05/07/2018
Belles italiennes
Elsa Martinelli pose devant une Lancia Fulvia HF coupé sur le plateau du film Come imparai ad amare le donne (Comment j'ai appris à aimer les femmes, 1966) mis en scène par Luciano Salce où elle joue une pilote émérite, même devant les transparences. Photographie d'Angelo Frantoni.
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02/07/2018
Palombella Rossa
Nanni Moretti parle de Palombella rossa (1989) à André S. Labarthe dans la formidable émission Cinéma Cinémas.
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10/06/2018
Springsteen à l'écran (livre)
Broken Heroes – Bruce Springsteen et le cinéma par Vanessa Hélain (éditions Rouge Profond).
Voilà un livre dont je devrais être jaloux. Cinéphile et admirateur de Bruce Springsteen, j'aurais pu avoir cette belle idée d'explorer les multiples connexions entre le cinéma et l’œuvre musicale de l'enfant de Freehold, New-Jersey. A vrai dire, je m'étais penché sur les rapports entre Springsteen et John Ford, une autre obsession favorite, mais sans aller plus loin qu'un titre : « l'héritier rock ». Aujourd'hui l'exploration a été menée à bien par Vanessa Hélain dans Broken Heroes – Bruce Springsteen et le cinéma aux éditions Rouge Profond. L'auteure a cartographié un vaste territoire qui ne cesse de s'agrandir, fait d'inspirations croisées, de réminiscences, de citations, de connivences secrètes, de correspondances ouvertes, d'admirations réciproques et d'une culture américaine partagée. Un territoire où la musique et le cinéma côte à côte, de plus en plus souvent ensemble, se font les chroniqueurs d'un pays (Born In The USA), de son histoire, de ses valeurs, de ses gens, de ses espoirs comme de ses aspects les plus sombres.
Vanessa Hélain mène son exploration en suivant l'ordre chronologique, album après album, avec une connaissance pointue de l’œuvre du chanteur-compositeur. Il s'en dégage trois grandes périodes : Jusqu'au début des années 80, Springsteen se nourrit plus où moins consciemment des films qu'il voit tandis que le cinéma emprunte des chemins de traverse pour aller vers lui. C'est l'anecdote rapportée par Hélain via la biographie de Clarence Big Man Clemmons, saxophoniste de Springsteen : Robert De Niro s'inspire d'un jeu de scène du chanteur pour sa fameuse scène devant le miroir dans Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese « Are you talkin' to me ? » (Clemmons et De Niro jouèrent ensemble dans New-York, New-York (1978) du même Scorsese). A partir des années 80, la relation est revendiquée. Le cinéaste John Sayles utilise des chansons de Springsteen pour la première fois dans Baby It's You en 1983, avant de réaliser ses premiers clips dont I'm On Fire de l’album Born In The USA qui puise dans les codes du film noir. C'est aussi le temps où Brian De Palma est sollicité pour réaliser la vidéo du hit Dancing In The Dark où Springsteen invite à danser une groupie incarnée par la jeune Courtney Cox. Enfin 1993 est une année charnière où Springsteen après une période compliquée compose pour le cinéma Streets Of Philadelphia dans Philadelphia de Jonathan Demme, chanson atypique dans son répertoire qui lui vaut une flopée de prix et un nouveau succès planétaire. A partir de là, le cinéma ne va cesser de solliciter le répertoire springsteenien de manière exponentielle, tandis que Springsteen va composer désormais régulièrement pour des films.
Le cinéma a toujours été là, s'immisçant dans l'esprit et la mémoire de ce gamin du New Jersey à coup de séries B et de westerns, de notes de générique s'échappant de la télé, d'écrans de drive-in érigés sur des terrains vagues […]
Né en 1949, Springsteen est de la génération de ceux qui vont faire le nouvel Hollywood des années soixante dix. Ils ont en commun une même culture qui les impressionne à l'enfance (la naissance du rock and roll, les derniers feux de l'âge d'or du cinéma américain), et une même histoire marquée par l'assassinat de Kennedy, le Vietnam ou la guerre froide, plus tard les années Reagan où les attentats du 11 septembre 2001. Ce patrimoine commun se révèle une source d'inspiration féconde. Il y a des chansons de Springsteen qui sont de véritables films et des films qui ont l'atmosphère des chansons de Springsteen. Je me souviens que cette idée ne m'avait pas lâchée pendant toute la projection de 25th Hours (2002) de Spike Lee avant d'entendre, ravi, les premières notes de The Fuse sur le générique final.
L'ouvrage de Vanessa Hélain focalise sur les moments les plus emblématiques : l'influence de films comme Out of the Past (La Griffe du passé, 1947) de Jacques Tourneur sur les thématiques de Darkness on the Edge of Town, Night of the Hunter (La Nuit du chasseur, 1955) de Charles Laughton sur le rapport à l'enfance, Gun Crazy (1950) de Joseph H. Lewis et Badlands (La Balade sauvage, 1973) de Terrence Malik sur la chanson Nebraska et, en retour, le film The Indian Runner (1988) de Sean Penn inspiré par le texte de Highway Patrolman. Le rapport avec Ford, dont Springsteen parle plusieurs fois dans sa récente autobiographie Born to run (éditions Albin Michel), passe par The Searchers (La Prisonnière du désert, 1957) et la chanson The Ghost of Tom Joad qui doit plus au film The Grapes of Wrath (Les Raisins de la colère, 1940) qu'au roman de Joseph Steinbeck dont il est adapté. Mais ce sont aussi les longues balades à moto du côté de Monument Valley où j'imagine Springsteen se recueillir à Ford's Point comme un personnage de Michael Cimino.
Un chapitre est consacré à la place de la figure du vétéran du Vietnam et du traumatisme de cette guerre, présents dans nombre de chansons et dans des films assez connus pour qu'il ne soit pas nécessaire de les citer ici. Des motifs progressivement remplacés après 2001 par les guerres en Irak et en Afghanistan. American Sniper (2015) de Clint Eastwood présente un personnage springsteenien en diable. Il est enfin question des compositions originales pour Jonathan Demme, Sean Penn ou Darren Aronofsky, quand les chanson de Springsteen saisissent l'essence du film et en définissent l'atmosphère. Un tour d'horizon très complet comme on peut le voir.
Un aspect a néanmoins été laissé de côté, peut être intentionnellement. Il s'agit du rapport de Springsteen avec le cinéma dans la transmission de sa musique. Son travail avec le réalisateur Chris Hilson et le monteur et réalisateur Thom Zimny qui ont tous deux réalisé des documentaires et captation de concerts n’est pas abordé ici. Il y a également le cas très particulier de Springsteen & I, réalisé par Baillie Walsh en 2013 qui explore les rapports du musicien avec ses fans. Si l'on s'écarte en effet des rapports avec la fiction, il y a là quelque chose de passionnant à étudier sur la manière dont sont rendus, via le documentaire, la puissance de Springsteen accompagné de son légendaire E-Street Band en concert, et de ce rapport unique qu'il a noué avec son public depuis ses débuts. De quoi nourrir un autre chapitre d'autant que l'histoire continue son mouvement. Steven Spielberg vient d'utiliser un morceau de Springsteen pour la première fois dans Ready Player One (2017) avec Stand on it, face B de Glory Day en 1985. Et le jeune cinéaste Jim Cummings vient de réaliser Thunder Road, présenté à Cannes (sélection ACID) cette année. Le film est construit autour de la chanson du même titre et après un court métrage de 2016, toujours du même titre, qui montre en un plan séquence hallucinant une émouvante autant que déjantée interprétation de la chanson. Un ouvrage dont je devrais être jaloux, ai-je écrit en introduction. Je ne le suis pas, tant Broken Heroes – Bruce Springsteen et le cinéma, aussi érudit qu'agréable à lire, devrait faire date sur le sujet, en attendant que se poursuive le chemin que l'auteure appelle de ses vœux.
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31/05/2018
Le spécialiste
Gli specialisti (Le Spécialiste - 1969), un film de Sergio Corbucci
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Le spécialiste du titre français de ce western que signe Sergio Corbucci en 1969 n'est autre que Johnny Hallyday. A cette époque le chanteur a des envies de cinéma et sa dernière expérience en date, À tout casser de John Berry en 1968 avec Eddie Constantine et Michel Serrault, n'a pas été convaincante. Le western, de préférence européen, violent et baroque, est à la mode et rempli les salles. Halliday aime l'idée et c'est Jean- Louis Trintignant, ravi de son expérience avec Corbucci sur Il grande silenzio (Le Grand silence - 1968), qui conseille le réalisateur italien au rocker belge. Les deux hommes se rencontrent à Paris et le courant passe. Gli specialisti (Le Spécialiste) sera une coproduction européenne dans les règles avec les Film Marceau de Paris, Adelphia Cinematografica de Rome et Neue Emelka de Munich. Sur l'écran, Johnny Hallyday y sera Hud, pistolero énigmatique venu venger son frère lynché pour une histoire de vol. La jeune Sylvie Fennec, Serge Marquand, et Françoise Fabian, elle aussi sans doute renseignée par Trintignant avec qui elle va tourner Ma nuit chez Maud d’Éric Rohmer, complètent la part française. Mario Adorf apporte la touche allemande en bandit mexicain et manchot. Gastone Moschin, pour l’Italie, compose le shérif Gideon, proche de celui joué par Franck Wolff dans Il grande silenzio, entouré des seconds couteaux habituels du genre. Corbucci écrit le scénario avec l'un de ses fidèles complices, Sabatino Ciuffini, et développe une histoire aux nombreuses ramifications qui emprunte à ses films précédents. Hud, de retour dans sa ville natale, catalyse les haines et les lâchetés de la bonne cité de Blackstone. Mais il attire en outre l'admiration trouble d'un groupe de jeunes voyous, l'amour d'une jeune femme rêveuse, la sympathie rigide du shérif, et la rivalité du mexicain El Diablo en contentieux lui aussi avec la ville. Il y a donc tout un ballet de personnages autour de cette nouvelle variation sur le pistolero peu bavard, marqué par le passé et destiné à un véritable chemin de croix pour régler ses comptes.
Gli specialisti est le neuvième western de Corbucci en cinq ans. Il a développé avec ces films une veine sombre, marquée par la violence, un humour grinçant, des touches gothiques proches du fantastique (les cimetières, le cercueil de Django, l’utilisation du rouge), une esthétique de fin du monde (la boue, la pluie, la neige, le délabrement), et une déconstruction radicale de l'imagerie du western classique. Il y a trouvé le succès et une place de choix aux côté de son collègue, concurrent et ami Sergio Leone. Avec Il grande silenzio et son final nihiliste, Corbucci est allé plus loin que les autres, aussi loin qu'il était possible d'aller dans le renversement des archétypes du genre. Du coup, Gli specialisti qui se situe dans la même veine, ne peut qu'être en retrait. D'autre part Corbucci, entre ces deux films « noir, c'est noir » a tourné Il mercenario (El Mercenario – 1968) qui est une comédie d'aventures située au cours de la révolution mexicaine. Ce film a aussi eu un gros succès et il correspond mieux au tempérament du metteur en scène. Car si Corbucci ne se fait guère d'illusions sur la nature humaine, s'il est toujours prêt à brocarder l'hypocrisie, la morgue des puissants, la bêtise sous ses diverses formes dans un esprit anarchisant bien de son époque, c'est aussi un bon vivant, heureux dans son métier, conscient de ce que lui apporte le succès et la comédie, la comédie acide à l'italienne, est ce qui lui convient par dessus tout. C'est vers elle qu'il s'est tourné pour se sortir des mélodrames de son début de carrière. C'est vers elle qu'il reviendra, sous diverses formes à plusieurs reprises. La comédie est au cœur de ses meilleurs films et à leur façon, les westerns désespérés qui ont fait sa renommée, surtout à l'international, sont autant de comédies noires. Il mercenario montre une nouvelle voie alors que Gli specialisti clôture un cycle et le fait en beauté.
Le film reste dans le ton par son ambiance, son style et les thématiques. C’est Dario Di Palma qui signe la photographie en Technicolor et Techniscope, la qualité technique d’Il mercenario, mais qui réinvestit les décors montagneux de Cortina d’Ampezzo utilisés pour Il grande silenzio, avec l’ambiance de froid et de désolation, la neige en moins. Corbucci et Enrico Sabatini accentuent le côté baroque des costumes dans l’air du temps de 1969, avec plus ou moins de bonheur. Hud a un côté rock star appuyé avec ses tenues sombres, son gilet et sa veste mauve. Clin d’œil à Sergio Leone, il se protège pour le duel final avec ce gilet en cotte de mailles médiévale. C’est fou le nombre de morceaux d’armures que l’on peut trouver dans l’Ouest corbuccien. L’improbable bandit mexicain des montagnes a aussi une sacrée allure, sans parler des revers de la veste du shérif. Mais le plus beau télescopage de la contemporanéité du film avec sa temporalité, ce sont les quatre jeunes voyous qui vont se révéler les adversaires les plus redoutables de Hud. Visuellement et intellectuellement, ce sont des hippies sortis tout droit de Woodstock et des groupuscules gauchistes, qui fument de la marijuana, pratiquent l’amour libre et proposent un terrifiant happening aux citoyens de Blackstone lors de l’impressionnante scène finale. Ils y obligent la population retenue en otage à se mettre nus et à ramper dans la rue principale pour amener Hud à venir les affronter. Corbucci fait preuve d’un radicalisme visuel dont on ne trouvera pas d’équivalent sur un écran avant le Salò de Pier Paolo Pasolini six ans plus tard. Il flotte sur cette scène un vent de folie, les réminiscences d’images venues des camps de concentration de la seconde guerre mondiale, la prémonition d’autres épouvantes, des Khmers rouges à la révolution culturelle chinoise. Comme Hallyday qui chantait « Cheveux longs, idées courtes », Corbucci n’a aucune affinité avec le mouvement hippie tout en déclarant que son film est « contre l’oppression exercée par les riches ». Un coup à droite, un coup à gauche, il reste fidèle à son fond un peu anarchiste et à sa méfiance instinctive des systèmes. Les notables de Blackstone en prennent pour leur grade et lors d’une scène marquante, Hud blessé, défiant la ville depuis le balcon de la banque, livre des billets de banque par poignées aux flammes. Serge Gainsbourg puissance dix mille. Cette scène, comme celle du nu collectif, ne va pas plaire à la censure et la production fera des coupes sans prévenir le réalisateur qui va en concevoir une légitime amertume.
Gli specialisti ne manque ni d'idées, ni d'ambition. Mais la qualité d’écriture comme d’interprétation est inégale. Le personnage le plus intéressant est celui de Virginia Pollywood, directrice de la banque de Blackstone. Françoise Fabian donne de l’épaisseur à un personnage original, un des plus beaux personnages féminins chez un réalisateur qui n’en est pas avare. Virginia est une femme qui a dû batailler pour obtenir sa place au sein des notables et elle a su se montrer aussi féroce que les mâles. Dure et déterminée, elle n’hésite pas non plus à utiliser ses charmes de femme mûre pour arriver à ses fins et entortiller le naïf shérif lors d’une mémorable scène de bain qui mêle érotisme et comédie. Pourtant, Fabian sait faire ressentir chez Virginia un passé douloureux et la difficulté de son combat pour s’imposer comme femme dans cet univers très masculin. Hallyday, lui, s’en sort beaucoup mieux que ce qui a souvent été dit. Il est tout à fait crédible dans les scènes d’action mais manque un peu de la prestance de Franco Nero comme de l’expérience de Trintignant qui faisait mieux passer les fêlures de son personnage. Le film, en France, est ramené à la seule figure du chanteur. Au pluriel du titre italien (Les spécialistes) se substitue le singulier. Les trois visages de Hallyday, Adorf et Moschin sur l’affiche italienne sont remplacés par Johnny seul sur son cheval pour la version française. Cette image va desservir le film car elle en occulte les qualités qui ne se limitent pas à la prestation de sa vedette. Dernier élément enfin qui en laissera plus d’un perplexe, la composition d’Angelo Franciso Lavagnino. Une musique qui contraste par sa légèreté avec le ton sombre du film, loin des accents morriconiens habituels.
Le film est un échec. Johnny devra attendre une quinzaine d’années et Jean-Luc Godard pour se remettre vraiment au cinéma. Corbucci encaisse la déception. Sur le moment, le réalisateur peut se dire que son instinct est juste et qu’il est temps de laisser derrière la veine sombre pour cultiver la comédie épique d’Il mercenario. Pourtant, avec le recul, Gli specialisti ne démérite pas dans l’œuvre western de son auteur et s’y insère avec cohérence. La ressortie du film et l'édition restaurée en Blu-ray accompagnée d'un entretien avec Jean-François Rauger devrait permettre de le découvrir loin des idées reçues, attachant, inégal, mystérieux, mélancolique et drôle.
Lire également Cédric Lepine sur Mediapart.
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09:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sergio corbucci | Facebook |
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19/05/2018
Sergio Corbucci, le livre !
Mon premier livre va sortir courant juin et il est consacré au cinéaste italien Sergio Corbucci. Les familiers d'Inisfree ont l'habitude de lire des choses à son sujet dans ces colonnes et c'est bien des premiers échanges avec Tepepa, Breccio et quelques autres qu'est née, petit à petit, l'idée de cet ouvrage.
Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci, aux éditions LettMotif, sera le premier livre jamais consacré au cinéaste, à l'exception du Sergio Corbucci d'Orio Caldiron, un projet de biographie interrompu par le décès du réalisateur et repris en 1993 en forme d'hommage.
2018 semble devoir être l'année Corbucci puisqu'après la projection de Le Spécialiste sur la plage de Cannes pendant le festival, un cycle imposant se tiendra à la Cinémathèque Française en juillet. Je suis donc à la fois fier, ému et anxieux à la perspective imminente de cette sortie. Les pré-commandes sont ouvertes sur le site participatif Ululle : https://fr.ulule.com/sergio-corbucci/
Connu surtout en France pour ses westerns à l’italienne baroques, drôles et violents, Navajo Joe avec Burt Reynolds, le culte Django qui révéla Franco Nero, El Mercenario, Le Grand silence avec Jean-Louis Trintignant et un terrifiant Klaus Kinski, ou Le Spécialiste avec Johnny Hallyday, Sergio Corbucci est aussi un réalisateur dont l’ample filmographie comporte plus de soixante longs-métrages.
Du néoréalisme de l’après-guerre aux mélodrames des années cinquante, de l’âge d’or du cinéma de genre (western, gothique, peplum) aux grandes heures de la comédie (son genre de prédilection) jusqu’aux années difficiles du cinéma transalpin, soixante-dix et quatre-vingt, Sergio Corbucci traverse quatre décennies de cinéma italien, en épousant tous les mouvements, parfois précurseur, toujours animé par la passion de filmer.
Romain jusqu’au bout des ongles, personnalité attachante, “L’autre Sergio” a peu suscité l’intérêt de la critique. Cet ouvrage est le premier à parcourir l’ensemble de sa carrière, une œuvre riche et excitante à découvrir sous toutes ses facettes.
Le livre :
Format 17x24, 300 pages minimum, couleurs.
Le livre sur le site de l'éditeur : Cliquer
La page Facebook : Cliquer
L'auteur : Vincent Jourdan
Cinéphile viscéral ayant sévi sur les ondes et divers sites (Kinok, Zoom Arrière, les Fiches du Cinéma), Vincent Jourdan est l’auteur du blog Inisfree où il partage depuis 2004 ses goût éclectiques, embrassant d’un large et généreux mouvement John Ford et Sergio Corbucci, l’Afrique et l’Asie, le cinémascope et le Super 8.
Président de l’association niçoise Regard Indépendant, Vincent anime depuis 1999 les Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice autour du cinéma qui fait un pas de côté. Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci est son premier ouvrage.
L'éditeur : LettMotif
Les éditions LettMotif ont été créées en 2014 au sein du studio graphique LettMotif (fondé en 1989 à Nîmes). Spécialisées dans les livres de cinéma, plusieurs collections ont vu le jour : guides du scénariste, scénarios de films, anthologies du cinéma, essais et thèses consacrées au cinéma, Darkness, censure et cinéma…
16:48 Publié dans Livre, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sergio corbucci | Facebook |
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30/04/2018
Et surtout, pas de psychologie !
Catherine Deneuve et Luis Buñuel sur le tournage de Belle de jour (1967). Photographie Manuel Litran / DR
17:31 Publié dans Actrices, Cinéma, Panthéon, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : luis bunuel, catherine deneuve | Facebook |
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07/04/2018
2003 en musique (Zoom arrière)
Je n'y reviens pas assez sur Inisfree, mais l'aventure Zoom Arrière poursuit sa route. Publication du top 2003 avec un bel éditorial signé Edouard qui nous ramène à des pratiques que nous avons tous connues. Cahier bleu ou fiches cartonnées, petit carnet rouge et noir ou calepin moleskine il fallait garder une trace avant que n'arrivent les blogs et leurs notes en ligne. Sur l'année 2003, difficile de me reconnaître dans le sommet, un film que je n'ai pas aimé à sa sortie et que je n'éprouve, contrairement à d'autres, aucune envie de revoir. Je préfère nettement les cartes postales de Henri-François Imbert aux travellings arrière interminables de Gus Van Sant. L'ensemble des résultats est contrasté, c'est l’intérêt de l'exercice, et pour moi j'en retiendrais une belle année de cinéma asiatique, d'animation et de quelques grandes œuvres musicales.
20:04 Publié dans Cinéma, Musique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bruce springsteen, joe hisaishi, luigi boccherini, ennio morricone, yann tiersen | Facebook |
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02/04/2018
Joyeuses pâques !
14:21 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : angie dickinson | Facebook |
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17/03/2018
Les joies du bain : Complet !
Elsa Martinelli inquiète, on le serait à moins, des velléités du gros matou africain à partager sa baignoire à la Marat. Heureusement, une bonne âme veille derrière la porte... Comme toujours chez Howard Hawks, les femmes affrontent le danger avec sang froid. Hatari ! (1962). Photographie Paramount.
19:35 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : howard hawks, elsa martinelli | Facebook |
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13/03/2018
Danielle ailleurs
Ou son bouquin ne la passionne pas, ou elle réfléchit à son texte. Danielle Darrieux "at home" dans les années 40. Photographie Sipa source Paris Match.
19:24 Publié dans Relax | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : danielle darrieux | Facebook |
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09/03/2018
Le fond de l'oeil effraie
Zombi 2 (L'enfer des zombies – 1979), un film de Lucio Fulci.
Texte pour les Fiches du Cinéma.
Les éditions Artus Films éditent de façon luxueuse l'une des œuvres phares du maître-charcutier italien Lucio Fulci Zombi 2 alias L'enfer des zombies chez nous. Combo Blu-ray et Dvd avec un livre collectif rédigé par des spécialistes en la matière, une version complète et restaurée qui devrait rendre hommage à la photographie morbide de Sergio Salvati, des bonus avec le co-scénariste Dardano Sachetti (qui laissa les crédits à sa femme Elisa Briganti) et le responsable des maquillages Maurizio Trani (ce qui s'imposait), bref une édition que bien des classiques pourraient lui envier. Mais je ne ferai pas la fine bouche, le film a son importance dans l'histoire du cinéma de genre italien, dans celle du fantastique et dans la carrière de son auteur. Une carrière complexe pour un cinéaste qui ne l'est pas moins. Fulci, me semble-t-il, doit son renom à une sorte de malentendu, une conjonction sans doute heureuse dont ce film est la marque. Il a plus de cinquante ans quand il se retrouve aux commandes de Zombi 2 et une longue carrière derrière lui. Comme nombre de ses confrères qui ont vécu l'âge d'or du cinéma populaire italien, il a été scénariste, surtout pour le réalisateur Steno. Il a débuté la réalisation dans la comédie pour Totò et pour le redoutable duo Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Puis il suit les différents mouvements, touchant au western, au polar, au giallo, à la comédie polissonne avec Edwige Fenech, aux démarquages des succès américains des années 80 et, ce qui ramène à notre sujet, au fantastique et à l'horreur. Ce qui est intéressant chez lui, au-delà de ses indéniables qualités de metteur en scène, c'est un décalage au sein de l'histoire des genres abordés et une façon toute personnelle de les investir avec son goût propre pour le macabre, sa fascination pour le mal et la faute, et une violence surréaliste qu'il pousse toujours à son paroxysme. Ainsi en 1979, il vient de tourner Sella d'argento, un western plutôt classique avec Giuliano Gemma alors que le genre est moribond. Ce film, malgré ses qualités, a été un échec et Fulci voit avec Zombi 2 l'occasion de se refaire. Quand il réalise le thriller Una sull'altra (Perversion story) en 1969, il est précurseur du giallo au même titre que Dario Argento, mais son polar de 1980, Luca il contrabbandiere, (La guerre des gangs) arrive après la grande vague du Poliziottescho, dont il est quasiment le dernier représentant.
Avec ses zombies, Lucio Fulci est plutôt en avance. Son film met en scène un quatuor de personnages qui se rend dans une île des Caraïbes pour enquêter sur l'irruption d'une étrange créature dans le port de New-York. Sur l'île, les morts se sont réveillés et mangent les vivants, les transformant par ce processus désormais bien connu en zombie à leur tour. Avec l'aide d'un docteur et de son entourage de plus en plus réduit, les quatre personnages vont affronter la horde. C'est simple mais efficace. Le prologue et l'épilogue new-yorkais ont été imposés pour bénéficier du succès du Dawn of the Dead (Zombie - 1978) de George Romero dans lequel est associé Dario Argento, et donnent le sentiment que film de Fulci raconte le point de départ de la situation décrite chez l’américain. Mais ce n'est qu'opportunisme de producteur puisque Romero avait posé ses bases avec le séminal Night of the living dead (La nuit des morts-vivants) en 1968, et que son confrère italien opère un authentique retour aux sources haïtiennes du mythe et aux classiques des années trente et quarante comme le White Zombie (1932) de Victor Halperin ou I walked with a Zombie (Vaudou – 1943) de Jacques Tourneur. Fulci crée une sorte de nœud essentiel dans cette longue filmographie. D'une part il fait la synthèse de la vague des années soixante-dix qui, à la suite de Romero, a fait de la représentation de la violence gore un marqueur du genre avec l'ajout en prime du cannibalisme au mythe. Il y a eu les templiers espagnols de Amando de Ossorio, les zombies anglais de Jorge Grau, ou le vétéran du Vietnam de Bob Clark. Chacun renchérissant sur la représentation des chairs en décompositions et le sanguinaire des agressions. Fulci va faire mieux (ou pire) en la matière que les autres. Avec ses excès de violence graphique et son succès mondial, Zombi 2 est le point de départ d'une vague horrifique qui déferle comme ses héros décomposés sur le monde. L'effet gore, la scène choc à faire, sera au cœur de ces film que vont enchaîner Bruno Mattei, Umberto Lenzi, ou Marino Girolami, tandis que d'autres dévient sur le cannibalisme pur et dur comme Ruggero Deodato. Cette débauche de tripaille est dans l'air d'un temps qui ne cesse de repousser les limites de la représentation. Elle va durablement influer sur le genre horrifique, les américains reprenant assez vite la main avec des films comme Evil dead (1982) de Sam Raimi, The thing (1982) de John Carpenter, ou Re-animator (1985) de Stuart Gordon. Ha ! La belle époque où ça pissait sang et boyaux sur les écrans.
Lucio Fulci là-dedans semble avoir trouvé, enfin, sa voie. L'île de Matoul lui permet de laisser libre court à son imagination morbide. Le film est construit sur une succession de scènes où se mêlent l'angoisse, le sanglant et une étrange poésie macabre. Une scène aquatique où un zombie attaqué par un requin va déchiqueter le squale, la résurrection de zombies conquistadors, des morsures très profondes, un arrachage de gorge bien comme il faut, et la scène qui a fait passer le film à la postérité, l'écharde dans l’œil du personnage de Paula joué par Olga Karlatos qui fini en hachis parmentier, sans les pommes de terre. Fulci privilégie un rythme à deux temps, l'un vigoureux pour les scènes d'action, en particulier la scène finale de l'attaque de l'hôpital, l'autre plus suspendu, propre au réalisateur, où joue à plein la fascination de Fulci pour la fragilité de la chair martyrisée. Ces scènes sont aidées par une bande son des plus anxiogène mêlant effets sonores originaux et les nappes musicales, ici signées Fabio Frizzi et Giorgio Tucci, qui jouent sur nos nerfs. Lors de ces moments, Fulci distend le temps en faisant de ses personnages des proies comme paralysées, ce qui permet aux agresseurs de faire durer le plaisir, mais aussi celui du réalisateur et par un jeu un peu pervers, le notre. Fulci repousse les limites autant qu'il peut, proche de la pornographie tant l'effet horrifique seul compte au détriment de tout le reste. Il tend à une sorte d'abstraction, pas très loin de celle du Luis Buñuel de El ángel exterminador (L'ange exterminateur – 1962) où les personnages ne peuvent sortir de leur demeure par une force d'inertie qui restera inexpliquée. Chez Fulci, l'irruption de l'horreur anesthésie ses personnages au-delà de toute logique. Prenons la scène de l’œil. Fulci insiste sur les difficultés de Paula à traîner un meuble pour bloquer une porte puis, quand elle est attirée à l'extérieur à travers la porte par un zombie, l’œil fonçant droit sur une écharde, il alterne des champs / contre-champs avec de légers effets de travelling pour exacerber le suspense. Pourtant, il suffirait à Paula de mettre une de ses mains libres devant son visage pour éviter son sort, un geste qui semble instinctif mais qu'elle ne fera pas. Toute la scène est focalisée vers ce gros plan de l'écharde entrant dans l’œil. Fulci ne montre d'ailleurs pas la suite. L'année suivante, il filmera de la même façon le viol de la femme de Fabio Testi dans Luca il contrabbandiere, renforçant le malaise par un cadre réaliste. Il y a chez Fulci une inéluctabilité de l'horreur qu'il reprendra plusieurs fois jusqu'au délire de la fille attaquée par des escargots dans Aenigma (1987).
Dans ces dispositifs, Lucio Fulci trouve un style et un début de reconnaissance critique chez ceux qui apprécient sa façon de repousser les limites du montrable. Il va enchaîner au cours des années quatre-vingt une série de films, fantastiques ou thrillers, généreux en visions horrifiques qui vont faire sa réputation. Pourtant, il me semble que ses meilleurs films sont déjà derrière lui. Tempo di massacro (Le Temps du massacre – 1966), Una sull'altra, Beatrice Cenci (Liens d'amour et de sang - 1969), Una lucertola con la pelle di donna (Le Venin de la peur – 1971) ou Non si sevizia un paperino (La Longue Nuit de l'exorcisme – 1972), sont tout aussi dérangeants, riches de violences surréalistes et d'images de cauchemar. Mais ces films bénéficient de scénarios plus complexes, mieux construits. L'horreur et la violence s'épanouissent dans des cadres plus originaux. Et puis les interprétations sont plus solides. Ce dernier point est important pour comprendre la décadence du cinéma de genre italien. Les comédiens de Zombi 2 sont fades. De Tisa Farrow à Ian McCulloch, de Al Cliver à Auretta Gay, il est difficile de sentir concerné par leur sort tant ils ne dégagent aucune émotion. Richard Johnson qui a tout fait dans sa carrière a l'air bien fatigué, et Olga Karlatos semble n'avoir été engagée que pour sa plastique et son œil clair. Nous sommes loin d'un Tomas Milian, d'une Elsa Martinelli, d'une Barbara Bouchet, d'un Franco Nero ou d'une Florinda Bolkan. Le problème ne se limite ni à ce film, ni à Fulci. Au tournant des années quatre-vingt, les comédiens des décennies précédentes ont pris un coup de vieux, et il n'y a pas de vraie relève. Lucio Fulci, comme ses confrères, Argento compris, ne peuvent palier leurs faiblesses de directeurs d'acteurs par le charisme ou le métier des vedettes de leur débuts. Le plus bel égorgement de vaut rien s'il n'y a pas d'empathie avec l'égorgé. En cela aussi, Zombi 2 est emblématique d'une nouvelle période qui s'ouvre pour un cinéma de genre transalpin qui tente un dernier baroud d'honneur via l'horreur, au sein d'un cinéma italien en crise. Presque mort. Zombi 2 est une dernière cartouche qui va durer quelques années. Il y a une certaine ironie à voir en ce film, celui de la reconnaissance pour son auteur, le signal de la curée. Je parlais de « maître-charcutier » au début de ce texte. J'ai découvert Fulci avec ses films saignants et je ne l'appréciais guère. Je l'ai redécouvert avec plusieurs titres antérieurs. Et s'il est désormais amusant de revoir ses séries B soignées mais qui éclaboussent, il y a un regret que son talent authentique ne soit pas plus reconnu pour ses œuvres les mieux tenues.
Photographies DR
A lire sur Devildead
Le site Fulci.fr
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20/02/2018
Edwige
22:56 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : edwige fenech | Facebook |
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12/02/2018
The misfits
Vendredi 16 février à 20h30, j'aurais le plaisir de présenter The misfits (Les désaxés - 1961), le beau film de John Huston dans le cadre du 16eme festival de l'association Cinéma Sans Frontières, au cinéma Mercury (16 place Garibaldi 06300 à Nice). Cette séance clôturera l'évènement dont la thématique de cette année est « Mythologies ». Quelle plus belle façon de terminer la semaine en compagnie des mythes que furent, et restent, Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Thelma Ritter, Eli Wallach et Kevin McCarthy.
The misfits, c'est d'abord le cadeau du dramaturge Arthur Miller à l'actrice Marilyn Monroe, une nouvelle qu'il écrit en 1956 alors qu'il divorce pour l'épouser. Une nouvelle qu'il adapte pour le cinéma en 1960 au moment où ils vont se séparer. C'est John Huston qui s'empare du scénario pour réaliser son 18ème long métrage et s'intéresser une nouvelle fois après le lyrique The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) aux mythes fondateurs de l'Amérique à travers les formes du western. Mais The misfits (les mal-fichus littéralement) est cette fois un western contemporain qui suit la trajectoire de quatre personnages, une jeune divorcée (Roslyn), un cow-boy vieillissant (Gay), un chauffeur de camion (Guido) et un cavalier de rodéo (Perce), dans un pays qui n'est plus que l'ombre de son rêve. Les trois hommes vont être attirés par Roslyn, mais elle est séduite par la figure paternelle et rassurante incarnée par Gay. Le petit groupe fait route dans le désert du Nevada pour capturer des chevaux sauvages et tenter de préserver un mode de vie qui leur est propre. Comme nous sommes chez John Huston, cet idéal se heurte au rude principe de réalité et le rêve se dissipe en illusion ironique. Reste, comme le réalisateur l'avait défini, le seul plaisir de l'aventure dont on ne retire que la satisfaction d'en être sorti vivant.
Au tournant des années soixante, pour Hollywood comme pour les États-Unis, The misfits est un film emblématique, entre tradition et modernité. Un film de stars avec Clark Gable, Marilyn Monroe et Montgomery Clift, une production de prestige signée d'un réalisateur oscarisé, avec la photographie de Russel Metty qui vient lui aussi d'être honoré pour son travail sur le Spartacus de Stanley Kubrick. A côté de cela, la musique est signée d'Alex North, collaborateur d'Elia Kazan, qui incarne un nouveau style de bande originale et qui vient lui aussi de travailler sur Spartacus. Surtout, Arthur Miller incarne depuis une décennie une nouvelle façon d'aborder le théâtre. En situant son récit dans un contexte contemporain, il donne à Huston une riche matière pour dresser un portait de l'époque et de ses valeurs, une méditation sur le temps qui passe et la fragilité des mythes qui s'évaporent comme la poussière d'or à la fin de Treasure of the sierra Madre (Le trésor de la sierra Madre – 1948).
Sa prestigieuse distribution permet à Huston de faire vivre ces thèmes sur le corps et le visage de ses acteurs donnant à son film un étrange ton funèbre. Clark Gable, le roi de Hollywood, est ici au terme de d'une carrière unique, vieilli mais toujours digne, la moustache grisonnante mais toujours élégante. Il est l'homme au bout de la piste. Monroe et Clift sont deux icônes de la génération suivante, celle nourrie aux techniques de l'Actor Studio. Mais ils sont tous deux des comédiens écartelés entre leurs aspirations et les contraintes d'un système qui tend à imposer une image d’eux superficielle. Deux personnalités compliquées en proie à de redoutables démons. Miller a écrit le rôle de Roslyn pour Monroe, du sur mesure pour la femme et l’actrice dont il connaît les tourments. Huston utilise de même ce que chacun connaît de Gable et de Clift pour nourrir les personnages de Gay et de Perce. Il tempère son trio d'exception par deux formidables seconds rôles qui apportent l'humour et l'ironie typiques du réalisateur. Eli Wallach alors débutant incarne le camionneur Guido, et Thelma Ritter, inoubliable infirmière de James Stewart dans Rear Window (Fenêtre sur cour – 1954) d'Alfred Hitchcock, est l'amie de Roslyn. Ces choix de distribution donnent à The misfits une dimension particulière, parfois mal interprétée, où la fiction et le réel s'interpénètrent, ou la légende supplante la réalité.
The misfits est un film unique, à l'émotion suspendue sur le fil, souvent passionnant, parfois pour des raisons qui dépassent l’œuvre elle-même. Se greffent à cette fresque des héros déchus des motifs chers à Huston, le goût de l'action physique, le plaisir de l'alcool, la beauté sauvage de la nature régulièrement violée par la cupidité et la bêtise humaine, la lucidité des femmes qui tentent par leur douceur de tempérer la folie un peu bornée des hommes courant après leurs chimères.
Photographie : United Artists /MGM
22:09 Publié dans Cinéma, Festival | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma sans frontières, john huston | Facebook |
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16/01/2018
Inspiration
La délicieuse Jean Arthur devant l'angoisse de la page blanche dans Mr. Smith goes to Washington (Monsieur Smith au sénat - 1939) classique comédie devant l'éternel signée Franck Capra. D.R.
20:46 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean arthur, franck capra | Facebook |
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14/01/2018
La bonne année
21:49 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inisfree | Facebook |
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24/12/2017
Leia dans le réduit
Dans le sillage de l'affaire Weinstein, il y a eu, entre beaucoup trop d'autres choses, une chronique de Daniel Schneidermann dans Libération alignant Pedro Almodovar, A bout de souffle (1959), James Bond, Han Solo et Indiana Jones en tant que représentants de la « culture du viol », et le cinéma coupable de nous avoir mal éduqué. Schneidermann nous enjoint de revisiter nos classiques et fait référence à un article de David Wong que l'on peut lire ici, un article assez long et précis, mais dont la précision masque de jolies lacunes et certains raccourcis qui le rendent pour moi irrecevable. Plonger là-dedans me suis-je dis m'aidera peut être à y voir un peu plus clair entre ce que j'ai vu, ce que j'ai appris et ce que je lis un peu partout aujourd'hui. Tant qu'à revisiter mes classiques, autant aller au fond des choses sans commencer de culpabiliser par principe. L'article de David Wong me semble celui d'un ancien fumeur prosélyte où d'un résistant de la 25ème heure. Il a eu la révélation que le héros de ses six ans s'est conduit comme un salaud, tout le monde doit le savoir et surtout partager sa révélation. J'aimerais le rassurer, lui dire que saisi par une légitime préoccupation, il a peut être réagit de manière excessive, qu'il s'est peut être emballé et qu'il aurait pu garder son sang froid. Que le héros de ses six ans est peut être bien toujours digne de son admiration.
Commençons donc par Han Solo, l'un des personnages principaux de la saga de Star Wars incarné par Harrison Ford. Dans The empire strike back (L'empire contre-attaque – 1980) signé par Irvin Kershner, Wong met en cause une scène où le contrebandier et la princesse Leia, jouée par Carrie Fisher, sont bloqués dans leur vaisseau spatial, planqués dans une caverne après avoir échappé aux troupes de l'empire. Là, Solo coincerait la princesse dans un réduit et l'embrasserait de force pour la rendre amoureuse. Inacceptable pour monsieur Wong. Il se trouve que cette scène est l'une de mes préférée de toute la saga. C'est aussi, quand j'ai découvert le film vers 15 ans, l'une de celles qui me l'ont fait aimer pour ses qualités d'intensité dramatique, d'humour et de finesse d'écriture, pour des connivences secrètes avec d'autres œuvres que j'aimais déjà, toutes choses dont les autres films du corpus manquent parfois de façon cruelle. Mais le mieux est déjà de la regarder.
Qu'est-ce que nous avons vu ? Il est vrai que Solo, qui arrive près de Leia pour l'aider (ils sont tombés une nouvelle fois en panne avec leur coucou), saisi l'occasion de ce moment de tranquillité pour l'amener sur le terrain sentimental (sexuel ?). Il est vrai que Leia n'est pas à l'aise, qu'elle commence par rembarrer Solo avec rudesse et qu'on la voit lutter pour ne pas s'engager dans ce registre. Mais pourquoi ? Il est vrai que la mise en scène de Kershner resserre le cadre petit à petit pour s'attacher aux visages et aux moindres variations d'expression. Mais est-ce qu'il orchestre la montée en puissance d'une angoisse, celle d'une femme agressée, forcée à se plier à l'exigence d'un homme, ou plutôt ce que j'appelle le suspense sentimental, ce moment où l'amour entre deux personnages se concrétise ? La lumière de Peter Suschitzky doit elle être perçue comme inquiétante où comme l'expression d'une intimité qui se noue ? Il me semble que David Wong commet plusieurs erreurs dans sa manière de voir la scène. La première est d'isoler cet extrait de son contexte. Non, Leia ne tombe pas amoureuse de Han après cette scène. Ils le sont bien avant, dès le film précédent. L'un des moteurs de cette première trilogie, de ce film-ci en particulier, est le triangle amoureux Luke-Leia-Han, avant que l'on apprenne que les deux premiers sont frère et sœur. Avant ce premier baiser, il y a eu de nombreux échanges de regards révélateurs des sentiments naissants entre la princesse et le mercenaire. La scène du réduit est un aboutissement à ce stade du récit. Jusqu'ici le couple était trop occupé par l'action et d'incessantes chamailleries qui sont un ressort classique de la comédie. Au premier moment de calme, l'une comme l'autre ne peuvent que tomber les masques. Et Wong n'est pas très attentif. A la fin du plan, Leia ne recule plus, elle le pourrait (le dernier plan nous révèle l'espace réel), elle n'est pas plaquée contre la paroi mais surtout elle répond au baiser. Il y a d'ailleurs un faux raccord révélateur, dans le plan large, elle a sa main autour de la nuque de Han pour le serrer. Ce n'est ni un baiser forcé ni un baiser volé, mais bien un baiser consentit et partagé. Pour bien comprendre la différence, il suffit de comparer avec la scène de Blade Runner (1982) de Ridley Scott que Wong montre également et qui, pour le coup, témoigne d'une certaine violence et est plus pertinente pour sa démonstration.
La seconde erreur de David Wong est de ne pas tenir compte des personnages, de ce qu'ils sont au fond et de leur parcours dans le récit. Qui est Leia Organa ? Une princesse, une aristocrate, certes, mais aussi une femme politique, une sénatrice, une femme de conviction qui dirige la rébellion et une meneuse d'hommes, de femmes, et de tout un tas de créatures exotiques. Dans tous les films, elle est en charge et on la voit souvent au centre d'un groupe de pilotes en train de leur donner des ordres. Cette autorité est peut être la clef du succès de ce personnage. Je note que ses costumes sont toujours fonctionnels, officiels, souvent militaires, et que la seule exception, sa seule tenue "sexy", c'est quand elle est réduite en esclavage par Jabba The Hutt, et elle n'apprécie pas. Il me semble des plus hardi d'imaginer que cette femme de pouvoir et d'action, qui a survécu à sa détention par Tarkan et Vador, puisse avoir peur d'un simple aventurier, même entreprenant. Du coup, elle traite au départ Solo comme les autres. « Vous ferez ce que je dirais » lui balance-t-elle face à l'improvisation de l'évasion de l'étoile noire. Mais elle apprécie son courage et le défend auprès de Luke déçu par le manque de conviction de son nouvel ami. Après la victoire du premier film rendue possible par le revirement de Han, la princesse voit naître en elle un sentiment amoureux, mais en femme pratique, elle n'a pas le temps pour cela et le nome officier. Du coup, si Leia n'est pas à l'aise dans le réduit, il est logique de penser que c'est parce qu'elle pense qu'ils ont d'autres chats à fouetter que de flirter mais au fond elle est tentée de lâcher prise. Vieux dilemme entre raison et sentiments et cette problématique du choix est la clef de voûte de tout le film pour tous les personnages. Toute la saga propose autant de variations sur ce motif et les deux derniers opus avec nos héros ayant pris trente ans d'âge, affineront cette relation qui s'achève par un échec mélancolique sans remettre en cause l'attachement profond qui les uni. Il est aussi possible de lire leur couple au prisme de la lutte des classes. Leia est une aristocrate riche et une cheffe, icône de la République. Han est un mercenaire individualiste sans feu ni lieu. Leur échange autour du mot « scoundrel »(vaurien, crapule) montre bien que la gêne de Leia vient en partie d'éprouver des sentiments envers un homme éloigné de son monde. Là encore c'est un ressort classique et qui fonctionne dans les deux sens. Ici il est d'autant plus intéressant que l'évolution est partagée.
Venons en donc à ce héros de notre adolescence. Qui est Han Solo ? Contrebandier, petit truand, vantard, arrogant, égoïste, vénal, on ne peut pas dire que le premier film en fasse un modèle. Dans la scène de la Cantina du premier film, Solo tue de sang froid dans le plus pur style western un homme de main de Jabba, Greedo, venu le menacer. On sait que George Lucas, traumatisé par ce geste bien peu orthodoxe pour celui qui est vite devenu une idole des cours de récréation, n'a cessé de tripatouiller la scène pour que Han ne tire pas le premier, tordant le bras de son film pour l'aseptiser. A tous ceux et toutes celles qui aujourd'hui nous jurent la main sur le cœur que les attaques sur le cinéma n'ont rien à voir avec de la censure, les manipulations embarrassées du créateur de Star wars sur cette scène sont une réponse qui me fait froid dans le dos. Va-t-il falloir refaire les dialogues de la scène du réduit pour éviter de traumatiser les David Wong ? Il n'y a pas meilleure censure que l'auto-censure exercée sous l'emprise d'une atmosphère d'ordre moral. Il est bon de se souvenir que le code Hays, au début des années trente, a été mis en place par les studios eux-mêmes à la suite de plusieurs scandales, émasculant le cinéma américain pour trois décennies. Mais revenons à Solo. S'il est un héros, éventuellement un modèle, ce n'est pas pour ce qu'il est au départ mais pour ce qu'il est devenu. Pour son parcours dans le récit qui est dû en grande partie à ses sentiments envers Leia. Cela, c'est pour l'évolution partagée. Leia accepte d'être amoureuse d'un vaurien, Han accepte d'être amoureux d'une femme de pouvoir. C'est lui qui renonce à son mode de vie. Nous le verrons ainsi au fil des films devenir plus responsable, plus délicat et prévenant, au risque d'affadir un peu le personnage. La dernière trilogie nous apprendra qu'il n'a pourtant pas pu complètement rentrer dans le rang et a fini par revenir à son existence errante et libre mais minée par d'autres tragédies. Il est intéressant de noter aussi que, dans les deux premiers films, Solo est construit en opposition à l'autre héros de la saga, Luke Skywalker, naïf idéaliste et modèle plus classique de pur chevalier à la Perceval qui n'a rien d'un « scoundrel ». Et parlant de consentement, il est piquant de rappeler que Leia, avant d'apprendre leur lien de parenté, l'embrasse trois fois sans jamais lui demander son avis.
Un autre élément omis par David Wong, mais il ne le savait peut être pas, c'est que The empire strike back a été en partie écrit par une femme. Leigh Brackett signe là son dernier scénario qui constitue la première mouture du récit, et qui sera repris par Lawrence Kasdan à la mort de l'écrivaine. Là où cela devient passionnant c'est que Brackett est auteure de romans de science-fiction, créatrice du personnage de Eric John Stark, et surtout scénariste de Howard Hawks sur, tenez-vous bien, The big sleep (Le grand sommeil – 1946), Rio Bravo (1959), Hatari ! (1962), El Dorado (1966) et Rio Lobo (1970). Or The empire strike back porte indéniablement sa marque, en particulier cette manière développée avec Hawks de traiter des rapports homme-femme. C'est une façon inimitable de faire monter le suspense sentimental, d'établir un équilibre dans les relations, et de jouer sur le contraste entre ce qui est dit et ce qui est montré. Une façon pour Hawks de déjouer la censure mais aussi de renouveler les joutes amoureuses en retournant les stéréotypes. Le scénario de Brackett peut être lu ici. Il y a certains changements notables avec le film terminé, à commencer par le fait que Vador n'est pas encore le père de Luke et que Solo n'est pas congelé. Mais les bases de la relation entre Solo et Leia sont bien présentes et surtout son esprit s’inspire de celle entre le shérif John T. Chance et la joueuse Feather dans Rio Bravo. Il y a ce mélange de chamailleries et de sensualité, ce piquant des dialogues, cette dynamique d'un amour contrarié par les événements et, de façon inversée ce rapport de classes qui freine les attirances mutuelles. Cette fois, c'est l'homme qui détient le pouvoir, le statut social (même patriarcal si l'on veut), qui est pris par son sens du devoir et est troublé de ses sentiments envers une femme sexuellement agressive (elle le drague ouvertement), la veuve d'un joueur qu'il considère comme une femme légère. Et c'est la femme qui possède l'expérience, l'assurance physique, c'est elle l'aventurière à la vie libre qui, dans une scène délicieuse, force la main (façon de parler) du grand gaillard un peu gauche. Feather embrasse Chance sans lui demander son avis, histoire de le tester, et je note que Wayne ne répond pas au baiser de Dickinson, comme paralysé. Sans doute qu'il hésite encore. A moins qu'il ait aimé donner son consentement avant ? Ça s'arrange assez vite. A un moment Chance dit « Si je n'avais pas tous ces ennuis... », une réplique que l'on retrouve quasi à l'identique de la bouche de Leia dans le script de Brackett. Si j'ai tant aimé The empire strike back, c'est en grande partie pour tout ce que j'ai retrouvé dedans des films de Hawks écris par Brackett.
Je suis une gentille vaurienne (©Warner Bros)
Cette façon d'isoler un fragment dans une vaste tapisserie amène David Wong a un total contresens quand il cite Indiana Jones et que reprennent mécaniquement ses lecteurs. Le plan du second volet où Indiana attrape Willie au fouet arrive trente secondes avant le générique de fin. Ce n'est donc pas ce geste qui la rend amoureuse, tout est consommé bien avant. Cette scène finale est par ailleurs traitée sur le mode de la parodie, avec l'éléphant arroseur et la horde d'enfants, tout juste si les deux acteurs ne saluent pas le public. Je veux bien que l'on discute de la finesse du gag, mais il s'agit bien d'un trait d'humour. Bien avant dans le film, il y a une scène à l'esprit très hawksien encore où Jones et Willie se titillent, leurs ego exacerbés, chacun expliquant à l'autre combien il est sexuellement performant à coup de dialogues à double-sens. Mais l'aventure reprenant ses droits, Jones n'entre dans la chambre de Willie que pour chercher un passage secret, ignorant le consentement explicite donné par la jeune femme en pyjama de satin : « Je suis là ! ». C'est que Jones et les femmes, ce n'est pas une grande affaire. Steven Spielberg joue souvent sur la gaucherie du personnage face à ses partenaires, à un petit ridicule entre ce qu'il s'imagine être et ce qui se passe en fait. Dans le premier film, on le voit harcelé par ses étudiantes qui le troublent pendant la classe, l'une d'elle ayant écrit «Love you » sur ses paupières. Son rapport avec Marion Ravenhood est plutôt un rapport de camaraderie dans l'action et c'est elle qui tente de prendre les choses en main dans l'un des rares moments calmes du film, Jones trouvant une façon ludique d'exprimer son consentement. Et juste après il s'endort. Rien d'un prédateur. Pour l'autre scène à conviction de David Wong, tirée du troisième volet, il faut lui rappeler que Elsa est une espionne nazie envoyée séduire le professeur après avoir embobiné son père afin de mettre la main sur le Graal. Jones dans cette scène n'est qu'un benêt manipulé. Ce qui ne l'empêche pas d'être un héros performant, c'est même ce qui le rend un peu humain.
Ne pas tenir compte de ce que sont les personnages et de leur cohérence interne est aussi regrettable qu'un peu malhonnête. Quelque soit ce personnage, ce qui est souvent passionnant dans un film, c'est cette tentative de compréhension d'expériences qui ne sont pas les nôtres et que, la plupart du temps, nous n'aurons jamais l'occasion de vivre (tant pis, souvent tant mieux). Dans un film, les phénomènes d'identification, délicats tant le cinéma est un art de la manipulation, nous amènent à être à la fois en empathie avec la victime comme avec le bourreau. Nous pouvons être à la fois Norman Bates et Marion Crane dans Psycho (Psychose – 1960) du maître en la matière Alfred Hitchcock. Nous pouvons approcher le tueur d'enfants du M (1931) de Fritz Lang. La distance du spectacle et la mise en scène nous permettent l'expérience. Selon le cas, selon le spectateur, ce n'est pas toujours possible. Mais il faut quand même être capable de faire la part des choses entre ce que l'on voit, ce que l'on ressent, et la vérité des personnages. Je prendrais comme exemple Jaime Lanister dans la série Game of trones que cite Daniel Schneidermann. Dans une scène qui a fait couler beaucoup d'encre, il viole sa sœur Cersei (dont il est l'amant), devant le cadavre de leur fils. La scène est choquante, il est « normal » d'être choqué. Mais quand bien même le scénario et la mise en scène de cette série sont assez roublards on ne peut pas la rejeter sans la remettre en perspective dans la vaste tapisserie du récit. Jaime a commencé par jeter du haut d'une tour un gamin de onze ans qui avait surpris ses ébats avec sa sœur, il a étranglé son cousin pour s'évader et tué en traître un gars plutôt sympathique. Ce type est un tueur sans scrupules et il le montrera à d'autres reprises. Ce qui est intéressant chez lui, c'est son parcours et la manière dont une part d'humanité va s'éveiller chez lui. Certes, cela a tendance à le rendre sympathique, mais il ne faut pas perdre de vue que le monde de Game of thrones est un monde de barbares sauvages où règne la loi du plus fort et que l'idée maîtresse de cette histoire, c'est que certaines consciences s'éveillent dans ce monde pour tenter de le rendre meilleur. Eddard Stark, le personnage décrit comme le plus noble de la série est montré pour sa première scène en train de décapiter un pauvre type innocent et apeuré. Cersei et son fils sont deux psychopathes sanguinaires. Voilà pour le contexte. Et dans ce contexte, l'acte révulsant de Jaime procède d'une certaine logique qui déstabilise le spectateur, mais c’est le sujet. Libre à chacun d’interpréter le sens qu'il faut donner à l'ensemble, mais il est vain d'en isoler un fragment.
Le cas James Bond pourrait être plus intéressant. Dans l'extrait choisi de Goldfinger (1964) signé Guy Hamilton, Bond agresse sexuellement Pussy Galore, c'est un fait. Et il l'oblige à changer de registre parce que leurs échanges simplement physiques (des prises de judo) ne lui ont pas permis de prendre l'avantage. Mais ce genre de scène pose des questions par rapport à l'idée de modèle et de vision des rapports humains dans le cadre de ce genre de films. Bond est violent avec les femmes et sexuellement agressif. Certes mais encore ? Il faut revenir une nouvelle fois au personnage, même si Bond n'en n'est pas vraiment un. « Bond est un sale type et un goujat, je crois que c'est un malade mental » disait de lui Terence Young qui dirigea trois fois Sean Connery dans le rôle. Qui est James Bond ? C'est un agent secret dont le matricule double zéro lui donne le droit de tuer « quand il veut, où il veut, qui il veut » disait un slogan publicitaire. C'est un tueur professionnel, et le meilleur dans son domaine. Donc il tue un tas de gens et il tue aussi des femmes sans discrimination. Et pour mener à bien ses missions, il menace, torture, manipule, et parfois viole. Bond est-il un modèle ? Pour ce qui est de conduire de belles voitures, de s'habiller avec l'élégance anglaise et boire des vodka martini, peut être. Au-delà, je ne crois pas. Son comportement avec les femmes n'est pas plus crédible que quand il saute d'un avion sans parachute ou marche sur des crocodiles. Qui a sérieusement envie de reproduire ça ? Bond n'est pas un personnage mais un défouloir, un concept transgressif comme un héros antique. Son comportement sexuel doit être vu de manière symbolique. Umberto Eco avait écrit à ce sujet dès les années soixante. Le méchant des films de James Bond est un être pervers, ce qui est signifié par une aberration physique, des mains artificielles du docteur No au visage fondu de Silva en passant par le troisième téton de Scaramanga. Il a subjugué la femme en l'entraînant dans la voie de la perversion. Via le rapport sexuel, Bond la fait changer de camp. Il la remet « dans le droit chemin », ce qui se solde souvent par la mort de la dame. Tout ceci n'est guère subtil, mais le succès de la chose vient des multiples variations sur le thème. Bond est un macho, mais nombre de films jouent sur la dénonciation de ce machisme. Dès Thunderball (Opération Tonnerre – 1966), un personnage féminin explique à Bond la théorie de Eco pour le renvoyer dans les cordes. Assez vite, Bond a eu à faire à des femmes qui l'attaquaient sur sa virilité agressive, puis à de véritables partenaires, qu'il l'ai voulu ou pas, et in fine au remplacement de la femme-secrétaire (Moneypenny) par la femme-chef, M jouée par Judy Dench qui possède en outre une dimension maternelle. Bond est un concept malléable qui épouse l'air du temps, avec des partenaires noirs à l'époque de la blaxploitation, soviétiques au moment de la perestroïka, asiatiques plus tard. Certains films ont joué sur la possibilité de ses sentiments comme On her majesty's secret service (Au service secret de sa majesté – 1969) de Peter Hunt où Bond, joué alors par George Lazenby, est amoureux et se marie avec une femme qui commence par le rembarrer. « Ça n'était jamais arrivé avec l'autre type » dira-t-il. Surtout Bond est lui-même régulièrement agressé sexuellement, symboliquement avec le laser de Goldfinger visant son entrejambe, et ouvertement avec les tripotages homosexuels de Silva ou le Chiffre, la torture sur la chaise par Elektra King, le summum étant atteint par la scène du sauna de Goldeneye (1995) où Bond est violé par Xena Oonatop, mercenaire soviétique sadique dont la spécialité est d'étouffer ses proies masculines entre ses cuisses. Dans le monde de pure fantaisie de Bond, le sexe est une arme comme une autre utilisée par les hommes comme par les femmes. Il est hardi de vouloir en tirer des leçon littérales pour la vie bien réelle. Il serait plus intéressant de se pencher sur ce que toute cette symbolique qui séduit tant de spectateurs des deux sexes nous dit de nos esprits modernes et troublés depuis les années soixante et leurs multiples évolutions.
Dans l'étau (allégorie). Photographie DR.
Je laisse à d'autres le soin de défendre Antonioni, Godard et ceux à venir. Sur le registre du cinéma populaire, je ne crois pas aux raccourcis, ni que l'on dégage du sens en remplaçant un cliché par un autre en restant à la surface des choses. Je ne nie pas, ni ne sous estime le fait qu'un film est le reflet de son époque et de ses créateurs. Je sais que ces créateurs sont très majoritairement des hommes. Mais pour en revenir à Leia dans le réduit du Faucon Millénaire, outre les différents intervenants qui ont créé cette petite scène, il y a une spectatrice ou un spectateur qui s'est isolé du monde dans une salle obscure, et qui lit la scène avec sa sensibilité, sa culture, son vécu, ses aspirations et ses rêves. Vouloir lui imposer une lecture de ce qu'il ou elle est en train de voir, c'est le prendre, c'est la prendre pour une imbécile. Ça, c'est vraiment irrecevable.
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17/12/2017
Madame D.
Danielle Darrieux 1917 - 2017
09:25 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : danielle darrieux | Facebook |
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16/10/2017
Saignant
La nourriture est très présente au cinéma, parfois des plus dramatique, mais pas toujours appétissante d'un point de vue gastronomique. Dans la longue histoire des plats montrés à l'écran, il n'y a guère d'équivalents aux steaks que nous montre John Ford dans The man who shot Liberty Valance (L'homme qui tua Liberty Valance) en 1962. Nous sommes dans la cuisine du restaurant de Nora et Peter Ericson. C'est le coup de feu du samedi soir et toute la petite ville de Shinbone se presse pour dîner. Dans de vastes poêles de fer défilent des steaks rien moins qu'énormes. Je serais curieux d'avoir l'avis d'un boucher professionnel, mais pour celui que manie Nora avec dextérité, je dirais qu'à vue de nez nous ne sommes pas loin du kilo. C'est à dire que chez moi on mangerait à quatre avec un pareil morceau de bidoche. D'ailleurs les assiettes en porcelaine blanche tiennent plutôt du plat. Là, il s'agit de nourrir les rudes hommes de l'Ouest, de ceux qui sont sur un territoire, pas encore un état, problématique qui sera l'un des enjeux du film. Donc, ils mangent du costaud, du saignant, du bœuf sans doute élevé sur place. Des steaks épiques à la hauteur d'un monde en marche. Ce ne sont plus de simples steaks,mais toute une façon de vivre et, bon sang, que ce symbole semble savoureux. Pour peu on en sentirait le bon fumet. Et voilà que l'un de ces steaks va occuper le devant du plan, par là de la scène. C'est celui préparé pour Tom Doniphon, l'un des héros du film. Les Ericson soignent les quantités et la garniture, aidés par leur fille Hallie qui en pince pour Tom. Normal qu'elle le gâte. La tâche du service est dévolue à Ransom Stoddart, l'autre héros du film. Ransom « Ranse » possède la grâce un peu gauche de James Stewart, dégingandé dans un grand tablier blanc qui accentue le sentiment de voir un homme pas tout à fait à sa place. C'est que Ranse est avocat et que son arrivée dans l'Ouest ne s'est pas faite sous les meilleurs auspices. A quoi peut servir un avocat non violent dans l'Ouest ? Du coup Ranse ne mange pas les steaks, il les sert. Et il se presse parce que ça se mange chaud.
Entrée en salle de notre homme. Manque de chance, viennent de débarquer Liberty Valance, l'homme du titre, et ses deux acolytes. Valance, c'est le visage aux rondeurs inquiétantes de Lee Marvin. C'est le sale type de l'histoire, un tueur portant un costume tape à l’œil avec des boucles argentées et une espèce de fouet dont il a déjà fait goûter les lanières (de bœuf ?) à Ranse. Valance est au service des gros éleveurs du territoire. Des producteurs de bœuf. De ceux qui vivent des gros steaks. Ranse est courageux, il s’avance dans la salle. Valance est un salaud farceur, il fait un croc-en-jambe à Ranse qui s'étale et, avec lui, le steak. Dans le fond du restaurant, Doniphon déplie avec puissance le mètre quatre-vingt treize de John Wayne. Oui, Doniphon, c'est le Duke, et il est lui aussi un homme élevé aux steaks. D'ailleurs c'est aussi un éleveur, plus modeste donc en opposition aux gros. Donc l'ennemi de Valance. Nous frémissons. En voulant humilier Ranse, Valance a touché par ricochet Doniphon dans un fondamental, son repas. Comme Doniphon, nous avions déjà l'eau à la bouche et le parfum aux narines. C'est une frustration intolérable, un coitus interruptus inadmissible. Nous n'assisterons pas sur l'écran à ce repas de roi. Il y a pourtant pire, Valance en jetant le steak dans la poussière avec l'avocat, commet un double sacrilège. A la provocation involontaire de Doniphon se rajoute un geste offensant envers sa propre nature. Ce steak déchu, c'est ce qui le fait vivre, c'est l'emblème de ses employeurs, c'est une partie profonde de lui-même qu'il fait choir avec sa cible. C'est un peu comme s'il s'était tiré dans le pied en voulant sortir son revolver. Ce geste aussi stupide qu'inconscient signe le destin du personnage.
L'affrontement est inévitable dans la grande tradition des gunfights de l'Ouest. Nous ne doutons pas que, bien plus que l'honneur de cet avocat qu'il a déjà secouru et qui tourne un peu trop à son goût autour de sa promise, Doniphon va laver dans le sang l'affront fait au symbole culinaire de la Frontière. Pourtant, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Ranse va avoir un geste inouï. La voix tremblante de colère, ce tremblement génial de la voix de James Stewart quand il est prêt à rappeler les valeurs des pères fondateurs aux brutes qui les ignorent, Ranse ramasse sans un regard le steak poussiéreux, le remet dans son assiette et le tout sur la table. « C'est ramassé ! », sous-entendu, « Bande de bouseux indignes de la grandeur de la nation américaine ». Ce geste est lourd de symbole, plus lourd que le kilo de bœuf. Il ramène le gros éleveur, le modeste éleveur, le sbire et tous leurs troupeaux à leur juste valeur. Pas grand chose. Nous sommes assez loin de l'épopée des vaches de Red river (La rivière rouge – 1948) de Howard Hawks. Ford a fait là un rare film politique de chambre (comme ont dit musique de). Ranse nous tient d'un geste un discours d'adulte responsable. L'avocat vient de nous faire voir d'un coup le dérisoire de nos histoire de cow-boys, leurs postures et leur violence. C'est l'un des grands thèmes du film, mais ce n'est pas ici le sujet. Plus tard, Ford nous montrera que ce dérisoire peut aussi être sacrément émouvant. Voire déchirant. C'est le fond du film mais c'est une autre histoire. En attendant Valance, qui est le véritable humilié de la scène, quitte piteusement le décor après avoir tenté une dernière pirouette (proposer d'acheter un steak frais) qui se heurte au roc Doniphon. Celui-ci a encore assez de prestance et d'intelligence pour arborer le sourire magique de Wayne et passer à autre chose Pas question qu'il mange un steak qui a perdu toute dimension mythologique. Ce steak qui nous a fait rêver sort lui aussi de scène. Mais il nous aura fait fantasmer comme aucun autre steak avant, ni après lui ne l'aura fait. Et c'est ainsi que, une nouvelle fois, John Ford est grand.
Au centre, le steak déchu dans la main de l'homme de la Loi, de part et d'autre les hommes de l'Ouest. A gauche, le petit peuple craintif, à droite, le quatrième pouvoir en embuscade.
Photographie DR.
23:09 Publié dans Cinéma, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : john ford | Facebook |
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29/09/2017
Deux hommes dans l'Ouest
Le "Duke" et "Papy", John Wayne et John Ford sur le tournage de The horse soldiers (Les cavaliers - 1959). Photographie DR, source 50westerns from the 50s.
19:38 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : john ford, john wayne | Facebook |
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27/09/2017
Les joies du bain : pensive
Deborah Kerr semble bien lointaine sous le regard absent, mais toujours classe, de Cary Grant dans The grass is greener (Ailleurs l'herbe est plus verte), comédie de Stanley Donen datant de 1960. Malgré les apprences, ce sont deux lords anglais. Photographie Dr Macro DR.
20:25 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : stanley donen | Facebook |
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