22/09/2015
1981 sur un plateau
Et pour prolonger le plaisir du retour vers 1981 avec l'équipe de Zoom Arrière, voici quelques uns de mes films favoris de l'année illustrés par des scènes de tournage. Avec Michael Cimino, Steven Spielberg et George Lucas, John Boorman, François Truffaut, Sergio Corbucci, Martin Scorcese, et John Carpenter. Photographies DR (United Artists, Universal, l'Unità, les films du Carosse) :
08:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : michael cimino, steven spielberg, george lucas, john boorman, françois truffaut, sergio corbucci, martin scorcese, john carpenter | Facebook | Imprimer | |
04/06/2015
1977 en 12 (autres) films
Bien sûr, 1977 sur Zoom arrière, c’est l'un des tout meilleurs films de Woody Allen, l'ultime Buñuel, Truffaut et les femmes, Resnais et Providence, le Casanova de Fellini et le sublime premier film de Victor Erice. Et puis un bien bel éditorial signé Céline du blog Critique Clandestine. Mais 1977, c'est aussi Marty Feldman en Gary Cooper, une belle et grande saga familiale française, l'ultime chef d’œuvre du western à l'italienne, Une chanson sublime et Clarence Clemmons entre Minelli et De Niro, la dure vie d'enfant de paysans italiens et pauvres, des jeunes filles en fleur dans le désert Australien, un poliziottesco de grand style sur une musique de Stelvio Cipriani, un mystère rouge profond, des héros vieillissants et émouvants du côté de Sherwood et de Carson City, Barbara Bouchet nue et puis, quand même, un film qui fait parler dans toutes les cours de récréation les petits garçons qui se rêvent en héros interstellaires. C'était dans notre galaxie, à notre époque, hier en 1977.
22:36 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zoom arrière, marty feldman, enzo g. castellari, rené féret, martin scorcese, paolo et vittorio taviani, peter weir, dario argento, roberto infascelli, don siegel, georges lucas, mauro bolognini, richard lester | Facebook | Imprimer | |
05/01/2012
Hugo Cabret
Les choses vont décidément bien vite. J'en suis encore à méditer sur les bouleversements de cette année 2011 compliquée pour moi dans mon rapport au cinéma que je tombe avec Hugo (Hugo Cabret - 2011), le nouveau film de Martin Scorcese, sur un film en 3D qui me séduit par sa 3D. Avatar et coquecigrues ! J'ai déjà exprimé plusieurs fois le peu d'intérêt que j'avais pour le procédé mais, problème, il est devenu difficile de voir certains films autrement. Le choix de la version plate se réduit comme celui d'une copie 35 mm. Je m'y suis donc collé l'an passé avec trois films plutôt très bons, Ichimei de Takashi Miike (présenté en compétition à Cannes, ils sont partout), le superbe Contes de la nuit de Michel Ocelot et le Tintin de Steven Spielberg. Dans les trois cas je suis resté sur ma position, à savoir que le relief n'apporte rien à la mise en scène de ces réalisateurs, qu'il n'est qu'un gadget et un choix technologique, stratégique, dans la lutte contre le piratage. L'on conviendra que cela n'a rien d'excitant. Avec Hugo c'est une autre histoire. L'échec du relief dans les années 50 puis 80 tient à son cantonnement dans le domaine de la série B (à une ou deux exceptions près dont un film d'Alfred Hitchcock), et à des choix alternatifs alors plus satisfaisant (Cinérama, VistaVision, CinémaScope, 70 mm). Aujourd'hui c'est différent et devant le Tintin de Spielberg, je m'étais fait la réflexion qu'il suffirait qu'un metteur en scène inspiré s'empare du procédé et en fasse autre chose pour qu'il se passe quelque chose. J'avoue que je n'attendais pas la chose en question de la part de Martin Scorcese, d'autant que j'ai décroché de son cinéma depuis 2002, comme beaucoup ont été surpris que l'homme de Goodfellas (Les affranchis - 1990) fasse ce film de Noël destiné à un jeune public. La réussite de Hugo tient pourtant complètement dans le cinéaste Martin Scorcese comme dans le cinéphile Martin Scorcese, dans la synthèse d'un style et d'une passion qui sont sublimé une technologie qui se révèle, pour cette fois, parfaitement adaptée.
Hugo Cabret est un jeune orphelin qui vit dans la gare d'un Paris rêvé des années trente. Il y entretient les horloges discrètement et subsiste de petits larcins qui lui valent d'être dans le collimateur d'un vigile d'époque, blessé de la grande guerre. Son obsession est la réparation d'un automate que lui a laissé son père et pour ce faire, il dérobe pièces et outillage à un vieux marchand de jouets irascible qui n'est autre, comme personne ne l'ignore, que le cinéaste déchu Georges Mélies. L'adaptation par John Logan du livre (pour enfants) de Brian Selznick fait donc se percuter une trame mélodramatique et un solidement classique récit initiatique avec la véritablement véridique histoire de l'un des inventeurs capitaux du cinéma. Mélies, magicien et homme de spectacle, qui s'était vu refuser la vente d'une caméra par les frères Lumière qui avaient des doutes sur leur invention, et qui du coup avait fabriqué lui-même sa propre machine de prise de vues, est le créateur du spectacle cinématographique, du studio et du trucage, du rêve en salle, de la féérie sur pellicule. Des raisons complexes l'on conduit à la ruine durant la Première Guerre Mondiale et dans un moment de désespoir il a bien fichu le feu à ses décors et à nombre de ses films avant d'épouser en secondes noces son ancienne vedette Jeanne d'Alcy pour tenir avec elle la fameuse boutique, gare Montparnasse.
Pour Martin Scorcese, c'est un sujet en or. La fiction de l'histoire de Hugo lui permet de plonger sans retenue dans un récit qui renvoie au classicisme hollywoodien, mélange d'action, d'humour et d'une intense émotion, qui jamais ne cède aux facilités du second degré. La mise en scène investit un univers de pure fantaisie, le merveilleux décor de la gare élaboré par Dante Ferreti installé dans un Paris qui est celui du réalisme poétique français comme ceux de Vincente Minnelli ou de Ernst Lubitsch et dont le traitement rappelle celui du New-York dans le film de 1977. Avec la figure de Mélies, Scorcese l'historien, le cinéphile fou, l'activiste infatigable de The Film Foundation, peut partager sa passion pour l'histoire du cinéma des origines tout en faisant œuvre de pédagogie, se projetant dans le personnage de l'historien René Tabard. Avec la même précision et la même élégance que dans ses voyages imaginaires dans le cinéma américain puis italien, dans sa description de la haute société new-yorkaise du XIXeme comme du fonctionnement d'un casino de Las Végas, Scorcese évoque les grandes figures des premiers temps du cinéma. Il fait revivre la naissance du septième art et de ses techniques avec les premières projections des frères Lumière dans les foires puis la création, mise en abyme avec les souvenirs de Mélies, du studio de Montreuil. J'ai pensé à Le silence est d'or (1949) de René Clair et j'étais très ému. Il convoque aussi de diverses manières Chaplin, Keaton, Lloyd, inévitablement accroché à son horloge, Linder et le premier western. Plus encore, de la même façon que Quentin Tarantino dans Inglorious basterds(2009), Scorcese filme avec gourmandise les objets, les outils, la matière même du cinéma : caméras, projecteurs, flip books, pellicule, décors de bois et de carton peint, costumes, dessins et mécanismes. Déballage d'antiquaire ironiseront certains, fétiches et gri-gris du culte soupireront d'autres. Peut-être, mais le cinéma de Scorcese a la ferveur même quand il tend à faire du prosélytisme pour la conservation des films.
Son idée la plus belle, c'est de s'adresser aux jeunes générations à travers Hugo et Isabelle, la charmante jeune fille adoptive de Mélies (craquante Chloë Moretz). Hugo multiplie les figures de la transmission et celle-ci s'opère à tous les niveaux. Le père de Hugo lui apprend son métier et lui laisse l'automate. Hugo initie Isabelle au cinéma tandis que la jeune fille l'amène à la lecture. L'automate finit par transmettre son message. Le libraire, belle figure campée par Christopher Lee, passe des livres à Isabelle et offre Robin des bois à Hugo. La fleuriste offre une fleur au vigile qui s'arrache enfin un sourire. Monsieur Frick offre une compagne au chien de madame Emilie. Les enfants révèlent à l'historien l'existence de Mélies. Mélies apprend ses trucs à Hugo. Scorcese lui-même se met malicieusement en scène en photographe immortalisant le studio de Montreuil et les Mélies dans le bonheur. Chez Scorcese, ici, la culture se transmet de façon vivante et bien concrète, par des objets et des gestes, notion d'importance dans notre époque de grande dématérialisation. Films, dessins et livres sont ramenés à leur présence physique et à la beauté de leurs supports. Il faudrait également évoquer la richesse musicale du film, quelle culture ce Scorcese, qui mêle à la partition de Howard Shore les chansons de populaires de l'époque et la musique de Camille Saint-Saëns et du divin Erik Satie.
On pourra là aussi trouver paradoxal, voire cynique si on a l'esprit mal tourné, que cette célébration de l'art et de la mécanique artisanale se fasse dans une œuvre qui recourt si richement aux techniques de pointe d'aujourd'hui. Paradoxe d'apparence seulement. Ce qui nous ramène à la 3D. Ce qui me semble remarquable dans la 3D de Hugo, c'est la façon dont Martin Scorcese a intégré cette technique à son style propre. Le premier plan, virtuose, est une vertigineuse plongée depuis le ciel de Paris vers les méandres de la gare centrale, slalomant entre la foule et les trains, jusqu'à isoler le regard de Hugo, planqué derrière une horloge. Ce plan qui permet de pénétrer l'univers du film n'est pas différent de ceux qui nous avaient ouverts les portes du casino où régnait Robert De Niro, ou du New-York des gangs du même nom. Il ne sacrifie pas à un effet 3D (il en reste quelques uns comme la gueule du chien qui vient aboyer sur le spectateur), mais renforce une figure qui est le langage même du réalisateur. Il renvoie aux idées visuelles que Scorcese aime tant chez Michael Powell et à une façon d'appréhender l'espace qui, jusqu'ici, était illustrée par des mouvements de grue, de la steadycam ou de la Louma, et orchestré par le montage. La 3D apporte cette fois un supplément de netteté en profondeur, une définition sur les visages et les textures inédite. Il y a comme une sollicitation du sens du toucher dans la façon de montrer les matières (bois, cuir, ferrures) qui renforce leur sensualité et accentue l'émotion procurée par les objets qu'elles composent. C'est quelque chose que Scorcese avait déjà tenté avec les natures mortes de The Age of Innocence (Le temps de l'innocence - 1993) qui étaient le meilleur du film. La troisième dimension y est envisagée comme illusion sensorielle et non pas de profondeur. Je retrouve là quelque chose éprouvé devant la poussière en VistaVision de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de John Ford, ou l'air vibrant du désert en 70 mm de Lawrence of Arabia(1962) de David Lean. Tout au plus pourrais-je regretter que certains plans n'aient pas duré un peu plus longtemps, que j'ai eu le temps de saisir les multiples nuances.
Mais plus encore que tout ceci, qui n'est pas rien, Les personnages et la fiction ne sont jamais sacrifiés au pur plaisir des images. L'homme reste au cœur de tous les objets, de tous les décors, il en est le créateur et ils ne sont que son extension. Les horloges ne sont plus rien sans Hugo pour les remonter. Il est des plus étonnant de voir Scorcese, peintre des plus grandes violences, des plus grandes souffrances, faire preuve de tant de délicatesse, de tant de sensibilité pour ses personnages. Il ne laissera personne sur le carreau. Au point que le vigile, joué par un superbe Sacha Baron Cohen dont la définition du poil de moustache défie l'entendement, ne sera pas le méchant attendu. Au point surtout que pour la première fois, des corps de sang et de chair ne sont pas écrasés par la scénographie numérique et tridimensionnelle. C'est à cette réussite que se mesure la sincérité de Scorcese. James Cameron avait oublié que les bornes franchies, il n'y a plus de limites. Steven Spielberg avait dû composer avec les deux dimensions des 24 albums à la ligne claire de Hergé. Martin Scorcese lui est en parfaite adéquation avec son sujet. Je me gausse de voir ceux qui font la fine bouche sur Hugo se mouiller l'œil devant Le voyage dans la Lune, chef d'œuvre 1902 de Mélies. C'est oublier un peu vite que pour Mélies, le cinéma était d'abord spectacle, que Le voyage dans la Lune est une superproduction de son époque avec un gros budget (et un gros succès à la clef), que c'est un film où règne le trucage et où est recherché l'illusion de la profondeur, non pas par la profondeur de champ mais bien par des décors plats placés les uns devant les autres. Le tout colorié image par image à la main. C'est un cinéma de la féérie et de la séduction. Et la poésie technologique de Scorcese aujourd'hui est certainement la mieux à même de rendre hommage à la technologie poétique de Georges Mélies.
Sur Nightswimming
Chez le Bon Dr Orlof
Photographies : © Warner Bros. France
Photographie Mélies : source Draven's world (avec un bel article sur le réalisateur)
23:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : martin scorcese | Facebook | Imprimer | |
10/09/2010
Mauvais souvenirs - Partie 2
On est parfois trahi par soi-même. Ma plus douloureuse expérience physique, je la dois à une séance hélas inoubliable du Casino (1996) de Martin Scorcese. C'était une séance du dimanche matin. Je tenais à voir le film mais, la veille, j'étais souffrant ou j'avais un peu trop bu, je ne me souviens plus. Ce dont je me souviens bien, c'est que j'avais les entrailles tordues pire que John Hurt dans le Nostromo. Le problème, c'est que le film dure pas loin de trois heures et qu'il est bon. Enfin, j'étais complètement accroché. Pas question donc de m'interrompre pour filer aux toilettes et manquer un plan. En fait, vu le montage de Scorcese, c'est un paquet de plans que j'aurais manqué à chaque interruption. Je me suis donc accroché, m'agitant dans mon fauteuil comme un ver, développant un mal de tête carabiné, les yeux brûlants, pleurants. Je suivais le film avec rage. Tenir, il faut tenir, comme un marines rampant sur Omaha Beach, j'ai tenu. A quel prix, je n'ose le dire. C'était une expérience limite dont je ne sais finalement pas trop comment elle a influencé ma vision du film. Mais maintenant, quand je suis malade, je reste chez moi.
Pour rester sur l'exploit physique, il y a eu, mais c'est devenu rare, l'état des fauteuils. A Nice, au milieu des années 80, nombre de petites salles ont fermé. Elles vivotaient et ne faisaient aucun investissement en terme de confort. J'ai un souvenir très vif d'une séance de C'era una volta il west (Il était une fois dans l'ouest – 1968) de Sergio Leone au cinéma Ritz sur la zone piétonne. C'était un cinéma avec trois salles, dont une était consacré au porno et les deux autres oscillaient entre semi-exclusivités et reprises parfois incongrues comme un peplum de Vittorio Cottafavi qui n'est pas à sa gloire. Cette fois là, c'était le Leone et un Leone en salle, ça ne se refuse pas. Problème, le Ritz avait des fauteuils assez anciens, épais, marrons, imitation cuir avec la rudesse d'un parpaing. Supporter les presque trois heures (encore) du film sur un tel fauteuil relève de l'exploit vertébral. Cette fois aussi, j'ai tenu (quel héros !) mais ce fut rude d'autant que la copie n'était pas de la première fraîcheur. Rayures, coupes sauvages, fin et début de bobines hachés, son pourri, de quoi se réjouir de voir le film dans la superbe édition DVD qui lui a été consacrée et renier ces fichues salles de quartier. Mais qu'est-ce que je dis moi ?!
Au seuil du multiplexe. Photographie source : Film reference
J'ai vécu l'enfer du multiplexe. Si. J'en avais eu un avant-goût en Belgique, pour une séance en IMAX, assez spectaculaire pour que j'oublie l'environnement. Mais mon expérience avec film s'est faite sur un redoutable navet. Je me suis laissé convaincre par ma compagne et sa soeur d'aller à une séance du samedi soir d'un multiplexe varois pour The Avengers, la version cinéma de Chapeau melon et bottes de cuir réalisée en 1998 par Jeremiah S. Chechik. C'étaient les vacances, nous étions en famille, je suis un admirateur de la série télévisée et des tenues cuir d'Honor Blackman puis de la divine Mrs Peel, je ne me suis pas trop fait prier. Le problème, c'est l'environnement. La salle est située au coeur d'une zone commerciale, le genre d'endroit que j'évite autant que possible. En face, un grand parking. De l'extérieur on dirait un hangar. A l'entrée, on se croirait face à une batterie de caisses d'hypermarché. Il y a des vigiles et j'imagine, des caméras de surveillance. J'ai surtout été heurté par la vision d'un vigile avec son chien, une de ces grosses bestioles que je déteste genre molosse. Mais qu'est-ce que ça vient foutre au milieu d'une salle de cinéma !? Dedans, c'est code couleurs a tous les étages, ça ressemble à tout, ça ne ressemble à rien. La salle est confortable, certes ce ne sont pas les sièges du Ritz, mais pour accéder à sa place, il faut marcher sur un tapis, un véritable tapis de pop-corn, de gobelets de papier, de sachets en tout genre. Immonde. En Hollande, je me souviens des canettes de bière en verre qui roulaient sous les sièges, mais il y avait une ambiance bon enfant et puis la salle était jolie. Misère. Avec ça, le film a été une déception terrible malgré Uma Thurman qui prenait la pose. Sean Connery cabotinait tant et plus, Ralph Fiennes était transparent, le film était raté dans les grandes largeurs. Jamais remis les pieds dans un endroit pareil. C'est peut être l'âge mais je m'y sens trop oppressé, l'odeur du pop-corn m'écoeure, l'horreur, l'horreur...
Ceci dit, on peut se heurter à d'autres problèmes dans les salles dignes de ce nom. Je ne compte plus les copies douloureuses, les mises au point hasardeuses, les lignes jaunes (blanches ou vertes) baladeuses et le son réglé comme il peut. Dans cette catégorie j'ai une affection toute particulière pour une projection de Dracula, prince of darkness (Dracula, prince des ténèbres – 1966) du grand Terence Fisher, projection à la cinémathèque de Nice que je vénère par ailleurs. Les films estampillé Hammer, c'est pas tous les jours que l'on a la chance de pouvoir les voir en salle, surtout en province. L'occasion était belle et si ce souvenir m'est pénible, c'est qu'il était associé à un grand espoir. Le film commence, grand écran, Techniscope sur toute la largeur, couleurs impeccables rendant pleine justice à la photographie de Michael Reed. Le film semblait avoir été tourné la veille. Pendant une vingtaine de minutes, c'est le bonheur. Deux couples se retrouvent dans un étrange château, l'un d'eux s'engage dans les couloirs sombres et puis patratas, Dracula est là, bagarre, Dracula tombe dans les douves gelées du château, il meurt, The end. Au bout de trente minutes ? Tiens non, nous revoilà ailleurs, Dracula ressuscite un peu plus tard. C'est le bon vieux coup de l'inversion de bobine. Sauf que cette fois, mis à part la première, aucune autre ne sera à sa place. Un vrai loto. Impossible de comprendre quoi que ce soit, pourtant, ce n'était pas non plus du Bergman. Un ami, un véritable fan, est ressortit en maudissant le projectionniste. Moi j'y suis retourné le dimanche suivant. Nous étions invités.
Pauvre bête ! (Photographie source Nova)
Parmi les mauvais souvenirs, il y a les films qui mettent mal à l'aise. Généralement, c'est voulu. Haneke le fait exprès. C'est pour secouer un peu le spectateur. Ça peut faire du bien mais il y a la manière. J'ai aimé être secoué par Oshima ou Pasolini et pourtant il y eu des séances terribles. Avec le temps, j'ai compris que je suis mal à l'aise quand il y a un brouillage entre la fiction et le réel dans le cadre d'une fiction. Typiquement, certaines scènes de sexe, quand je n'ai plus l'impression qu'elles sont jouées (hors films érotiques) peuvent me mettre mal à l'aise. J'ai beaucoup de mal aussi avec des scènes où les personnages se font faire une piqûre, que se soit pour se droguer, se soigner ou se faire tuer. Il faut dire que j'ai une sainte aversion pour les seringues. J'ai aussi un peu de mal avec la façon dont on traite les animaux. Le cafard de Leone et les poulets de Peckinpah (même si on les voit ensuite rôtis et mangés) me font tiquer. J'avais ainsi beaucoup souffert sur un film tchécoslovaque Konec srpna v Hotelu Ozon (Fin août à l'hôtel Ozone – 1966) de Jan Schmidt. On y suit les déambulation d'une dizaine de jeunes femmes dans un monde apocalyptique d'où les hommes ont disparu, ou presque. L'ambiance n'est pas folichonne mais bon. Le problème, c'est que les donzelles rencontrent au long du scénario divers animaux grandissant en taille et se rapprochant de l'homme (d'où allégorie) et qu'elles ont la sale manie de les tuer. La sale manie du réalisateur, c'est de le montrer en détail avec un sadisme d'autant plus gênant qu'il n'est pas truqué. Au début, c'est une mouche ou une araignée, on passe. Puis c'est un serpent écrasé par une pierre. Je m'agite un peu. Quand on passe à la vache puis au chien, ça commence à bien faire. J'imagine que c'était voulu mais j'ai passé un moment très pénible.
Je terminerais par un petit gars bien de chez nous, Gaspard Noé avec son incontournable Irréversible (2001). Là encore, j'imagine que le sale goût dans la bouche quand on ressort est prévu avec le film. Mais en ce qui me concerne, ce n'est pas tant le fond qui m'a gêné (j'en ai vu d'autres), que la forme. La scène du viol du personnage de Monica Bellucci aurait suffit à me faire détester le film, en partie à cause de ce que j'ai écrit dans le paragraphe précédent, en partie parce que c'est interminable et que, comme chez Haneke, je n'avais qu'une hâte, c'est qu'ils en finissent. Mais le plus éprouvant, c'est la première scène, celle du night club, encore une fois pas tant pour sa violence que pour son traitement. La musique techno à fond, les flashs rouges et les effets de stroboscope, c'est juste pas possible. Au bout de cinq minutes, j'aurais avoué tout ce que l'on voulait. C'est le film, en tant qu'objet, le plus agressif que j'ai jamais vu. Je ne vois pas au nom de quoi je devrais endurer un truc pareil. J'ai rien fait, j'le jure. Mais je suis maso, j'ai repris un morceau de Noé dans le film à sketches Destricted (2006), même mise en scène avec les mêmes effets. Là, j'étais prévenu, j'ai réussi à me mettre dans un état second. De temps en temps, j'ouvrais un oeil et je vérifiais si le cauchemar ne s'était pas achevé.
08:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : sergio leone, martin scorcese, jan schmidt, jeremiah s. chechik, terence fisher, gaspard noé | Facebook | Imprimer | |
25/05/2009
Cannes 2009 - jour 1
Et voilà, c'est fini. Je les ai vus enrouler les tapis rouges et vider à la benne, quel gaspillage, les kilos de papier des dossiers de presse inutilisés. Comme moi, je pense, vous avez pris connaissance du palmarès. Je n'ai pas grand chose à en dire. Mes lecteurs savent que je ne goûte pas le cinéma de Michael Haneke. Maintenant, c'est le choix du jury et palme ou pas je continuerais à me tenir soigneusement à l'écart de ses films. Ceci posé, ça n'était sans doute pas facile pour le jury cette année. Contrairement à ce que l'on craignait, l'alignement de grands habitués a finalement donné une belle édition. De ce que j'ai vu (je suis loin d'avoir vu toute la compétition) et de ce que j'ai entendu, il me semble que, sauf peut être Ken Loach, tous les auteurs ont proposé des films importants dans leur oeuvre, qu'ils aient tenté de nouvelles choses (Von Trier, Tarantino, Noé, Haneke) ou qu'ils aient affirmé, affiné leur façon de faire (Audiard, Bellocchio, Almodovar, Suleiman, Campion). 2009, ça me semble un bon cru et de ce point de vue, le jury mené par Isabelle Huppert à fait une proposition équilibrée.
J'ai toujours trouvé redoutable les notes « à chaud » sur un tel festival. A Cannes, la nuit porte souvent conseil et les films du lendemain amènent fréquemment à repositionner ceux d'hier. Et puis Cannes, c'est crevant. La fatigue, ça n'aide pas. Maintenant que l'hystérie va retomber, que toutes les images vont se décanter, je vais pouvoir vous raconter ma longue semaine. Retour samedi dernier, en milieu d'après midi.
Martin Scorcese et un jeune flamand
J'ai mis un peu de temps à me mettre en route. Après quelques hésitations, suivant mon instinct toujours très sûr, je suis partit découvrir Al-momia (La momie où La nuit où l'on compte les années), un film égyptien de Shadi Abdel Salam tourné en 1969 dans la sélection Cannes Classic. Au moins là, on sait où l'on met les pieds et il ne faut pas attendre une heure en plein soleil. En l'occurrence, j'ai eu le nez fin et Cannes m'a offert l'une de ces surprises dont il a le secret. C'est Martin Scorcese lui-même en personne qui est venu présenter le film. Il faut dire que Al-momia a été restauré dans le cadre de la World Cinéma Fondation créée par Scorcese en 2007 avec une quinzaine de réalisateurs prestigieux. Leur noble objectif est de préserver le patrimoine cinématographique mondial, notamment celui de pays qui n'ont guère de moyens pour le faire, en Afrique et en Amérique du Sud surtout. C'était assez émouvant de voir Scorcese nous parler de ce film, l'unique long métrage de Shadi Abdel Salam qui fut décorateur et costumier, travaillant notamment sur le superbe Pharaoh du polonais Jerzy Kawalerowicz en 1965. Le film, nous a-t'il dit, était admiré de Michael Powell. A le découvrir, on comprend vite pourquoi. Al-momia raconte la découverte, à la fin du XIXe siècle, de nombreuses momies dans un site gardé par une tribu, les Horrabat. Cette tribu faisait le trafic d'antiquités et les trésors pillés sur ce patrimoine inestimable étaient sa seule source de revenu. A la mort du chef de la tribu, ses deux fils refusent de poursuivre le trafic et, après la mort de l'aîné, le cadet livrera le secret aux autorités, incarnées ici par un envoyé du service des antiquités du Caire.
Al-momia : source The auteurs
Porté par une partition aux accents modernes de Mario Nascimbene (qui a composé pour nombre de peplums, les films de dinosaures de la Hammer et les inoubliables Vikings de Richard Feischer en 1958), le film déploie de superbes plans très travaillés, avec une photographie de Abdel Aziz Fahmi qui rend à merveille les ocres du désert et des monuments, souvent filmés de nuit, sur lesquels contrastent, comme des fantômes, les tenues noires des membres de la tribu. La première scène nous montre une réunion des archéologues égyptiens, savants en costumes sombres dans une pièce noyée de pénombre et de fumée de cigares, éclairés comme les chirurgiens de Rembrandt. Plus tard, la découverte des sarcophages à la lueur de faibles lampes puis la procession des soldats les emportant dans le désert est saisissante. C'est très graphique. Le film manque un petit peu de légèreté, les acteurs sont parfois assez raides, assez théâtraux, à la notable exception de celui qui joue le chef de l'expédition. Médiation sur l'histoire de l'Égypte et son identité, sa colonisation rampante et le pillage de son patrimoine, Al-momia est un contrechamp indispensable (comme l'était à sa façon le film de Kawalerowicz) à toutes les aventures racontées par les yeux occidentaux.
Source : Le site du film
Soirée à la semaine de la critique avec un premier film, La merditude des choses du flamand Félix Van Groeningen. Plutôt sympathique, c'est typiquement le faux film provocateur. Nous y découvrons la famille Strobbe à travers le regard de l'adolescent Gunther qui vit avec son père, ses trois oncles et la grand mère. Milieu très modeste, Famille haute en couleur avec sens de l'honneur du nom, séjours en prison, grandes gueules et bon coeur, beuveries et coucheries, huissiers et courses de vélo à poil, ainsi va la vie, difficile mais formatrice. Gunther écrit et à force d'obstination, il deviendra un écrivain reconnu en racontant cette adolescence bourrée de clichés. Il y a même des nains. Cinématographiquement parlant, c'est ce que l'on peut imaginer, caméra à l'épaule, le plus souvent en mouvement sans trop savoir où elle va, une photographie assez terne, des ambiances plus ou moins sordides de bars, maisons délabrées, banlieue tristounette et un ciel si gris qu'il faut lui pardonner. Même si Gunther devenu adulte aura quelques mots assez durs avec sa première compagne (« Il y a deux personnes que je hais. Deux femmes. La première m'a donné le jour, la seconde est en train de me faire un gosse.»), tout le monde est finalement plutôt sympathique, sauf les huissiers. Van Groeningen a néanmoins de l'énergie et une certaine faculté à faire vivre son petit monde. Les scènes de groupe sont vivantes et parfois assez drôles comme lorsqu'ils emmènent la nièce de dix ans dans un bar et lui font chanter des chansons paillardes. Il se débrouille aussi pas mal avec un récit éclaté entre quatre époques, le montage est assez enlevé. On passe donc un bon moment, mais le film ne résiste pas aux réflexions qui naissent dès que l'on a passé la porte de sortie.
(à suivre)
08:36 Publié dans Festival | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cannes 2009, félix van groeningen, martin scorcese, shadi abdel salam | Facebook | Imprimer | |