode final. Le film devient ainsi un film sur le deuil, multipliant les figures de l'absence, un deuil entravé d'abord par l'ignorance dans laquelle ces femmes sont laissées sur le sort de leur époux puis par les mensonges d'état qui nourrissent chez certaines un espoir insensé. Un deuil ensuite nié par le couvercle de silence imposé après la guerre par l'occupation soviétique et qui ne laisse même pas le recours à la religion. Un deuil qui finalement ne pourra se faire qu'avec la lente progression de la vérité. Une vérité qui fini malgré tout par se frayer un chemin et trouver son aboutissement lors de la scène finale.

Les figures de l'absence donnent forme à de très belles idées de cinéma comme ce champ/contre-champ qui fait se croiser les regards du général dans un camp et de sa femme Roza (Danuta Stenka), seule chez elle pour le réveillon de Noël, abolissant le temps et l'espace. Le discours sur le deuil, la vérité et le mensonge donnent de leur côté les trois points culminants du film. Pour les deux premiers, Wajda convoque les images d'archives tournées en 1941 par les nazis puis en 1944 par les soviétiques. Dans les deux cas on expose les fosses et les cadavres, les cranes brisés et les reliques pour mieux mentir ou manipuler les polonais meurtris. Les deux films de propagande se ressemblent étrangement. Le premier est introduit lorsque la gestapo essaye de faire enregistrer une déclaration radiophonique à la femme du général. Elle se trouve ainsi sommée de trahir son pays pour prix de la vérité. La révélation de la mort de son mari est utilisée pour faire pression sur elle et la met dans une situation morale impossible. Dans la seconde, le film de propagande soviétique est diffusé en public et cette même femme tentera de faire entendre sa voix pour dénoncer le mensonge, au risque de sa propre vie. Elle incarne alors l'esprit désespéré de résistance de la Pologne, comme le faisait le groupe perdu dans les égouts de Kanal. A ces deux mensonges, Wajda réplique par ce que l'on peut appeler, n'étant pas historien, la « vérité polonaise ». La vérité des victimes. Quand le carnet d'Andrzej parvient à sa femme, nous apprenons avec elle le destin de ces hommes. Andrzej écrit jusqu'aux derniers moments : les voyages, les wagons, les transports, le dernier parcours vers la forêt. Puis Wajda a cette idée terrible des derniers mots, de la page blanche suivie de toutes ces pages blanches qui se mettent en mouvement et introduisent l'inexprimé. Le cinéaste filme alors, avec tout ce que l'on peut imaginer de sentiments terribles, le mécanisme du massacre. Une dizaine de minutes sans dialogues, précises, rageuses et cliniques. Les fosses, les balles dans la nuque, le sang, la peur, la mort. La machine des bourreaux sans visages, de leurs gestes répétés jusqu'à l'écœurement. La machine de mort de la tyrannie qui rappelle toutes les machines similaires. Aux bulldozers qui recouvrent les cadavres espérant dissimuler l'ignominie, Wajda oppose ses images et fait son deuil. Il nous laisse aussi avec une interrogation sur la vérité qu'expriment ses images de fiction quand les images d'archive n'étaient que propagande. Comme le faisait remarquer Ed, il est bien possible que ces images, si jamais elles sont enfin montrées en France, réveillent les débats ouverts en leur temps par celles de Pontecorvo ou de Spielberg. J'aimerais assez mais pour cela, il faudrait que quelqu'un se décide de sortir Katyn en salle.

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Sur le site Swietapolska (en français)

Le film sur le site de Wajda (en anglais)

Photographies : TVP SA site Filmfest DC

23:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : andrzej wajda |  Facebook |  Imprimer | |

22/12/2008

Joyeuses fêtes à tous

18/12/2008

Film de fête (Sous le marronnier)

J'étais arrivé tard dans l'après-midi, sous cette pluie tenace qui ne cessait depuis quinze jours. Le vent s'était mis de la partie et avait complètement déplumé le grand marronnier dont les branches craquaient tristement.

- J'ai fait du feu, a-t'il dit. Et j'ai reçu un excellent calvados hors d'âge. Ça te réchauffera.

Je me réchauffais donc et un quart d'heure plus tard, sous l'action combinée des flammes et du calva, les joues brûlantes, nous chantions.

Anne Francis stars in Forbidden Planet
Oh Oh Oh Oh Oh

- C'est un film guirlande, a-t'il déclaré d'un coup

- Qu'est-ce que tu entends par là ?

- Par là, rien, mais par ici, je te dirais que Planète interdite, c'est un film de saison. Un de ces films pour les fêtes. Un de ces films que l'on guettait quand on était mômes et que s'approchaient les vacances de Noël.

J'ai étiré mes jambes dans la chaleur du feu.

- Ah oui, les fesses sur la moquette, le films vus à la lumière du sapin dressé dans le salon...

- Les films vus en se goinfrant de papillotes et d'oreillettes...

- Et de truffes en chocolat. Il est bon, le bougre, je te ressers ?

Anne Francis stars in Forbidden Planet
Oh Oh Oh Oh Oh

Il a levé son verre gravement.

- Je ne dirais pas que c'est un film qui n'a pas vieilli. Je dirais qu'il a toujours fait son âge. Un âge d'enfance comme, comme un album de Blake et Mortimer.

- La ligne claire, ai-je acquiescé.

- La netteté du trait en Technicolor et Cinémascope. Ce mélange de sérieux désuet, de candeur et d'audace. La civilisation Krell ! a-t'il tonné d'une voix puissante. Science sans conscience. Les monstres du subconscient. Flash Gordon et la tempête de Shakespeare.

- C'est l'union sacrée des deux styles les plus purement hollywoodiens. Je m'enflammais à mon tour. Le style de la MGM et le style Disney ! Les effets de Arnold Gillespie et Warren Newcombe ! Les sons électroniques de Louis et Bebe Baron ! Les inévitables Cedric Gibbon et William Tuttle en coulisses !

- Le monstre de d'Id est toujours aussi effrayant. Il n'a rien perdu de son charme, ni Altaïr de l'éclat de ses deux lunes. Et pourtant, cette chose presque invisible a les rondeurs de trait de Mickey.

Il a levé la bouteille, menaçant.

- N'oublions pas que Disney a su être effrayant.

- Clint Eastwood disait que Blanche Neige lui faisait peur, ai-je précisé d'une voix basse. J'ai toujours un frisson quand je vois les pas qui s'enfoncent dans le sol. Avec ce battement électronique...

- Ne m'en parle pas. Il s'est tassé dans le fauteuil. Les flammes dansaient dans ses yeux perdus, lointains. J'en ai fait des cauchemars quand j'avais dix ans. Les marches de l'astronef qui ploient et ce cri. Ce cri digne de Fay Wray.

Le marronnier craquait sinistrement. Il était temps de détendre l'atmosphère.

- Heureusement qu'il y a Earl Holliman et Robby.

- Robby le grand !

Anne Francis stars in Forbidden Planet
Oh Oh Oh Oh Oh

- Bon, le film, je ne sais pas, mais moi, j'ai pris un coup de vieux. Un éclair a passé dans ses yeux. Et maintenant j'apprécie beaucoup plus les tenues d'Ann Francis et la mise en valeur de ses jambes.

J'ai hoché vigoureusement la tête.

- Je bois à sa santé. Elle est délicieuse. Et là encore, le film est un mélange d'innocence pré-adolescente, d'érotisme de cinéma de genre et de marivaudage façon comédie américaine classique.

- C'est dommage, ai-je perfidement noté, que Georges Lucas qui a tellement pompé le visuel de ce film ne se soit pas plus inspiré d'Altaïra pour sa princesse Leia.

- Georges, tu es un fichu prude, a-t'il tonné.

Puis il nous a resservi.

- Il est temps à présent de lever notre verre à deux santés qui nous sont chères. Au grand Leslie Nielsen, immortel commandant Adams à la lointaine époque de son sérieux.

- Nous avons levé nos verres. Il a continué, digne.

- A Robby le robot, notre père à tous. Et qu'il multiplie les bouteilles de calva hors d'âge.

- Santé ! A... au fait, c'est qui le metteur en scène ?

- Fred McLeod Wilcox. Soyons précis. Il a quand même dirigé Lassie.

- Soit...

- Aux films de Noël ! C'est le moment. D'ailleurs ce bon Mariaque a abordé la planète.

- Le tour du monde en 80 jours aussi.

- Il a été dur sur ce coup là. Orlof a été bien plus sympa avec Le plus grand cirque du monde.

- Il était sous l'influence de Claudia en collant de trapeziste, sans doute. Et puis il nous a fait Chantons sous la pluie. Il ne manque plus que Peau d'âne et un programme Tex Avery.

- Avis aux amateurs ! Santé !

Anne Francis stars in Forbidden Planet
Oh Oh Oh Oh Oh
At the late night, double feature, picture show.

 

Robby Anne Francis.jpg

Et deux autres avis bien plus détaillés et bien moins alcoolisés sur DVDClassik et Moviediva

16/12/2008

L'enfer du pouvoir

Et voici ma nouvelle chronique pour le site Kinok. Un documentaire en quatre parties diffusé récemment sur ARTE et qui sont en coffret DVD, L'enfer de Matignon de Raphaëlle Bacqué et Philippe Kohly.

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Parlant des hommes politiques, ma grand-mère disait souvent : « Si la soupe n'était pas bonne, ils n'y reviendraient pas ». L'enfer de Matignon de Raphaëlle Bacqué et Philippe Kohly est en quelque sorte une plongée (autrement subtile) dans cette soupe à travers les portraits croisés de douze des premiers ministres ayant officié ces quarante dernières années. De Pierre Messmer à François Fillon, tous ont accepté de témoigner. Manquent à l'appel Jacques Chirac (écarté pour être devenu président, ce qui se discute) et Pierre Bérégovoy qui s'est suicidé en 1993 et dont l'ombre plane sur tout le film. De fait, la galerie est impressionnante et restera unique, Pierre Messmer et Raymond Barre étant aujourd'hui décédés. Le projet de Raphaëlle Bacqué, journaliste politique au journal Le Monde a d'abord donné un livre publié aux éditions Albin Michel puis avec la collaboration de Philippe Kohly, ce documentaire en quatre parties : L'antichambre, Le bureau, Les couloirs et Le vestibule.

(Lire la suite sur Kinok)

15/12/2008

Vingt femmes, vingt visages, vingt actrices

Voici une liste comme je les aime. Le défi est proposé actuellement sur plusieurs blogs de cinéphiles américains : donner vos 20 actrices préférées. Comme je fais partie de ceux qui approuvent la formule : « Le cinéma a été inventé pour filmer les femmes », je me suis emballé, rêvant depuis plusieurs jours sur les photographies mises amoureusement en ligne par Ray de Flickhead, Kimberly de Cinébeats ou Peter de Coffee, coffee and more coffee. Remontant à l'origine de cette liste, il me semble que c'est Nathaniel du blog Film expérience qui compile les différentes contributions. Évidement, ça a été un crève-coeur et je pense pouvoir faire une dizaine de listes avec autant de noms différents. Je suis donc partit sur l'humeur du moment et j'ai délibérément mis de côté mes plus belles idoles, Catherine, Marilyn et Marlène me pardonneront, pour m'attacher à quelques visages qui pour être moins évidemment connus n'en sont pas moins admirables.

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Andie McDowell
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Charlie Young
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Diana Rigg
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Edwige...
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Ella Raines
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Eva Henning
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Fay Wray, le plus beau des cris
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Giovanna Ralli, anda muchacha spara !
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Jean Arthur
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Les yeux de... ?
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Joanne Dru, fordienne
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Kim Novak
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Maggie Cheung
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Maureen O'Hara
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Miriam Hopkins
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Natasha Henstridge
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Nieves Navarro, alias Susan Scott
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Pam Grier, regardez moi dans les yeux !
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Sandrine Kimberlain, patriote
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Sophie Quinton, l'innocence

 

08:40 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : liste |  Facebook |  Imprimer | |

14/12/2008

Hommage à Forest J. Ackerman

C'est passé complètement inaperçu (ou presque) en notre doux pays et c'est bien dommage. Forrest J Ackerman a disparu début décembre. Ackerman était un passeur dont l'influence sur le fantastique et la science fiction a été majeure. Il était un peu l'équivalent, en France, de gens comme Francis Lacassin, Ado Kyrou, Jean Boullet ou Jean Pierre Bouyxou, qui se sont intéressé et ont intéressé à des forme d'expression artistique, à des genres qui étaient méprisés ou négligés à leur époque : fantastique, horreur, érotisme, bandes dessinées, Fantomas et Tarzan. Forrest J Ackerman, né en 1916, s'est intéressé à la science-fiction dès les années trente, au sein de clubs, écrivant dans des revues, devenant un activiste du genre. Il était l'ami de gens comme l'écrivain Ray Bradbury ou le légendaire créateur d'effets-spéciaux Ray Harryhausen, travaillant avec le gratin du genre. Créateur de Vampirella à la fin des années 50, il est surtout le fondateur de la fameuse revue Famous Monsters from filmland en 1958 une revue qui aura une influence déterminante sur un pan entier du cinéma américain puisqu'elle fera rêver des adolescents comme Joe Dante, John Carpenter, Steven Spielberg ou Tim Burton. Ackerman était donc un passeur, un inspirateur, un fan, un passionné, un collectionneur acharné qui vivait dans une maison regroupant des milliers de documents, revues, objets, photographies, bref, vous l'aurez compris, une sorte de Henri Langlois du fantastique. De nombreux blogs américains lui rendent aujourd'hui hommage aussi, aussi il n'était pas pensable qu'Inisfree ne lui tire un coup de chapeau. Et pour ce faire, je me suis revu vendredi Forbidden planet (Planète interdite – 1956) de Fred McLeod Wilcox, ses cieux colorés, son Ann Francis en minijupes, son monstre invisible et son Robby le robot.

Sur Flickhead

Sur Cinebeats

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11/12/2008

Comment ça va, monsieur Eastwood ?

Au départ, j'étais partit sur un texte à propos de Brian de Palma, une sorte de bilan de ma relation, un peu heurtée à son cinéma. Et puis il y a eu ce texte du bon Dr Orlof, plutôt virulent, et puis les débats qui se sont greffés autour, sur Cinématique, Nightswimming et Les objets gentils. Débats passionnés qui, après la pause sur le dyptique Iwo Jima, ont réactivé les polémiques et les critiques qui s'étaient élevées autour de Mystic River et Million dollar baby. De leur côté, les voix officielles passent avec un bel ensemble la brosse à reluire sur le récent Changeling (L'échange). Très bien, De Palma attendra, je prends le pouls de notre homme Clint

A la fin des années 70, Eastwood était un type assez infréquentable pour moi. Héros un peu facho d'un cinéma d'action sans finesse, on ne m'encourageait guère à aller le voir, d'autant qu'il était pour mon père le fils spirituel de John Wayne. Cela aurait dû me mettre la puce à l'oreille, mais je trouvais la comparaison exagérée. Pas attiré donc, je me souviens encore de mon recul devant l'affiche de The gauntlet (L'épreuve de force – 1977) façon héroïc fantaisy. Pauvre couillon, c'était une oeuvre du grand Franck Frazetta ! Néanmoins, j'appréciais quand même l'acteur, le Blondin de Léone et le Kelly de Brian G. Hutton. Mais ça s'arrêtait là.

J'ai franchi le pas à reculons, accompagnant un ami voir Sudden impact en 1983. Ce film était le premier (et le seul) de la série mettant en scène l'inspecteur Harry réalisé par Eastwood soi-même. Le choc a été profond. Voilà que je découvrais un film superbe, filmé avec élégance, des hommages discrets à Hitchcock et Welles, une héroïne atypique et diaphane, Sondra Locke, sa compagne d'alors, et un propos bien plus subtil que prévu au-delà des scènes imposées (la cafétéria) que j'avoue pourtant avoir trouvées jouissives. J'y suis retourné deux fois. L'année suivante, son rôle dans Tightrope (La corde raide) sous la direction de Richard Tuggle, achevait de renforcer cette idée qu'on m'avait raconté un peu n'importe quoi. Jamais John Wayne n'aurait joué un policier fréquentant les prostituées et jouant avec elles à des jeux sado-masos.

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Take a hard ride (source : Clinteastwood.net)

Bird m'a définitivement convaincu. C'est aussi, je pense, ce film qui a a fait basculer la critique de son côté. A partir de ce film, il est devenu fréquentable et « sensible », « oscarisable » et « légion d'honneurisable ». Tout à été réévalué en bloc et les films à venir seront l'objet de toutes les attentions. Pour moi, ce film a d'abord été un choc esthétique. La traduction en images de la musique de Charlie Parker et plus largement de l'univers du jazz. Avec ce film, Eastwood m'a ouvert des portes. J'ai aimé sa façon de composer des images très sombres, des noirs profonds avec juste quelques touches de lumière. J'y retrouvais ce que j'aimais chez quelques maîtres du noir et blanc, les chef opérateurs Gregg Toland ou Joe August, les images des films d'Akira Kurosawa. Intellectuellement, sa vision du monde des musiciens noirs des années 40 contredisait tout ce que véhiculait son image grand public. Et je crois que cette contradiction, aujourd'hui encore irrésolue, est au coeur de l'intérêt que je porte à son cinéma.

Cette contradiction s'incarne bien dans la série des Dirty Harry. Réalisé par Don Siegel, le premier film en 1971 a fondé cette image « fasciste, raciste et machiste » selon Pauline Kael, provoquant la confusion entre l'acteur et son personnage. Avec arrogance mais non sans humour, Eastwood va répondre à travers les autres films de la saga. Dans Magnum force (1973) de Ted Post, il affronte sa caricature à travers un escadron de la mort composé de policiers d'extrême droite. The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais – 1976) de James Fargo l'oblige à faire équipe avec une femme et à s'allier à un noir. Sudden impact l'amène à remettre en question sa conception (ô combien) rigide de la loi quand il tombe amoureux d'une femme poursuivant une sanglante vengeance. L'ultime volet se moque du vedettariat mais est il est largement raté. Ces films, auxquels on peut ajouter le fondateur Coogan's bluff (Un shérif à New-York – 1969) de Don Siegel et The gauntlet qu'il réalise lui-même, dessinent un portrait plutôt convainquant de l'Amérique de l'époque. Tout autant que les films de Michael Cimino, Martin Scorcese ou William Friedkin. Une Amérique un peu paumée, en crise de ses valeurs, doutant de sa force et de ses idéaux, une Amérique qui ne reconnaît plus ses enfants, dont la violence fondatrice lui est retournée en pleine figure et surgit du plus profond du pays (Texas Chainsaw massacre de Tobe Hooper, c'est l'époque).

Les personnages joués par Clint Eastwood dans ces films ont deux expressions type : La colère froide (Make my day !) et ce petit air tordu de celui qui ne comprend pas. Ligne des sourcils en biais, mâchoire serrée, l'oeil incrédule, c'est son expression face aux institutions qui le lâchent, aux femmes ou aux noirs qu'il pense mépriser mais qui se révèlent des alliés dans un combat qu'il se croit seul à mener. C'est le regard d'un vrai misanthrope. Et ce qui me semble intéressant, c'est le regard que Clint Eastwood réalisateur, porte sur ce regard-là.

The Outlaw Josey Wales.jpg

Alors, on me dit que le roi est nu ?

Josey Wales dans le western de 1976 est le plus réussi à ce niveau. Wales est un homme à qui l'on a tout pris et qui s'est transformé en machine à tuer. Mais au cours de son périple sanglant, il attire autour de lui une jolie bande de bras cassés. Un vieil indien, une jeune fille simplette, un chien errant... Si le regard de Wales sur cette humanité est méprisant (il crache régulièrement sur le chien), celui d'Eastwood est plein de tendresse et l'enjeu du film, c'est que Wales modifie le sien, fasse la paix avec les autres et avec lui-même. On retrouve ce genre de parcours dans Bronco Billy (1980), Honkytonk man (1982) et Million dollar baby (2004). Au coeur de ces histoires qui revisitent l'imaginaire américain (le western, la country, la route, la boxe), il y a d'abord la recherche d'une dignité et l'étude d'un rapport père-fille (dans Pale rider (1985) aussi, mais de façon plus tordue). Une idée, certes conservatrice, de la transmission de valeurs, elles aussi souvent conservatrices mais très américaines. Pas seulement pourtant puisque la transmission se joue aussi sur une histoire culturelle (la musique, le sport...). C'est pour cela que les lectures de Million dollar baby qui se focalisent sur le film de boxe (nous ne sommes pas chez Tarantino), l'euthanasie ou la description sociale de la famille de l'héroïne me semblent passer à côté de l'essentiel. Eastwood s'appuie sur les ficelles (certains diront les câbles) du cinéma de genre, western ou mélodrame, pour aborder ce qui l'intéresse profondément et qui est du registre de l'intime. Le virulent et au demeurant intéressant texte du Dr Macro à l'époque, ne voit pas ce qui se joue dans ce registre là et perd la cohérence de l'ensemble comme la beauté musicale de la mise en scène, inspirée comme souvent chez Eastwood par le jazz et la blues : variations, rythmes alternés, atmosphère, émotion à fleur d'image à travers l'utilisation des gros plans.

C'est peut être mon sentimentalisme fordien, mais ce cinéma me touche sans que je ne sente jamais manipulé. Il faut dire que je ne me sens presque jamais manipulé au cinéma. Comme l'écrit Jean-Baptiste Thoret dans un texte fort intéressant : « [...] La vraie question reste : que faire de la « part maudite » de la société, de ces pulsions violentes et désirs inavouables que chacun porte en soi, et qui sont parfaitement humains. Critiquer cette violence, c’est nier cette part violente ».

A côté de ce regard qui apprend à voir les autres, il y a celui qui voit le vide s'ouvrir devant lui. Celui qui est confronté aux conséquences de ses « désirs inavouables ». Arrogants, méprisants parfois, trop sûrs d'eux, certains héros eastwoodiens font l'épreuve de la tragédie. Pour moi, le personnage emblématique, c'est celui du réalisateur dans White hunter Black heart (Chasseur blanc, coeur noir – 1990). Progressiste, artiste aristocratique et flamboyant, inspiré de John Huston, John Wilson a un ego démesuré qui lui fait tout sacrifier à ses désirs de puissance. Au cours d'un tournage en Afrique, il a décidé qu'il devait tuer un éléphant. Il a beau envoyer paître de belle manière une sympathisante nazie, son obstination provoquera la mort de son guide indigène. Et la dernière scène du film le voit, hébété, le regard vide, prostré dans la voiture qui le ramène vers l'occident. Impitoyable. Ce sont des choses que l'on retrouve par exemple dans la relation père-fille du film True crime en 1999 quand il provoque un accident sur sa fillette. Ou encore dans le regard d'impuissance qui clôt A perfect world (Un monde parfait – 1993).

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Source BFI

Ce regard a ses limites et les laudateurs d'Eastwood vont a mon sens un peu trop loin qu'ils essayent de trop faire parler la partie la plus délibérément commerciale de sa filmographie. Dans l'alternance systématique entre oeuvres personnelles et films d'action spectaculaires, les seconds sont rarement à la hauteur. S'il ne les avaient pas signés, je ne serais jamais allé voir Space cow-boys (2000) ou The rookie (La relève – 1990). Il y a aussi la gène que j'ai fini par ressentir à Unforgiven (Impitoyable - 1992), ou plutôt aux commentaires autour de ce film. C'est un western superbe, plutôt original, d'accord. Mais tout le discours autour de la démythification ne me convainc pas. Pas chez Eastwood. Comme je l'ai déjà écrit il y a quelques temps, le film emploie un procédé classique (qui ne me gène pas) qui consiste à bien enfoncer le héros pour qu'il se révèle d'autant mieux au final. Toute la philosophie de Will Munny tend quand même à la scène du saloon dans laquelle on retrouve l'image du Eastwood vengeur invincible, tenant la ville à sa merci. Et malgré tout ce qui a précédé, nous sommes dans des figures déjà largement explorées par Sam Peckinpah.

De tout cela, je retiens finalement un véritable cinéaste, au propos patiemment construit,  à l'univers cohérent, au style plutôt classique. Malgré certaines réserves, ce sont des qualités précieuses et rares dans le cinéma d'aujourd'hui. Pourtant, je ne le rapprocherais pas des noms de la grande époque. Eastwood n'est pas Ford. Ford était un poète, un homme de doutes, de contradictions et de combats. Eastwood m'apparaît comme un homme de certitudes même s'il s'intéresse à ce qui lui est étranger. Son statut de star lui ayant permis de maîtriser mieux que quiconque sa carrière de créateur, c'est aussi un homme apaisé (ou alors, c'est bien caché). De ce point de vue, il se rapproche plus de Hawks mais il n'en a pas l'inventivité, le sentiment d'aisance suprême que donne l'auteur de Rio Bravo. Eastwood est un héritier, il maîtrise des acquits. Il est néanmoins vrai que certaines de ses mises en scènes sont un peu lourdes, un peu trop «posées» comme Mystic river ou Bridges of Madison County (Sur la route de Madison – 1995), certes impeccablement exécuté. Je le rapprocherais volontiers de son mentor, non pas Sergio Léone qu'il s'est attaché à ne pas imiter, mais Don Siegel. Le style carré des années 60/70. Peut être même à John Huston avec lequel il partage aujourd'hui le même visage aux rides magnifiques, Huston qui fut pas mal acteur lui même dans ses films et quelques autres.

Il me reste à avouer deux choses. Je n'ai toujours pas vu ses trois derniers films, ce qui m'ennuie quand même un peu par rapport à Changeling. Ce n'est pas que je ne voulais pas, mais ça m'est devenu difficile d'aller en salle. L'autre chose, c'est que j'ai toujours aimé quand Eastwood acteur prend son petit air méchant, qu'il a ce rictus mauvais, signe qu'il va faire parler la poudre. Ou cracher sur le chien.

09/12/2008

Le western au coin du feu

Sur le forum western movies, un débat est organisé une fois par mois autour d'un film. Comme pour beaucoup de choses, j'y participe quand j'ai un peu de temps (mes lecteurs vont finir par croire que j'ai un agenda de ministre). C'est souvent de très bonne tenue, avec de beaux textes, des échanges passionnés et des documents parfois précieux. Je vous informerais désormais régulièrement, pour ceux qui ont envie d'aller y voir de plus près, du western “autour du feu” mensuel. En décembre, il s'agit du magnifique, extraordinaire, les bras mes tombent et mes yeux se mouillent, The big sky (La captive aux yeux clairs – 1952) de Howard Hawk avec Kirk Douglas, Dewey Martin et la sublime Élisabeth Threatt aux yeux de biche. Je profite de l'occasion pour vous donner le lien d'un bel article d'Ophélie Wiel, cité dans la section documents, sur le film.

Big Sky.jpg
Image source : MoMA