06/01/2016
Campagne sanglante
Non si deve profanare il sonno dei morti (Le massacre des morts-vivants - 1974) un film de Jorge Grau
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Revendiqué comme un démarquage « en couleurs » du fameux Night of the living dead (La nuit des morts vivants – 1968) de George Romero, Non si deve profanare il sonno dei morti, plus connu sous l'un de ses titres anglais The living dead at the Manchester Morgue, est un bien joli film pivot dans la longue histoire des zombies au cinéma réalisé en 1974 par l'espagnol Jorge (!) Grau. Le jeune et barbu et blond George (Hem) quitte sa galerie d'art de Manchester pour un week-end à la campagne. Un bête accident lui fait rencontrer la jeune et jolie Edna. Ils se retrouvent dans une zone de campagne, verte et tranquille comme seuls les anglais en ont le secret. Hélas, c'est là que le gouvernement se livre à des expériences insecticides avec un machine au rouge rutilant. Effets secondaires de la chose : stimulation des morts récents qui sortent de leur tombe, arrachent leurs linceuls et se mettent en quête de vivants pour les dévorer, chose classique chez tout mort-vivant qui se respecte. George et Edna vont devoir faire face à la menace, peu aidés par une police sceptique, voire agressive malgré son côté britannique. Le rigide inspecteur joué par l'américain George (encore!) Kennedy les tient pour responsables des cadavres qui s'accumulent d'horrible façon, les prenant pour des adeptes de Charles Manson.
Voici les grandes lignes du scénario écrit par l'équipe italo-espagnole composée de Sandro Continenza, Marcello Coscia, Juan Cobos et Miguel Rubio, qui brode sur le film de Romero (La première attaque isolée près d'un cimetière, le siège d'une poignée de personnes dans une maison isolée, le festin des zombies...), en reprend le mauvais esprit à l'humour noir dans le final et les mauvaises manières quand un bébé, lui aussi stimulé par les radiations gouvernementales arrache l’œil d'une infirmière. Mais le film ne se contente pas d'être un décalque de son modèle américain. Il s'inscrit dans le mouvement du cinéma fantastique espagnol de son temps, celui de la fin du franquisme, celui de Jesús Franco, de Paul Naschy, de Vincente Arranda, de Amando De Ossorio. Il puise aussi dans la tradition du cinéma d'épouvante anglais, celui de la Hammer Films, qui a ouvert la voie à une horreur plus graphique, à la couleur, et qui à l'aube des années soixante-dix est en perte de vitesse.
Du premier, nous trouvons la dimension politique camouflée sous le masque du cinéma de genre, prudemment délocalisé à l'étranger comme pour les premiers films de Franco. La place des jeunes, le statut de la femme, la drogue, l'angoisse du présent, les préoccupations écologistes ici très marquées, la critique des institutions, gouvernement et police, le retour du refoulé ici symbolisé par les morts-vivants, le film de Grau ne manque pas d'embrasser de nombreux problèmes de son temps. Comme le rappelle David Didelot dans l'entretien en bonus de la présente édition, l’œuvre de Jorge Grau, très peu connue en France, n'a cessé de dénoncer la société franquiste finissante mais dont l'emprise ne cessera de rester puissante jusqu'au bout. Si cet aspect est limité dans le temps comme dans l'espace, la dimension écologiste avec l'introduction qui multiplie les plans sur l'urbanisation galopante et son cortège de nuisances environnementales (déchets, fumées, pollution) et son effet sur les hommes qui deviennent des zombies bien plus que les monstres de cinéma, reste d'actualité. Sur le passage de George, les passants ont le regard fixe, sans expression, et restent insensibles à la belle idée poétique quoique hippie de la jeune femme qui se déshabille et se met à courir nue. La série B horrifique aux accents gore est aussi une parabole sur le principe de précaution. Grau se rattache en cela aux classiques américains et japonais, tout en étant précurseur de nombreux films à venir où le fantastique se justifie par l'action irréfléchie de l'homme sur son environnement. Scénaristes et réalisateurs s’inspirent des catastrophes bien réelles de leur temps, accidents nucléaires (Three Mile Island), industriels (Seveso), marées noires, le choix ne manque pas.
La tradition anglaise va plutôt se retrouver dans le style de la mise en scène de Grau. Coproduction avec l'Italie, Non si deve profanare il sonno dei morti possède ces caractéristiques propres aux films de genre latins qui s’habillent à l'anglo-saxonne. Grau tourne en anglais, les extérieurs sont anglais, la vedette invitée est l'américain Arthur Kennedy, venu du cinéma d'Anthony Mann, Raoul Walsh et Nicholas Ray. Grau travaille un arrière-plan hammerien avec cette campagne aux dominantes vertes, aux petites routes d'un autre temps, aux pierres immémoriales, contrastant avec le Manchester moderne et bétonné de l'introduction. Il utilise la brume et l'humidité pour créer une atmosphère angoissante et délétère. Cette influence gothique se retrouve dans le décor du cimetière, les manoirs perchés, le vénérable bâtiment de l’hôpital, et les intérieurs au teintes chaudes que la photographie signée de l'espagnol Francisco Sempere oppose aux teintes blafardes de l'univers médical. Visuellement, le film est riche et la copie présentée rend hommage à cette richesse. Autre élément marquant, les maquillages et effets gore qui marquent une date dans la représentation de la menace d'outre-tombe. La couleur apporte un surcroît d'horreur aux visions déjà présentes chez Romero et le travail du maquilleur Giannetto De Rossi repousse les limites du genre. La dernière partie est particulièrement graphique et va servir de matrice pour les délires à venir, De Rossi allant matérialiser les visions les plus extrêmes de Lucio Fulci quelques années plus tard. Pour parachever la réussite du film, il faut mentionner une bande son bien angoissante traversée de vent et d'eau, de craquements, de frôlements, de déchirements, et des étranges gémissements des morts-vivants. Le tout est emballé par une partition pop d'époque signée Giuliano Sogini dont c'est le seul titre de gloire.
Les acteurs font plutôt bien leur travail. George est joué par le charmant blondinet Ray Lovelock, croisé dans quelques rôles mémorables chez Giulio Questi, Umberto Lenzi ou Franco Prosperi pour qui il joue un glaçant psychopathe. Il est ici tout barbu et son ascendance anglaise lui donne une crédibilité totale même s'il est un peu trop expansif par moment. Arthur Kennedy était venu en Italie trouver un second souffle à sa carrière comme beaucoup de ses confrères à la fin des années soixante. Il est parfait en inspecteur teigneux quoiqu'un peu fatigué et à vrai dire assez peu britannique. Côté féminin, c'est la jolie espagnole Cristina Galbó qui joue Edna avec son beau visage classique. Elle avait commencé sa carrière en jouant Bernadette Soubirous avant de se livrer à quelques gialli de bonne tenue et quelques autres films plus lestes. Le reste de la distribution italo-espagnole est plutôt crédible dans le contexte anglais et j'ai noté la présence du toujours impeccable Francisco Sanz qui avait croisé la route de Lovelock dans Se sei vivo spara (Tire encore si tu peux – 1967) de Giulio Questi. Film date, film pivot dans les limite d'un genre, Non si deve profanare il sonno dei morti est une œuvre qui garde son impact et son charme et qu'il est agréable de découvrir dans une belle édition. C'est aussi l'occasion de s'intéresser à un réalisateur peu connu dont on peut légitimement espérer d'autres réussites.
A lire sur Eight days a week
Photographies DR
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02/01/2016
Tu as changé de coiffure ?
Star wars : The force awakens (Star Wars : Le Réveil de la Force - 2015), un film de J.J. Abrams
Comme tout un tas de gens, j'ai fini par aller le voir. Et pour bien rester dans l'esprit du divertissement de masse, je me suis mis dans une configuration inédite en ce qui me concerne : dans un multiplexe, en version française, en relief, un samedi soir et en famille. La seule chose à laquelle je n'ai pu me résoudre, c'est le pop-corn. Mais ce faisant, j'ai le sentiment d'avoir retrouvé quelque chose des séances de 1980 et 1983, séances en bande dans le grand cinéma de l'avenue, le mercredi de la sortie, séances sans arrière-pensées, encore porté par une excitation juvénile. Et puis ça s'est bien passé, l’ambiance était là sans excès et les deux adolescents juste à côté ont été discrets avec leur pop-corn qui ne sentait presque rien.
Ceci posé, je commencerais par dire que je ne suis pas d'accord avec ceux qui tentent de disqualifier le film en le dénonçant comme un produit. Je conçois que c'est tentant vu l'agressivité commerciale qui a entouré sa sortie. Je l'ai trouvée moi-même pénible. Il était difficile de ne pas manger du Star wars à chaque coin de rue. Revues et journaux aussi différents que Le Monde, Télérama, Philosophie magazine ou La vie (!) y sont allés de leur numéro spécial et spatial jusqu'à saturation. Je me suis rendu compte que c'était arrivé à un point où dénoncer ce matraquage, même simplement dire que l'on en serait pas, c'était encore participer à ce grand mouvement publicitaire et faire le jeu du film. Ne restait que le silence avec un œil en coin sur tout ce cirque.
Mais derrière, il y a bien un film, que l'on peut attaquer de mille façons, un film tout de même dont on voit bien qu'il reste central entre les chaussettes Star wars et la cafetière cosmique. Un film-spectacle issu d'une longue lignée de ses congénères, des plus respectables aux plus cyniques. Paradoxe, c'est un vrai film « de cinéma », c'est à dire à voir dans un cinéma, avec le cérémonial de la salle, tourné en 35 mm (on peut se passer du relief qui n'apporte rien), et qui réactive quelque chose devenu rare dans le domaine des grosses productions populaires : l'échange entre spectateurs. Ayant un peu décroché de ce type de films, je peux me tromper, mais il me semble que toutes les discussions autour de Star wars : The force awakens, ce n'est plus quelque chose que suscite ce genre de productions, les cercles de fans mis à part. Là, du copain d'école de ma fille à mes collègues de bureau, le dialogue est possible et c'est quelque chose dont je n'avais plus l'habitude, exception faite bien sûr des discussions entre cinéphiles, mais c'est autre chose. Même la critique s'est sentie inspirée, avec des textes très intéressants comme cette étude de Jean-Marie Samocki qui rappelle les textes de Luc Moullet sur le vieillissement de John Wayne.
Un autre point qui me semble important, c'est sur le discours qui veut faire passer le premier film de la série, le Star wars de 1977, pour un film quasi expérimental, et George Lucas pour un génie visionnaire indépendant, soulignant par là (par ici aussi) la prise de risque minimale de J.J. Abrams et du studio Disney (lire ici, par exemple). Il ne faut pas oublier que Lucas, s'il en a bavé pour créer son univers, l'a fait pour un grand studio, 20th Century Fox, pour un budget qui n'était pas négligeable à l'époque, et qu'il avait la même indépendance que ses collègues Coppola, Cimino, Spielberg, Scorsese, etc. Toute une génération à laquelle les studios, un peu perdus, on laissé les mains libres tant que les films avaient du succès. Et que je sache, l'indépendance n'est pas corrélée à la qualité d'un film. Star wars n'est pas sorti ex nihilo mais a cristallisé une tendance mêlant les tentatives de réactivation d'un cinéma d'aventures traditionnel et l'engouement pour la science-fiction technologique né avec le 2001 de Stanley Kubrick en 1968. Cela n'ôte rien à l'importance du film ni au talent de Lucas, mais c'est un talent pour le collage et la synthèse. D'une certaine façon, J.J. Abrams est dans la continuité. Et le fait d'être dans une continuité rend un peu vaine la comparaison. Abrams n'est pas devant une page blanche, mais doit faire avec trente huit années d'histoire et six films préexistants. S'il faut chercher une indépendance à Lucas, elle serait là sur cette page blanche, encore qu'il n'a cessé, film après film, de s'entraver lui-même, tentant de façon pathétique de revenir sur son travail, de recoller des morceaux. Éternel insatisfait.
Ce qui nous éloigne du sujet principal, le film puisque film il y a. Star wars : The force awakens est un film plutôt mal écrit mais porté, sauvé, par une mise en scène dynamique et parfois brillante. Les problèmes d'écriture sont étonnants si l'on considère le temps de préparation, l'attention qui a du être donnée à chaque scène et l'implication de Lawrence Kasdan, scénariste de deux épisodes de la trilogie d'origine. Tout le monde a noté que l'histoire de ce nouveau film colle de très près à celle du Star wars de 1977, et je ne pense pas aux nombreuses citations, souvent amusantes comme le jeu d'échec du Faucon Millénaire. Non, le scénario colle à la structure même de Star wars, l'héroïne Rey et ses compagnons revivant le parcours initial du jeune Luke Skywalker. La déception à ce niveau pourrait s’écrire : une étoile noire, ça va, trois, ça commence à bien faire. Pire, le scénario réédite des erreurs vieilles de plus de trente ans. L'assaut spatial final contre la planète-canon est mené par le pilote Poe Dameron. Problème, si ce personnage est au centre des premières trente minutes, il disparaît ensuite pour laisser place à Finn, le déserteur des troupes du Premier Ordre (resucée de l'Empire), et Rey la pilleuse d'épaves. Du coup quand Poe revient, non seulement il n'a pas l'épaisseur des autres, mais je l'avais presque oublié. La bataille spatiale manque alors d'intensité parce qu'il y a trop peu d'enjeu humain. C'était le même problème dans Return of the jedi (Le retour du jedi – 1983), quand un personnage secondaire quoique sympathique, Lando Calrissian, menait le même assaut. Si l'erreur est humaine, perseverare diabolicum. Le scénario s'appuie donc trop, presque maladivement, sur des acquits de la première trilogie, faiblesses comprises. Il semble qu'Abrams, Kasdan, et le jeune scénariste Michael Arndt, aient voulu séduire les fans de la première heure en jouant sur le familier, tout en préparant le terrain pour une nouvelle génération de héros. Du coup il y a tout un motif sur la transmission générationnelle des plus intéressant, jouant à la fois au niveau des créateurs Lucas/Abrams et Kasdan/Arndt, des personnages et de leurs interprètes, et de(s) public(s). Cela tend à donner au film un équilibre précaire. Autre faiblesse pour un opéra spatial, le travail de John Williams est loin d'être à la hauteur de son prestigieux passé. Si les thèmes historiques font toujours leur effet, rien de neuf ne se dégage. Le thème de Rey, par exemple, est bien plat, peinant remplir sa fonction de leitmotiv wagnerien. Pour le compositeur comme pour les acteurs "historiques", la question de l’âge se fait ressentir.
Malgré tout, Star wars : The force awakens fonctionne plutôt bien. Et chose rassurante pour un film de cinéma, c'est à la mise en scène de J.J. Abrams qu'il le doit. Je ne connais pas le travail de ce réalisateur bien qu'il ait été présenté comme un fils spirituel de Steven Spielberg, peut être à cause de ça. Mais son film retrouve par sa texture même le meilleur de ce que j'ai aimé dans la saga. Son image travaillée avec le chef opérateur Daniel Mindel fait cinéma, que ce soit l'emploi du 35 mm, les choix de lumière, la limitation des effets numériques qui sont une bouffée d'air après les délires parfois insupportables de la seconde trilogie. Les personnages sont mieux incarnés (Beauté des gros plans sur le visage de Daisy Ridley qui joue Rey, façon émouvante de filmer Harrison Ford), et peut être pour la première fois, les décors réels font vrai. L'herbe ressemble à de l'herbe, les rocs à des rocs, le sable à celui des westerns de la grande époque, et nous découvrons un coffre en bois, si. Il y a de très belles idées plastiques comme le combat sous la neige, la scène finale sur une île filmée nature, ou a contrario l'utilisation du décor lors de la confrontation de Solo et de son fils qui renvoie à celle de Vador et de Luke (oui, c'est son père). Les allusions les plus fines aux films précédents passent par la mise en scène comme le mouvement de caméra entre Poe et Finn avant l'attaque qui reprend celui entre Luke et Biggs, ou le cadrage qui marque le retour de Han et Chewbacca. Le montage est dynamique, donnant un rythme qui limite la portée des incohérences de l'histoire, mais qui sait pourtant faire des pauses pour installer une atmosphère (le bar de Maz Kanata à la hauteur de la Cantina d'origine) ou une émotion dans les limites du genre. Abrams sait aussi être créatif à l'occasion, avec la scène des visions de Rey quand elle découvre le sabre laser de... (son père, hein ? C'est celui de papa?) qui enchaîne images et sons par associations d'idées, entre réminiscences et nouvelles informations. Inspiré par l'idée de la transmission, le réalisateur multiplie les plans où les mains se tendent, échangent, encouragent, se font vecteurs de communication. L'un de ces plans restera sans doute un des grands moments d'émotion de la saga. C'est l'un des aspects de la mise en scène qui donne une cohérence globale au film par dessus son histoire. Autre belle idée, faire jouer les jeunes acteurs dans le manque d'assurance, faire résonner l'inexpérience des acteurs avec celle des personnages. C'est particulièrement réussi avec John Boyega (Finn) souvent à la limite de la panique, et Adam Driver, fils indigne et petit-fils subjugué par la figure du mal qu'a été pépé. Ses crises de rage très adolescentes sont bien vues. Tout ceci contribue au plaisir ressentit devant Star wars : The force awakens. Néanmoins le film, pour ce qui est de l'originalité, doit compter sur des promesses qui ne pourront se tenir que sur les films à venir, alors que Star wars, en 1977, se tenait debout tout seul.
Photographies © LucasFilms / Disney
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01/01/2016
Santé ! (et le reste)
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31/12/2015
Bonne année 2016 !
23:55 Publié dans Blog, Musique, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ennio morricone | Facebook |
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24/12/2015
Joyeuses fêtes !
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22/12/2015
Honorables correspondants
Bridge of Spies (Le pont des espions – 2015) un film de Steven Spielberg
Le nouveau film de Steven Spielberg, Bridges of spies, s'est révélé plein de surprises. Celle de sa sortie pour commencer, moi qui attendait son adaptation de Roald Dahl, The BFG (Le bon gros géant), dernier scénario de Mélissa Mathison. Je n'ai sans doute pas été très attentif. Surprise de découvrir au scénario les frères Joel et Ethan Coen. Je n'avais jamais pensé à une connexion entre les trois hommes avant de retrouver que Spielberg avait été producteur exécutif sur True Grit en 2010. J'ai une image assez différente de leurs univers respectifs et je ne suis pas le seul. J'imagine avec délice les contorsions des admirateurs de l'esprit Lebowski recherchant les traces des frangins dans un film de Spielberg. Le même genre de contorsions qu'il y a eu en son temps pour la part kubrickienne de A.I. (2001). L'étude des différents apports serait sans doute passionnante. C'est Matt Charman (son second scénario après Suite Française (2014) de Saul Dibb) qui écrit un premier jet après s'être intéressé à l'histoire de James Donovan, l'avocat qui sera au centre de l'histoire. Puis il le passe aux frères Coen qui travaillent dessus avant de rendre une copie qui sera peaufinée par Charman et sans doute Spielberg qui s'est pleinement approprié comme à son habitude le matériau d'origine.
Surprise du sujet donc, avec ce récit d'espionnage puisant dans l'Histoire et situé au plus chaud de la guerre froide, de 1957 à 1961. L'avocat Donovan assure la défense de l'espion soviétique Rudolf Abel, le sauve de la chaise électrique puis se retrouve à Berlin au moment de l'érection du mur pour négocier son échange avec le pilote américain Francis Gary Powers abattu au dessus de l'URSS avec son avion espion U2. Passé la surprise, Bridge of spies se révèle tout autre chose. Steven Spielberg avait déjà tâté avec bonheur de l'espionnage dans Munich (2005) et de la période guerre froide dans le quatrième volet des aventures d'Indiana Jones, sur un mode il est vrai trop léger. Surprise enfin, de taille, de découvrir l'absence de John Williams à la musique, remplacé par Thomas Newman, collaborateur régulier de Sam Mendes, qui livre une composition toute en atmosphère dans la lignée des choix de Spielberg au cours des quinze dernières années. C'est la seconde fois en 28 films que Williams et Spielberg ne travaillent pas ensemble et renseignement pris, c'est pour un souci de santé. Mais ça fait une drôle d'impression d'autant que le travail de Newman n'a rien d'excitant. Les surprises cessent avec Tom Hanks dans le rôle de Donovan, Janusz Kamiński à la photographie et Michael Kahn au montage, piliers artistiques sur lesquels se déploie la mise en scène de Spielberg pour un film de neige et de froid où le personnage joué par Hanks s'enrhume.
Les espions
Jolie coïncidence que Bridges of spies sorte en France au même moment que le nouveau James Bond, lui qui en est l'antithèse parfaite. Spielberg a déjà côtoyé Bond. A la fin des années soixante dix, il s'était proposé pour en réaliser un avant que George Lucas lui propose mieux avec Indiana Jones. Dans Catch me if you can (Arrête moi si tu peux – 2005), Frank Abagnale Jr voit Goldfinger (1964) au cinéma avant de s'offrir une Aston Martin. Bond est réduit à sa fonction de pur divertissement et de fantasme adolescent. Les espions selon Spielberg se situent entre les personnages de John Le Carré et les officines louches décrites dans les années soixante dix par Sidney Pollack ou Francis Ford Coppola. Mieux, Spielberg a ici une approche hitchcockienne de l'espionnage. Son héros, Donovan, est un homme ordinaire, ou presque puisque l'on apprend qu'il a travaillé sur le procès des dignitaires nazis à Nuremberg. Mais c'est une figure de l'américain ordinaire, classe moyenne supérieure, blanc et bon père de famille, pétri des idéaux fondateurs, droit et intègre. Il va se retrouver plongé dans un monde de faux semblants et de coups tordus comme le personnage de James Stewart dans la seconde version de The Man Who Knew Too Much (L'Homme qui en savait trop - 1956) où celui de Cary Grant dans North by northwest (La mort aux trousses - 1959).
Spielberg me ramène souvent à John Ford et il est possible ici aussi de noter les convergences dans le questionnement des idéaux fondateurs, l'étude des rapports entre la loi et le chaos, l'importance des valeurs familiales (en réalisant l'échange, Donovan recompose une famille tout en travaillant pour le futur de la sienne). Mais Bridges of spies est marqué par sa face hitchcokienne. Ce qui m'a frappé, c'est la façon dont la construction du film joue avec les codes du genre tout en déplaçant les enjeux et en se dérobant avec élégance aux scènes attendues tout en les réalisant effectivement. Comme toujours, il y a plusieurs films dans un film de Spielberg, plusieurs niveaux de lecture et une manière dans la meilleure tradition hollywoodienne classique de ne jamais laisser la réflexion prendre le pas sur le récit. Le point de vue du réalisateur ne s'impose pas mais se dégage de manière irrésistible de la mise en scène dont la maîtrise, à ce stade de la carrière de l'auteur est totale. Il n'y a pas un plan dans ce film qui ne soit pensé et à sa place. Libre à chacun de faire l'association ou de rester à la surface narrative.
Effet miroir
La première scène, une des plus belles de sa carrière, s'ouvre sur un homme qui peint son autoportrait dans un petit appartement new-yorkais. Miroirs et surfaces réfléchissantes abondent dans l’œuvre de Spielberg. Cette fois, l'homme est de dos, son visage se reflète à sa gauche dans un miroir, et la toile avec le visage peint de manière réaliste est de face à sa droite. Il y a à la fois le mystère de l'homme de dos sur l'écran, l'image objective du reflet dans la glace, et la façon dont il se voit passée au filtre de la reconstitution par l'art. Les deux visages de face sont étrangement proches, tout aussi impassibles. Aussi impénétrables que la nuque de l'acteur. Il y a là un trouble, ce mystère dont la résolution sera l'un des enjeux majeurs du film. Quel homme est-il ? Ce jeu sur les apparences et la dissimulation, un régal dans le cadre d'un film d'espionnage, sera décliné tout au long du film : fausse pièce de monnaie, avion espion, mission secrète, fausse famille d'Abel, parodie de procès, porte refermée devant Donovan... mais ce jeu n'est pas lié directement à l'attirail de l'espionnage, comme il serait chez James Bond, mais à l'homme. La question c'est : « Quel être humain est mon ennemi ? » et partant : "Si mon ennemi est un être humain, sur quelles bases en faire un ami ?".
Le film enchaîne avec une pure scène de thriller. Abel est pris en chasse par un groupe d'hommes qui vont se révéler être des agents de la CIA. Poursuite virtuose dans le New-York des années cinquante, le pont de Brooklyn leonien, le métro, les rues. La reconstitution est impressionnante en ce sens qu'elle est très vivante, comme dans certains films de Clint Eastwood, avec une sensation documentaire. A cette partie très dynamique, quasi muette, succède un film de procès quand les États-Unis, pour sauver les apparences, envoient l'intègre Donovan assurer la défense d'Abel. Mais le jeu est pipé et le verdict décidé d'avance. Dans cette partie Spielberg ne joue pas le suspense du procès mais le démontage de ses coulisses à travers son personnage à la Capra. C'est comme dans Lincoln ou ce qui importait était le mécanisme des négociations politiques et non le résultat du vote qui se trouve dans n'importe quel livre d'histoire.
Cette partie du film introduit une autre thématique du film avec les déboires de Donovan qui doit faire face aux regards hostiles de ses concitoyens qui n'acceptent pas que l'espion soit défendu avec honnêteté selon la loi. Certains vont jusqu'à tirer sur sa maison. Spielberg tend alors un miroir peu flatteur à l'Amérique en montrant comment la peur peut avoir raison des plus nobles idéaux. Que ce soit l’État, à travers la CIA et le juge, ou les braves citoyens du métro, tous sont prêts à en rabattre sur les droits fondamentaux voire à recourir à la violence, possédés qu'il sont de leur paranoïa anti-rouges. Non que Spielberg réfute le danger que pouvait alors représenter l'URSS pour les USA, mais il pose une question fondamentale, celle des valeurs face à la menace du chaos. Donovan joue ici, par conviction et peut être une pointe d'orgueil, le rôle d'une boussole quand le pays perd le nord. C'est un personnage récurrent chez le réalisateur, de Roy Neary à Lincoln en passant par Oscar Schindler ou Ian Malcolm, voir Indiana Jones. Celui qui arrive à affronter sa peur et, s'adossant à ce qu'il croit juste, s'oppose aux forces du chaos. Cet aspect du film, idéalement crédible dans le cadre des années cinquante, est pourtant bien lourd de sens dans l'Amérique d'aujourd'hui et au-delà dans nos sociétés en butte à la violence terroriste.
Communication
L'intégrité, la ténacité et l'habileté de Donovan lui permettent de sauver la vie de l'espion en prophétisant la possibilité d'un échange futur. C'est ce qui permet à Spielberg d'embrayer sur le récit de l'avion espion U2. Cette fois encore, il désamorce le faux suspense en montant en parallèle l'activisme de Donovan avec l’entraînement et les préparatif du pilote Gary Powers. Celui-ci est abattu, fait prisonnier, et questionné par le KGB en reflet (plus violent il est vrai) des interrogatoires d'Abel. Donovan est alors l'homme de la situation pour négocier l’échange qu'il avait intuité. Et cette fois, il le fait pour des motifs plus humains que professionnels, pour sa famille et pour cet homme qu'il a appris à connaître et dont il retrouve dans sa fidélité à son pays le reflet de son propre attachement à ses valeurs américaines. Ce sont des valeurs partagées qui rapprochent les ennemis. Il y a là une nouvelle variation sur une belle idée de Spielberg, celle d'une communication possible entre soi et l'autre, entre israéliens et palestiniens, entre noirs et blancs, entre l'enfant et la créature de l'espace. Spielberg n'en a pourtant jamais caché la difficulté, la douleur parfois, mais il est sur ce point un progressiste dans l'âme. Donovan est donc à Berlin au moment où s'élève le mur entre est et ouest. Se greffe sur les péripéties de l'échange l'aventure d'un étudiant américain pris du mauvais côté. Donovan va devoir batailler à la fois pour obtenir les deux hommes en échange d'Abel (deux pour un, le contraire de ce qu'il professait en tant qu'assureur au début du film sur un mode léger), et contre le cynisme de la CIA qui n'est intéressée que par Powers. Le film encore une fois ne joue le suspense qu'en surface. Ce qui compte, c'est la relation entre Donovan et Abel, la façon dont elle abouti à travers l'échange. Symboliquement, Abel offre alors à Donovan un portait qu'il a fait de lui, parachevant l'effet miroir entre les deux hommes à travers leur amitié désormais pure de tout soupçon.
Question de regard
Autre enjeu majeur, le regard que porte Donovan sur le monde dont il fait partie. Chez Ford, Walsh et Hawks, les personnages ont la maîtrise du monde. Chez Hitchcock ou Capra, il y a le plus souvent passage de l'autre côté du miroir et découverte de l'envers des choses. Le monde se dérobe comme pour George Bailey qui fait l’expérience d'un monde où il n'existe pas dans That's a wonderful life (La vie est belle – 1946). Dans le bureau du juge américain comme à Berlin Est, Donovan fait le même type d'expérience, celle d'une Amérique qui ne ressemble pas à celle qu'il aime, celle d'un pays ennemi qui n'était que fantasme jusqu'ici. Chez Steven Spielberg, le héros passe d'un monde simple, rassurant mais limité (la famille, la petite communauté), à un univers bien plus large, plus complexe et qui peut se révéler très dangereux. Cet univers aux contours mouvants est régenté par le chaos. Pour le héros, il s'agit de lutter contre les forces de ce chaos, ce qui veut dire lutter contre ses propres peurs : la peur de l'eau de Martin Brody dans Jaws (1975), la culpabilité de John Anderton dans Minority report (2002) ou contre ses propres limites : l'égoïsme d'Oscar Schindler ou la morgue de James Graham dans Empire of the sun (Empire du soleil – 1987). Pour Donovan ce combat se mène contre les officines d'état qui promeuvent la raison du même nom. A l'est comme à l'Ouest ce sont les mêmes personnages bouffés par le cynisme, la peur et le mépris de l'homme. Nouvel effet miroir, quand Donovan doit demeurer, d'un côté comme de l'autre du mur, dans de sordides appartements en ruine, alors que les agents de la CIA sont dans un grand hôtel, l'officiel de RDA traverse les rues sinistres de Berlin Est dans une superbe voiture sportive, et les soviétiques sont installés dans un splendide bâtiment d'époque.
Il faut rappeler ici que Spielberg a toujours manifesté une méfiance instinctive envers les bras armés de la nation, en tant qu'organismes. De Sugarland express (1974) à Munich en passant par Close encounters of the third kind (Rencontres du troisième type – 1977) et Minority report, police, administrations, armée, puissances d'argent, politiques et services secrets sont capables d’exercer l'arbitraire avec violence. J'y vois là quelque chose du même ordre que le traumatisme d'enfance de Hitchcock, envoyé au commissariat par son père en guise de punition. Chez lui la présence des forces de l'ordre est toujours anxiogène. Chez Spielberg aussi. Ce qui ne les empêche pas d'avoir des personnages de militaires, de policiers ou d'agents secrets aussi centraux que sympathiques. Mais ils le sont, ou le deviennent comme Cary Grant dans Notorious (Les enchaînés – 1946), que par leur dimension humaine, pas par leur fonction. Ce qui m'amène à réfuter en gros et en détail les reproches récurrents faits à Spielberg sur sa vision de l'Amérique. Son regard est traversé par les mensonges des années Nixon, puis ceux des années Bush (père et fils) et le cinéma de Spielberg est travaillé par le conflit entre la tentation du chaos, du repli, et les valeurs fondatrices du pays, plus largement humanistes. Celles qui permettent d'aller vers l'autre et de refuser la violence, aussi compliqué que cela puisse être. Spielberg est plus lucide qu'on ne veut bien l'admettre. S'il est vrai que ses films « finissent bien », il ne cache rien de la douleur, des difficulté, des pertes, pour y parvenir. Là, on revient à Ford. Il y a quelque chose aussi dans sa façon de filmer la violence qui, pour être directe, n'est jamais complaisante. Sa violence est toujours douloureuse, y compris dans ses films les plus divertissants. Cela se retrouve ici dans les montages secs des scènes de l'attentat chez Donovan ou la partie concernant Powers en URSS. Nous aurions tort d’ironiser (voir de nous énerver) sur une dimension purement américaine de tout ceci. La France et sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité » vit depuis plus de deux cent ans dans le même genre de contradictions entre idéaux et exercice du pouvoir. On peut s'en désoler, on peut se mettre en colère, on peut aussi penser que réfléchir sur ces contradictions permet d'avancer. C'est cette dernière option qu'illustre avec fougue le cinéma de Spielberg.
Actuel
Ce travail sur les contradiction d'une démocratie prolongeant celui de Munich ou de Lincoln fait de Bridges of spies un film d'une grande richesse mais aussi, à l'opposé de ce que j'ai pu lire à l'occasion, un film très contemporain. La guerre froide est mise en scène par Spielberg pour réfléchir le présent et des guerres bien plus modernes. Les arrangements de la justice américaine, les pratiques des services spéciaux sont bien actuels, comme l'avion U2 est le reflet de nos modernes drones. Tout ce qui tourne autour du statut d'Abel, sur sa fidélité à sa cause, est assez hardi si l'on veut s'y arrêter un moment et y voir en transparence une réflexion sur Guantanamo et le Patriot Act. Et puisque nous y sommes depuis les attentats du 13 novembre, je trouve intéressant de voir ce que ce film nous montre de notre état d'urgence. Une scène m'a frappé : Donovan, dans le métro new-yorkais, est en butte à une série de regards hostiles de la part de ses concitoyens. La mise en scène de Spielberg traduit en quelques plans où il croise les axes en virtuose, la façon dont nos regards peuvent se modifier sous l'effet de la peur et la façon dont se crée un climat anxiogène. Ce n'est pas tant la surprise, la déception de Donovan qui sont montrées, mais le phénomène de crainte irrationnelle qui peut naître en n'importe qui. Coïncidence intéressante, quelques jours plus tard paraissait un texte de Luc Vaillant dans Libération, La femme voilée du métro, ou l'auteur fantasme une passagère vêtue d'une burqa en terroriste. Ce texte a suscité un emballement très critique, souvent épidermique. Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur le fond comme sur la forme de ce texte, qui a peut être voulu trop faire le malin, mais j'ai trouvé très juste cette description de la façon dont notre regard est modifié par des événements extérieurs, pouvant révéler des choses en nous que l'on ne pensait pas possibles. Ce n'est pas quelque chose d'agréable à admettre mais pour l'avoir éprouvé après les attentats de 2001, c'est quelque chose que je comprends. C'est à rapprocher d'un texte de Riss paru au même moment dans Charlie hebdo où il dit en substance : « Vous allez éprouver ce changement incontrôlable que nous avons éprouvé en janvier, cette peur diffuse qui colle aux basques ». Pour moi, la scène du métro chez Spielberg montre ça et ce qui est fort, c'est que c'est l'américain moyen qui est le sujet du changement de regard, c'est le héros qui est la victime de cette peur collective. Et bien sûr, ce qui compte, c'est la façon dont on dépasse cette peur, comment on peut se rassurer et c'est ce qui est montré dans la scène en coda au film où, dans le même métro, Donovan croise, après son exploit berlinois, des regards amicaux.
Autre motif aux résonances très actuelles, celui du mur. Pourquoi aller reconstituer à grands frais la construction du mur de Berlin ? Peut être comme une salutaire piqûre de rappel quand nous avons tous en tête les images de sa mise à bas en 1989. Peut être pour rappeler combien ça se construit vite, un mur, comme on en construit tant aujourd'hui, entre les USA et le Mexique, entre Israël et la Palestine, entre l'Europe et les migrants. La reconstitution de Spielberg procède par association d'idées et ce mur est tous les murs « Le mur de Berlin n'a pas de fin ». La scène, ramassée, sèche, où Donovan assiste depuis le métro (berlinois cette fois) à une tentative d'évasion qui se termine par un mort, a des échos du ghetto de Cracovie et du mur élevé par les nazis. Autre écho, celui des murs de la prison qui enferme Abel. J'aime y voir aussi la figue de l’américain qui prend conscience du drame humain derrière l'abstraction de la construction. Les murs sont une expression de la violence et ils tuent. Comme il était montré dans Jurrasic Park, les murs sont destinés à contenir le chaos, mais il y a toujours des fuites. A cette figure du mur, le film oppose celle du pont, le lieu d'échange, ouvert, qui voit le finale se dérouler dans une belle ambiance de neige. Si le mur est violence, le pont est négociation et donc compromis. Il est l'espace qui permet la révélation (l'amitié entre Donovan et Abel), et le lieu d'une première victoire sur le chaos. L'étudiant est libre, Abel retrouvera sa famille et Donovan l'estime des siens. Avec la satisfaction du devoir accompli, il peut enfin aller s'écrouler sur le lit familial sous le regard admiratif de sa femme et soigner son rhume. Faut il y voir une fin sucrée en forme de lâche soulagement ou bien, avec un rien d'ironie, l'idée qu'il vaut mieux, pour les hommes de bien, ne pas s'endormir trop vite ?
Photographies DR - DreamWorks SKG
A lire chez Buster sur Balloonatic
Chez Pascale Sur la route du cinéma
Sur NewStrum
Sur Débordements
07:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : steven spielberg | Facebook |
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21/12/2015
Sous le sapin
Une fois n'est pas coutume, un peu de publicité gratuite pour des éditeurs que j'apprécie et qui se mettent en quatre, voire plus, pour des idées de cadeaux d'un goût très sûr. L'encyclopédie du western de Patrick Brion et 30 DVD de la collection Westerns de légende chez Sidonis, la bible sur Jesus "Jess" Franco par Alain Petit chez Artus, un superbe coffret Ōshima chez Carlotta. Cliquez pour visiter les boutiques.
08:46 Publié dans Cinéma, Curiosité, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : patrick brion, jesus franco, nagisa Ōshima | Facebook |
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20/12/2015
Place Pigalle
Très belle et émouvante photographie d'André Zucca. La place Pigalle en mai 1944 avec cette extraordinaire affiche du film La vie de plaisir signé d'Albert Valentin avec Albert Préjean (interdit à la Libération).
19:39 Publié dans Curiosité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie | Facebook |
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17/12/2015
1984 en neuf (autres) réalisateurs
Orwell me chatouille, 1984, c'est maintenant sur Zoom Arrière, avec la consécration de Sergio Leone pour son film fleuve, suivi de près par Eric Rohmer et ses nuits branchées, les pilotes de Philip Kaufman, et quelques autres estimables bandes dont un étonnant cochon en super 8. Mais il y a un peu plus bas dans le classement des réalisateurs admirables qui ont fait alors ma joie, et ma joie demeure. Rétrospective en neuf photographies de tournage. Photographies DR.
13:16 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john carpenter, john huston, steven spielberg, bertrand blier, brian de palma, david cronenberg, les zaz, bill forsyth, sam peckinpah | Facebook |
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09/12/2015
Distingué ! (Merci, Pascale)
Ou le "blogger Recognition award" en français dans le texte, distinction amicalement attribuée par Pascale du blog Sur la route du cinéma, un blog prolifique et eastwoodien avec lequel Inisfree entretien plusieurs liens d'importance comme la plate-forme Haut et fort, son statut VIB, la longévité, la persévérance et une relation aussi personnelle qu'intime avec le cinéma.
Pascale m'a donc "taggé" comme à la grande époque des blogs où se construisait ainsi une communauté avec ses amitiés virtuelles, ses enthousiasme et ses coup de gueule. Tout ceci qui a migré, cela a beaucoup été dit, sur les réseaux sociaux où, en bon vétéran, je trouve que "c'est plus pareil". Mais c'est pas grave d'autant qu'il reste de jolis lieux de résistance. Du coup, je ne résiste pas au tag et j'en remercie vivement Pascale d'autant qu'elle gratifie Inisfree d'un "indispensable" qui fait rougir ma modestie bien connue (mais si). Je me dois ensuite de suivre les règles et pour commencer de les donner : Un gros merci à l'auteure du tag (c'est fait), un petit historique de mon blog, quelques conseils à destination des petits nouveaux, en enfin distinguer 15 blogueurs. C'est parti !
Si Inisfree m'était contée
A vrai dire, j'ai déjà raconté l'histoire d'Inisfree lorsque j'ai fêté ses 10 ans d'existence l'année dernière. Ce qui me fait penser que j'ai de nouveau laissé passer l'anniversaire du 13 novembre. Je vous renvoie donc à ce lien pour tout, mais alors tout savoir. Presque. Le choix du nom, Inisfree, village rêvé par John Ford pour son homme tranquille, s'est assez vite imposé. Il fallait que ce soit le nom d'un endroit, un endroit de cinéma. J'avoue avoir hésité un temps avec Rio Bravo. Cette fois vous savez tout.
Les bons conseils d'Onc' Vincent
Conseil 1 : Faites vraiment comme vous le sentez. Le ton, la longueur, le sujet, le point de vue, la régularité, le blog, c'est la liberté.
Conseil 2 : Les petits commentaires entretiennent les bonnes relations et c'est tellement plus agréable à lire qu'un "J'aime".
Conseil 3 : Même si vous gardez un œil dessus, ne vous laissez pas bouffer par les statistiques, les "likes" et tout le fatras de compétition. Seuls comptent les vrais échanges et votre plaisir.
Conseil 4 : N'écoutez pas les conseils des blogueurs vétérans.
La dizaine magnifique
La règle dit 15, Pascale en a distingué 8. Je vais m'en tenir à 10, j'aime les comptes ronds. Et puis, des blogs remarquables, il suffit de lire la colonne de gauche, il y en a quelques uns et si je ne les suis pas tous aussi régulièrement que je le devrais, j'ai pour chacun un véritable attachement. Pour la beauté du jeu, je distinguerais néanmoins mes plus fidèles compagnons virtuels. Mesdames, messieurs, à vous de jouer ! :
23:09 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : inisfree | Facebook |
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07/12/2015
Hot wheels
The driver (1978), un film de Walter Hill
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Trente trois ans avant Nicolas Winding Refn, Walter Hill pour son second film comme réalisateur met en scène un chauffeur spécialisé dans les braquages et donne le rôle à un acteur beau gosse au charme magnétique. C'est Ryan O'Neal, le Barry Lyndon de Stanley Kubrick, qui s'y colle et son personnage, comme celui joué plus tard par Ryan Gosling, est tout aussi professionnel. Il a le verbe rare et le geste sûr, et il est un homme sans nom. Il est le « driver », le chauffeur. Il se fait payer cher, mais il est très fiable, réglé comme une horloge. Il aime que ça roule et ne travaille pas avec des tocards. Pourtant il s'acoquine avec deux truands minables pour relever le défi d'un policier teigneux, joué par Bruce Dern, qui pour le coincer monte un faux hold-up en marge de toute légalité. Le truand solitaire, le flic manipulateur, il ne manque au tableau que la femme fatale. C'est Isabelle Adjani qui prête sa beauté un peu étrange à une joueuse professionnelle façon Angie Dickinson chez Howard Hawks, coiffée comme Lauren Bacall chez le même. Tout est dit, Walter Hill signe un scénario qui joue avec les archétypes et dont les archétypes jouent, à la voiture, au casino, au chat et à la souris, aux gendarmes et aux voleurs. Pas de psychologie, pas de nom, pas de passé. Tous les trois évoluent dans un monde rêvé, urbain et nocturne, une ville (Los Angeles) qui est toutes les villes et aucune. Les rues sont souvent vides, le flic ne rend compte à personne même si son adjoint, seul personnage rétif au jeu, laisse planer la menace de sanctions. Le chauffeur vit dans une chambre ascétique comme si l'argent ne comptait pas. Il serait légitime de se demander à quoi lui sert celui qu'il vole, mais c'est inutile. C'est pour la beauté du geste. Peut être pour agacer le flic. De la même façon, le film évite avec soin tout sentiment exprimé entre le couple vedette. Après Catherine Deneuve chez Robert Aldrich, Isabelle Adjani tente l'aventure américaine mais Hill ne cherche pas à jouer avec elle la carte de l'exotisme « so french », préférant lui conserver une large part d'ombre. {The driver} est une épure de film noir, une abstraction à la limite de la vacuité, qui s'en tire par le style et le jeu, celui de Hill avec le spectateur.
Le film s'ouvre par un braquage dans un casino. Les deux voleurs sont pris en charge par le chauffeur et c'est partit pour une première course poursuite d'anthologie où Walter Hill fait crisser les pneus et froisse beaucoup de tôle de voiture de police. Le scénario de The Driver, signé par Walter Hill lui-même, enchaîne ensuite des scènes à la fois attendues et espérées comme dans un dessin animé de Tom et Jerry où un Chuck Jones avec Bip-Bip et le coyote. Faisant alterner les points de vue dans cette partie d'échec grandeur nature, Hill décrit la machination du flic et la contre-machination du chauffeur, conservant au second une part de mystère et s'amusant à brouiller les cartes avec la joueuse. Chaque scène est étirée au maximum, comme lors de la démonstration que le chauffeur inflige à ses futur coéquipiers dans un immense parking, étirée et pourtant dynamisée par un montage virtuose de Tina Hirsch et Robert K. Lambert. Hirsch s'y connaissait en voitures énervées puisqu’elle avait monté Death Race 2000 (La Course à la mort de l'an 2000 – 1975) de Paul Bartel et Eat My Dust (À plein gaz - 1976) de Charles B. Griffith. Il se dégage de ces courses urbaines et nocturnes une véritable excitation, un ballet de métal et de lumières, là encore abstrait, quelque chose de l'ordre la comédie musicale, mais rock façon Born to run de Bruce Springsteen. La bande son toute en moteurs grondant, pneus martyrisés et métal hurlant, accentue l'effet, renforcée de la musique de Michael Small, compositeur rare dans la lignée d'un Lalo Schiffrin.
Il y a là-dedans un plaisir brut, viscéral, celui de tous les grands films avec des voitures qui vont vite, pilotées par des héros impassibles auxquels nous aimerions tant ressembler, parfois. C'est un peu régressif mais tellement agréable. Et puis dans le jeu que nous propose Walter Hill, il y a beaucoup de cinéma. Une connivence de cinéma. The driver est très référencé. À côté des archétypes qui le composent, nous allons retrouver ce côté hawksien dans la construction par scènes, l’exhalation du professionnalisme, et le concept de l'héroïne. Il y a un peu de Jean-Pierre Melville, lui-même très influencé par le film noir américain classique, pour la solitude un peu zen du héros. Et puis tous les polars modernes (en 1978) qui ont marqué les dix années précédentes, à commencer le Bullitt (1968) de Peter Yates dans lequel Steve McQueen imposa un nouveau standard « cool », McQueen auquel était destiné à l'origine le rôle du chauffeur. Le film de Walter Hill s'inscrit ainsi dans une longue lignée qui abouti aujourd'hui aux films de Nicolas Winding Refn ou de Michael Mann. Et comme chez eux, très épris de forme, il est permis de regretter un travail moins approfondi sur les personnages, la chose que Howard Hawks faisait si bien. Mais Hawks faisait tout très bien.
Ne chipotons pas. Walter Hill, j'avais mis, comme d'autres, beaucoup d’espoirs dans ce réalisateur. Son premier coup d'éclat, c'est le scénario adapté de Jim Thompson en 1972 pour The Getaway (Guet-apens) de Sam Peckinpah, autre influence majeure. Il écrit aussi pour John Huston et collabore pour Ridley Scott à Alien en 1978. The driver vient après Hard Times (Le Bagarreur) avec Charles Bronson en 1975. Suit une série superbe entre The Warriors (Les Guerriers de la nuit – 1979) et Streets of Fire (Les Rues de feu – 1984) avant que Hill ne montre ses limites et ne se repose de plus en plus paresseusement sur des formules, sur ce qui avait fait son succès. {The driver} est certainement un de ses films les plus réussis, la quintessence de son style. Il y a cette lointaine nostalgie du western (le flic appelle le chauffeur “cow-boy”) qui se traduit dans les cadres, ce goût paradoxal pour l'univers urbain, pour de vastes espaces de rues très éclairées par les innombrables néons que l'on va retrouver dans tous ses polars, l'utilisation d'une violence sèche pourtant moins démonstrative que celle de Sam Peckinpah, la façon de faire se tenir les personnages dans le plan, les rapports virils et l'expression d'une certaine éthique de l'action. La conviction du trio d'acteurs incarnant ces personnages relevant des mythes du film noir, celle de solides comparses dont la belle Ronee Blakley (inoubliable), et le plaisir contagieux de Hill à les mettre en scène font tout le prix de ce polar aussi élégant que vrombissant.
Photographies 20th Century Fox / EMI
22:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : walter hill | Facebook |
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01/12/2015
Setsuko Hara 1920 - 2015
Setsuko Hara dans Banshun (Printemps tardif - 1949) sublime film de Yasujirō Ozu
Photographie Taste of cinema
19:50 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : setsuko hara | Facebook |
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27/10/2015
Maureen Fitzsimons O'Hara 1920-2015
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
J'ai lu qu'elle était morte paisiblement, à 95 ans, entourée des siens et en écoutant la musique que Victor Young composa pour The quiet man (L'homme tranquille - 1952) de John Ford. Il y a sans doutes des façons plus désagréables de mourir. The quiet man était, disait-elle souvent, son film favori, et certainement son rôle de Mary Kate Danaher est de ceux qui vous inscrivent en lettres d'or dans la grande histoire du cinéma. Maureen O'Hara n'était pas que Mary Kate, même si je ne peux m'empêcher de penser d'abord à elle, portant avec vaillance les prénoms de la mère et du grand amour du réalisateur. L'actrice a su incarner de nombreuses fois un alliage de classicisme et d'énergie très moderne, jouant de sa beauté qui coupait le souffle et de cette sensualité de rousse flamboyante à la poitrine conquérante. Elle pouvait tour à tour être drôle, être simple, être mélancolique, être légère, être volontaire, être désirable et désirante (Ah ! ces frémissements dans le cimetière), vive et vivante. Cette richesse en a fait une actrice parfaite pour John Ford aux côtés de John Wayne souvent. Aujourd'hui ma tristesse va à la disparition de la dernière membre de la John Ford'Stock Company, un peu l'ultime déesse d'un olympe de cinéma, dernier témoin d'une épopée artistique unique qui peut revivre, miracle, à chaque instant de part notre volonté, de part notre amour des mines du Pays de Galles, des rives du Rio Grande, de West Point, des maisons d'aviateurs et bien entendu d'Inisfree. Mais je m'incline aussi devant la jeune Mary Yellen hitchcockienne, devant Esmeralda, Lady Margaret Denby pour Henry King, Louise Martin chez Jean Renoir, La comtesse Francesca de Frank Borzage, Doris Walker, la fille d'Athos, Katie Howard, Kit Tilden pour Sam Peckinpah, Martha McCandles et toutes celles auxquelles elle aura donné sa chevelure rousse, ses yeux gris-verts et son tempérament de feu.
Photographies DR (MGM, Universal, Republic Pictures)
19:15 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : maureen o'hara | Facebook |
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20/10/2015
En 1982
L'équipe de Zoom Arrière revisite l'année 1982 et met en tête Blade runner, le film de Ridley Scott. Je me rappelle en effet de ce film planant, inédit alors, envoûtant comme une bande dessinée de Moebius qui reste un grand moment de cette époque. Pour moi, comme l'on peut s'y attendre, l'évènement ce fut la confirmation de Steven Spielberg avec E.T. the extraterrestrial. Après les aventures d'Indiana Jones, je découvrais un cinéaste qui construisait une de ses scènes, des plus fameuses, autour d'un hommage à John Ford quand la bestiole regarde The quiet man (L'homme tranquille - 1952) à la télévision et crée un pont télépathique avec le petit garçon qui se met à agir inspiré par le personnage de John Wayne. Au-delà de l'hommage cinéphile, il faut comprendre ce qui se joue de fondamental et comment je fus touché au plus profond dans ce rapport étrange que nous entretenons avec les êtres des écrans. Curieux et sublime film que cet E.T. dont j'avais découvert l'affiche devant un cinéma en Amérique, car 1982 fut pour moi, aussi, mon premier et à ce jour dernier voyage aux USA. Un voyage vécu alors comme une sorte de pèlerinage en terre promise, la terre de mes héros. Il y eu New-York et les décors de tant de films avec un synchronisme particulier sur le West Side Story (1961) de Robert Wise et Jérôme Robbins, puis la Georgie avec ses décors de bayou et ses maisons vieux sud, Scarlett, tout ça... E.T. donc qui me séduisit avant son passage remarqué à Cannes puis la déferlante médiathèque de fin d'année qui en irrita certains et fit perdre toute retenue aux autres. Par chance, je pus ne considérer que le film, un film sur la corde raide de l'émotion mais qui me prend toujours, après tant de visions, au même endroit, avec la même intensité.
Steven Spielberg et ses jeunes acteurs sur le plateau du film. Photographies DR Universal.
21:19 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : steven spielberg | Facebook |
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18/10/2015
Les pickpockets de Manille
Tirador (2007), un film de Brillante Mendoza.
Texte pour Les Fiches du Cinéma
S'il y a des films qui vous prennent par la main, Tirador du Philippin Brillante Mendoza est plutôt du genre à vous tirer par les cheveux en vous tordant le bras. Les premières images constituent une immersion violente dans un quartier misérable de Manille où se répand comme une traînée de poudre l'annonce d'une descente de police. Caméra à l'épaule, mouvements compulsifs façon reportage de guerre, montage chaotique d'apparence, sons bruts, lumières de néons pisseux trouant la nuit par éclair, illuminant brièvement des visages blafards. L'image accroche des personnages fuyants, tout un petit peuple dérangé comme dans une fourmilière dévastée. C'est tendu, violent, confus. La police dévaste les constructions misérables, course des jeunes, voire très jeunes gens, embarque ceux qu'elle trouve sans ménagement. C'est une scène de guerre et face à cette scène le spectateur que je suis est pris de sentiments contradictoires. D'un côté je n'aime pas être embarqué de cette façon, je me rebiffe face à cette esthétique de la laideur sordide, à ces couleurs désaturées, à cette illisibilité entretenue, à ces personnages que l'on a pas le temps de bien voir. Je me raidis face à ces principes de mise en scène trop vus à toutes les sauces, à cette façon de « faire vrai ». Manque plus que l'accroche « Inspiré de fait réels » pour que mon irritation soit à son comble.
D'un autre côté, mais il me faut digérer le film pour m'en rendre compte, le chaos orchestré par Brillante Mendoza est plus structuré qu'il n'y paraît. Il faut aussi passer outre l'effet de confusion engendré par la difficulté à identifier les gens à l'écran. Mais petit à petit, les personnages émergent de l'accumulation de visages et de corps. Vivant dans ce quartier de Quiapo, leurs histoires se dessinent entre la violence et l'absurde, dans le sordide parfois avec ce père inconséquent qui laisse son bébé baigner dans sa couche sale. Avec parfois un humour grinçant comme dans l'aventure de cette jeune femme qui a beaucoup volé pour s'offrir un dentier destiné à remplacer ses dents perdues. Le premier jour, toute fière, alors qu'elle le nettoie avec amour, elle le laisse échapper et le dentier, précieux symbole de l'espoir d'une vie neuve, tombe dans un caniveau. Et la voilà à quatre pattes, pleurant, fouillant les ordures en vain. Terrible image du destin de ces tirador, voleurs à la tire de la capitale qui tentent de survivre dans un monde sans beaucoup d'espoir, pris entre la violence de l'état (scène insoutenable de l'enfant frappé par le flic), l'opium de la religion (le film est tourné pendant la fête du fête du San Nazareno, la semaine sainte, et les fidèles sont hystériques), l’hypocrisie politique (c'est une période électorale et les candidats distribuent des billets aux électeurs), et les mafias locales (le récit du jeune vélo-taxi incapable de rembourser son prêt). Tirador n'est donc pas juste « inspiré de faits réels », mais ancré dans le réel.
C'est un monde infernal et je peux comprendre la démarche du réalisateur, le tournage sur place, sur le vif, avec des acteurs non-professionels (Avec aussi Coco Martin, acteur fétiche de Mendoza). C'est le contexte qui lui dicte cette mise en scène. Ce partit pris, pour terrible qu'il soit, est sincère. Il sonne juste. Je ne ressens pas comme une posture et je comprends que pour Mendoza, seule cette forme chaotique peut rendre compte du chaos de ce monde qu'il connaît bien. Seule cette esthétique de la laideur qui se veut une non esthétique avec son image numérique blême, peut rendre la laideur de ce monde où se débattent sans illusion les êtres. Mais je me souviens aussi que Luis Bunuel ou Pier Paolo Pasolini avaient eux aussi montré des quartiers misérables, des bidonvilles où de jeunes sans espoir tentaient de survivre au sein de la violence. Et que ces réalisateurs n'avaient pas pour autant adopté ce type de forme. Une forme qui quelque part vise à jouer d'une émotion brute avec le spectateur, et non avec quelque chose du ressort de la poésie, poésie qui en dernier ressort est la meilleure alliée d'un cinéaste. Une forme qui cherche à secouer, à choquer, au risque de la complaisance, au risque d'empêcher la réflexion par la violence du choc, et de nous laisser à la surface des choses.
Photographies DR
A lire chez Shangols
16:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : brillante mendoza | Facebook |
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05/10/2015
Les joies du bain : clope au bec
Jean Peters se relaxe dans Pick up on south street (Le port de la drogue - 1953) de Samuel Fuller. Un moment de répit dans un noir serré. Une bonne cigarette, un bon bain moussant, quoi de mieux ? Photographie 20th Century Fox.
16:28 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : samuel fuller | Facebook |
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30/09/2015
Les yeux de Leonora Ruffo
18:38 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leonora ruffo | Facebook |
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28/09/2015
Son nom, il le signe à la pointe l'épée (air connu)
The mark of Zorro (Le signe de Zorro – 1940), un film de Rouben Mamoulian
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Autour de 1940, c'est un joli temps pour les plafonds au cinéma. John Ford en a filmé de rustiques dans Stagecoach (La chevauchée fantastique – 1939) et Orson Welles prépare ceux, imposants, de son Citizen Kane (1941). Entre les deux, il y a le plafond ancien et espagnol sur lequel Don Diego Vega plante son épée pour montrer à ses condisciples de l'école militaire qu'il renonce aux armes. Un acte fort de la part du meilleur escrimeur de l'école, au moment où il est rappelé par son père d'Espagne en Californie sous domination mexicaine au début du XIXeme siècle. Le renoncement sera de courte durée face à la situation qu'il va découvrir sur place, le régime autoritaire du gouverneur Quintero épaulé par le redoutable capitaine Esteban Pasquale. Et pour mieux les combattre, Vega va s'inventer un double, masqué de noir : Zorro ! Ah ! Zorro... Pour les gens de ma génération, c'est d'abord Guy Williams dans le feuilleton télévisé produit par Walt Disney de 1957 à 1961. Et puis la tentative pas si négligeable d'Alain Delon sous la direction de Duccio Tessari en 1975. Puis nous avons découvert qu'il y avait eu de multiples versions adaptées de l’œuvre de Johnston McCulley et que le costume noir a été porté par le fringant Douglas Fairbanks au temps du muet, Reed Hadley dans les Serials Republic des années trente, et puis tous les plus ou moins beaux gosses des coproductions européennes des années soixante. En attendant Antonio Banderas. Une fois fait le tour, la conclusion s'impose : le Zorro mis en scène par Rouben Mamoulian dans The mark of Zorro (Le signe de Zorro) et joué par Tyrone Power en 1940 m’apparaît comme le meilleur, le plus élégant en tout cas, le plus raffiné, bénéficiant de l'éclat d'une production hollywoodienne typique de l'âge d'or.
C'est le studio 20th Century Fox qui met le projet en chantier avec l’objectif avoué de concurrencer le succès du Robin des bois de la Warner et de lancer une moustache rivale de celle d'Errol Flynn. Le studio met les moyens et les talents, Travis Banton aux costumes, Richard Day et Joseph C. Wright à la direction artistique, Thomas Little aux décors et donc aux plafonds, tous multi oscarisés, et Arthur C. Miller, plusieurs fois collaborateur de John Ford, à la photographie. Comme chef d'orchestre, c'est Rouben Mamoulian qui s'y colle, à qui l'on doit la meilleure version de Dr Jekyll et Mister Hyde en 1931 et Greta Garbo en Reine Christine en 1933. Mamoulian a un goût marqué pour les défis techniques. C'est à lui que revient la réalisation du premier film en technicolor, Becky Sharp en 1934, et les effets spéciaux de son adaptation de Stevenson restent bluffants encore aujourd'hui. Mamoulian n'est peut être pas tout à fait l'homme de la situation. Question mise en scène, Raoul Walsh ou Michael Curtiz ont plus de panache, le mouvement des êtres et des choses est plus enlevé. Mamoulian est plus un cérébral qu'un homme d'action. Mais question mécanique, question sophistication, il est à la hauteur.
Le scénario signé John Tainton Foote, Garrett Fort et Bess Meredyth joue sur du velours. Avec prudence, il recycle des éléments ayant fait leurs preuves chez la Warner. La couple de scélérats, Don Quitano et Pasquale reprend le schéma de Robin des bois, l'homme de main étant plus dangereux que son maître, un peu faible au fond. Du film étalon de Curtiz, The mark of Zorro reprend les rondeurs d'Eugene Palette en moine, et Basil Rathbone, escrimeur racé, qui démarque Sir Guy de Gisbourne en Pasquale. Son duel final avec le héros sera le point d'orgue du film. L'élément féminin est confiné à une fonction de potiche de luxe, à l'érotisme limité, mais le talent et la sensualité de la belle Linda Darnell parviennent à dépasser en partie le cliché de la jeune fille en détresse. Tyrone Power, en pleine ascension, donne tout son charme et son talent à ce héros qui fera beaucoup pour son statut de star. Il se régale visiblement de ce double rôle Vega/Zorro auquel il ne manque qu'un peu de la gravité de ses compositions pour Henry King.
C'est que le plus intéressant chez Zorro, c'est encore cette thématique du double que Mamoulian avait explorée avec bonheur dans Jekyll et Hyde. Elle lui donne cette fois l'occasion d'en exploiter le potentiel de comédie. Chacun le sait, Zorro, c'est Don Diego et il n'est pas question de jouer sur le suspense avec cette double identité, mais plutôt sur la connivence avec le spectateur. Don Diego, c'est le fin bretteur qui décide de jouer les précieux ridicules à visage découvert pour mieux tromper le monde et se costume de noir pour combattre l’oppression. C'est donc au naturel qu'il porte un masque et sous le loup de Zorro qu'il est lui-même. Vertige de l’identité, dédoublement de personnalité, schizophrénie si l'on aime les grands mots. Tout le monde s'y perd, la jolie fille du gouverneur en premier, ce qui est souvent drôle puisqu'elle tombe amoureuse de Zorro, l'homme qui défie son père, à force d'être déçue par le Don Diego respectueux de l'ordre et répugnant à la violence. Qu'il dit. Tout le monde s'y perd sauf Don Diego très à l'aise, trop peut être. Contrairement à Batman qu'il a inspiré, Zorro n'est en rien torturé avec son alter-ego. Il s'amuse beaucoup. Zorro apparaît comme la projection idéale de Don Diego, plutôt du meilleur de lui même, de son moi réel qui s'exprime ainsi sans retenue. Mamoulian traduit ces éléments en jouant sur la vraisemblance des situations. Zorro surgit. Il n'a ni repaire secret, ni assistant, ni dispositif particulier. Mais il maîtrise le cadre, le champ, le hors-champ et les passages secrets de l'un à l'autre. Il utilise des voies privilégiées qui l’amènent au cœur de l'action. Il n'arrive pas, il est arrivé, comme dans la chanson. Il apparaît sortant de l'ombre dans le dos des méchants, bousculant les mises en scènes de l'injustice, disparaissant avec une facilité déconcertante. Il y a dans cette gratuité totale quelque chose de réjouissant, un pur plaisir de spectateur que le réalisateur se plaît à combler. Nous sommes aux côtés de Zorro, et en vérité, je vous le dis, cela est bon. Alors, certains auront beau jeu de regretter un manque d'épaisseur, que l'émotion soit de circonstance. Mais cela compte peu face à la jouissance absolue du jeu et de l'aventure. Que celui qui n'a pas revêtu le fameux costume noir à huit ans un soir de Noël me jette la première pierre.
Photographie Dr Macro - 20th Century Fox
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27/09/2015
Le monde dans ses bras
Ann Blyth et Gregory Peck à la barre dans le superbe film signé Raoul Walsh, The world in his arms (Le monde lui appartient - 1952) Photographie Universal - Source Greenbriar Picture Show
00:08 Publié dans Cinéma, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raoul walsh | Facebook |
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26/09/2015
Les joies du bain : espiègle
Signalée par Benjamin, cette bien belle scène où Marlène s'ébat dans la joie et la mousse pour Knight without armor (Le chevalier sans armure - 1937) de Jacques Feyder, réalisé en Grande Bretagne. Photographie source Allen John's attic.
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