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21/05/2009
Ōshima : L'obsédé en plein jour
C'est à une plongée dans les tréfonds de l'âme humaine que nous convie Nagisa Ōshima avec Hakuchu no torima (L'obsédé en plein jour) en 1966. Narrativement et visuellement, le film est ambitieux et complexe. Mais au fur et à mesure que l'on découvre l'oeuvre du cinéaste nippon, l'on en est de moins en moins surpris, simplement toujours admiratif. Ce film nécessita, nous dit-on, quelques 2000 plans, ce qui le rapproche en la matière des oeuvres d'Eiseinstein. Par comparaison, un film standard, si tant est que ce qualificatif ait un sens, en compte quatre fois moins. Ce chiffre est révélateur du travail sur le montage, Ōshima explorant cette fois d'autres voies que le plan séquence ou la théâtralité revendiquée. Montage virtuose donc, quasi expérimental, découpant les scènes en toutes petites fractions de temps, morceaux de décors, fragments de personnages. La narration enchevêtre le passé et le présent, avec une pointe d'onirisme lorsque l'institutrice Jinbo discute avec le fantôme de Genji. L'unité de l'ensemble est assurée par la photographie inspirée, en noir et blanc, d'Akira Takeda collaborateur d'Ōshima sur quatre films entre 1965 et 1967. Aux limites parfois de la surexposition, l'image multiplie les effets solaires et renforce l'aspect irréel de l'ensemble, tout comme le son qui fait ressortir violemment tel ou tel bruit comme le craquement de la corde d'un pendu.
Ces partis-pris artistiques forts et parfaitement maîtrisés nous font pénétrer en profondeur dans l'intériorité des personnages et dans leur désir, moteur de leurs actions. Hakuchu no torima prend l'aspect d'un film criminel, basé sur un livre de Tsutomu Tamura abordant un fait divers réel. « L'obsédé en plein jour » est le surnom donné à un homme qui, à la fin des années 50, agressait, violait et tuait éventuellement des jeunes femmes. Un point de départ en or pour un réalisateur qui s'est toujours passionné pour les rapports entre sexe, amour, violence et mort. Ōshima en tire une oeuvre-puzzle fascinante quelque part entre les constructions mentales d'Alain Resnais (le temps et l'espace) et les explorations formelles d'un Sergio Léone (rapports entre gros plans et plans larges, visages et paysages).
Le DVD
Photographie : capture DVD Carlotta
10:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nagisa Ōshima | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Inutile de suggérer Eté japonais : double suicide... Je présume qu'il est sur vos tablettes..
Après la relecture des œuvres de jeunesse d'Oshima, je conseille vivement la (re)découverte de Yoshida...
A bientôt
Écrit par : Frederique | 21/05/2009
Très perspicace ! Ce sera en effet la dernière chronique consacrée à cette série de films. Je dois avouer aussi que c'est celui que j'ai le moins aimé. Pour Yoshida, c'est mon éminent collègue, le Dr Orlof qui s'est chargé de plancher sur le sujet et je vais m'y mettre sitôt fini le festival. A bientôt.
Écrit par : Vincent | 22/05/2009
Il est vrai que L'obsédé est nettement plus troublant et moins didactique qu'Eté japonais...
J'irai faire un tour chez le médecin dès que j'aurais cinq/dix minutes.
A bientôt !
Écrit par : Frederique | 23/05/2009
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