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29/01/2022

Bilan 2021

Allez ! Un effort... je sacrifie à la tradition du top annuel, même si, une fois encore, je ne suis pas tant allé en salles. Mais quand même j'ai pu vivre un festival de Cannes presque normal et j'ai aimé plusieurs films avec passion. Si, si. Bien sûr, il y a des regrets, mais cela fait partie du jeu. Voici donc, photographies à l'appui, ce qui m'a touché, embarqué, ému, fait rire en 2021 et, sans surprise, mon metteur en scène fétiche en tête de peloton. 

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West Side Story de Steven Spielberg (Copyright Walt Disney)

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Benedetta de Paul Verhoeven (DR)

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La Civil de Teodora Mihai (Copyright Menuetto)

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Tolo Tolo de Checco Zalone (Copyright Taodue SRL 2019)

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Story of My Wife (L'Histoire de ma femme) de  Ildiko Enyedi (Copyright Pyramide Films)

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Tromperie d'Arnaud Depleschin (Copyright Shanna Besson - Why Not Productions)

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Marx puo aspettare (Marx peut attendre) de Marco Bellocchio (DR)

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Blue Bayou de Justin Chon (Copyright 2021 Focus Features, LLC.)

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Sous le ciel d'Alice de Chloé Mazlo (Copyright Ad Vitam)

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Serre-moi fort de Mathieu Amalric (Copyright Les Films du Poisson)

23/07/2021

Cannes 2021, partie 1

Bon, allez, un effort, colle-toi devant ton clavier et essaye de revenir sur ces journées du 74eme Festival de Cannes. Oublie le stress du passe sanitaire, des tests, des impression de tests, des lecteur de codes de test qui n'aiment pas le soleil, des aménagements obscurs avec l’obligation de tests, des réservations toutes en ligne et de cette fracture créée et entretenue entre ceux qui ont un téléphone intelligent et les autres, tout ce fatras de restrictions, d'injonctions technologiques et d'interdictions qui vont à l'encontre d'un festival qui se veut ouvert, et dont la programmation chante la différence, la liberté, la rébellion et le grand air. Paradoxe cannois qui ne date pas d'hier et qui n'est pas près de se résoudre.

paul verhoeven,leos carax,constance meyer

So may we start ? Commençons donc par Annette nouvel opus de Leos Carax, comédie musicale qui démarre par une splendide scène, un plan séquence virtuose plein de souffle et de musique, rappelant l'interlude excitant de Holy Motors dans l'église. Cette énergie purement cinématographique, pourtant, Carax ne la tient pas sur la durée du film. Son récit, celui d'une histoire d'amour, belle, absolue, entre une cantatrice et un comédien de « stand-up », est ténue comme souvent chez le réalisateur et offre de très beaux moments, comme souvent chez le réalisateur, le passage en mer, la scène de sexe chanté, l'ultime rencontre entre père et fille, et d'autres plus longs, parfois un peu trop longs, comme souvent chez Carax qui semble chercher encore et toujours le bon rythme. Peut être que si mon film préféré dans son œuvre est Holy Motors, c'est peut être parce qu'il est composés de fragments, un dispositif qui lui avait permis d'éviter cet écueil. Dans Annette, il y a des moments qui tirent un peu à la ligne, où l'on se perd quelque peu. Il y a aussi certaines idées qui me laissent dubitatif, comme la façon de représenter la petite fille, malgré tout ce qui a été dit à ce sujet, ou les concerts comme en transe qui m'ont laissé de marbre. Reste cet amour fou du cinéma qui éclate dans chaque instant de la mise en scène et balaie les réticences.

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J'ai retrouvé cette foi, sans mauvais jeu de mots, dans le Benedetta de Paul Verhoeven. Avec une assurance et un réjouissant mauvais esprit, notre homme déploie sa fresque iconoclaste sans temps mort. Benedetta, c'est Showgirls dans un couvent toscan du XVIIeme, le prolongement de son excellent Flesh + Blood (La Chair et le sang, 1984), ma première rencontre avec le cinéaste, et la même impression que dans Starship Troopers (1995), d'une gigantesque farce utilisant les codes de ce qu'il entend démonter : les rapports mêlés du sexe, du pouvoir et de la foi (quoique l'on veuille mettre dans ce mot). Le beau travail de reconstitution, utilisant de superbes abbayes bien réelles, n'étouffe jamais, ni le récit ni le propos, et je m'élève avec vigueur contre les accusations d'académisme, argument souvent bien mal employé pour des cinéastes qui en sont si éloigné. Verhoeven utilise des dialogues qui, outre leur humour savoureux, sonnent tout à fait moderne, ce qui crée un décalage avec l'époque décrite et donne force aux nombreux échanges entre les personnages. Une méthode hardie utilisée en son temps par Gianfranco Mignozzi dans Flavia, la monaca musulmana (Flavia la défroquée, 1974), un film assez proche. 

Car, oui, Benedetta possède l'aspect des films de couvent ou « nonnesploitation », du meilleur de ces œuvres barrées signées Ken Russel, Jess Franco ou Norifumi Suzuki. Il y a aussi du peplum avec ces salles de tortures et globalement un parfum bien agréable de la grande époque du cinéma d'exploitation italien. Verhoeven va plus loin, comme il l'a fait pour le polar ou la science-fiction, en revenant une nouvelle fois à ces personnages de femmes qui se battent comme des diablesses dans des mondes très masculins, dissimulant leurs fêlures sous une volonté de fer. Somptueuse, drôle, inquiétante, hallucinée, sensuelle, effrayante, intelligente, Benedetta est jouée par Virginie Efira qui prend avec les honneurs la suite de Jennifer Jason Leigh, Sharon Stone, Elizabeth Berkley ou Carice van Houten. Verhoeven a l'habileté de laisser planer le doute sur la véritable nature de son héroïne, sainte, mystique, folle, manipulatrice, toujours au bord de la rupture quand elle se met à parler comme la petite fille de The Exorcist (L'Exorciste, 1973) de William Friedkin, autre réalisateur qui n'a pas l'habitude de mâcher ses images. Et puis pour l'athée que je suis, si triste de l'atmosphère de culs-bénis qui a repris le dessus ces dernières décennies, les visions du Christ tour à tour femme ou guerrier façon Game Of Thrones m'ont rempli d'une extase toute laïque. Pourtant, la charge la plus puissante, moins frontale donc plus efficcace, passe les deux personnages les plus lucides du film, le cynique nonce joué par un Lambert Wilson hilarant, et l’abbesse incarnée en majesté par Charlotte Rampling. Ils ne sont dupes de rien, savent qu'ils représentent un pouvoir bien politico-économique et finissent très mal. Comme quoi, même si ce n'est pas évident, le cinéma de Paul Verhoeven est un cinéma moral.

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Après ça, une œuvre comme Robuste de Constance Meyer apparaît bien sage. Le film a son charme, axé sur la rencontre d'une jeune femme assurant la sécurité d'un acteur d'un certain âge mais quelque peu fantasque. C'est filmé de manière classique mais sans chichi ce qui est parfois une qualité. Ce qui fonctionne, c'est la rencontre de deux corps, de deux générations, de deux manières de jouer aussi, celui de Déborah Lukumuena et celui de Gérard Depardieu. La première est une découverte, retenue, sensible, physique, elle évite, grâce au scenario intelligent de Meyer, la somme de clichés redoutés sur une jeune femme noire et, disons, enveloppée. Meyer la filme comme un personnage, pas comme un sujet d'étude. Et elle est confrontée à celui qui, mieux que tout autre, a fait du mépris des clichés une façon de vivre, une façon d'être. Depardieu est encore plus massif, il souffle, s'épuise, mange et boit en une composition en forme d'autoportrait, fascinant sa partenaire comme se réalisatrice. Il y trouve une forme d'équilibre et un rôle dans la lignée du superbe Bellamy joué pour Chabrol. Quelques belles scènes viennent bousculer la trop grande sagesse de Robuste, celle du restaurant en particulier.

(à suivre)

Deux avis opposés sur Benedetta ici et

Lire également chez Newstrum.

Photographies © UGC Distribution, Guy Ferrandis et Diaphana Distribution

30/01/2017

Les joies du bain : agressée

Isabelle Huppert, toujours aussi étonnante, dans Elle (2016), le film de Paul Verhoeven. Un bain après le traumatisme qu'elle tente d’effacer dans la mousse d'un bain chaud et élégant, mais qui ressort sous la forme d'une trace sanglante. Photographie DR.

Isabelle Huppert, paul verhoeven

13/02/2009

Clermont 2009 : Programme hollandais

Outre les différentes compétitions, Clermont-Ferrand, c'est aussi un ensemble de programmes thématiques venus des quatre coins du monde. Cette année, les Pays-Bas étaient mis à l'honneur avec des oeuvres marquantes de Bert Haanstra, Joris Ivens, Tjebbo Penning, Johan van der Keuken ou encore Loedwijk Crijns (l'incroyable Lap rouge). Le court métrage hollandais a une riche histoire que cette programmation permettait de découvrir, depuis les fondateurs de la Filmliga à la fin des années 20 jusqu'aux créateurs contemporains expérimentaux en passant par la génération des années 60, le courant des films de danse (Shake off de Hans Beenhakker découvert l'an dernier) et celui de l'animation aux réussites éclatantes.

Il fallait choisir entre les six programmes. J'ai choisi celui qui m'a permis de découvrir le quatrième court-métrage de Paul Verhoeven, oui le « hollandais violent », l'auteur de Robocop et de Showgirls. Feest ! (La fête !) date de 1963 et s'attache aux pas d'une jeune lycéen qui tente de séduire une jolie camarade à l'occasion de la fête de l'établissement. A la fois arrogant et timide, il essaye de s'affirmer et de contrôler un jeu sentimental et social. Mais il se laisse entraîner dans un rite innocent en apparence qui lui fait subir un échec humiliant. Feest ! Voit la naissance d'un style et, bien que ce soit facile rétrospectivement à écrire, on trouve dans le film les prémices du cinéma de Verhoeven, outre son indéniable maîtrise. La caméra est déjà très mobile et file à travers les couloirs du lycée de façon excitante (ce ne sont pas les travellings de Gus Van Sant) comme elle le fera plus tard dans coulisses de Las Vegas ou le camp des marines de l'espace. Le film parcourt l'établissement guindé dans ses multiples recoins, multipliant les lieux, salles, escaliers, cours, le transformant en un labyrinthe inquiétant que le héros semble maîtriser jusqu'à cette pièce au sommet d'une tour médiévale qui verra sa déconfiture. Le montage, très contrôlé, fait se succéder les personnages, donnant vitalité à ce petit monde et un rythme haletant tout en ménageant quelques pauses comme la séquence délicate dans la rue. Le noir et blanc de Ferenc Kalman Gall achève de donner au film un côté « nouvelle vague des débuts », le rattachant aux tout premiers essais de Truffaut ou Godard. J'ai pas mal pensé au second épisode des aventures d'Antoine Doinel.

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Et puis Verhoeven a déjà ce regard très particulier sur ses contemporains. Il est tentant de rapprocher ce portrait d'une jeunesse hollandaise des années 60 à celui fait des militaires dans Starship troopers (1997) ou celui des jeunes danseuses de Showgirls (1995). C'est le même mélange d'ironie et de cruauté, cette même façon de montrer des jeunes gens déjà formatés, engagés dans la compétition sociale, désireux d'y jouer leur rôle mais piégés par leurs sentiments. A la fois ambitieux et humiliés, déjà abîmés. Un regard assez sarcastique, de moraliste misanthrope, attitude qui ne s'est pas arrangée avec les années et qui vaut au réalisateur de solides détestations comme de francs admirateurs.

Father and daughter (Père et fille - 2000) de Michael Dudok de Wit est un bijou d'animation de huit minutes. Il possède la puissance évocatrice de cet art porté à son point de perfection. Parfaitement. Michael Dudok de Wit n'a que quatre courts métrages à son actif mais une belle carrière depuis 1978 ayant notamment travaillé pour Disney et sur les remarquables films de Rémy Gired La prophétie des grenouilles et L'enfant au grelot. Il a en outre écrit et illustré plusieurs livres pour enfants et ses courts, pour être peu nombreux, ont marqué les esprits et récolté des prix un peu partout. Alors voilà, un père et sa petite fille font du vélo sur une digue plantée d'arbres. Ils s'arrêtent et le père fait ses adieux. Il monte dans une barque et s'éloigne à l'horizon. Longtemps, la petite fille reste là, puis elle repart. Elle revient au même endroit le jour suivant et scrute les flots. Elle revient encore, elle grandit, les saisons passent, les oiseaux chantent, les feuilles volent, la neige tombe. C'est une jeune fille avec son fiancé, une jeune femme avec son mari et ses enfants. Toujours elle revient et regarde au loin. C'est une vieille femme à présent. Il n'y a plus d'eau. Elle s'engage sur la vaste étendue. Au milieu des herbes, elle trouve la barque. Et puis, et puis, voilà. Father and daughter c'est de ce genre de films qui vous prennent là (voir fig. 1),  ce genre de films qui rendent la plupart des autres insignifiants. Un de ces films qui savent toucher quelque chose de profond, d'essentiel. Quelque chose chose qui a à voir avec l'enfance, avec cette idée d'absolu qui est propre à l'enfance et qu'il est si difficile de préserver quand on grandit. Cette qualité rare et précieuse, le film la doit à sa simplicité, à la beauté de son graphisme sans une touche de trop. A base d'encre de chine et d'aquarelle, son dessin évoque la peinture chinoise, jeu sur les contrastes, précision du trait, épure. Les mouvements sont également très précis, fluides sans ostentation. Michael Dudok de Wit a le génie de la composition. J'ai parfois pensé à certains passages chez Hayao Miyazaki (Quand Chihiro prend le train au milieu de l'étendue d'eau par exemple). Ce qui est aussi remarquable, c'est l'intensité des émotions qui se dégagent sans que cela ne passe jamais par les visages, les personnages étant toujours vus d'assez loin pour que leurs traits ne se distinguent pas vraiment. Et puis la musique de Normand Roger, variation sur The danube waves à l'accordéon, un peu dans la manière de Yann Tiersen, est parfaite. Voilà, c'est ce genre de films, et rien qu'en évoquant les images, je me remets à tremper mon clavier de larmes alors, voyez le film et débrouillez vous avec.

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A côté de ça, Het verborgen gezicht (Le visage caché - 2003) de Elbert van Strien et Het Rijexamen (Le permis de conduire - 2005) de Tallulah Schwab sont plus anecdotiques sans manquer de qualités. Le premier est une histoire à suspense dans l'esprit des contes de la crypte ou autres courts récits proches du fantastique. Une petite fille imaginative ne reconnaît plus sa grand-mère ce qui va se révéler dramatique quand cete dernière aura un accident. Raconté par la fillette en voix off, c'est un bel exercice de style. Le second est une comédie comme on dit bien troussée. La candidate au permis se retrouve avec un examinateur en pleine dispute téléphonique. Plutôt prévisible mais bien mené, le film enchaîne gags et cascades pour un plaisir premier degré mais bien réel.

Nummer Drie (Take step fall) est plus original. Réalisé par Guido van der Werve en 2004, le film mêle le film de danse et un humour de l'absurde assez réjouissant comme cet arbre qui tombe soudain au beau milieu d'une danse dans un parc, sans que rien ne l'ai annoncé ni que la danseuse en trésaille. Dans un tout autre registre, Grijsgedraaid (Matière grise – 2006) de Ina van Beek se présente comme un « documentaire hilarant sur une maison de retraite ». Il fallait que je me rende compte et, effectivement, c'est bien un documentaire sur une maison de retraite et on y rit beaucoup. La réalisatrice s'est fondue dans le quotidien des pensionnaires et en a retiré une succession de moments décalés, comme ces deux vieilles dames aux prises avec un ascenseur capricieux. On sent à tout moment que l'on pourrait basculer dans le drame, mais van Beek tient la ligne et ne tombe jamais dans l'apitoiement, meilleure façon de conserver à ces vieilles personnes toute leur touchante humanité.

 

Sur father and daughter :

Un entretien avec Michael Dudok de Wit par Gilles Ciment

Le film sur Youtube (qualité médiocre mais bon...)

Photographie Les films du préau

Un article sur Short of the week (en anglais)

Gallerie d'images