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15/02/2009

Clermont 2009 : sélection nationale

Curieusement cette année, plusieurs des films qui m'ont le plus touchés dans la sélection nationale étaient des co-productions plus révélatrices des pays tiers que de la France éternelle. Partition oubliée de Teona Grenade se déroule à Tbilissi, Georgie, et est parlé en géorgien, avec un sujet tout à fait géorgien. On y suit un jeune garçon, pianiste prodige, et sa relation avec son grand frère qui fait partie de la mafia locale. On est dans la référence aux grands films de gangsters, ceux de Scorcese, Léone ou De Palma, et dans une ambiance qui rappelle le Gomorra de Matteo Garrone. C'est bien enlevé et assez palpitant à suivre. Séance familiale de Cheng-Chui Kuo vient de Taiwan et repose sur un belle idée plutôt bien exploitée avec un joli et émouvant retournement final. Une équipe de télé-réalité laisse un cameraman 24 heures au sein d'une famille ordinaire. Au contact de cet intrus, un secret bien enfoui remonte à la surface. C'est finement observé, plutôt drôle, avec cette sorte de mélancolie propre au cinéma de ce pays. Le coeur d'Amos Klein est un film d'animation plutôt franchement israélien de Uri Kranot et Michal Pfeffer. C'est une très belle évocation de la construction du mur qu'Israël a bâtit entre lui et ses voisins palestiniens, à travers les bribes de souvenirs qui remontent à Amos Klein subissant une opération à coeur ouvert. Il se trouve que Klein est l'un des artisans de la construction du mur. Les souvenirs de Klein sont autant de moments de l'histoire du pays, autant d'étapes qui le voient s'enfoncer dans l'engrenage de la guerre, de la violence et du repli sur soi-même. Une oeuvre intense et techniquement virtuose.

Côté animation, de belles choses comme Skhizein de Jérémie Clampin dont c'est le second court. Henri, petit personnage à la grosse tête ronde est frappé par une météorite et se retrouve à vivre à exactement 91 centimètre de lui-même. Ce n'est pas évident à concevoir, c'est encore plus dur à vivre, surtout quand un psychanalyste s'en mêle et qu'un décalage vertical se juxtapose au décalage horizontal. Je ne sais pas si je suis bien clair ? Le délire mathématique de ce film est rigoureusement contrôlé, lui, sans oublier un poil de méditation sur la condition humaine. La vita nuova est la nouvelle oeuvre d'Arnaud Demuynck, en co-réalisation avec Christophe Gautry. Inspiré de la vie et de la poésie de Gérard De Nerval, c'est un film de très belles marionnettes sur lequel flotte la voix d'Arthur H. envoûtante. Les images sont en noir et blanc, très travaillées, comme l'est la technique d'animation et les inventions graphiques. C'est un film que j'aurais aimé un peu moins raide pour pouvoir l'aimer plus, un film que j'aurais préféré admirer moins pour être plus sensible à l'émotion de la poésie. C'est de la belle ouvrage. Très belle gallerie de photographies de tournage.

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La vita nuova (Les films du Nord)

Comme je l'ai écris en introduction, il y eu plusieurs films plutôt bien fichus, assez agréables à voir, mais qui ne m'ont laissé qu'une impression fugitive. Il y a dedans un point de départ intéressant mais, empruntant des sentiers trop balisés, ces films se laissent deviner facilement et me laissent au moment de la résolution avec un sentiment de banalité. Inutile de s'attarder et voyons du côté de choses plus intrigantes. La vie lointaine, par exemple, de Sébastien Betbeder, fait se rencontrer dans la campagne profonde un fantôme japonais, des ours slovènes parlants, un réalisateur (japonais lui aussi) en train de préparer son nouveau film, accompagné de sa jeune assistante puis rejoint par une amie (quel plaisir de retrouver Aurore Clément) et un jeune homme fragile venu se reposer. Il y a aussi une jeune femme blonde qui fait du parachutisme. Le film déploie lentement mais sans ennui un univers un peu fantastique, un peu fantaisiste, assez attachant. Il y a bien quelques soucis techniques (certains plans nocturnes sont difficilement lisibles), mais dans l'ensemble le film est inventif et surprend constamment. Ce croisement curieux de la campagne française et d'éléments venus de la culture du Japon m'a rappelé un assez joli film, Le pays du chien qui chante (2002) de Yann Dedet et ses deux japonais fascinés par le film de Jean-François Stevenin, Le passe-montagne, et venus retrouver les traces du film dans le Jura. Une scène résume cet étrange croisement, lorsque le réalisateur s'apprête à jouer un morceau sur un instrument japonais traditionnel, habillé comme dans un film de Ozu, le morceau se révèle être... une chanson d'Adamo.

Étonnant également Les paradis perdus de Hélier Cisterne qui se situe en 1968 et propose une sorte de leçon de relativité. Soit une jeune fille pleinement engagée dans « les évènements ». Elle vomit ses parents, braves bourgeois, et veut se mêler des affaires de son père, industriel dont l'usine est occupée. Ce faisant, elle va découvrir une facette pour le moins inattendue de son géniteur et le conservatisme va changer de camp. L'idée est audacieuse, bien menée malgré un final un peu prévisible. C'est très bien joué par Julie Duclos, Philippe Duclos et Marie Matheron.

C'est plutôt genre Johnny Walker de Olivier Babinet est une tentative intéressante de dérapage dans le fantastique. Porté par un acteur atypique, Pablo Nicomedes, sorte de Vincent Gallo en moins ours, le film suit son anti-héros minable, viré de chez sa compagne, dans une errance nocturne entre deux eaux qui va le mener dans une boucle temporelle façon Groundhog Day (Un jour sans fin- 1993 déjà) de Harold Ramis. Le réalisateur arrive très bien à faire basculer la réalité dans l'étrange à l'aide de visions incongrues, comme cette gélule géante qui tournoie au dessus de la ville, et d'une bande son hypnotique, un peu trop électronique à mon goût mais bien adaptée à ce récit. A noter la prestation de la belle Arly Jover, je vais y revenir.

Les fille de feu de Jean-Sébastien Chauvin, oui celui du blog, sur un scénario de Sébastien Benedict, celui du blog aussi, est un intéressant cas d'espèce. Le film a été reçu de façon houleuse lors de la séance où je l'ai vu. J'ai trouvé ces réactions quelques peu malvenues alors que tant de films insignifiants reçoivent de polis applaudissements. Le film touche indéniablement mais il est vrai qu'il n'est pas facile. C'est une histoire d'amour entre filles, au sein d'un grand ensemble de banlieue, en bordure d'une forêt de conte de fée. Elles se cherchent et se perdent, là encore dans une atmosphère proche du fantastique, celui de Godard dans Alphaville plutôt. Il y a un très beau travail sur la photographie signée Simon Beaufils, un talent certain pour filmer les femmes et les éléments, le vent et l'eau, pour les cadrages aussi qui rappellent le travail photographique du réalisateur. Le film dégage une très grande sensibilité et prend de nombreux risques pour aller au bout de sa démarche. Du coup il se retrouve plusieurs fois en équilibre instable lors de scènes comme l'invocation poético-chamanique devant le feu ou le final qui font décrocher certains. Je ne peux pas dire que mes goûts me fassent adhérer complètement à cet objet étrange et entêtant, mais il a ses beautés.

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Je vous hais petites filles

Assez proche dans l'esprit me semble être Je vous hais petites filles de Yann Gonzales (ah ! Ce titre !). Présence du fantastique, immersion dans un univers très personnel, héroïnes, atmosphère dépressive, musique du groupe M83 (groupe que l'on retrouve dans le film précédent), façon assez directe de filmer le sexe, les deux films partagent beaucoup de choses, y compris de poser les mêmes problèmes. Portrait de Kate, une musicienne plus si jeune, qui n'a pas fait le deuil de son amant mort dix ans plus tôt ni de l'époque punk, le film est fascinant, rageur et parfois irritant. S'il « sonne » parfaitement punk-rock tant dans son rythme que dans son style visuel, il est à l'opposé de Love You More, et à la vitalité du film de Sam Taylor-Wood se substitue une ambiance mortifère, décadente un peu, aussi désespérée que désespérante. Si je ne suis pas franchement fan des séances de masturbations brutales de la musicienne, il y a par ailleurs des scènes prenantes joliment construites comme ce concert lors duquel Kate voit le public se détourner d'elle et sa musique ne plus toucher. Ou encore cette soirée post punk, prétexte à une galerie de portraits hauts en couleurs, assez fellinienne, d'une faune branchée sans doute authentique. Kate Moran dans le rôle principal dégage une énergie bienvenue et irradie le film avec son bel accent, même si la dernière scène, là encore, est sur la corde raide. Mais c'est tout sauf un film tiède et c'est que l'on veut voir, bon sang, de l'audace ! Allez, un extrait pour se rendre compte.