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11/02/2009

Clermont 2009 : sélection internationale

Dans la sélection internationale, Love you more est indubitablement de la première catégorie. J'y ajoute volontiers la première comédie islandaise que je vois de ma vie, Naglinn (Le clou) de Benedikt Erlingsson. Je pense que je suis sensible à l'humour islandais. Voici l'histoire d'un homme établi (on va dire ça comme ça, je ne peux pas tout révéler), fasciné par les peintres qui repeignent sa façade. A l'heure de la pause, le voilà qui monte sur l'échafaudage et s'empare d'un pinceau. Une chute plus tard, le voici avec un clou de quinze centimètres dans le front. Cet accident va avoir un effet étonnant sur son comportement. Disons que c'est un conte en forme de variation sur l'histoire de Jeckyll et Hyde avec peut être un arrière plan politique lié aux récents évènements sur l'île. C'est réalisé au petit poil, sans chichi, avec un grand sens du cadre et du rythme des burlesques.

Dans le même registre, Succès (Réussite) du hollandais Diedrick Ebbinge est un petit contre cruel sur l'entreprise moderne, proche de Tati sur la forme, multitude de petites touches précises qui sonnent juste, avec une bonne dose d'humour noir. L'histoire d'un homme qui doit faire une présentation de diagrammes devant ses collègues et le grand patron, et comment cet événement finalement dérisoire va devenir l'accomplissement de toute sa vie. Quiconque a vécu ce genre de réunion sera brillamment vengé par le rire.

Même si très peu l'avoueront, le film qu'il fallait voir, c'est le nouvel épisode des aventures de Wallace et Gromit, A matter of Loaf and Death (Un sacré pétrin) de Nick Park qui revient au format des origines, la petite demi heure. Et même si tout le monde, ou presque, trouve le film excellent, il est de bon ton de laisser poindre une petite pointe de déception. Effectivement, l'univers du grand dadais anglais et de son chien surdoué joue plus sur les retrouvailles de motifs déjà éprouvés que sur le renouvellement. Les deux compères sont ici devenus meuniers et doivent résoudre l'énigme d'une série de meurtres de boulangers. On retrouve les machines sophistiquées (le moulin et ses machines sont superbes), la musique de Julian Nott, le lever de Wallace et sa faculté de tomber amoureux, l'habileté de Gromit, les hommages au cinéma de genre fantastique et policer, les poursuites cartoonesques, le sens du détail et la perfection de l'animation. Après l'expérience du long métrage, il est réjouissant de constater que Nick Park n'a rien perdu de l'esprit de la série.

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Voyage autour de ma chambre est le nouveau film d'Olivier Smolders, le cinéaste belge de Mort à Vignole (1998), un des courts métrages les plus importants de ces vingt dernières années. Ce nouvel opus poursuit une réflexion sur le cinéma, sa fragile puissance à saisir le monde et l'essence des êtres. Smolders mêle des images tournées au fil des années et de ses voyages. Il les ordonne en un journal intime et poétique pour les questionner et questionner sa place de cinéaste. Qu'est-ce que je montre ? Comment je le montre ? Quelle part de vérité puis-je capter ? Point de départ, une chambre (imaginaire ?) remplie de souvenirs, fétiches à invoquer pour commencer un « voyage immobile » et intérieur. Il exprime par exemple la difficulté à filmer l'Afrique autrement qu'en images volées depuis une voiture, en touriste filant sur la route. Une réflexion qu'il est intéressant de confronter à celle d'un Jérémie Lenoir (Foniké, Doto) dont l'un des grands mérites est son filmage de face. Smolders évoque ses réussites quand il filme des enfants sud-américains « comme si c'étaient les miens ». Sa façon de saisir la grâce de jeunes danseurs dans une mauvaise image vidéo. Il revient sur sa fascination des cadavres (les plans de flamands roses) et son désir d'aller au delà des apparences en plongeant littéralement dans les corps. A Florence, une séquence extraordinaire passe des clichés touristiques (Persée ayant tranché la tête de la Méduse) aux écorchés de cire du musée de La Specola. Visions fascinantes à donner la chair de poule.

Plutôt inclassable, Three of us (Nous trois), documentaire indien de Umesh Kulkarni est la chronique d'une modeste famille dont le fils est handicapé. Du sujet casse-gueule type, Kulkarni propose le récit sans pathos mais plein d'humanité d'une simple journée. Attentif aux gestes quotidiens, le film évite tous les pièges avec élégance et la photographie est très belle.

Les américains ont décidément le goût de la belle mécanique. On sent le professionnalisme dans The last page de Kevin Acevedo comme dans Short term 12 (Court séjour 12) de Destin Daniel Cretton. Le premier est une comédie autour d'un écrivain qui n'arrive pas terminer la dernière page de son livre. Le second le portrait d'un responsable de centre éducatif pour enfants « à problèmes ». Les deux films partagent les mêmes qualités : précision du scénario, mécanique dramatique, interprétation et travail efficace sur les seconds rôles, sens du rythme. Le premier est vraiment drôle, le second assez émouvant. Ils partagent aussi les mêmes défaut : un peu trop prévisibles, un peu trop sages, comme d'élégantes cartes de visite.

Dans la catégorie des films pas toujours réussis mais intéressants, il y a Vandalen (Vandales) du suisse Simon Steuri, une histoire d'amour entre deux graffeurs qui taggent les trains la nuit et dont l'intérêt est d'adopter une forme proche de l'univers décrit : musique électro, caméra très mobile, montage serré. Balladen om Marie Nord och hennes klienter (La ballade de Marie Nord et de ses clients) du suédois Alexander Onofri vaut pour la prestation de la belle Sofia Helin dans le rôle d'une assistante sociale énergique mais à la vie compliquée. Le film n'évide pas quelques clichés et rebondissements feuilletonesques, mais son ambition force le respect. Majken de Andréa Östlund est également suédois. Le film emprunte beaucoup, un peu trop, à Usual suspects de Brian Singer pour son histoire de vieilles dames indignes montant un réseau activiste contre la société de consommation. L'entreprise étant sympathique, on lui pardonnera une fin quelque peu outrée. Passage du belge Johann van Gerwen est une histoire d'amour et de livres au sein d'une immense bibliothèque. Très formel, l'esthétique un peu froide du film bouffe l'émotion que le sujet appelait mais on peut être fasciné par les élégants travellings.

Et puis, c'est terrible, mais j'ai vu le film qui a eu le grand prix de la compétition internationale, Every day, every day de Chui Mui Tan, un film malais, mais je n'en ai qu'un souvenir diffus, sympathique, mais je suis incapable de vous en dire un mot. C'est bien la peine... (à suivre)