23/01/2017
Juste un pas sur la gauche
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21/01/2017
Margheriti, réalisateur explosif
Contronatura (1968) et Arcobaleno selvaggio (Nom de code : oies sauvages – 1984), deux films d'Antonio Margheriti
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Rappelé à notre bon souvenir par la grâce d'une bonne réplique associée à une apparition dans Inglourious Basterds (2009) de Quentin Tarantino, Antonio Margheriti est un réalisateur italien, un romain de la génération des petits maîtres du cinéma populaire transalpin. Pour les amateurs, il est associé à de belles réussites dans l'horreur gothique, à commencer par Danza macabra (Danse macabre – 1964) repris des mains de Sergio Corbucci. En artisan dévoué à un système alors dans son âge d'or, Margheriti sous le pseudonyme d'Anthony M. Dawson, aura touché à tous les genres, du peplum à l'espionnage, du western au giallo, avant de passer au tournant des années quatre vingt aux démarquages fauchés des succès américains du moment. Bricoleur inventif, il a un goût particulier pour les maquettes et les explosions, dans ses films comme dans ceux des autres. C'est lui qui fait dérailler le train dans le spectaculaire final de Giù la testa (Il était une fois... La révolution – 1971) pour Sergio Leone. C'est aussi à lui que l'on doit une aimable série de films de science-fiction dans les années soixante, la quadrilogie Gamma Uno qui contient, toute série B qu'elle soit, le premier combat spatial de l'histoire du cinéma.
Son œuvre, modeste mais divertissante, parfois audacieuse, dynamique, reste en grande partie à découvrir. Les éditions Artus viennent de sortir deux pièces de choix avec Contronatura (1968) et Arcobaleno selvaggio (Nom de code : oies sauvages – 1984). Le premier est un film gothique de la plus belle eau inédit en France. Le second est une co-production avec l'Allemagne qui se situe dans la lignée des succès des films de guerre que tournaient à l'époque Sylvester Stallone ou Chuck Norris. Chacun de ses films représente un pôle de l’éclectique filmographie de Margheriti.
Contronatura entretient plusieurs liens avec le classique Danza macabra à commencer par la structure en flashbacks qui complique avec habileté une intrigue linéaire de vengeance. Ensuite Margheriti, qui signe également le scénario à partir de textes de l'écrivain Dino Buzzati, utilise le thème de l'homosexualité féminine, le comportement « contre-nature » du titre, qui est abordé ici comme dans le film précédent avec un mélange de fascination et de sensualité. Situé dans l'Angleterre du début des années vingt, le film met en scène cinq personnages de la bonne société qui, suite à un violent orage en pleine nuit provoquant la panne de leur voiture, se retrouvent les hôtes d'un curieux couple dans une vaste demeure plutôt sinistre. Du classique. Nos cinq personnages sont réunis à la fois par un secret venu du passé, une faute qu'ils portent plus où moins bien selon le cas, et par des appétits dont ils sont les esclaves. Argent, pouvoir et sexe en sont les maîtres mots. Et plus que de sexe, il faut parler de frustration. Pris entre leurs pulsions, leur statut social et les règles d'une société rigide, nos pitoyables héros sont déchirés par des mensonges et des interdits qui font leur malheur. Dans ce contexte, l'attirance de Vivian pour Elizabeth puis pour la jeune Margareth prend valeur de symbole et pour être « contre-nature », n'en est pas moins le sentiment le plus humain qui s'exprime ici. Las pour la pauvre Vivian, ces passions aux accents sincères ne sauraient s'exprimer sans douleur. Elles provoqueront le drame et causeront sa perte. D'une certaine façon, à l'opposé d'une morale de surface, son comportement hors des normes est le révélateur ironique de ceux de ses proches. Ce sont leurs diverses bassesses qui se révèlent « contre-nature », sans même l'excuse de la passion.
A partir de là, il est vite clair que le destin des cinq est scellé. Le hasard faisant trop bien les choses, le couple d'hôtes est directement lié à la faute originelle. Elle sera révélée à l'occasion d'une intense séance de spiritisme qui introduit les différents retours en arrière avant que ne s’abatte la vengeance des dieux et des hommes. Comme nous sommes chez Margheriti, elle prend la forme d'une étonnante catastrophe naturelle, aussi inattendue que radicale. Je vous en laisse la surprise. Très motivé par son récit, le réalisateur soigne sa mise en scène avec un découpage complexe et une recherche constante dans les angles, le fantastique gothique autorisant tous les excès. Il travaille le côté huis-clos en poussant plusieurs scènes clefs à leurs limites comme la séance de spiritisme où la séduction de Margareth par Vivian où Margheriti fait montre d'un érotisme aimable. L'atmosphère au gothique canonique de la demeure est parfaitement rendu par la photographie de Riccardo Pallotini qui renouvelle en couleurs les ambiances en noir et blanc de Danza macabra. La musique angoissante comme il faut de Carlo Savina parachève l'édifice. L’ensemble est de très belle tenue, plutôt classique avec quelques audaces éparses. Un peu âpre parfois. Le film souffre d'une distribution hétérogène qui, sans démériter, manque d'une pointure, d'une Barbara Steele ou d'un Christopher Lee pour s'en tenir aux autres réussites de Margheriti, qui apporterait un supplément de folie, de fascination, une densité aux personnages. Co-production italo-allemande, Contronatura réunit des acteurs des deux nationalités d'où se détachent Claudio Camaso en administrateur ambitieux, Luciano Pigozzi, acteur fétiche de Margheriti et de Mario Bava en Uriat, occupant la demeure avec sa mère, et Marianne Koch, qui fut la partenaire de Clint Eastwood dans Per un pugno di dollari (Pour une poignée de dollars – 1964) de Sergio Leone, dans le rôle de Vivian. Les autres acteurs principaux peinent à dégager leurs personnages de leurs aspects conventionnels. Venant un peu tard après la grande vague gothique, au moment où frémit le giallo au cadre plus moderne, Contronatura a été un échec et n'a pas connu les écrans français. C'est dommage car ce film est l'une des belles réussites de son auteur et c'est une chance de pouvoir enfin le découvrir dans une bien belle édition.
Arcobaleno selvaggio est en revanche bien de son temps. C'est un film de commando dont le titre lorgne sans vergogne sur le succès de The Wild Geeses (Les Oies sauvages – 1979) de Andrew V. McLaglen et les multiples variations façon Missing in Action (Portés disparus – 1984) de Joseph Zito qui fit la gloire de Chuck Norris. C'est la belle époque des mercenaires à forte dose de testostérone et à grosses mitraillettes. Les italiens exploitent le filon avec des méthodes des années soixante, mobilisant d'anciennes gloires pour des distributions improbables. Ici, vingt ans après Per qualche dollari in più (Et pour quelques dollars de plus - 1965) de Leone, c'est un nouvel affrontement entre Lee Van Cleef et Klaus Kinski qui nous est vendu. Mais les papys flingueurs sont quelque peu fatigués, Van Cleef surtout à certains moment fait un peu de peine car il a du mal à bouger comme le félin qu'il a été. Moins motivé, Margheriti n'a pas l'idée d'utiliser cette fatigue comme John Carpenter dans Escape From New-Yor} (New-York 1997) trois ans plus tôt. Ernest Borgnine complète la partie nostalgie, ombre de ce qu'il fût chez Sam Peckinpah ou chez... Carpenter. Du coup, le rôle principal est confié à Lewis Collins, acteur britannique venu de la télévision et qui se spécialisera dans ce genre de films. Et si Collins bouge comme il faut, il est bien terne pour un héros d'aventure. Côté féminin, un peu perdue, Mismy Farmer joue les utilités.
En 1984, Margheriti s'est déjà frotté aux missions impossibles de commandos avec Apocalypse domani et L'ultimo cacciatore (Héros d'apocalypse) en 1980, puis Fuga dall'arcipelago maledetto en 1982. Il trousse avec Michael Lester, sans doute un pseudonyme, une histoire de mission pas très claire commanditée par un policier de la DEA (les spécialistes de la drogue) contre un réseau du triangle d'or asiatique. Une petite équipe est réunie autour du vétéran China (Van Cleef) et du solide capitaine Wesley (Collins) et les voilà partis dans la jungle. Le film se suit sans surprise mais, à la décharge de Margheriti, sans ennui non plus si on aime ce genre. Il y a beaucoup d'action, ça pète de partout, les cascadeurs sautent dans tous les sens au milieu de nuages de poussière, bref on ne regrette pas sa soirée. Bien entendu le commando est trahi et, quelle surprise, c'est le personnage de Kinski qui a fait le coup. Mais soyons indulgent, la confrontation finale permet au réalisateur de se lâcher dans l'effet spécial avec une succession impressionnante d'explosions quasi abstraites. Ayant bénéficié d'un budget honorable, Margheriti se défoule et nous offre un film d'exploitation plutôt généreux. Il lui sera beaucoup pardonné pour ce geste, même s'il ne faut pas en abuser.
Arcobaleno selvaggio est typique de la dégénérescence du cinéma populaire italien. Par rapport à Contronatura, il lui manque la faculté d'invention, l'ambition de faire un peu plus que le mercenaire à la caméra, l'envie de surprendre, le goût de l'audace, d'un petit peu de cinéma.
Photographies : DR et Psychovision
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08/01/2017
Bonne année 2017
Photographie Paramount Pictures.
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23/12/2016
Joyeuses fêtes à tous !
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20/11/2016
Lâchez tout !
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09/11/2016
Hommage à Raoul Coutard
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08/10/2016
Epicée
Ginger Rogers, début des années trente - DR
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06/10/2016
Un film saignant
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04/10/2016
Rose, bleu et rouge sang
Hommage à Hershell Gordon Lewis (1929 - 2016)
Blood feast (1962) - Photographie DR
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22/09/2016
M pour meurtrier, L.A. pour Los Angeles
M (1951) un film de Joseph Losey
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Remake est un mot américain mais ce n'est pas de sa faute. Il signifie « refaire » et en matière de cinéma, il s'agit de refaire un film déjà fait par ailleurs et ce, le plus souvent, pour de mauvaises raisons. Il y a bien quelques contre-exemples, mais pour moi, c'est exceptionnel. Un remake c'est une idée de producteur ou de studio qui cherche à s'appuyer sur un concept ou un succès pré-existant. Pour peu que l’œuvre d'origine soir aboutie, il y a quelque chose de vain à vouloir revenir dessus. Le film signé Joseph Losey en 1951 pour la Columbia est donc le remake du M réalisé par Fritz Lang en 1931, film abouti s'il en est. Les deux versions ont été produites par Seymour Nebenzal, allemand ayant comme Lang fuit le nazisme en Amérique. J'ignore les motivations de Nebenzal, mais en ce qui concerne Losey, c'est un travail de commande pour lequel il était réticent au départ. En 1950, Losey jeune réalisateur prometteur et engagé est dans le collimateur de la commission des activités antiaméricaines pour sa proximité avec le partit communiste et voit sa carrière menacée. Il accepte donc le projet tout en se voyant refuser la possibilité de s'écarter trop du film de Lang. La censure du code de production n'accepte cette histoire de tueur d'enfants traqué à la fois par la police et par la pègre, que grâce à la dimension de classique du film allemand. Malgré ces différentes contraintes, Losey va parvenir à donner à M une dimension propre même si, et quoiqu'en pense Bertrand Tavernier dans sa défense enthousiaste du film pour cette édition Sidonis restaurée, il m'a été impossible de faire abstraction du film de Lang.
Le scénario de Norman Reilly Raine, Leo Katcher et Waldo Saltz étant tenu par celui de Fritz Lang, Thea von Harbou, Paul Falkenberg, et Adolf Jansen, le film possède la même structure et une grande majorité de scènes similaires que son modèle. A la vision de l’œuvre de Losey, un grand nombre d'images fonctionnent comme autant de signes, de repères attendus : la balle qui roule, le prénom de la petite fille, Elsie, le ballon dans les fils du téléphone, l'attente de la mère, l'aveugle, la musique, la vitrine du magasin de jouets, la lettre « M » dans le dos du meurtrier, la fouille de la chambre, et ainsi de suite. Si Joseph Losey, qui est un grand metteur en scène, reprend ainsi de nombreuses images de Lang, comme les plans d'escaliers lors de l'attente de la mère d'Elsie, c'est tout simplement parce que sont des images d'une force peu commune et que Losey, le sachant, ne cherche pas à se distinguer à tout prix. Mais il ne fait pas pour autant un décalque du film original. Losey a l'intelligence de s'approprier le film par les moyens propres du cinéma et le processus de transposition du récit de l'Allemagne de 1931 au Los Angeles de 1950. C'est l'arrière-plan contemporain que Losey filme avec talent et sensibilité qui donne son prix au film. Le réalisateur utilise le récit pour un commentaire assez fin sur certains aspects de son époque, dans le même esprit que Lang évoquait la sienne. C'est là que les deux cinéastes se rejoignent par leur regard lucide et rigoureux. Enfin, l’utilisation de l'acteur David Wayne dans le rôle de l'assassin permet à la fois d’éviter la redoutable comparaison avec Peter Lorre et d’infléchir la vision du personnage que Losey voit moins comme un monstre que comme un malade. Losey joue alors sur un physique très américain moyen de l'acteur, fondu dans la ville, à l'inverse de la composition plus expressionniste de l'immense Lorre, à la limite du fantastique.
Jouant à fond les codes du film noir, aidé par une superbe photographie en noir et blanc du hongrois Ernest Lazlo qui avait filmé les rues de San Francisco pour Arthur Lubin dans Impact (1949) et Rudoplph Maté dans D.O.A. (Mort à l'arrivée) l'année suivante, Losey donne un portrait désormais précieux de Los Angeles, ville sans cesse en mouvement. Il plante son action et sa caméra dans des quartiers amenés à disparaître dès les années soixante, ouvre le film par un plan superbe pris depuis la cabine du funiculaire Angel's flight, fait vivre son héros à Bunker Hill, le fait prendre une pause sur une colline qui domine un pan de la ville ou s'enfuir dans d'immenses escaliers. Le clou du film se situe dans un vaste immeuble de bureau, le Bradbury building utilisé dans de nombreux films dont, trente ans plus tard, le Blade Runner de Ridley Scott. Cet immense décor tout en galeries intérieures, verrières, ascenseurs et ferronneries, à la fois gothique et moderne offre un cadre grandiose à la chasse à l'homme des truands à la recherche du tueur. Celui-ci est bloqué dans un magasin de mannequins, un décor qui inspirera peut être Stanley Kubrick pour Killers's kiss (Le baiser du tueur – 1955). Toute cette utilisation dramatique du réel trouve un équivalent au travail de Lang tout en étant original, très américain, et possède désormais, comme de nombreux films noirs, une valeur documentaire fascinante. Autre aspect proche, la description d'une population. Losey peuple ses décors de personnages secondaires et de figurants criants de vérité. La mère d'Elsie est emblématique de cette qualité du film. Son intérieur est le portrait précis d'un logement américain de la classe modeste en 1950. Le personnage joué par Karen Morley croisée dans le Scarface de Howard Hawks en 1932, a les mêmes qualités de justesse que celui joué par Ellen Widmann pour Fritz Lang. Je pourrais multiplier les exemples de la manière dont le réalisateur rend la sociologie de la ville, sa prise en compte d'une population mélangée, blanc, noirs, asiatiques mêlés. Comme Lang, il utilise cette description pour nourrir une réflexion sur son temps. Il montre la population traumatisée par les crimes successifs du tueur et les réactions engendrée par la peur. Dans la police, il y a en contrepoint de l’inspecteur débonnaire un policier prêt à s’asseoir sur le droit pour coincer sa proie, chez les truands, les réflexes de survie engendrent une traque impitoyable et un simulacre de procès ô combien ironique, chez les gens ordinaires se développe une paranoïa ordinaire qui échauffe les esprits et fait ressortir des envies de lynchage. C'est une vision dure mais lucide d'une humanité au vernis de civilisation fragile. C'est la tentation du nazisme chez Lang, celle du maccarthysme chez Losey. Petite pointe amusante, quand une femme affirme avoir vue une robe rouge, son époux lui demande si elle n'est pas communiste.
L'autre façon dont Joseph Losey arrive à faire passer ses idées dans la structure langienne, c'est dans sa vision du tueur. Martin W. Harrow est un américain bien moyen en quelque sorte. Avec son costume sombre, sa mise impeccable et son visage lisse, l'assassin est parmi nous, pour paraphraser le sous titre du film de Lang, et plus encore pour Losey, il fait partie de nous. Si la mise en scène rappelle sans cesse sa solitude dans la grande mégapole, elle tente en quelques scènes de nourrir son mystère. Il y a là quelques idées propres à Losey et ses scénaristes comme la fascination de Harrow pour les chaussures de ses victimes qui causeront sa perte, ce passage aussi beau que glaçant où, couché sur son lit, le visage dans l'ombre, il joue avec un lacet, la poupée de glaise qu'il décapite devant la photographie de sa mère. Tentation de la psychanalyse que l'on va retrouver dans l’impressionnant monologue final. Pas toujours convainquant, mais méritoire. Tout aussi original, Losey tente un étrange rapprochement entre le tueur et ses victimes. Sa part d'enfance est montrée à plusieurs reprises, comme cette fascination devant le train électrique ou sa gène devant la femme qu'il croise en sortant de chez lui. Losey développe cette idée en introduisant une petite fille dans la scène finale, personnage absent du film de Lang. Renonçant à la tuer, Harrow la protège et la couvre de sa veste quand ils sont coincés dans le magasin et que la fillette s'endort. Losey et son interprète empruntent alors un biais par rapport au personnage plus mystérieux, plus hors norme joué par Peter Lorre.
Le film de Losey, loin de sa réputation d'échec complet, possède bien des mérites. Sa restauration et cette édition DVD devraient permettre de le découvrir et de le sortir de l'ombre de son prestigieux modèle. Il me semble même que le jeu des comparaisons peut être stimulant. Lang et Losey dans la forme comme dans le fond partagent une certaine façon d'envisager le cinéma et de pratiquer son langage. Leur approche du film noir, ses dimensions sociologiques, morales, plastiques ; les liens qu’entretient ce genre et l’expressionnisme allemand, montrent un ensemble de convergences passionnantes. De là à mettre de côté ce que le second doit au premier, il y a un pas que l'on me permettra de ne pas franchir.
Photographies DR et Deutsche Kinemathek
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20/09/2016
Relax (6)
Clint Eastwood bronze tranquille sur le plateau de Where eagles dare (Quand les aigles attaquent - 1968) le film d'aventures guerrières de Brian G. Hutton. Photographie DR, source This is not porn.
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18/09/2016
Le noir, le rouge et le poulet blanc
Charley one-eye (Charley le borgne - 1972) un film de Don Chaffey
Texte pour Les Fiches du Cinéma
C’est un joli lapsus de la part d’Alain Petit dans sa présentation du film : « Charley one-eye ne ressemble à… je ne veux pas dire à rien (rires) ». S’il ne veut pas le dire, moi je peux l’écrire, Charley one-eye ne ressemble à rien, à rien de connu, à aucun autre western et pourtant j’en ai vu pas mal, et des plus étranges. Non, ce film mis en scène par Don Chaffey en 1972 est une épure de western qui ferait passer Demofilo Fidani pour Cecil B. De Mille. Trois personnages, une poignée de figurants dont Aldo Sambrell et Rafael Albaicín, deux familiers du western à l'italienne, quelques poules, un bout de désert et une ruine, on s’étonne même de voir apparaître quatre chevaux à l’écran. Quatre chevaux en même temps je veux dire, encore que ce sont peut être des mules. Charley one-eye a le minimalisme des premiers films de Philippe Garrel mais c’est beaucoup bien moins filmé. Charley one-eye ressemble à certains dispositifs théâtraux d'Arrabal où à du Alejandro Jodorowsky sans le côté baroque. C'est dire si Charley one-eye se situe aux limites des terres connues. Le film demande une certaine dose de patience pour ne pas être tenté de l'envoyer au diable dès les premières minutes. Dans le désert, un ex-soldat noir en fuite rencontre un indien avec un pied bot qui ne semble pas très futé et parle peu, même pour un indien. Les deux hommes vont entamer une étrange relation. C'est d'abord un rapport de dominant-dominé qui va évoluer en une amitié forgée dans la lutte pour la survie. Perdus dans une contrée hostile, agrémentée d'un chasseur de primes qui course l'ex-soldat et de mexicains peu amènes, les deux hommes trouvent refuge dans une vieille église. La désolation devient une protection. Un puits et quelques poules, le rouge et le noir se créent un petit monde, vite rattrapé par la violence. Comme un symbole, l'indien se prend d'amitié pour un poulet borgne, le Charley du titre, dont il se sent proche, entre estropiés. Cet étrange rapport contient toute la part de douceur, voire de tendresse, d'un film âpre au possible.
Raconté comme cela, le scenario de Keith Leonard dont c'est l'unique contribution au cinéma, est attirant et plein de promesses. Mais le traitement peine à convaincre. La photographie de Kenneth Talbot qui s’était illustré dans le fantastique de la Hammer Films est assez laide, incapable de compenser la direction artistique réduite au strict minimum. La mise en scène est pourtant signée Don Chaffey, réalisateur britannique comme le film, une des rares incursions des anglais dans le genre. Chaffey a réussi quelques belles choses dans le film d'aventures pseudo-historiques comme Jason and the Argonauts (Jason et les Argonautes – 1963) avec les squelettes de Ray Harryhausen, ou One million years B.C. (Un millions d'années avant J.C. - 1966) avec Raquel Welch vêtue de peaux de bêtes. Mais Charley one-eye se situe en équilibre instable entre épure et pauvreté, entre audace et ridicule. Les acteurs se tiennent tant bien que mal sur ce fil. Le soldat noir est joué par Richard Roundtree sortant du succès de Shaft (1971) où il incarnait le héros emblématique de la Blaxploitation. Roundtree joue sans nuance, dans l'exagération et l'hyperbole à coup de jurons et de grands gestes. Il fait de son personnage une grande gueule pas vraiment sympathique. A contrario, l'indien est incarné avec minimalisme par Roy Thinnes, passé à la postérité par son rôle de David Vincent, celui qui a vu les envahisseurs dans la fameuse série télévisée de la fin des années soixante. Portant un maquillage aussi délabré que les décors, Thinnes est difficilement crédible en indien. Il fait même parfois de la peine, l'acteur, pas le personnage. Je m'attendais par moments à ce qu'il se lève pour quitter le plan et le film, mais nous sommes au cinéma et il est resté. Son abnégation à jouer cet étrange personnage finit par forcer un certain attachement. Nigel Davenport complète le trio en impitoyable chasseur de prime. Vu chez Michael Powell, et André De Toth, ce pur britannique est le seul qui semble s'amuser avec un personnage bien affreux. Pourtant, au final, je dois reconnaître que les forces contraires des jeux rendent intéressantes les relations entre les personnages. Mais à force de miser sur les symboles, sur la déconstruction du genre, sur le dilué des sentiments, Chaffey offre un film-limite, trop sec, intriguant sans être fascinant, un objet conceptuel où les intentions louables se sont perdues dans la poussière du désert.
Photographie Cineplex
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17/09/2016
La Pampanini se brosse
Joli sourire mutin et ferme coup de brosse pour l'une des grandes actrices italiennes des années cinquante, Silvana Pampanini. la photographie, peut être bien posée pour la cause publicitaire, date de 1953. © AFP.
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05/09/2016
Au commencement, étaient les Lumière
Lumière !
Texte pour les Fiches du Cinéma
Le samedi 28 décembre 1895, les frères Lumière, Louis et Auguste, organisent avec l'aide de leur père Antoine la première projection publique de cinéma. On disait alors : cinématographe. L’événement a lieu dans le salon indien, au sous-sol du Grand Café de l'hôtel Scribe sis au 44 boulevard des Capucines, à Paris. L’événement est de petite importance, n'attirant que 33 spectateurs payants à 1 franc la place. Parmi eux, Georges Mélies. Conviée, la presse n'a pas fait le déplacement. Tant pis pour elle. C'est le chef mécanicien Charles Moisson, constructeur de l'appareil, qui officie sur le projecteur servant aussi de caméra. Au programme, dix films, dix petits morceaux de temps de moins d'une minute chacun. On disait alors : « Vues Lumière ». La poignée de spectateurs du salon indien découvre ainsi La sortie de l'usine Lumière à Lyon et Le repas de bébé. Heureux gens qui sont au bon endroit au bon moment. C'est la première sortie officielle du septième art qui va très vite rencontrer le succès. Il y avait eu tout au long de l'année des projections destinées à des audiences de scientifiques et de professionnels. La toute première représentation privée du Cinématographe Lumière se tient le le 22 mars dans les locaux parisiens de la très sérieuse Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale. Et tout au long de 1895 sont tournées les Vues Lumière qui vont composer le programme du 28 décembre. Un ensemble d’événements qui tendent vers cette soirée marquant le début d'une aventure gigantesque qui dure aujourd'hui depuis 120 ans et des poussières.
Louis et Auguste, des scientifiques
Ces quelques rappels historiques effectués, vous pouvez mesurer l'importance de l'édition proposée par l'Institut Lumière d'un coffret qui regroupe en versions restaurées, rien moins que 114 films des origines du cinéma. Certes, vous et moi avons entendu parler et peut être vu L’arrivée d'un train en gare de la Ciotat et L'arroseur arrosé. Mais ce programme majestueux est une révélation, une grande bouffée d’exhalation provoquée par cette plongée émouvante dans le passé, si riche, si diverse et surtout si vivante. Car ce que je retiens en tout premier lieu de ces 114 moments de temps arrachés à son fleuve inexorable, c'est combien le cinéma est un art de la vie. Et combien tous ceux qui se sont engouffré à la suite de Jean Cocteau sur le concept du cinéma comme « La mort au travail » se sont fourvoyés. A moins qu'ils n’aient été quelque peu dépressifs. En fixant le temps par son procédé d'illusionniste jouant sur la persistance rétinienne, le cinéma arrache la vie au temps et à l'oubli. Prisonnier dans la bobine du film, le morceau de temps filmé est obligé, à volonté, de revenir en arrière et de rejouer sa durée de manière toujours identique. La vie est ainsi préservée avec une précision qui explique sans doute le succès durable de cet art. Les Vues Lumière n'ont pas vieillit d'un poil et nous sont restituées dans toute leur immédiateté. Le spectateur peut ressentir comme au moment du tournage les ambiances, les odeurs, les mouvements, les sons mêmes. Le travail des opérateurs est encore vierge de toute référence, plein de l'enthousiasme de la première fois, et permet de capter avec force le réel, y compris quand ce réel est, déjà, mis en scène. Reconstitué serait plus juste. Il y a quelque chose de fondamental dans l'émotion que l'on ressens alors et qui, à y réfléchir, n'a cessé d'être présente dans tant de films, les bons comme les moins bons, quand ils captent quelque chose qui devient précieux quand il s'éloigne et qu'on le perd. Les villes que nous avons habitées, les paysages que nous avons parcouru, celles et ceux de nos parents, de nos grands parents et plus loin encore les mondes que la littérature et la peinture nous ont décrit. Comme le dit Thierry Frémaux, sur certaines vues de Paris, les Champs-Élysées ou le jardin du Luxembourg, c'est le monde de Proust qui soudain s'anime, existe, vit.
La pellicule Lumière, avec ses perforations rondes
Il serait fastidieux et inutile de tenter de commenter tous ces films. Il est évident que le cinéma pratiqué par les Lumière et leurs opérateurs est déjà en pleine possession de ses moyens. La découverte de ces films permet de voir naître les bases toujours valables de la grammaire cinématographique : le travelling quand l'opérateur se place sur un train ou un vaporetto pour remonter le Grand Canal de Venise, l'art du cadre avec les entrées et sorties de champ, et ce film superbe construit sur trois plans horizontaux : les lavandières au bord de l'eau, le talus intermédiaire et la route en surplomb où passe un attelage. Il y a déjà les diverses échelles de plan, les intuitions géniales comme ce bocal à poissons filmé de tout près, la caméra portée embarquée sur une baleinière, l'utilisation de la profondeur de champ dont l'étendue est impressionnante, y compris pour nos standards techniques actuels. Il y a les premiers trucages, involontaires sans doute, qui deviendront la spécialité de Mélies, le jeu amusant qui consiste à passer le film à l'envers pour la destruction d'un mur, les premiers montages à l'instinct quand l’opérateur arrête la machine pour changer son cadre, le sens du rythme, de l'image forte et de la juste distance au sujet comme ce très beau film montrant une petite fille jouant avec son chat. Il y a encore le regard caméra, la faculté à intégrer l'inattendu comme l'officier sans doute ignorant du tournage qui vient perturber la prise de vue de l’entraînement des chasseurs alpins. Il y a le goût de l'expérimentation comme filmer le passage d'un train dans un tunnel, la recherche de la lumière qui restera la grande affaire du cinéma. Il y a le rire, le suspense, l'émotion, et le goût du spectacle, celui des grandes catastrophes aussi avec pompiers, inondations, explosion d'un navire cible, impressionnants feux de puits de pétrole à Bakou. Il y a tout, même la couleur dans une délicieuse danseuse coloriée à la main dont la tenue change de teinte à chaque mouvement.
Avides de tout voir et de tout montrer, les Lumière et leurs opérateurs comme Gabriel Veyre ou Alexandre Promio, vont filmer plus de 1400 Vues, avec de nombreuse petites scènes, soit de fiction plutôt comiques, soit de la vie de tous les jour où la famille est souvent mise à contribution, de nombreux films de voyages avec une étonnante démonstration d'arts martiaux au Japon, des vues des quatre coins du pays, villes et campagnes, des documentaires sur les métiers (pêcheurs, forgeron...), des films de reportage qui s’apparentent à de l'actualité, des événements comme les catastrophes déjà citées où l'inauguration d'un navire, et les grands de ce monde qui veulent très vite se faire filmer, et puis quelques œuvres inclassables. De ce voyage sur la terre d'il y a 120 ans, restent aussi quelques détails incongrus, ravissants. Je citerais cet homme à vélo qui sort de l'usine Lumière et qui manque de se casser la figure, le petit homme qui attend le train en gare de Perrache avec un casque colonial digne du major Fatal de Moebius, le joueur de boules sautillant comme un ludion, le naturel de certains enfants dont les petits asiatiques qui suivent l'opérateur dans un film tourné dans la brousse, la moustache du rameur dans la baleinière, le regard (sans doute involontairement) critique sur le colonialisme quand deux « dames » s'amusent à jeter des pièces trouées à des enfants des rues, les regards qui cherchent où se poser, fascinés par l'objectif. C'est la puissance d'évocation d'une époque qui s'anime et déborde les cadres pourtant composés avec soin. C'est la vie qui éclate en dépassant les intentions des créateurs d'images. C'est toute la puissance du cinéma.
Dans cette belle édition, les films sont proposés, au choix, avec une très belle musique de Camille Saint-Saëns et avec des commentaires de Thierry Frémaux. Un second disque propose deux documentaires, des entretiens avec Frémaux et Bertrand Tavernier, dont l'enthousiasme fait plaisir à voir, et les recréations de La sortie de l'usine Lumière à Lyon par quelques cinéastes contemporains dont Pedro Almodovar ou Michael Cimino qui réalise là son dernier film. Les deux documentaires méritent que l'on s'y arrête un moment.
Lumière est une réalisation de Paul Paviot tourné en 1953. C'est une manière de docu-fiction de 23 minutes qui mêle quelques Vues Lumière à des passages documentaires dont une intervention d'Auguste Lumière un an avant sa disparition, et des reconstitutions jouées, les moments clefs de l'invention et de la fameuse séance du 28 décembre. Paul Paviot venait de réaliser une délicieuse parodie fantastique Torticola contre Frankensberg avec Michel Piccoli en monstre. Il se révèle ici plus à l'aise avec les parties de fiction, la partie documentaire étant alourdie d'un commentaire bien dans l'esprit de l'époque, édifiant, didactique, dit avec beaucoup trop de sérieux par Abel Gance. Louis Lumière est une pièce de choix datant de 1968, réalisée par Eric Rohmer pour la télévision scolaire. Rohmer, c'est peu connu, a travaillé à plusieurs reprises dans ce cadre. Là, il profite d'une projection des Vues Lumière à la Cinémathèque française pour filmer une conversation avec Jean Renoir et Henri Langlois. Respect. Un plateau prestigieux d'autant que Rohmer ne s'en tient pas à son rôle d'animateur mais intervient et donne son avis en participant à la conversation comme un troisième homme caché. C'est aussi émouvant que passionnant, cela respire l’intelligence et la passion du cinéma. L'intervention de Langlois m'a particulièrement impressionnée. Sa vision de la mise en scène dans les Vues Lumières est d'une grande précision et illustre bien les qualités de l'immense passeur qu'il a su être. Ces deux films montrent aussi que d'une époque à l'autre, de Gance à Frémaux, de Renoir à Tavernier en passant par Rohmer, l'héritage des Lumière n'a jamais été perdu, que cet esprit de vie du cinéma n'a cessé d'être transmis et, c'est le plus important, à être montré.
Photographies DR et DVD Classik
20:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis lumière, auguste lumière, eric rohmer, paul paviot | Facebook |
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09/08/2016
Des images pour l'été (2)
Maureen O'Sullivan en Jane dans Tarzan and his mate (Tarzan et sa compagne) réalisé par Cédric Gibbons en 1934. c'est la belle époque où elle porte encore le bikini échancré. Photographie MGM.
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03/08/2016
Des images pour l'été (1)
C'est l'été, les vacances, le temps de prendre un peu le large. C'est un bon moment pour vous laisser avec une série d'images glanées ici et là, surtout là en fait. Pour commencer une série de photographies d'exploitations d'un western dit "Zapata" fameux, Quien sabe ? (El Chuncho - 1966) réalisé par Damiano Damiani dont je vous avait parlé il y a un bon moment déjà. DR.
21:13 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : damiano damiani | Facebook |
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23/07/2016
1990, la belle américaine
L’équipe de Zoom arrière entre dans la dernière décennie du XXème siècle. Et cette belle année 1990 m'apparaît comme très américaine, même si d'ici et d'ailleurs viennent quelques beaux films. Mais quand même, en 1990 sortent en France des films aussi personnels que réussis, à commencer par ceux de Steven Spielberg et de Clint Eastwwod. C'est le temps des fantômes bienveillants et des avions argentés, de l'Afrique et du cinéma, d'une épopée de la guerre de Sécession et d'une contre épopée du Vietnam où Tom Cruise montre qu'il peut jouer. C'est le temps de femmes d'exception, Michelle Pfeiffer se roulant en robe rouge sur le piano de Jeff Brigdges tandis qu'Ellen Barkin coince Al Pacino (enfin sortit du purgatoire) contre le mur "Qu'est-ce que tu cherches ?". C'est le temps de superbes polars sombres signés Sidney Lumet et Mike Figgis où Nick Nolte et Richard Gere dévoilent des registres inattendus et inquiétants, de l’œuvre élégante d'Abel Ferrara habitée par un Christopher Walken aristocratique. Un prince. Le film distingué par l'équipe peut rejoindre sans peine cette catégorie, signé Martin Scorcese qui revient à ce qu'il fait de mieux. C'est le temps de films étranges, l'aventure de Joe contre le Volcan, le retour des bestioles de Joe Dante et les états d'âme de Woody Allen. C'est le temps du grand retour des studios Disney avec une merveilleuse aventure aquatique. il y en aurait quelques autres à ajouter, la science fiction de Paul Verhoeven, les machinations de John Dahl, le cas de conscience de Brian de Palma, mais il faut savoir s'arrêter. Voici donc 1990 en 12 films Made In USA.
Photographies DR (Universal, Disney, UGC).
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20/07/2016
Viol et châtiment
Autostop rosso sangue (La proie de l’auto-stop - 1977), un film de Pasquale Festa Campanile
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Le réalisateur italien Pasquale Festa Campanile est connu d'abord pour ses comédies et sa manière sensuelle de filmer les femmes. Rire et érotisme avec ce sens de la satire qui fait la gloire de la comédie all'italianna sont ses deux marques de fabrique. Il aura déshabillé et fait défiler devant sa caméra Catherine Spaak dans La matriarca (L'amour à cheval - 1968), Laura Antonelli dans Il merlo maschio (Ma femme est un violon - 1971), Edwige Fenech et Bernadette Laffont dans Il ladrone (Le larron – 1980), et encore Agostina Belli, Ornella Muti, Barbara Bouchet et Lilli Carati qui fut sa compagne. Festa Campanile ou l'homme qui aimait les femmes. Au sein de cette filmographie, Autostop rosso sangue (La proie de l’auto-stop) qu'il tourne en 1977, jure quelque peu. Il s'agit d'un thriller violent, très sérieux, avec des pointes de sadisme et une bonne dose de cynisme. Walter et Ève Mancini forment un couple d'italiens qui voyage en Californie. Les époux sont en pleine crise, Walter est un journaliste frustré qui boit et fait payer ses lâchetés à sa femme. Ève de son côté, quoique moins perturbée en apparence, entretient et encourage une relation sadomasochiste avec son mari. Le couple va prendre en auto-stop Adam (!) Kunitz qui va se révéler un bandit en cavale, psychopathe et donc très dangereux. Autostop rosso sangue est un mélange de road movie et de huis clos électrisant, relevant d'une lignée particulière de films produits dans les années soixante-dix que l'on appelle désormais les « rape and revenge ».
Les éditions Artus rééditent l’œuvre atypique de Festa Campanile dans une très belle édition qui comprend une copie superbe et un petit livre autour de ce sous-genre particulier. Un livre écrit par David Didelot avec force érudition et illustrations. Le lecteur cinéphile s'y reportera pour tout apprendre sur le « rape and revenge » soit : le viol et la vengeance. Je me contenterais ici de rappeler que le film fondateur en est The last house on the left (La dernière maison sur la gauche) film-culte signé Wes Craven en 1972 et inspiré par Jungfrukällan (La source – 1960) d'Ingmar Bergman ce qui fait bien dans le tableau. A dire vrai, nous sommes en présence d'une sous catégorie du film de vengeance, qui se mange froide comme chacun sait. Et depuis que le cinéma raconte des histoires de vengeance, les scénaristes savent qu'il est mieux d'avoir un bon motif pour le vengeur. L'humiliation est un bon motif qui renforce l’empathie avec le spectateur et l'humiliation sexuelle, le viol, apporte une dose d'horreur supplémentaire qui peut être plus poignante, ou plus racoleuse selon le degré de délicatesse du réalisateur. Dans nombre de westerns, le meurtre d'êtres chers qui va motiver la chasse du héros est souvent lié à des violences sexuelles, que l'on se souvienne de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de John Ford. Avec le recul de la censure tout au long des années soixante, le lien entre viol et vengeance va se faire de plus en plus prégnant, visant le plus souvent à provoquer un sentiment de malaise qui va culminer dans quelques scènes aussi célèbres que difficilement soutenables. Je pense ici au point culminant de Deliverance (1972) de John Boorman. David Didelot explique comment les italiens se sont emparés des codes de ces œuvres marquantes pour nourrir un filon de films de genre dont Autostop rosso sangue est l'une des plus belles réussites.
La mise en scène de Pasquale Festa Campanile y est pour beaucoup. Le maestro de la comédie érotique s'y révèle doué pour faire monter la tension et pour l'action. Avec ses scénaristes Ottavio Jemma et Aldo Crudo, il propose un récit tendu qui recèle plusieurs coups de théâtres souvent surprenants et qui fonctionne d'autant mieux que les personnages principaux sont assez intéressants pour que l'on s'intéresse à ce qui leur arrive au delà de la simple mécanique du thriller. Ottavio Jemma est un collaborateur régulier de Festa Campanile, un scénariste tout terrain. Aldo Crudo est d’abord un écrivain spécialisé dans le Giallo, la série Noire à l'italienne, avec près de quatre cent romans qui se déroulent le plus souvent en Amérique. Son apport semble essentiel pour ce film qui est censé se passer en Californie mais qui a été intégralement tourné dans les Abruzzes. L'illusion, sans être parfaite, est parfois confondante. Le décor de la station service par exemple est plein de petits détails justes même si l'on voit apparaître la bonne trogne de Ignazio Spalla en barman. Et la photographie de Franco Di Giacomo et Guiseppe Ruzzolini ajoute une touche de sophistication (vestes espaces ensoleillés, couchers de soleils, scènes nocturnes aux noirs profonds) qui séduit. Tous les deux ont travaillé pour le Giallo avec Aldo Lado ou Dario Argento et Ruzzolini a collaboré avec l'exigeant Sergio Leone. Les deux hommes ont une solide expérience d'une certaine image à l'américaine. En contrepoint, c'est le maestro Ennio Morricone qui signe une superbe partition pour le film, alternant des passages plutôt pop avec des morceaux plus lancinants, avec chœurs, dans l'esprit de ce qu'il faisait dans les années soixante-dix pour le polar français. Il souffle ainsi le froid de l'angoisse et la chaleur de l'action. Et puisque l'on en parle, il faut mentionner la scène très réussie où le couple, pensant être débarrassé du tueur, est pris en chasse par un camion. Festa Campanile a vu et potassé le Duel (1971) de Steven Spielberg et en offre une jolie démarcation, reprenant cadres et découpage, comme le principe de la cabine opaque qui dissimule les traits du chauffeur. Plus loin, ce sera un superbe ralenti qui conclut la course désespérée de ses héros. Plus original, il sait d'un mouvement de caméra faire basculer une scène, et celui qui conclut la rencontre entre le tueur et le couple a dû inspirer Robert Harmon pour son Hitcher en 1986. Et en bon italien, Festa Campanile sait jusqu'où aller trop loin. Son finale est à la fois désespéré et tout à fait immoral, rebattant les cartes du « rape and revenge », ce qui vaudra à son film quelques déboires avec la censure de notre beau pays.
Néanmoins ce sont plus les implications morales du récit qui font le sel de Autostop rosso sangue. Pour ce qui est de la dimension sexuelle pure, le film n'est pas aussi audacieux que certains fleurons du genre et du coup prête moins le flanc à l'accusation de racolage. Dans le rôle d'Eve, c'est la jolie Corinne Clery qui apporte son physique ravissant et son succès coquin dans l'adaptation d'Histoire d'O par Just Jaeckin en 1976. Clery passera en Italie pour une carrière dans le cinéma populaire entre Sergio Corbucci, Giorgio Capitani et Antonio Margheriti. Sans être bouleversante, Clery apporte à Ève son visage innocent et le mélange détonnant de fragilité et de sensualité qui émane de son corps. Le plan où elle sort de la caravane, nue et tenant un des fusils de chasse de son époux pour exercer la partie « revenge », fonctionne parce que c'est elle. Elle est à la fois crédible dans la partie de la femme humiliée, servant d'enjeu sexuel entre les deux mâles qui sont d'une certaine façon renvoyés dos à dos, et en femme trouble, plus forte qu'elle le paraît. Elle conserve ainsi une certaine dignité à son personnage sans pour autant rien dissimuler de sa gracieuse anatomie. A ses côtés, Franco Nero, toute moustache dehors, reste dans un registre qu'il connaît bien et qui lui réussi, celui d'un homme qui encaisse beaucoup et semble toujours prêt à exploser. Comme dans ses grands rôles pour Enzo G. Castellari ou Sergio Corbucci, Nero est celui contre qui le destin ne retient pas ses coups. Il ne craint pas d'apparaître antipathique : ivrogne, journaliste raté, brutal avec sa femme qu'il viole presque, opportuniste à un point qui défie l'imagination. Pourtant il conserve quelque chose d'une rage profonde qui le rend attachant, comme une révolte mal exprimée mais à laquelle on peut s'identifier. C'est ce qui rend le retournement final si brutal, si cynique. Dernier membre du trio, Adam Konitz est joué par David Hess, le frisé terrifiant qui exerçait chez Wes Craven. Hess apporte tout le bagage de son personnage précédent et l'authenticité d'un américain pur sucre. Il est aussi inquiétant que l'on peut le désirer sans faire preuve de beaucoup de subtilité. Grimacier parfois, il dégage néanmoins une sensualité déviante qui fait son effet dans les scènes avec Clery.
Tendu, étouffant malgré les grands espaces, Autostop rosso sangue est une parfaite réussite du cinéma d’exploitation fait avec conviction et ce qu'il faut de talent. S'il ne se cache pas de ses modèles ni des illusions qu'il met en scène, il arrive à trouver sa voie en privilégiant la tension psychologique et la terreur pure à l'effet choc. Ceci n’empêche pas Festa Campanile de donner quelques gages aux amateurs de sensations fortes, que ce soit avec Corinne Clery ou quelques effets gore, francs sans être appuyés. Le réalisateur arrive même à donner à son film un sous-texte politique rappelant qu'il a été tourné en Italie pendant les années de plomb. Impuissance de la police, enlèvements, frustrations, banditisme, hippies redoutables, désillusions politiques et débâcle morale forment l'arrière-plan de cette histoire bien balancée comme dans quelques belles réussites du cinéma de genre de cette époque.
Photographies : Medusa distribuzione.
A lire sur Culturopoing par Vincent Roussel.
07:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pasquale festa campanile | Facebook |
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09/07/2016
Can't take my eyes off your movies
Je me souviens encore très bien de la sortie en 1981 de Heaven's gate (La porte du paradis – 1980) dans la foulée de sa présentation cannoise. A l'époque je lisais les compte rendus du festival dans Le Matin qu'achetait mon père et j'avais remarqué ce qui semblait être un western à grand spectacle. J'avais 15 ans et les westerns se faisaient rares en salles. Je me souviens avoir eu l'envie d'aller le voir et que quelqu’un, qui cela m'échappe, m'en a dissuadé. Peut être que j’étais tombé sur l'un des articles négatifs qui avaient accueillit le film, ou bien sur le récit de ce qui était déjà présenté comme une catastrophe financière, le fameux « Rarement montagne d’argent aura accouché d’une aussi malingre souris » d'Olivier Eyquem dans Positif. Bref... je suis passé à côté de Michael Cimino en 1981. Puis il y eu un éditorial de Starfix dont l'équipe avait vu une partie de Year of the dragon (L'année du dragon – 1985) et en avait tiré un texte court et enflammé bien dans leur manière, citant les ténors du cinéma américain du moment (Spielberg, De Palma, Coppola, Lucas...) en concluant que Cimino était un cran dessus. Je devrais essayer de retrouver le texte mais pas ce soir. Ce film là, je ne l'ai pas raté et il reste pour moi la grande rencontre avec le cinéaste. Je n'avais jamais vu un polar de cette trempe, ni des personnages aussi magnifiques, aussi incarnés. Je pense à celui de la femme de White jouée par Caroline Kava qui m'avait bouleversé. Cimino prenait ainsi une place de choix dans mon panthéon et comme beaucoup, j'ai attendu avec impatience son Sicilien. C'était aussi le bref morceau de temps où Christophe Lambert a fait illusion. Vu en 1987, en avant-première dans l'auditorium d'Acropolis, The sicilian a été une déception. Pas autant que ce qui en a été dit ensuite, il y a de belles choses dans le film. Mais par rapport au précédent, Lambert par rapport à Rourke, quelque chose fonctionnait mal. Pour Cimino, il faudra attendre quatre années avant un nouveau film, Desperate Hours en 1990, sortie discrète pour un film là encore pas complètement satisfaisant. Mais pour l'admirateur de John Ford que je suis, le plan au début du film où l'avocate se recueille devant un vaste paysage sauvage avec une stèle « Au capitaine Nathan Brittles » m'avait touché. Nathan Brittles est le nom du personnage joué par John Wayne dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque – 1949). J'ignore combien de personnes ont fait le lien. C'est une de ces connivences secrètes qui me réjouissent toujours, comme le fait que c'est John Wayne, peu de temps avant sa mort, qui a remis à Cimino son oscar du meilleur film début 1979.
Entre temps, j’avais découvert Heaven's gate (La porte du paradis), d’abord en 1990 sur grand écran à la Cinémathèque de Nice, dans la première version complète, puis au Cinéma de Minuit de Patrick Brion qui avait été l’artisan de la redécouverte de cette œuvre monumentale l'année suivante. La gifle, l'extase. L’incompréhension aussi face à la façon dont le monde est passé à côté de ce film. Ce sont des choses qui arrivent. D'une certaine façon, je suis heureux d’avoir découvert le film dans sa forme aboutie et non dans la version tronquée proposée en 1981. Ce film majestueux brassait dans un vaste mouvement épique des choses que j'aimais chez David Lean, Sergio Leone, Luchino Visconti, Sam Peckinpah et John Ford, quelques autres aussi, mais tourné d'une manière très personnelle qui fait du film une expérience unique. Comme pour celles qui ont compté dans ma vie, il y a eu un avant et un après Heaven's gate. The deer hunter (Voyage au bout de l'enfer – 1978) est venu après et j'aurais ainsi découvert l’œuvre de Cimino à l'envers pour l'essentiel. Inutile d'aligner les superlatifs, le plus étonnant pour moi dans ce film là, c'est que j'y adore Robert De Niro et Meryl Streep dont je ne suis pas, à de rares exceptions près, grand amateur. Et puis la façon dont John Cazale se dresse dans la scène du bar, la façon dont George Dzundza se met au piano pour le Nocturne de Chopin... C'est un film qui a imprimé profondément en moi et que je revois régulièrement avec un sentiment d'intimité et d'admiration qui ne cesse de grandir. La dernière fois, je me disais que la scène finale, celle autour de la chanson God bless America, c'était un peu comme si Cimino reprenait la fin de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de Ford, mais avec un Ethan Edwards qui ne serait pas resté dehors et serait venu partager le repas de la réconciliation. Et avec tout ça, j'ai redécouvert Thunderbolt and Lightfoot (Le canardeur – 1974) qui ne m'avait pas marqué lors d'une première vision télévisée. Reste encore Sunchaser. Les derniers souvenirs sont littéraires, la lecture surprise de Big Jane, son premier roman en 2001, drôle de bouquin avec une drôle d'héroïne et du golf, un texte dont j'essayais de deviner les images derrière les mots. Et enfin les conversations avec Jean-Baptiste Thoret, brillantes. Cimino m'aura manqué, comme tous les cinéastes avec lesquels j'ai grandit et qui ont tourné trop peu. Seule consolation, il n'aura pas été de ces cinéastes dont j'aurais pu voir la dégringolade artistique, ceux dont l'espoir mis en leur talent aura tourné en eau de boudin. Non, comme Joe Dante ou John Carpenter, Cimino laisse une œuvre certes plus courte qu'espéré, mais qui, telle qu'elle est, donne plus de plaisir que tant d'autres plus fournies. Et je ne donnerais pas de nom !
Photographie United Artist.
18:58 Publié dans Panthéon, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michael cimino | Facebook |
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03/07/2016
Requiem pour un cinéaste
Michael Cimino 1939-2016
11:15 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : michael cimino | Facebook |
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