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10/09/2019

Il était une fois...

Belle archive de la RTS (Radio télévision Suisse". Sergio Leone parle de son film C'era una volta in America (Il était une fois en Amérique, 1984) dans un français impeccable. Entretien mené par Christian Defaye pour l'émission Spécial Cinéma du 14 mai 1984.

12/08/2019

Le compagnon de la marguerite

J'ai toujours aimé le cinéma de Jean-Pierre Mocky et pourtant je ne le connais pas si bien que ça. Cela pourra sembler curieux au vu de sa filmographie, mais il est pour moi associé à l'enfance, époque où j'ai découvert Un drôle de paroissien (1963) et La Grande lessive (1968), deux de ses films avec Bourvil qui passaient souvent à la télévision (ce qui est piquant quand on connaît le thème du second). Est-ce que c'était dû à la vedette, que j'adorais, à la galerie d'acteurs qui l'entourait, Jean Poiret, Francis Blanche, Michael Lonsdale, à la collection de visages inoubliables dans lesquels je vois un esprit bande dessinée comme Roger Legris, Marcel Pérès, Rudy Lenoir, Jean-Claude Rémoleux ou Dominique Zardi, mon chauve favori ? Est-ce que c'était la musicalité de Joseph Kosma ou François De Roubaix, le rythme, les gags, le burlesque des poursuites et des travestissements ? Je ne saurais le dire mais ces films m'ont marqué et je les ai toujours revus avec joie, même si plus tard j'y ai vu d'autres choses à côté de la comédie loufoque : un portait de Paris, des réflexion parfois prophétiques (la place de la télévision dans le second), parfois iconoclastes (les idées décapantes sur le travail dans le premier), un esprit frondeur, beaucoup disent anarchiste, qui exalte l'action, individuelle ou groupée, contre les systèmes. Dans les années soixante, ces actions sont encore marquées par l'humour et la bienveillance, ce qui n'empêche pas le professeur Saint-Just (!) d'intervenir avec détermination. Plus tard, plus sombre, je découvrirais les films noirs comme Solo (1970) où Mocky, qui s'investira alors souvent dans les rôles principaux, fait preuve d'une violence désespérée. Il faudrait peut être écrire « dégoûtée » face à des combats qui ne peuvent plus être gagnés.

jean-pierre mocky

Avec Fernandel sur le tournage de La Bourse et la vie (1966)

Photographie fonds André Cros CC BY-SA 4.0

Petit à petit, j'ai découvert d'autres films avec une prédilection pour ceux des années soixante, moins convaincu par ses tentatives méritoires dans le fantastique, enthousiasmé par ce qu'il avait proposé à Catherine Deneuve dans Agent Trouble (1987), réussi à tirer de Patrick Sébastien dans Le Pactole (1985) et sa réjouissante collaboration avec Michel Serrault. Je dois avoir décroché quand ses films se sont fait à la fois plus nombreux et plus rares. Coïncidence, j'ai vu il y a une semaine, avant mon départ en montagne, un film plus récent, 13 French street (2007) avec Thierry Frémont, Tom Novembre et l’époustouflante découverte de Nancy Tate. Le film m'a séduit, huis-clos érotique rendant hommage au film noir, où l'on sent un peu le manque de moyens mais pas le manque d'ambition, le désir toujours vif de cinéma. Avant d'apprendre la disparition du cinéaste, je me disais que j'avais envie de rattraper le temps perdu avec ses films.

Franc-tireur, libertaire, grande gueule, tout aura été dit dans les portraits et les hommages qui l'auraient sans doute fait marrer. On aura évoqué sa date de naissance fluctuante, ses enfants innombrables (lire ici pour des éléments plus solides), ses colères légendaires sur les tournages comme sur les plateaux télé, ses méthodes de tournage à l'énergie et à l'économie. Oui, oui, oui, mais il ne faudrait pas le réduire à cette image projetée par l'homme. Il ne faut pas oublier le grand cinéaste qu'il a été, son invention constante malgré, parfois grâce aux circonstances, ses qualités « graphiques » de caricaturiste capable de faire vivre en un plan et une réplique un personnage mineur, sa cinéphilie amoureuse, ses jolis mensonges à l'italienne, ses audaces, ses intuitions, sa capacité unique à saisir un pays et son époque, les nôtres. Et je ne veux pas oublier qu'à côté de tant de films satiriques, désespérés, noirs comme le souvenir, il a une veine profondément humaniste, sensible aux rêveurs, aux déclassés, aux idéalistes, aux jeunes femmes volontaires et aux enfants. Grand pourfendeur de la bêtise, il n'a guère d'équivalents dans sa génération, Claude Chabrol excepté. Cinéaste indépendant dans tous les sens du terme comme Paul Vecchiali, tournant coûte que coûte, empruntant les chemins de traverse quand se dérobaient les routes principales, il a montré une voie sans chercher à assurer une descendance. Il s'en fichait bien. Il y aura toujours à apprendre de son œuvre.

Lire également l'hommage de Jean-François Rauger dans Le Monde.

11/08/2019

Master of horror

John Carpenter dirige Donald Pleasence sur le plateau d'Halloween (1978).


08/08/2019

Test

Un document pour l'histoire : le premier essai de Harrison Ford et mark Hamill pour Star Wars (La Guerre des étoiles, 1977) de Georges Lucas. Une scène finalement coupée de la version finale où nos deux héros découvrent que la planète Alderaan (où vivait la princesse Leia) a été pulvérisée par l'Empire. Ford, qui avait alors la trentaine et un peu d’expérience apparait plus assuré que son partenaire, 25 ans à l'époque et débutant. Cette vidéo a été mise en ligne fin juillet par Hamill en personne.

31/07/2019

Tchika, tchika, tchik !

Copacabana Palace (1962) de Steno

Voilà un film estival idéal : ensoleillé, exotique, amusant, coloré, musical et sans conséquences. Ça se passe au Brésil, à Rio de Janeiro, autour de la plage la plus fameuse du monde. C'est un film italien (avec coproduction franco-brésilienne) de 1962, donc une imagerie de carte postale déployée avec une innocence touchante : le sable blanc, les grands hôtels, les restaurants à l’ambiance feutrée, les avions que l'on prenait alors avec simplicité, les petits calots penchés sur la tête des hôtesse de l'air, les costumes de soirée clairs avec nœud papillon noir, les yachts blancs aux grandes voiles, les bikinis au bord de piscines azur, les terrains de golf si verts, les bals et bien entendu le carnaval. Trois ans après le Orfeu negro (1959) de Marcel Camus, les favelas restent hors champ et les quartiers populaires, où la compagne de l'un des héros tient un bar, sont aussi sympathiques que ceux de Rome dans I soliti ignoti (Le Pigeon, 1958) de Mario Monicelli.

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Le scénario signé du grand Luciano Vincenzoni mêle trois histoires qui ne se croisent pas, donnant au film l'allure d'un film à sketches entrelacés. Il y a trois bras cassés venus faire un hold-up, une princesse et son amant suivis par le mari, et trois hôtesses de l'air qui entendent profiter du carnaval et des beaux brésiliens. Vincenzoni ne s'est pas foulé en restant à ce qui peut être attendu de tels points de départ. Par contre les histoires sont bien menées même si celle des hôtesses est très ténue. L'ensemble est agréable quoiqu'un peu bavard, porté par la mise en scène compétente de Steno. De son vrai nom, Stefano Vanzina, Steno fait partie des pointures de la comédie populaire à l'italienne, sans avoir été mis sur le même plan que Dino Risi ou Monicelli dont il fut l'assistant. Il a fait tourner tout le monde, de Ugo Tognazzi à Bud Spencer, d'Edwige Fenech à Monica Vitti, et surtout le grand Totò. En 1972, c'est lui qui lance la mode du Poliziottesco avec le succès de La polizia Ringrazia (Société anonyme anti-crime). Compétent donc, Steno livre un travail très ligne claire, efficace et sans bavures. Il bénéficie de la qualité qui était la norme dans le cinéma de genre italien de l'époque : belle photographie Technicolor du futur réalisateur Massimo Dallamano (qui signera l'image des deux premiers westerns de Sergio Leone), écran large en Dyaliscope, musique pop de Gianni Ferrio et tournage sur place.

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Il a également à sa disposition une belle bande de comédiens dont l'abattage participe du plaisir que l'on peut prendre aujourd’hui à cette œuvre un peu surannée, avec en tête Sylva Koscina et ses grands cils noirs, Walter Chiari, Franco Fabrizi et Paolo Ferrari. Coproduction avec la France oblige, on découvre dans Copacabana Palace le toujours excellent Raymond Bussière en petit truand sympathique, Claude Rich en mari tordu et surtout Mylène Demongeot qui crée le personnage le plus intéressant du film. Sa princesse Zina von Raunacher est d'abord une femme amoureuse qui compte sur son séjour brésilien pour, enfin, passer à l'acte avec un amant qui se révèle peu empressé. D’où une succession d'actes manqués, un empêchement permanent qui met les nerfs de la princesse à rude épreuve. Demongeot donne une charge érotique à son personnage en jouant bien sûr avec son apparence, mais surtout sur un sentiment de frustration et même sur une véritable douleur du désir inassouvi. Il faut la voir sur le pont du bateau de son amant, entourée de beaux brésiliens musclés, la bouche entrouverte, désolée de se voir négligée. Et quand elle l'attire pour un baiser, l'imbécile se fait un tour de rein. Ça pourrait être scabreux, c'est plutôt émouvant et inattendu dans un tel cadre.

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La frustration est le dénominateur commun aux trois récits. Les trois voleurs subissent comme chez Monicelli plusieurs revers d 'un destin taquin. L'épisode des hôtesses est une variation en mode mineur tout en prenant un intérêt imprévu et extérieur au récit. Les trois jeunes femmes veulent passer leur carnaval en compagnie. Hélas, les trois hommes qu'elles embarquent vont se révéler en toute innocence mariés et pères de famille. Mais du coup, les voilà intégrées à un groupe chaleureux qui va leur faire découvrir le carnaval mieux qu'elles ne l'auraient rêvé. Là où le film prend une autre valeur pour le spectateur contemporain, c'est que les trois prétendants sont musiciens et sont joués par rien moins que Antonio Carlos Jobim, Luis Bonfa, et Joao Gilberto. La bande musicale, à côté du travail de Ferrio, comprend donc quelques classiques de la Samba et de la Bossa-Nova comme le célèbre Só Danço Samba joué ici par João Gilberto et le groupe Os Cariocas, Samba do Avião de Jobim, Canção do Mar de Bonfa sur des paroles de paroles de Maria Helena Toledo et Tristezza toujours de Bonfa et Toledo, chantée par Norma Bengell. Steno saisi sur le vif un moment de la musique brésilienne et, lui ou une seconde équipe, nourrit le film de plans documentaires du carnaval qui se mêlent à ceux reconstitués et donnent un film une certaine authenticité. Rien que ça vaut le coup d’œil et d'oreille.

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Photographies DVD Surf Films et collection privée source Libération.

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26/07/2019

Les joies du bain : duo solaire

C'est l'été, tout est bon pour se rafraichir y compris un baquet dans la campagne comme le prouvent Mireille Darc et Anouk Ferjac dans une scène détendue de Fleur d'oseille réalisé par Georges Lautner en 1967 dans le sud. A ce stade elles ont viré leurs bébés auquel les bains étaient destinés et ignorent qu'un Paul Préboist, artiste et lubrique, les observe tandis que des gangsters très lautneriens sont en route. Profitez, mesdames. Photographie © Gaumont

geoges lautner

24/07/2019

Argento vivo !

Alors que ses films n'ont plus de distribution significative depuis plus de trente ans en France et que ses admirateurs les plus farouches peinent à défendre ses films depuis le milieu des années quatre vingt, l'aura de Dario Argento reste vive. Il y a eu sa biographie Peur suivie des nouvelles réunies dans Horror, éditées par Rouge Profond. Il y a eu l'hommage rendu au Festival de La Rochelle cette année. Il y a eu la sortie toute récente du documentaire de Jean-Baptiste Thoret, Dario Argento, Soupirs dans un corridor lointain (2019). Étonnant, non ?

dario argento,abordages

Du coup, avec l'équipage d'Abordages, nous gonflons nos voiles de ces vents favorables et participons avec notre modeste brise, notre troisième numéro consacré au Tenebre (Ténèbres, 1982) du maestro. Giallo ultime, dernière œuvre majeure pour beaucoup, ce film en rouge et blanc a inspiré à l'équipe menée par le Capt'ain Jocelyn Manchec (qui signe une étonnante confession sur ses rapports avec le cinéma d'Argento) des textes enflammés écrits par Édouard Sivière, Vincent Roussel, Aurélien Lemant, Eric Aussudre (audacieuse approche féministe) et Ismaël Deslices, les calligrammes de Nicolas Tellop, les collages de Jocelyn sur un poème de Lucas Loubaresse, et un très beau dessin pointilliste de Lucienne Estere-Denuit. Pour sa part, votre serviteur s'est attaché à la figure du grand Giuliano Gemma, policier très professionnel de cette histoire, un article amicalement dédié à mon amie Marie-Thé. Tenebre a ainsi été abordé de multiples façons, explorant des pistes, des sens, des émotions, des souvenirs, des rapports (avec le cinéma de Brian De Palma pour Vincent R.). Bref une œuvre chorale mise en forme à l'ancienne, papier et ciseaux, pour un fanzine qui pourrait avoir été imaginé en 1982 et qui peut se commander via la page Facebook de notre fier galion.

dario argento,abordages

Dans le même esprit, mais sous une autre forme, La Septième obsession propose tout un numéro hors série à ce cher Dario. Même esprit car nous retrouvons Nicolas Tellop aux commandes de ce bel objet aux couleurs vives, rouge souvent, et les signatures d'Aurélien Lemant, Eric Aussudre, Ismaël Deslices, Lucas Loubaresse et du Capt'ain Manchec. Et nous nous sommes réjouis que plusieurs pages d'Abordages aient été reprises comme jadis Le Trombone Illustré dans Spirou. N'en concluez pas trop vite que ce serait la raison de ce petit texte. Non, tout amateur du maestro se doit de plonger dans ces 130 pages serrées, colorées, enthousiastes et critiques, séparés en trois chapitres sous le signe des mères ouvertes par un entretien romain avec le réalisateur en personne. Illustrant la position particulière d'Argento et de son œuvre, le numéro choisit de se limiter aux 25 premières années de sa carrière, soit du fondateur L'uccello dalle piume di cristallo (L'Oiseau au plumage de cristal, 1970) jusqu'à La sindrome di Stendhal (Le Syndrome de Stendhal, 1996). Même s'il y aurait à discuter de ce qui a suivi, c'est en effet là que réside l'apport essentiel d'Argento à l'histoire du cinéma, là qu'il réalise les œuvres uniques qui n'ont cessé d’inspirer d'autres cinéastes dont Yann Gonzales ou Bertrand Bonello ici questionnés sur le sujet. Cette revue explore elle aussi les voies tordues d'une cinématographie complexe, ses rapports (avec la peinture, avec le cinéma d'Antonioni, celui de De Palma à nouveau par Jérôme Dittmar) et ses apports à nos imaginaires. C'est indispensable et ça se trouve chez tous les bons marchands de journaux.

23/07/2019

Spielberg sur Jaws

Bel entretien, surtout si vous êtes au bord de la mer, avec Steven Spileberg en plein tournage de Jaws (Les Dents de la mer, 1975) et ça se passe début mai 1974 à Martha's Vineyard. On y voit bien que le temps n'est pas terrible et que les bateaux tanguent beaucoup. 

06/06/2019

Les tueurs noirs de l'empereur fou

Ninja bugeicho momochi sandayu (Les tueurs noirs de l'empereur fou, 1980) de Norifumi Suzuki.

Amicalement dédié à Christophe et Jean-Jacques.

Ah, ce titre ! Il a surgit de l'ouvrage de Christophe Champclaux, Tigres et dragons, sur lequel je reviendrais, et m'a ramené en un éclair à un article paru dans l'un des premiers numéros de Starfix en 1983. Je pourrais être plus précis mais j'ai la flemme de plonger dans le placard. Il y avait aussi une image : un homme vêtu de blanc suspendu à une liane, le corps à angle droit, surplombant une troupe d'adversaires au sol. Que de promesses, enfin tenues aujourd'hui. Ninja bugeicho momochi sandayu, plus connu sous son titre international Shogun's Ninja, et donc par son poétique titre français, est l’œuvre de Norifumi Suzuki, spécialiste d'un cinéma d'exploitation mêlant sexe, action et violence à la japonaise, connu pour Seijū gakuen (Le Couvent de la bête sacrée, 1974) possédant une réputation sulfureuse à base de torture de nonnes. Il se situe au carrefour du chambara, film de sabre classique, du film de ninja plus délirant, du film d'art martial plus physique, et sous l’influence du « wu xia pian » chinois. Feuilletonesque à souhait, son action se déroule au XVIe siècle. Le Shogun en place, Toyotomi Hideyoshi, charge l'impitoyable Shiranui Shogen d'éliminer la famille rivale, les Momochi. Leur chef, Sandayu, est assassiné par traîtrise, sa femme se suicide et leurs gens sont massacrés. On se croirait dans Game Of Thrones. En réchappe pourtant le jeune fils Takamaru et, une quinzaine d’années après un exil en Chine où il est devenu un combattant expert, il revient pour... se venger. Jusque là, rien de très original, mais c'est une base qui a fait ses preuves.

norifumi suzuki

A partir de là, l'intrigue se complique à souhait et le scénario de Fumio Kônami et Ichirô Ôtsu, qui ont beaucoup travaillé dans le cinéma de genre, multiplie les personnages secondaires avec générosité. Takamaru retrouve quatre cousins, les rescapés du massacre initial, le général d'un groupe de ninjas-araignées vêtus en panthère et capables d'escalader les arbres comme rien. Il retrouve aussi Otsu, amie d'enfance qui a récupéré la flûte de sa mère, vivant avec un homme qu'elle appelle frère et qui est intéressé par l'or des Momochi. Oui, car il y a une histoire de mine d'or cachée dont le plan doit être reconstitué à partir de deux dagues. Feuilletonesque ai-je dit. De son séjour en Chine, il s'est lié avec la belle Ai-lian, fille d'un maître Shaolin, et d'un prince chinois dont je ne me souviens plus bien d'où il sort. Il y a également un samouraï appelé Hattori Hanzo, ce qui rappellera quelque chose aux spectateurs de Kill Bill (2004) de Quentin Tarantino, et un prêtre avec longue barbe blanche qui fait de jolis sauts. Du côté antagoniste, Shogen a une troupe de ninjas vêtus de bleu semblant toujours vivre au plafond, et deux hommes de main, un muet et un sourd. Le shogun a une garde féminine assez originale et, trait inattendu d'humanité, une petite fille qu'il adore.

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Le film enchaîne alors sans mollir de nombreuses scènes d'action dont la vraisemblance n'est pas le point fort, mais ce n'est pas grave parce qu'elles sont visuellement excitantes. Les Ninjas surgissent de partout, des trous d'eau, des murs et plafonds, des arbres et buissons. Ça saute de partout et ça fait l'acrobate. Le héros est percé mille fois et se relève toujours. Les sabres font un joli bruit métallique. Tout est bien. Il n'y a pas de cohérence à chercher il faut se laisser porter. Combats à mains nues ou au sabre, embuscades, tortures imaginatives, trahisons, entrainements, cavalcades, quelques effets gore efficaces, quelques traits d'humour pas toujours fin, le film est un tourbillon de couleurs vives, de forêts luxuriantes, d'océan agité, de sang écarlate, d’étoffes froissées. La mise en scène de Suzuki alterne des effets parfois grossiers (son utilisation du zoom rapide) avec de beaux moments plus travaillés. La première scène fait penser au maître Kurosawa par la rigueur de ses cadres en intérieurs traditionnels. Les retrouvailles de Takamaru et d'Otsu dans une forêt de bambous au clair de lune sur fond de flûte évoque le cinéma de King Hu. La sauvagerie de certains combats et des scènes de torture, Takamaru suspendu par les pieds et flagellé, m'a rappelé les délires sanglants de Chang Cheh ou les westerns noirs de Sergio Corbucci. Je ne connais pas assez de films de Suzuki pour savoir si tout ceci dégage un style personnel, mais l'ensemble ne manque pas d'énergie ni d'une imagination qui n'est pas bridée par les confortables moyens mis en œuvre.

norifumi suzuki

Une part de la réussite du film tient à mon sens à la qualité des scènes d'action et de combat. Et donc aux performances en la matière des acteurs. Takamaru est joué par Hiroyuki Sanada, connu en France pour avoir été l'un des héros du feuilleton San Ku kai. Ai-lian est incarnée par Etsuko Shihomi et Shogen par Shin'ichi « Sonny » Chiba qui sera... Hattori Hanzo pour Tarantino. Il y a une histoire entre ces trois là. Chiba est une grande star du film martial japonais de son temps. C'est aussi un combattant de haut niveau. Comme l'explique Champclaux dans son livre, il va créer au début des années soixante-dix une école, le « Japan Action Club », pour former des acteurs et actrices qui soient aussi des artistes martiaux chevronnés et renforcer ainsi le réalisme des scènes de combat des films du moment. Sanada et Shihomi sont ses meilleurs élèves, devenant stars à leur tour. Outre ces trois là, on retrouve Tetsuo Tamba, le Tiger Tanaka de James Bond et autre comédien clef du film d'action de l'époque, ainsi que Isao Natsuyagi qui débuta avec Hideo Gosha. Suzuki peut ainsi filmer cascades et combats spectaculaires sans recourir à des trucages ni à des facilités de montage, utilisant parfois le ralenti pour souligner tel exploit physique comme chez Jackie Chan, ainsi le saut de Sanada du haut d'un toit. Il y a là une incarnation de l'action remarquable en nos temps de bidouillage numérique généralisé. En outre, Sanada a un charisme juvénile semblable à celui de Mark Hamill en Luke Skywalker dans le contemporain Star Wars (La Guerre des étoiles, 1977), héros immaculé et volontaire. Si la photographie de Tôru Nakajima est agréable, notamment l’ambiance d'une confrontation en forêt sous la pluie, le point noir du film est la musique, marquée par son époque et qui colle particulièrement mal avec celle du film. Nous avons affaire avec une bouillie entre pop légère et disco qui évoque un mauvais polar italien ou un « blacksploitation » bas de gamme, avec ritournelle sirupeuse et accès de saxophone crispant. Le tout n'est pas loin de gâcher certaines scènes. Mais à la décharge de ce choix malheureux, il faut avouer que la musique n'est pas le fort de ce genre de productions populaires, à Hong-Kong comme au Japon, en Italie comme en Amérique, en ces années douloureuses pour les tympans avant que ne revienne le temps des partitions symphoniques. Mais que cela ne vous fasse pas bouder votre plaisir.

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Photographies © Toei Company

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11/05/2019

Marilyn éternelle

Qui pourrait résister à 200 photographies de Marilyn Monroe ? Pas moi ! Outre les films, elle a été photographiée jusqu'au délire et par les plus grands noms de son époque comme Milton H. Greene, Sam Shaw ou Bert Stern avec la fameuse "Dernière séance" de 1962. Pour les heureux parisiens, ou les visiteurs non moins chanceux, la Galerie Joseph (116 rue de Turenne 75003) expose une série de ces photographies du 9 juillet au 22 septembre 2019. 200 photos originales et des documents inédits pour faire passer une fois encore la magie Marilyn.

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Marilyn Monroe en 1956

© Photographed by Milton H. Greene © 2019 Joshua Greene

10/05/2019

Zoom Arrière spécial Brian De Palma

La chose s'est préparée dans la discrétion alors que nous achevons notre voyage dans le temps, revisitant chaque année de cinéma depuis 1945. L'équipe de Zoom Arrière, sous la houlette d’Édouard Sivière de Nage Nocturne, se lance dans l'édition en rebondissant sur plusieurs projets collectifs. L'idée est de revisiter l’œuvre de nos cinéastes favoris à travers un ensemble de textes issus de nos sites et blogs, avec de nombreux inédits.

Premier ouvrage autour du cinéma de Brian De Palma, 29 longs métrages et quelques autres formats, 55 textes, 138 pages signées par 13 contributeurs autour de ce cinéaste qui a nourri nos discussions, parfois enflammées. Pour ma part, outre l'actualisation d'un texte sur Obsession (1976), je me suis attaché aux films controversés Scarface (1983) et Casulaties Of War (Outrages, 1989), ainsi qu'à la collaboration de De Palma avec Bruce Springsteen pour ce qui reste l'unique clip du réalisateur et un moment fort de la légende du chanteur.

Tout ceci pour la modique somme de 5 € (+ 4 € de frais de port).

Pour le commander : Cliquer ici

Pour mes lecteurs et amis azuréens, ça peut passer par moi en direct.

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06/05/2019

Les joies du bain : marguerites

Un bain fleuri pour la belle Geena Davis en 1992, prise en photographie par Marina Schiano pour le magazine Vanity fair en 1992. Via Kino Images

Geena Davis

10/04/2019

Darrieux par Laurent

Danielle Darrieux, une femme moderne par Clara Laurent (éditions Hors Collection)

« Je ne vous aime pas, je ne vous aime pas, je ne vous aime pas »

Un bon livre de cinéma se doit de posséder deux qualités selon moi : donner l'envie de découvrir ou de revisiter des films, et posséder un point de vue sur son sujet. L'ouvrage consacré à la carrière de l'actrice Danielle Darrieux par Clara Laurent, Danielle Darrieux, une femme moderne paru aux éditions Hors collection les possède toutes deux. Au long de 400 pages d'une écriture fluide où transparaît son enthousiasme et sa fascination pour la femme comme pour la comédienne, l'auteure parcours l'imposante filmographie depuis Le Bal (1931), premier rôle de DD à 14 ans pour Wilhelm Thiele, jusqu'à son ultime prestation sous la direction de Deny Granier Deferre en 2010 dans Pièce montée. DD a alors 93 ans. Cette longévité exceptionnelle associée à des choix assez éclectiques permet d’évoquer les grands mouvements du cinéma français sur 80 décennies, ce qui n'est pas rien, on en conviendra. Défilent ainsi les films populaires des années trente, la période complexe de l'occupation, les grandes heures de la qualité française, l'irruption de la nouvelle vague, l'émergence de réalisateurs cinéphiles comme Paul Vecchiali ou Dominique Delouche, celle des réalisatrices Marie-Claude Treilhou, Annick Lanoë ou Anne Fontaine, et les nouvelles générations au tournant du siècle.

danielle darrieux,clara laurent

Clara Laurent procède par ordre chronologique à l'intérieur duquel elle dégage des thèmes liés aux prestations de l'actrice. La partie biographique est présente mais discrète. Elle donne l'essentiel, surtout à propos des heures sombres de l'Occupation et des relations de Darrieux avec les allemands. C'est une période qui se couple chez la jeune femme avec un moment compliqué de sa vie sentimentale. Divorce avec le réalisateur Henri Decoin, histoire passionnée avec Porfirio Rubirosa, play-boy mais aussi anti-nazi pour lequel elle fera le tristement fameux voyage en Allemagne avec Suzy Delair, Albert Préjean et quelques autres. Arrêté par les nazis, Rubirosa sera l'objet d'un chantage de la part d'Alfred Greven, directeur de la Continental, pour convaincre l'actrice de faire le voyage à Berlin et deux films. A partir de 1953, Darrieux verrouille sa vie privée dont il n'y aura que peu à dire. Les films donc, les films surtout.

Les rôles et le jeu de Danielle Darrieux sont au cœur du livre. La précision et la finesse de description des gestes, des expressions, des costumes, des coiffures, des intonations, m'a rappelé le livre essentiel, indispensable, de Luc Moullet Politique des acteurs (éditions Cahiers du Cinéma, 1993) qui étudiait de la sorte les carrières de John Wayne, Gary Cooper, James Stewart et Cary Grant. Darrieux avec son jeu moderne, son « underplaying » sobre qui ne vieillit pas, est de leur famille. Clara Laurent rappelle dans le même esprit une réflexion du cinéaste Paul Vecchiali qui comparait ses qualités d'actrices à celles de Jean Gabin ou (encore lui) Gary Cooper.

L'approche film à film se double d'une volonté de ne pas privilégier les œuvres les plus remarquables au détriment des autres, méconnues ou parfois plus faibles. Pour beaucoup, moi le premier, Darrieux, ce sont surtout ses rôles pour Max Ophuls, La Ronde (1950), Le Plaisir (1952) et Madame de... (1953), pour Jacques Demy Les Demoiselles de Rochefort (1967) et Une Chambre en ville (1982), Le Rouge et le noir (1954) de Claude Autan-Lara, Marie Octobre (1959) de Julien Duvivier, En Haut des marches (1983) de Paul Vecchiali et 8 Femmes (2001) de François Ozon. Cela constitue la partie émergée de l'iceberg qui comprend 110 films. Sans les mettre tous sur le même plan, Clara Laurent leur accorde des places équivalentes selon la prestation de l’actrice, ce qui permet de mettre en valeur des films oubliés et de donner envie de les découvrir. Pour ma part, au cours de ma lecture, j'ai vu Abus de confiance (1938) et Retour à l'aube (1938) de Henri Decoin, L'affaire des Poisons (1955) et Marie Octobre (que j'avais toujours raté à la télévision) de Duvivier. Chacun aura ses coups de curiosité au fil des pages. Mieux, L'auteure arrive à susciter un intérêt pour des films moins aboutis, peu excitants à priori comme L'Homme à la Buick (1966) de Gilles Grangier, Du Grabuge chez les veuves (1963) de Jacques Poitrenaud au titre redoutable, voire certaines comédies avec Bourvil ou Robert Lamoureux. C'est remarquable.

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A cette vaste collection décrite avec autant de précision que de passion, Clara Laurent propose une approche globale de Darrieux comme « femme moderne ». La carrière de l'actrice, sa façon de la mener et les personnages interprétés sont mis en parallèle avec l'évolution de la femme dans la société et dans le cinéma français, des années trente à nos jours. La vie de Darrieux croise quelques événements clefs tels le droit de vote accordé en avril 1944, la publication de Le Deuxième Sexe par Simone de Beauvoir en 1949, le manifeste des 343 en 1971 ou la loi Veil de 1975. Laurent propose une lecture féministe de la période et de la manière dont Darrieux s’inscrit dans ce point de vue comme femme et comme actrice. La chose prend une résonance particulière aujourd’hui où la parole des femmes s'élève pour dénoncer les manquements parfois criants à l'égalité entre les sexes. Cet axe qui structure le livre pourrait apparaître plaqué ou agaçant, surtout pour un lecteur masculin. Il n'en est rien. L'auteure s'y connaît autant en histoire du droit des femmes qu'en cinéma et la mise en regard de l'un par l'autre se révèle fructueux. Laurent commence par définir la « persona » de Darrieux (voir du côté de Jung) et la met à l'épreuve des rôles tenus. Même si Darrieux n'a pas été la seule et si elle n'a jamais été une actrice « engagée » comme, disons, Delphine Seyrig, elle a réussi a projeter une image de la femme moderne en rupture avec l'image dominante de son temps. Et cette image a été d'autant plus importante que Darrieux a été très vite une véritable star des plus populaire.

danielle darrieux,clara laurent

Jeune femme, sa pétulance, son mélange de candeur et d'énergie, l'amènent à tenir tête sur l'écran à des hommes souvent plus âgés, à s'affirmer comme indépendante, exerçant un métier et possédant des désirs propres. Dans une seconde partie de carrière, elle continue de s'affirmer comme une femme désirable et désirante, renversant plus d'une fois le rapport d'âge communément admis avec des partenaires masculins plus jeunes. Jusqu'au bout de sa carrière, elle tient des rôles de femmes dont le sentiment amoureux perdure et qui ne s'en laissent pas conter : « Est-ce que tu me prends pour une conne ? » chante-elle dans Une Chambre en ville. Son jeu tout en retenue lui aura permis de donner une ambiguïté salutaire à des personnages parfois décrits dans une optique machiste voire misogyne, à des femmes fatales ou coquettes ou immorales. Elle aura ainsi tourné sans problème pour Duvivier, Autan-Lara et Verneuil dialogué par Audiard. Capable d'énergie physique, acrobate et sportive, elle se démène, chante et danse, et à l'occasion elle offre de jolis moments d’hystérie ou de colère, toujours juste.

Dans la vie, Darrieux sera passée de la muse de Henri Decoin puis de Max Ophuls à l'inspiratrice de nouvelles générations de réalisateurs, restant maîtresse de ses choix, y compris pour des films alimentaires, se battant pour obtenir des choses très différentes quand on ne lui proposait pas. Si DD n'a pas été une militante, la belle affaire, elle aura été un modèle pour plusieurs générations. Le passage de relais à Catherine Deneuve, symbolisé au cinéma par quatre films, est évident. La grande Catherine possède le même type de jeu très cinématographique, dans la continuité du travail de son aînée, et elle n'a cessé elle aussi d’affirmer ses choix de carrière comme son indépendance farouche. Avec les mêmes interrogations et le même mystère derrière le regard.

Photographies DR et © Picture alliance / Everett Colle

27/03/2019

Stanley et Audrey

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Stanley Donen et Audrey Hepburn sur le tournage de Funny Face (Drôle de frimousse, 1957) à Montmartre devant le Sacré Cœur. © Gérard Decaux / Paramount.

25/03/2019

Spielberg à la Cinémathèque Française


20/02/2019

La Baie des anges (festival CSF le 22 février)

Le 22 février, l'association niçoise Cinéma Sans Frontières ouvre son 17e festival annuel consacré aux studios en cette année de célébration des 100 ans de ceux de la Victorine à Nice. J'aurais le plaisir de présenter le premier film choisi, La Baie des anges (1963) de Jacques Demy, où le mythe Jeanne Moreau croise celui de la plus belle baie du monde. Voici le texte écrit pour l'occasion. Vous pouvez découvrir l'intégralité du programme (22 février au 1er mars) en cliquant sur l'affiche.

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Ouverture à l'iris : au petit matin, Jeanne Moreau vêtue d'un tailleur blanc immaculé griffé Pierre Cardin marche Quai des États-Unis à Nice. La caméra s'éloigne à toute vitesse de la fine silhouette tandis que le bruit des vagues laisse place au piano de Michel Legrand qui s'envole. Jacques Demy ouvre son second long métrage par un travelling enivrant qui fait défiler les plages, les grand hôtels, les chaises et les pergolas de la Promenade des Anglais. La Baie des Anges qui donne son titre au film est ainsi sublimée comme le passage Pommeraye à Nantes, la gare de Cherbourg et la place de Rochefort, par un cinéaste qui connaît la force des mythes et sait plier le réel à sa vision poétique. Mieux encore, en faisant disparaître son personnage féminin dans l'immense décor naturel, il prépare son retour avec la puissance d'un souvenir qui affleure à peine, mais s'impose à mesure qu'il se précise. Cette femme entrevue, devinée, nous allons la découvrir et apprendre à la connaître. Elle est l'un des anges de la baie, un ange déchu qui trouvera sa rédemption par l'amour en croisant la route d'un autre ange, un errant lui aussi. A la convergence de leurs deux errances, il sera possible d'envisager un point de contact, ténu, fragile, mais porteur d'espoir. Ensemble, ils vont pouvoir affronter leur démon, celui du jeu.

La femme en blanc, c'est Jackie. C'est une joueuse compulsive qui ne vit que dans l'excitation du cliquetis de la roulette, dans ce sentiment redoutable que le destin peut se jouer en quelques secondes, sur un chiffre ou une couleur. La vie laissé au hasard de la course aléatoire d'une bille. Le jeu comme image de l'absurdité du destin. L'addiction comme métaphore de notre impossibilité à le maîtriser. Pourtant c'est dans cette dépendance que Jackie trouve une forme de liberté. Paradoxe, certes, l'assouvissement de sa passion est une manière d'affirmation en tant qu'être humain et en tant que femme. Radicale, elle n'entend pas se laisser enchaîner par mari ou enfant, travail ou amant. Jusqu'à quel point s'aveugle-t-elle ? Jackie croise la route de Jean, un homme pétri de certitudes scientifiques et d'assurance masculine. Jean est un converti au jeu de fraîche date qui ne se rend pas compte à quel point il est désormais dépendant. Il pense que son sang froid est une protection suffisante. Jusqu'à un certain point il n'a pas tort mais il est dans l'illusion de la maîtrise. Une autre forme d’aveuglement. Il néglige le facteur sentimental et le vertige de son romantisme peut le faire basculer dans le vide. La perte de contrôle l'amène parfois dans une violence inquiétante. Chez lui aussi réside un paradoxe : à travers le jeu et l'amour, double abandon qu'il confond dans le même mouvement, il répond à une aspiration à la liberté, à une manière de se sentir vivant loin de la vie maîtrisée et étriquée que représente son horloger de père et son boulot d'employé de banque. Ces deux solitudes vont elles semer des roses fanées ?

jacques demy,cinéma sans frontières

Ce film, Jacques Demy l'a conçu lui aussi sur un coup de hasard, son thème fétiche. En 1962, après le succès de Lola, il a écrit un scénario : Les Parapluies de Cherbourg. Il vient au festival de Cannes avec la jeune productrice Mag Bodard, qui croit en son projet fou de film chanté, pour trouver des financements. Mais cela n'intéresse personne. Lors de ce séjour sur la côte, il découvre l'univers du jeu et des casinos. Quel était son pressentiment, quand une réplique de Lola disait déjà : « Dieu nous préserve des joueurs » ? Au jeu des correspondances au sein de son œuvre, Jackie est vêtue de blanc et aussi blonde que Lola était brune et vêtue de noir. Elle est un autre fantasme hollywoodien, avec ces cheveux aussi immaculés que ceux de Jean Harlow ou de Marilyn Monroe, avec son boa , son fume-cigarette et les lignes élégantes de Cardin. Mais elle est incarnée par Moreau, tout juste sortie de Jules et Jim de François Truffaut. L'actrice apporte au personnage ce mélange unique de force et de fragilité, ce regard en équilibre instable et ses mains fébriles de fumeuse. Face à elle, parfois à ses côtés, il y a l'excellent Claude Mann pour ses débuts à l'écran, dont la sobriété élégante séduira Jean-Pierre Melville comme Marguerite Duras.

Autour de ce couple, Demy joue avec l'image de la Côte d'Azur, celle artificielle des cinéphiles forgée chez Ernst Lubitsch, Sacha Guitry et Alfred Hitchcock, celle des casinos, des restaurants avec terrasse sur la mer, de la plage et des lumières de la Prom'. Un peu de Jean Vigo aussi quand il installe son hôtel des Mimosas dans le Vieux-Nice. Car si le film est tourné avec les moyens techniques des studios de la Victorine, La Baie des Anges est un film très Nouvelle Vague, au budget serré, tourné en extérieurs et en décors réels, dans les établissements de Cannes et de Monaco, avec de véritables joueurs comme figurants. L'idée du glamour hollywoodien flotte sur ce portrait quasi documentaire de la ville sans déteindre sur la rigueur clinique de la mise en scène. Demy n'est pas encore à recréer son décor en peignant façades et volets. Nous ne retrouvons sa manière visuelle que dans certains motifs dans les tenues de Moreau ou les volutes de la tête d'un lit. Pour le reste, c'est avec une grande retenue qu'il observe les mouvements de cœur de son couple de personnages. Demy les isole d'un monde qui ne les intéresse pas plus qu'il s’intéresse à eux. Précis, attentif, il laisse la musique de Legrand expliciter les bouffées d’adrénaline autour du tapis vert et les silences instaurer l'angoisse du vertige existentiel qui saisit Jackie et Jean à chaque fois que la petite boule va se loger dans son alvéole. Rouge ou noir, pair ou impair, c'est à chaque fois un peu la vie et la mort à quitte ou double.

Affiche : collection personnelle.

30/01/2019

Participez à l'aventure Abordages

Il y a quelques mois, j'ai eu le plaisir de faire partie de l'équipage mené par le capt'ain Jocelyn Manchec autour d'un fanzine, Abordages, revue à l'ancienne, ciseaux, colle et photocopies, pour aborder le film Halloween de John Carpenter qui fêtait ses 40 ans. Question contenu, des textes, des dessins, des poèmes, des souvenirs, des analyses, des calligrammes, un ensemble réuni par quelques-unes des belles plumes d'Internet et d'ailleurs, à savoir, outre votre serviteur, Édouard Sivière, Nicolas Tellop, Lucas Loubaresse, Eric Aussudre, Vincent Roussel, Ismaël Deslices , Aurélien Lemant, Alice Loubaresse et Lucienne Estère-Denuit. .

Tiré à 400 exemplaires et distribué gratuitement, l'objet a rencontré un écho qui nous a surpris et, le temps de la réflexion passé, nous avons eu envie de continuer. Mais la gratuité de la chose n'est pas viable. Aussi, refusant toute publicité, nous proposons à nos lecteurs d'entrer en souscription via une cagnotte Leetchi. Il y en aura pour toutes les bourses, les premières propositions couvrant simplement les frais d'impression et d'envoi postal pour les trois prochains numéros, au choix.

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Le numéro 2 sera consacré au film Manhattan, œuvre phare de Woody Allen réalisée en 1979. Il sera suivi d'un ensemble sur Ténèbres, giallo ultime signé Dario Argento en 1982, histoire de bien marquer notre goût pour une certaine tendance du cinéma d'une non moins certaine époque.

N'hésitez pas, embarquez avec nous !

06/01/2019

Voeux

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30/12/2018

Les joies du bain : canin

La ravissante Paula Prestiss et le poilu Elliot Gould prennent la pose de part et d'autre d'un gros chien non identifié pour le film Move (1970) de Stuart Rosenberg. La photographie a été prise à Los Angeles, Californie, pour Playboy magazine. © Lawrence Schiller/Polaris Communications.

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26/12/2018

Les joies du bain : noeud rose

La sublime Audrey Hepburn sacrifie au rituel du bain moussant dans Together in Paris ou Paris When it Sizzles de Richard Quine (Deux têtes folles, 1964). Photographie DR source Pleasure Photo.

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