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12/01/2015

Un pas de coté (Cabu, Wolinski, Cavanna, Choron, Delfeil de Ton)

09/01/2015

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07/01/2015

Noir de proximité

The Big Night (La Grande Nuit - 1951) Un film de Joseph Losey

Texte pour les Fiches du Cinéma

George La Main a le sang bouillonnant de son adolescence. Ce sang ne fait qu'un tour quand il voit, le jour de son anniversaire, son père humilié publiquement par Al Judge, un journaliste un peu louche. Cela se passe dans le bar paternel, devant les habitués, et ce qui traumatise George, c'est que son père accepte sans piper mot la punition infligée par Judge, quelques coups de canne infligés selon ces rituels propres aux truands. L'adolescent ne sait plus quoi croire sur ce père qui vient de faire preuve en quelques instants de son autorité (une gifle bien sentie), et de son affection (la surprise de l'anniversaire). C'est pour lui insupportable et il s'enfuit dans la nuit urbaine, mû à la fois par un désir de vengeance et une question lancinante : pourquoi ?

joseph losey

The Big Night (La Grande Nuit) est le dernier film de Joseph Losey avant son départ pour l'Europe, film dont il abandonne le montage plutôt que de transiger avec la HUAC, commission d'enquête traquant le communiste à Hollywood en ces riantes années de la chasse aux sorcières. Losey, qui a fait partie du Parti Communiste Américain, préfère l'exil. À vrai dire tout cet arrière plan ne semble pas transparaître dans The big night, sinon que le film est ramassé à 75 minutes, sec comme un coup de trique, ce qui découle peut être de sa finition en urgence. Par contre, c'est clairement un film noir social qui, comme la majorité des grandes œuvres du genre, est d'abord une plongée dans la face sombre de l'Amérique. Après l'intolérance dans The Boy with Green Hair (Le garçon aux cheveux verts – 1948) et la critique des valeurs matérielles dans The Prowler (Le Rôdeur -1950), Losey et ses scénaristes, Hugo Butler, Ring Lardner Jr., et l'auteur du roman d'origine Stanley Ellin, s'attachent à travers la quête existentialiste de George à une réflexion sur le poids que le passé fait peser sur l'avenir dans une société gangrenée par la violence sociale. Cette violence qui trouve son expression visuelle spectaculaire dans la correction publique administrée par Judge révèle une violence généralisée qui régit les rapports humains. D'entrée, George est bousculé dans la rue par une bande de petites frappes. Sa fragilité, son côté enfant, est mis en exergue. Les rapports père-fils, souvent compliqués à cet âge, sont décrits sous le signe de l’autoritarisme. Le père refuse les questionnements de son fils, il refuse ses états d'âme. Les rapports homme-femme seront régis par la même violence que George va découvrir petit à petit. La ville elle-même est agressive, montrée par Losey en une succession de décors misérables, étroits, bruyants, cadrés serrés, étouffante et sale, exerçant une violence psychologique via son atmosphère sur les êtres.

joseph losey

L'esthétique de film noir adoptée par Losey et son chef opérateur Hal Mohr renforce ce sentiment d'oppression avec ses noirs profonds, ses ambiances le plus souvent nocturnes, les forts contrastes, les zones d'ombre, et les effets de suspense qui jouent sur les règles du genre. La violence de la première scène suffit à nous faire craindre les actions à venir lors de ce voyage initiatique dans lequel se lance George. L'enfant revêt symboliquement les habits d'adulte, le chapeau mou, et s'empare d'un revolver. Lui aussi veut exercer sa part de violence. Pris dans ce milieu, les personnes qui l'entourent ont baissé les bras à l'image de son père ou tentent de profiter de lui. Losey décrit entre les images cette hiérarchie de la misère de salle de boxe en bar louche, où règne la loi du plus fort. George n’accepte pas et rue dans les brancards, maladroit mais décidé. Il fait sa propre expérience et va se frotter à la réalité du monde et de l'amour au terme de cette longue nuit. Avec subtilité, Losey l'amène à découvrir l'humanité derrière les masques sociaux et la relativité des notions de bien et de mal, le courage qui peut se dissimuler derrière la résignation. George aura même l'occasion de découvrir ses propres préjugés racistes à travers une rencontre étonnante avec une chanteuse de jazz noire. Au final, il va découvrir les raisons de la bastonnade de son père. Le spectateur, aux côtés de George, n'est pas au bout de ses surprises.

Malgré la dureté générale du film et le portrait au couteau de l'Amérique de l'époque, Losey dégage par sa façon de filmer ses personnages, proche, leur part la plus attachante. Chacun fait ce qu'il peut et devenir adulte, c'est l'accepter. Cette comédie humaine pitoyable et grandiose s'incarne dans des acteurs confondants de naturel comme Preston Foster (le père), la délicate Joan Loring, Philip Bourneuf, et Dorothy Comingore qui fut la seconde épouse de Charles Foster Kane dans le film d'Orson Welles, l'actrice dont le brave Orson disait qu'elle finirait comme son personnage. A noter l’apparition du futur réalisateur Robert Aldrich lors de la scène du match de boxe. Reste le cas du jeune héros, le seul bémol que j'émettrais. John Drew Barrymore, fils de John et père de la jolie Drew, membre du clan Barrymore donc, ne m'a pas semblé très convaincant en George avec un jeu fiévreux un peu théâtral. Disons pour comparer ce qui peut l'être que dans le genre rebelle sans cause, il n'est pas du niveau d'un Farley Granger chez Nicholas Ray ou d'un John Dall chez Joseph H. Lewis.

Photographies source Film Society Lincoln Center.

A lire également sous la plume de Griffe

Par Édouard sur Kinok.

04/01/2015

2014, petit bilan

Trois chefs d’œuvre, deux inédits excitants, un film sensible, deux fidélités, un western agréable, un court métrage : dix, le compte y est. le-vent-se-leve-11.jpg

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De haut en bas et plutôt dans l'ordre : Kaze tachinu (Le vent se lève) de Hayao Miyazaki,  Kaguya-hime no monogatari (Le Conte de la princesse Kaguya) de Isao Takahata, Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, Kodachrome de Agathe Corniquet, Julien Doigny, Nicolas Lebecque, Thyl Mariage et Lydie Wisshaupt-Claudel, La chambre bleue de Mathieu Amalric, La machina de Thierry Paladino, Jimmy's hall de Ken Loach, Au fil d'Ariane de Robert Guédiguian, The salvation de Kristian Levring et  Moul lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq. Photographies : Studios Ghibli - Le pacte - Alfama films - Zentropa - DR.

01/01/2015

2014, des films (2eme semestre)

Espagne encore avec le Mourir à Madrid (1963) de Frédéric Rossif. J'en connaissais le commentaire pour l'avoir lu dans un poche marabout que possède mon père. Quelques nouveaux titres pour Les Fiches : The fan (L'éventail de lady Windermere - 1949) d'Otto Preminger avec une délicieuse Jeanne Crain que j'ai envoie de revoir ailleurs, The brink's job (Têtes vides cherchent coffres plein – 1978), comédie de William Friedkin ce qui est rare, une poignée de films de science fiction italiens des années soixante assez peu convaincants, et The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) de John Huston avec le piano, la superbe scène de la tempête de sable, la musique de Dimitri Tiomkin, le bonheur quoi. Je mets la main sur un film peu connu de Sergio Corbucci, Donne armate, polar qu'il tourne pour la télévision en 1989. Ce sera son avant dernier. J'y retrouve Christina Marsillach, une pointe d'influence argentesque, et une actrice que je découvre, Lina Sastri. Corbucci se révèle très à l'aise en féminisant son couple de héros habituel. Beau travail. Je regarde avec ma fille Reverendo Colt (Le Colt du révérend – 1970) western de Leon Klimovsky, et je m'endors devant. A mon réveil, ma fille me dit que c'était bien, alors je m'y remets.

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Sur Baloonnatic, Buster signale la reprise d'une comédie de Preston Sturges The miracle of Morgan Creek (Miracle au village – 1942). Je fais le rapprochement avec Hail the Conquering Hero (Héros d'occasion – 1944) du même réalisateur avec le même acteur Eddie Bracken. Celui-ci, je l'ai parce que la vedette féminine est la sublime Ella Raines, mais les choses étant ce qu'elles sont, je ne l'ai pas encore vu. Du coup je fais un doublé et c'est l'extase. Dans ...Morgan Creek, Bracken essaye de tirer d'affaire Betty Hutton qui s'est retrouvée enceinte sans savoir de qui. Postulat hardi pour l'époque dont Sturges se tire haut la main sans un poil de vulgarité. Dans ...Conquering hero, Braken qui a été réformé pour un rhume des foins chronique, est pris en charge par six marines qui décident de sauver l'honneur en le faisant passer pour un héros dans son petit village. Là encore on mesurera l'audace du scénario dans une Amérique en guerre. Dans les deux cas, Sturges fait preuve d'un haut sens de la mécanique comique, compliquant à loisir des situations qu'il pousse à leur point de rupture, tout proche du drame, pour les dénouer avec élégance. M'épatent l'ampleur de sa mise en scène dans les mouvements de foule et la capacité à faire vivre tout un petit peuple très américain qu'il peint avec chaleur, tendresse et une pointe d'ironie. Il joue en virtuose des grandes figures de l'Americana : la tarte aux pommes, la mère, les communautés rurales et les barrières blanches devant les maisons de bois. Ella Raines en tailleur blanc est à tomber et Betty Hutton fait preuve d'un tempérament comique dévastateur. Merci, Buster.

Sur Internet le bon Dr Orlof fête les dix ans de son journal cinéma avec plein d'invités. C'est l'occasion de retrouver d'anciennes connaissances virtuelles. Le Dr Devo cite au passage le cinéaste Don Coscarelli. Bon sang, mais c'est que je n'ai jamais vu son Phantasm de 1979. Pourtant son image de boule argentée volante et mortelle m'avait marquée en son temps. Allez, j'enquille le film et suit avec le très original Bubba Ho-Tep (2002). Conquis, voilà un cinéma fantastique que j'aime, imaginatif et viscéral, enrichissant l’imaginaire, avec un ton, un style personnel comme chez John Carpenter ou George Romero à son meilleur. Je fais partager à ma fille la conquête de l'espace vue par Philip Kaufman dans The right Stuff (1984) puis par Stanley Kubrick. Cette fois elle hésite un peu devant 2001 car je me refuse à lui donner la moindre information sur le film. A mon grand plaisir, elle suit même après la dernière partie, vers Jupiter et au-delà. Bien sûr, elle me demande ce que cela signifie et je lui avoue que je n'en sais pas plus qu'elle. Chacun doit trouver ses réponses.

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The purple plain (La flamme pourpre – 1954), délicat film de guerre si l'on peut dire, me plonge dans la filmographie de Robert Parrish d'où je ressorts avec son western rare Saddle the wind (Libre comme le vent – 1958). Julie London y chante la chanson titre à un John Cassavetes à ses genoux et c'est très beau. Autre grand moment de l'année, je fini par mettre la main sur un film qui est une très vieille obsession, Cinq tulipes rouges (1949) de Jean Stelli. Cette histoire policière de vengeance sur le tour de France n'a rien du chef d’œuvre méconnu, mais il m'a marqué enfant au point que je fais rarement du vélo sans penser à la scène où un cycliste fait une chute parce qu'on a scié son guidon. Pas revu depuis peut être quarante ans, je fais abstractions des faiblesses de la chose pour jouer le jeu à fond et me délecter de tout l'arrière plan d'une France décontractée après la tourmente de la guerre. Je savoure la moindre miette de cette madeleine.

S’enchaînent quelques pellicules agréables, Téléphone en concert et en split screen, De Broca par la queue, le dernier Astaire-Rogers qui me manquait, James Bond qui retrouve son Aston Martin, un Disney Song of the south (1948) que l'on tente de faire oublier, la vision semestrielle du requin de Steven Spielberg (vous reprendrez bien un petit récit de l'USS Indianapolis ?), un Daminano Damiani contre la Mafia avec la Cardinale et le Franco Nero. Je suis en roue libre. Et en plein conflit social, du coup je participe a minima à Un festival c'est trop court, le festival du court métrage de Nice en octobre. Je vois quand même une programmation régionale intéressante et à la soirée de clôture quelques jolies choses dont Moul lkelb (L’homme au chien) de Kamal Lazraq, qui plonge son jeune héros un rien renfermé dans un voyage au cœur des bas-fonds de Casablanca pour tenter de retrouver son chien qui lui a été enlevé sur la plage. Le côté cauchemardesque de l'aventure et la climat de violence qui baigne le film sont remarquables, comme tous les acteurs non professionnels, souvent proches de leurs personnages.

2014

Pour les Fiches, je découvre le cinéaste Henri de La Falaise et ses films qui mélangent documentaires exotiques (Bali, l'ancienne Indochine) et fiction. Tourné en 1935, Legong bénéficie de l'un des premiers procédés technicolor et c'est une splendeur. De La falaise fait preuve d'une sensualité dans ses images tout à fait remarquable. Coffret Prévert ensuite avec un long documentaire que Pierre consacre en 1960 à Jacques et une jolie collection de court-métrages réalisés par les deux hommes. Du coup je m'offre une belle édition des œuvres du poète. Corbucci inédit de nouveau avec sa version de Robinson Crusoé tournée en 1976 avec Paolo Villaggio et la très belle Zeudi Araya. Curieux portrait souvent très drôle, parfois cruel, de l'auteur en naufragé. Robinson est un italien aisé, aliéné comme on dit par le monde moderne, qui va faire l'expérience de la vie sauvage avec un manque notable de sens pratique. Vendredi devient une sculpturale fille des îles que Corbucci filme avec beaucoup de... naturel. Il va falloir que je me penche sur ce film important chez mon réalisateur fétiche.

Quelques films anecdotiques plus loin, j'ai une soudaine et irrépressible envie de Jean Grémillon et revois Lumière d'été (1942). Je me sens mieux, je vais récupérer Remorques (1940) dont j'ai lu le roman de Roger Vercel cette année. Dans un entretien pour Midi-Minuit Fantastique, Jacques Tourneur, déclare aimer beaucoup The uninvited (La falaise mystérieuse – 1944) de Lewis Allen. Dans ce film, il y a Gail Russel, actrice délicate que j'ai adoré aux côtés de John Wayne à la fin des années quarante. Hop. Le film est superbe, classique histoire de fantômes pas très loin de Mrs Muir, mais traitée avec un mélange de subtilité, de premier degré dans les effets et de décalages bienvenus comme la façon la sœur du héros envisage la présence de fantômes dans la grande demeure qu'ils ont acheté ensembles. C'est pour ce film qu'à été composé le superbe standard Stella by starlight par Victor Young. Gail Russel dont c'est le premier rôle important est excellente avec son air fragile et, d’émotion, je revois Angel and the bad man (L'ange et le mauvais garçon – 1947). Russel est l'ange, Wayne le mauvais garçon qui sera vite repenti, le film toujours délicieux. Comme c'est Halloween, je propose à ma fille Bride of Frankenstein (La fiancée de Frankenstein - 1935). Vieux souvenir, La bourse et la vie (1966) de Jean-Pierre Mocky dont je me souvenais avoir vu les trois dernières minutes il y a bien trente ans. Comédie de voyage assez réussie, plutôt gentille de la part de Mocky, avec des numéros formidables de Darry Cowl, Jean Poiret, Michel Galabru et Michel  Lonsdale, et puis la très jolie Marilù Tolo et les têtes habituelles de l'auteur. Quelques jolies reprises dans la foulée des rétrospectives Zoom Arrière avec Melville, Corbucci, et le condé de Boisset. Je me mets sous les yeux La Novia Ensangrentada (La Mariée sanglante) signé Vicente Aranda en 1972, un film d'horreur inspiré de la Carmilla de Sheridan Le Fanu mais situé dans l'Espagne de la fin du franquisme. Le film peut se lire de plusieurs façons, matérialisation des craintes de l'héroïne face à la sexualité, critique sociale et politique d'un pays dominé par le machisme, histoire de vampirisme actualisée, mais dans tous les cas il est assez radical. Il est étonnant qu'une telle production ait vu le jour dans un pays encore très corseté, mais c'est peut être la raison. Nombre de films fantastiques de cette période sont audacieux, y compris selon nos standards actuels. Le film vient d'être édité par les éditions Artus, mais j'en avais une copie venue d'Angleterre.

2014

Science-fiction soviétique un rien désuète, un Duvivier période américaine avec un superbe duo Ginger Rogers – Henry Fonda, qui me donne envie de revoir Panique (1946) et sa place des fêtes où vivaient mes parents jeunes, film indépendant américain un rien monté en épingle, un polar signé Castellari avec Franco Nero en citoyen rebelle. Inisfree a 10 ans. J'arrive doucement aux Rencontres, la manifestation que j'organise chaque année avec mon association. Des films présentés, je retiens deux longs métrages originaux et très aboutis : Kodachrome de cinq belges Agathe Corniquet, Julien Doigny, Nicolas Lebecque, Thyl Mariage et Lydie Wisshaupt-Claudel. Documentaire sur un voyage entrepris par les quatre premiers en Amérique, à la recherche du dernier laboratoire développant le procédé Kodachrome avant son arrêt définitif. Le film est une réflexion sur l'acte créateur, le monde comme il va, le cinéma comme on peut le pratiquer. Les images sont surtout du super 8, avec un peu de 16mm et un tout petit peu de vidéo. Outre la forme du road-movie, le film revisite les grands thèmes du super 8 : film de voyage, film de mariage, visite de ville nez en l'air pour filmer les buildings, reportage, film de vacances, film entre amis. C'est intelligent, parfois émouvant et bien construit utilisant même les contraintes de ces formats. A découvrir en espérant que le film, qui va de festival en festival, pourra être édité en DVD. L'autre beau film, c'est La machina de Thierry Paladino qui mêle un zeste de fiction à un documentaire autour d'un vieux marionnettiste qui initie, le temps d'une tournée estivale, un petit garçon à son art. Filmé sous le soleil du haut pays niçois avec une photographie très soignée, La machina est encore un road movie, doublé d'un récit initiatique touchant, triplé d'un regard précis sur tout un art de vivre, des marionnettes aux contes, des fêtes de villages aux jeux. Remarquable performance des acteurs Serge Dotti et du jeune Adrien Woodall.

2014

Je fais un peu de rattrapage sur 2014 avec The salvation, western du danois Kristian Levring avec Mads Mikkelsen, classique mais efficace, et le nouveau Robert Guédiguian, Au fil d'Ariane. Film plutôt mal accueilli de ce que je peux lire, mais qui, passé les incompréhensibles trois premières minutes, déploie de réelles qualités autour de l'univers bien connu du cinéaste : Ascaride, Meylan en patron de restaurant, Boudet, Darroussin, l'Estaque, la musique de Jean Ferrat... C'est une version lumineuse de A la vie, à la mort (1995) et je me dis que le film est peut être plus touchant pour ceux qui sont fidèles à Guédiguian. Je le suis. Je vérifie, suite à sa remarquable position sur Zoom Arrière, que Se sei vivo, spara (Tire encore si tu peux – 1968) de Giulio Questi est toujours un film unique en son genre. Il l'est. Le lendemain, j’apprends la mort du réalisateur. J'en suis triste. Je vérifie ensuite que Giù la testa ! (Il était une fois la révolution – 1971) est toujours explosif, et que j'avais bien vu un érotisme subtil chez Chen Pei-pei la guerrière émérite dans The lady hermit (Les griffes de jade – 1972). Je montre le Legend (1985) de Ridley Scott à ma fille. Mon fils nous rejoint mais ne semble pas impressionné par Darkness, plus intrigué qu'effrayé. Le film tient bien le coup, surtout la partition cristalline de Jerry Goldsmith. Pour rendre hommage à Virna Lisi, je vois 5 marine per 100 ragazze (1962) de Mario Mattoli, un DVD que j'avais acheté il y a deux ans à Caen. J'aurais pu trouver mieux. Pour les fêtes de fin d'année, il y a Tony Curtis en Lepke le truand, Tim Burton, le magique Meet me in St Louis (Le chant du Missouri – 1944) de Minnelli, have yourself a merry little christmas, Pierre Richard, Ben Hur moins pénible que dans mon lointain souvenir, Hellzapoppin', Amélie Poulain, les gremlins, le trou noir de chez Disney que j'avais renoncé à voir en son temps, le Cygnus et la musique tourbillonnante de John Barry font leur effet. Je découvre aussi Thief (Le solitaire – 1981) de Michael Mann avec un James Caan bien meilleur que De Niro dans Heat (1995). Tout l'univers de Mann est déjà bien en place, ses qualités comme ses limites. Ultime rattrapage avec La chambre bleue (2014) de Mathieu Amalric avec lui-même, adaptant Simenon avec ce me semble fidélité. Peter Sellers en Clouseau pour finir l'année en famille, les dernières minutes débordant sur 2015. Et déjà une question : Par quoi vais-je commencer ?

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31/12/2014

Bonne année !

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2014 est morte... Vive 2015 !

23:55 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : john wayne |  Facebook |  Imprimer |

28/12/2014

2014, des films (1er semestre)

Galvanisé par l'impressionnant travail de FredMJG qui est partie sur un bilan de son année 2014 avec une note par mois (!), je me lance dans un exercice que j'ai jusqu'ici toujours repoussé : faire le bilan complet d'une année de cinéma. C'est à dire bien au-delà des films vus en salle, toujours peu nombreux, mais ce qui me permet de me replonger dans ce qui fut pour moi le mouvement de 2014. Que mes lecteurs chéris se rassurent, je vais me limiter à deux notes, une par semestre.

Le premier film de l'année a son importance et j'essaye toujours de commencer par quelque chose d'inédit et d'excitant, soit par un classique ayant fait ses preuves. Plongé depuis quelques temps dans le gothique italien, je démarre avec La notte dei diavoli (1972) du vétéran Giorgio Ferroni avec Gianni Garko, une variation sur l’épisode Les Wurdalak déjà illustrée par Mario Bava dans I tre volti della paura (Les trois visages de la peur – 1963), lui même inspiré d'une nouvelle de Tolstoï. Le film possède une atmosphère angoissante réussie malgré une esthétique qui tire sur les années 70, la photographie surtout, et puis Garko réussi un joli voyage au bout de la folie. J’enchaîne avec Nattlek (1966) un film de la réalisatrice suédoise Mai Zetterling dont j'avais beaucoup aimé le premier opus, Älskande Par (Les Amoureux – 1964). Toujours sous une relative influence bergmanienne, le film est plus âpre mais fascinant. Ingrid Thulin est au centre d'une intrigue complexe culminant avec une scène d'inceste dérangeante.

De retour à la maison, j'ai reçu quelques DVD de classiques de la Hammer films. Une envie venue avec ma période fantastique all'italianna. Je découvre enfin Curse of the wherewolf (La nuit du loup garou – 1961) et revoit avec plaisir le fondateur Horror of Dracula (Le cauchemar de Dracula – 1958) tous deux de Terence Fischer. Le premier me déçoit un brin côté récit malgré la très belle direction artistique. Le second est une révélation. Je ne l’avais vu jusqu'ici qu'à la télévision en noir et blanc, il y a donc bien longtemps. Le travail sur les couleurs et la mise en scène avec ses accélérations brutales et le contraste entre les interprétations de Peter Cushing et Christopher Lee m'emballent. Dans le salon plongé dans le noir et le silence, j'ai presque peur. De Fisher, histoire de compléter sa filmographie, je découvre aussi dans la foulée The devil rides out (Les Vierges de Satan - 1968). Le film a très bonne réputation chez les admirateurs du réalisateur et je ne les contredirais pas. Le film est aussi original qu'efficace dans son traitement. Fisher arrive à provoquer une véritable angoisse avec des effets sobres, l'attente, le son, la lumière. Les quelques effets plus mélodramatiques ont un peu vieillit, mais cela ne pèse guère face à l'atmosphère d'ensemble. Encore un peu de fantastique, assez différent, avec le Opéra (1987) de Dario Argento qui manquait à mon palmarès. Le film a fait couler pas mal d'encre et pour beaucoup, il est le début d'une pente artistique qui n'a cessé de glisser. Je n'aime pas non plus l'utilisation du hard-rock dans les scènes de meurtre, pas plus que cette musique d'une façon générale. Mais je trouve pas que cela nuise tant que cela au film. Après tout, Argento a toujours eu des accès d'un goût curieux, douteux diront certains, mais ici il maintient l'équilibre et cela fait partie à sa façon de son cinéma. La musique des Goblin est elle très réussie et Christina Marsillach superbe. Pour parachever le cycle, je montre à ma fille King Kong, le premier, le seul, celui de 1933. Je lui avais promis l'année de ses sept ans, comme je l'avais découvert moi-même. Je poursuis la transmission.

2014

Nous recevons à Nice les cinéastes Joseph Morder et Gérard Courant. Le premier présente L'arbre mort (1987), vaste poème en super 8 où Nice devient ville des tropiques où l'on tombe amoureux de femmes sublimes qui laissent le vent jouer dans leurs robes et leurs cheveux. Le second présente le portrait plein d'humour du premier, et vivent les Morlocks ! Ce sont mes premiers films en salle de l'année. J'y retourne en compagnie de ma fille pour Kaze tachinu (Le vent se lève) de Hayao Miyazaki qui annonce sa retraite. Je vais rester sec pour ce qui est d'écrire sur ce film, ne dépassant pas les dix lignes. Il y avait pourtant beaucoup à dire. Beaucoup a été écrit, le plus souvent sur le ton de la révérence avec comme une pointe d'agacement pour ce fichu japonais dont les films ridiculisent à peu près tout ce qui se fait aujourd'hui. « Ridiculiser » n'est peut être pas le terme juste, mais devant ses films, on retrouve ce que l'on aime profondément dans le cinéma et qui manque tant de fois à tant de films au point que l'on se dit qu'on l'a perdu. Mais non ! Le souffle, l'émotion artistique, la précision dans la description d'une petite herbe folle et l'intensité spectaculaire de ce tremblement de terre qui souffle comme un monstre mythologique, la construction burlesque de la scène de l'avion de papier, la peur langienne des ombres nazies sur les murs, la délicatesse d'un rendez-vous amoureux, la pudeur, l'humanité, la vie, toujours ce sens de l'air et de l'eau. Miyazaki remet les pendules à l'heure, intime et universel, épique et délicat. Tous derrière et lui devant.

Pas de festival de Clermont-Ferrand cette année pour cause d'emploi du temps. Je me console avec quelques westerns américains des années cinquante où passent les visages de Maureen O'Hara, Mara Corday, Yvonne DeCarlo, Martha Hyer et sa robe rouge, et puis je redécouvre Elsa Martinelli au bain dans Indian Fighter (La rivière de nos amours – 1954). Je reviens à quelques gothiques italiens avec Barbara Steele histoire de nourrir ma semaine consacrée à la belle sur Inisfree, puis à quelques westerns italiens signés Giuliano Carnimeo pour un ensemble de chroniques destinées aux Fiches du Cinéma. Ce qui est amusant est que j'avais découvert ces films dans un coffret acheté en Allemagne il y a deux ans mais, malgré le plaisirs pris à ces films, je n'avais pas pu écrire dessus. Je me rattrape donc, d'autant plus volontiers que les films résistent bien à une seconde vision. Dans le lot, il y a également le très intense Per 100 000 dollari t'ammazzo (Le jour de la haine - 1968) de Giovanni Fago qui va m'entraîner sur d'autres pistes un peu plus à l'ouest.

2014

J'aime bien suivre les conseils de mes collègues. Une image de Rossana Podesta sur Nage nocturne me pousse illico à acheter et visionner La red (Le filet - 1953) d'Emilio Fernandez. Suivant ceux de Griffe je découvre Orléans (2013) de Virgil Vernier qu'il avait mis dans son palmarès 2013. Suivant ceux de Christophe, je reviens sur un vieux souvenir télévisuel avec Tendre Poulet (1978) de Philippe De Broca où j'apprécie en effet l'histoire d'amour naissante entre Giradot et Noiret. Gérard Courant m'envoie deux films de Werner Schroeter pour m'initier à l'univers du cinéaste. Je suis séduit par le superbe Willow Springs réalisé en 1973 et en Amérique avec un trio féminin à tomber : Magdalena Montezuma, Christine Kaufmann, Ila von Hasperg. Outre la beauté des images et la manière très sensuelle de filmer ses actrices, le film adopte la forme d'un suspense pour surprendre à chaque instant en se décalant par rapport aux règles du genre. Je rattrape le documentaire original L'Image manquante de Rithy Panh. Pour les fiches, je me plonge dans les tréfonds du cinéma avec un trio de films de Ninjas gratinés, réalisés selon la technique du « deux en un », soit un film acheté au mètre mélangé à de nouvelles scènes tournées à la va-vite. De l'escroquerie sur pellicule parfois drôle à force de nullité.

2014

Revenons aux choses sérieuses avec une série de chefs-d’œuvre signés Franck Borzage. Cela restera pour moi le grand moment de 2014 avec quatre sommets de la transition entre muet et parlant, mélodrames autour du couple Janet Gaynor et Charles Farrell, et puis The river (La femme au corbeau) avec Farrell et Mary Duncan à la place de Gaynor. J'avais découvert le film en salle il y a pas mal d'années mais le lyrisme de certaines scènes, l'incroyable érotisme qui passe dans la relation entre les deux protagonistes sont toujours aussi intenses. Du coup je n'ai plus trop envie de voir autre chose et j'enchaîne avec sa version de Liliom en 1930, Farrell toujours, mais guère plus convaincu qu'avec la version de Lang tournée quelques années plus tard lors de son passage en France. Je revois aussi Three comrades (1938) que j'avais découvert, lui, en son temps au cinéma de minuit. Ce devait être ma première et décisive rencontre avec Borzage. Je verrais enfin un film très curieux Strange cargo (1940), parabole christique avec Clark Gable, la satinée Joan Crawford, et Peter Lorre dans un joli rôle de faux-cul. Quand on voit la puissance de la mise en scène de ce réalisateur, son inventivité constante, sa façon d'être à la fois dans son époque, dans la précision de ce qu'elle est, dans une morale et en même temps dans un monde irréel construit sur une poétique intime, je me dis une nouvelle fois que quelque chose s'est perdu en route. Mais je constate que c'est ce que je pense aussi à propos de Miyazaki, et que, mais si, il y a une continuité. Du moins que rien n'est perdu, qu'il faut juste les hommes (ou les femmes, pas de discrimination, hein) qu'il faut pour perpétuer la flamme.

Après cela, je trouve bien pâle le succès de Guillaume Gallienne Les Garçons et Guillaume, à table ! (2013). Zoome arrière m'amène à découvrir, enfin, In harm's way (Première Victoire – 1965) de Otto Preminger avec une jolie romance vieillissante entre John Wayne et Patricial Neal et puis la danse impudique de Barbara Bouchet. Un couple intéressant aussi dans Hustle (La cité des dangers - 1975) de Robert Aldrich avec Catherine Deneuve et Burt Reynolds. Je montre à ma fille la trilogie Back to the future et La Marseillaise (1938) de Renoir.

2014

Je me décide enfin à voir Pilgrimage (1933) de John Ford. Dans son livre, Joseph McBride met le film très haut mais, allez savoir pourquoi, il est resté trois ans sur mes étagères. Après Borzage, je reste au sommet. Là encore, je ne dépasserais pas quelques lignes pour Inisfree. Le film m'a peut être trop secoué. L'histoire de cette mère qui envoie son fils à la guerre où il y reste, plutôt que de lui voir épouser une femme qu'elle estime indigne de lui, est du très grand Ford, nous faisant passer du mélodrame à la comédie et à la pure tragédie d'un plan à l'autre, avec une aisance, une assurance qui laissent la bouche ouverte et l’œil humide, avant de vous diffuser une impression profonde et durable, et ce sentiment que l'humanité a un bon fond malgré tout ce qui nous en fait douter chaque jour. Et puis Ford avec ce film casse une nouvelle fois les images toutes faites qui existent sur lui. Voilà un film dont le protagoniste est une mère égoïste et butée, une femme d'un certain âge rien moins que sexy. Comme je l'ai lu quelque part, Hannah Jessop jouée avec justesse par Henrietta Crosman, est une première version du Ethan Edwards que John Wayne interprétera 23 ans plus tard. Pour m'en remettre, rien ne vaut une vison semestrielle de The quiet man (L'homme tranquille – 1952).

Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot où Catherine Deneuve joue son âge est sympathique mais anecdotique. Giovanni Fago, disais-je un peu plus haut. Je vois son O' Cangaçeiro de 1970 avec Tomas Milian parlant à sa vache avant de devenir bandit pour la venger. Le cangaceiro, c'est une sorte de bandit d'honneur ayant sévi dans la région du Sertão au Brésil avec une dimension sociale et politique. Quoiqu'en dise le réalisateur, ce film d’aventures picaresques et mystiques tourné sur place avec de superbes extérieurs, a plein de liens avec le western italien. Mais par un intéressant effet de ricochets, il m'amène à voir le O Cangaceiro de 1953 signé Lima Barreto avec sa fameuse chanson que Fago avait récupérée. Puis, suivant les conseils avisés de Frédérique via Zoom Arrière, je passe à du plus authentique avec deux films de Glauber Rocha. A ma grande honte je n'avais jamais rien vu ce ce représentant emblématique du cinéma novo, nouvelle vague du cru.

2014

Il est temps d'aller faire un tour à Cannes. Petit tour cette année, mais qui me permet de voir deux films admirables Timbuktu d'Abderrahmane Sissako et Le Conte de la princesse Kaguya de Isao Takahata. Du coup Miyazaki sera moins seul. Bonne surprise avec le film de Ken Loach et l'histoire hongroise avec des chiens, White God de Kornel Mundruczó. Moment pénible avec le film d'Olivier Assayas. Bilan globalement positif.

Comme j'ai terminé le roman de H.R.Haggard, je vois la version 1937 de King Solomon's mines (Les Mines du Roi Salomon) signée Robert Stevenson. Comme c'est le 6 juin, je montre à ma fille The longest day (Le jour le plus long – 1962) et passe un moment à lui expliquer qui sont les américains, les allemands, les anglais, etc. Puis je la délasse avec l'agréable E per tetto un cielo di stelle (Ciel de plomb - 1968) de Giulio Petroni avec le beau Giuliano Gemma. Comme il est arrivé premier pour l'année 1967 sur Zoom arrière, je découvre avec délice le I walked with a zombie (Vaudou – 1943) de Jacques Tourneur. Comme je me plonge dans une histoire de la guerre d'Espagne, après un court séjour à Barcelone, je revois une version en espagnol de L’Espoir d'André Malraux, sur youtube et sans sous-titres. Je n'y retrouve pas vraiment mes lointains souvenirs d'enfance, mais le film est intéressant. Je termine ce semestre avec Park Row, dynamique histoire de journalisme plein d'encre, de fureur et de conviction signée Samuel Fuller. Bientôt l'été...

15:58 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : 2014 |  Facebook |  Imprimer |

27/12/2014

L'habit de soirée

Tales of Manhattan (Six destins - 1942) un film de Julien Duvivier.

Texte pour Les Fiches du Cinéma

Julien Duvivier avait connu un gros succès en 1937 avec un film à sketches, Carnet de bal, primé à Venise, qui réunissait autour d'une femme évoquant ses souvenirs le gratin du cinéma français de son temps. Sans doute impressionnés, les américains lui proposent en 1941 d'en faire une nouvelle version intitulée Lydia, avant de lui confier pour la 20th Century Fox les commandes de Tales of Manhattan (Six destins). C'est que Julien Duvivier fait partie de ces réalisateurs français comme Jean Renoir ou René Clair qui, après la défaite française en 1940, passent en Amérique et travaillent quelques années dans le système des studios hollywoodiens. Avec Tales of Manhattan, il a l'opportunité de diriger une grosse production et surtout un grand nombre de pointures de l'époque. Dans la forme particulière du film à sketches, soit on change de réalisateur à chaque segment et leur qualité dépend de son auteur. Soit, et c'est ici le cas, tout est de la même main et la variation d'intérêt dépend de la qualité de chaque histoire. Tales of Manhattan est écrit par une pléiade de scénaristes, une bonne dizaine, dont les grandes plumes Ben Hecht, Lamar Trotti, Ferenc Molnár, ou encore Donald Ogden Stewart, collaborateur de George Cuckor qui signa entre autres Love Affair (Elle et lui - 1939) et The Philadelphia Story (Indiscrétions – 1940). Malgré cela, le film n'échappe pas à l'irrégularité même s'il est globalement de bonne tenue. Le prétexte qui permet de passer d'une histoire à l'autre en vaut un autre. C'est un habit de soirée commandé par un acteur qui semble porter malheur à ceux qui vont entrer en sa possession, soit sept personnages pour sept récits. L’aspect hétérogène du film est renforcé par le passage d'un genre à l'autre chaque fois que l'habit change de main. Il y a donc un côté catalogue où l'on a successivement un suspense à tiroir, une comédie sentimentale, un conte moral et musical, un drame social, une comédie, un film noir et cette catégorie très particulière de film « pour gens de couleur ».

julien duvivier

C'est la mise en scène de Duvivier qui assure le minimum de cohésion. Le réalisateur a toujours aimé le tour de force technique. Carnet de bal était raconté en flashbacks quelques années avant Citizen Kane (1941). Je l'imagine face au matériau de Tales of Manhattan, se frottant les mains et se disant : « On va voir ce que l'on va voir ». Duvivier déploie avec une gourmandise visible la machinerie hollywoodienne de luxe, le fameux plus beau train électrique du monde cher à Welles. Décors de studio luxueux, mouvements d'appareil variés et sophistiqués, maquettes, éclairages complexes, le réalisateur fait preuve selon les cas d'inspiration ou de beaucoup d'application. Mais toujours, il fait preuve d'un évident plaisir à filmer de magnifiques acteurs et actrices, que ce soient les vedettes Charles Boyer, Henry Fonda, Edgard G. Robinson, Charles Laughton et sa femme Elsa Lanchester, Paul Robeson, W.C Fields, Georges Sanders et les très belles Rita Hayworth et Ginger Rogers ; comme de non moins magnifiques seconds rôles avec le fordien Thomas Mitchell, Eugene Pallette, Margareth Dumont, Victor Francen ou Henry Davenport. J'en oublie. Même si de nombreux personnages peinent à exister du fait du format, la présence de chacun, l'attention de Duvivier et de jolies trouvailles rendent le défilé des plus agréable.

julien duvivier

Côté moins, l'épisode avec Edgar G. Robinson qui joue un avocat SDF se rendant à une réunion d'anciens élèves et tente de faire croire à sa réussite m'a semblé un peu lourd, avec des dialogues envahissants malgré le duel Robinson – Sanders. L'épisode film noir est un peu léger, un hold-up traité plus comme une transition que comme un véritable sketch. Le plus problématique est le dernier qui voit l'habit rempli du butin des truands de l’épisode précédent tomber depuis un avion dans une communauté noire, pauvre et rurale. Ceux-ci croient l'argent tombé d'une main divine et le distribuent à l'ensemble des habitants, brisant ainsi la malédiction. Cet épisode est typique de la façon dont les noirs américains sont représentés à l'époque : pauvres, naïfs, crédules et sympathiques, et surtout pas de mélange avec les blancs. Il est difficile d’appréhender ce récit avec nos yeux contemporains. D'un côté, il y a cette vision paternaliste, condescendante et raciste, quasi insupportable. Robinson critiqua cette approche et Paul Robeson, militant pour des rôles s'éloignant des stéréotypes et qui avait tenté l'expérience, en ressortit furieux et s'éloigna désormais de Hollywood. De l'autre, outre la prise en compte des pressions de la mentalité de l'époque, une lecture attentive amène à se dire que Duvivier, qui est quand même l'auteur du très social La belle équipe (1936), fait passer une certaine réalité sous ces stéréotypes. Il y a une description minutieuse de ce village pauvre, de sa misère, de la condition des noirs dans l'Amérique rurale des années quarante. La réalité de la pauvreté et de la ségrégation. D'un point de vue social, cette histoire se rattache à la description de l'asile de nuit de celle avec Robinson. Difficile de se faire une opinion sur les intentions réelles du réalisateur dans cet exercice d'équilibriste qui lorgne du côté de Franck Capra.

julien duvivier

Côté plus, le premier sketch est dominé par une superbe interprétation de Thomas Mitchell en mari trompé, alcoolique et revanchard, filmé avec de très beaux clair-obscurs. Le suspense fonctionne à plein et l'on regrettera juste la misogynie redoutable qui transparaît dans l'écriture du personnage joué par Rita Hayworth. L'épisode avec Charles Laughton en compositeur misérable qui a la chance de sa vie en dirigeant une interprétation de son œuvre, séduit par sa narration essentiellement visuelle. Du grand art. La réussite majeure est pour moi le second segment où la jeune fiancée Ginger Rogers tombe amoureuse de Henry Fonda, le témoin de son futur époux, le matin du mariage suite à un quiproquo savoureux. La mécanique de la comédie sentimentale est impeccablement huilée, écrite au petit poil tout en sous entendus. Duvivier filme son couple vedette avec une sensualité de l'image réjouissante. Tout se déroule dans un vaste appartement. Duvivier démarre en plans larges orchestrant les entrées et sorties des différents personnages avec brio puis il resserre les cadres à mesure que le couple prend conscience des sentiments naissants, jusqu'à de sublimes gros plans du ravissant visage de Ginger. Fonda, qui joua rarement dans le registre amoureux, est parfait avec sa voix toute basse. C'est un grand moment d'érotisme pudique une nouvelle fois proche de l'art de Franck Capra. Ces quelques minutes justifient à elles seules la vision de Tales of Manhattan, même si le film possède d'autres séductions. A noter que le sketch alcoolisé avec W.C.Fields a longtemps été coupé des versions du film, ce qui est bien dommage.

Photographies 20th Century Fox

24/12/2014

Joyeux Noël !

22/12/2014

1972 en 10 (autres) films

Belle année de cinéma que 1972 comme le montre la rétrospective de l’équipe de Zoom Arrière. Une année où se côtoient les maîtres au sommet de leur art (Buñuel, Fellini, Pasolini, Bresson, Rohmer, Kubrick, Peckinpah, Leone, Cassavetes...), l'explosion du nouvel Hollywood avec Coppola, Bogdanovich, Friedkin, Ritchie, Sarafian, Pollack entre autres, et un cinéma de genre toujours dynamique et inventif avec les films de Martino, Baldi, Siegel, Ho, Sasdy, Hough ou Carnimeo. Comme le montre avec limpidité l'éditorial en images d’Édouard, la violence est la caractéristique majeure de l'époque, se déclinant de multiples façons et en repoussant chacune à leur façon la représentation. Le sexe n'est pas en reste, se mêlant à la violence pour secouer le spectateur dans des scènes qui vont marquer l'imaginaire et provoquer la polémique comme les viols de Deliverance et A clockwork orange (Orange mécanique), les rapports sado-masochistes de Lo strano vizio della Signora Wardh (L'Étrange Vice de madame Wardh) ou La cagna (Liza). Rien n'est plus sacré, Marlon Brando passe le beurre et John Wayne se fait tuer dans le dos par un affreux chevelu. Voici dix film qui participent de cette année exceptionnelle. Photographies DR.

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20/12/2014

Jolie mouche (hommage)

Chère Virna Lisi,

J'ai appris votre disparition ce 18 décembre avec je l'avoue une grande peine. Comme souvent, je me suis un peu irrité en lisant les nécrologies sentant un peu trop la fiche toute faite. Mais c'est le jeu. J'imaginais votre sourire indulgent et comme avec le chat de Cheshire, tout votre visage se matérialisant autour. Votre sourire... En France, tout le monde y est allé de son couplet sur votre prestation en Catherine de Médicis pour Patrice Chéreau adaptant Dumas. Brillante idée d'avoir tourné avec un metteur en scène de prestige, il en jette plus dans votre filmographie qu'Alex Joffé ou Henri Verneuil, et puis c'est plus récent en notre époque de mémoire courte.

Pourtant, si vous étiez remarquable en Catherine, vous y apparaissiez vieillie, enlaidie, cruelle et cynique, et ce portrait ne saurait en rien rendre compte de ce que vous avez été sur les écrans ni de ce que vous évoquez pour moi.

virna lisi

Vous êtes, chère Virna, une des plus belles femmes apparues comme autant de miracles au cinéma vers 1960. Je pense à vos sublimes contemporaines, Claudia Cardinale, Giovanna Ralli, Catherine Spaak, Marilù Tolo, Stefania Sandrelli et quelques autres. Vous y avez apporté de la grâce mêlée à une pointe d'impertinence latine, une douceur vive, un humour pétillant et sensuel, avec chez vous en particulier une expression d'indulgence qui tempérait les effets de votre beauté incandescente. Ce sourire, votre sourire, large et franc, m'est inoubliable avec cette petite mouche au coin de la bouche, point d'exclamation rehaussant votre blondeur comme chez Marilyn à qui l'on a voulu vous faire ressembler chez Richard Quine. Vous avez eu assez de lucidité pour rester vous même et laisser Hollywood de côté. Mais pas trop loin.

Voilà. Pour retrouver ce sourire éclatant, cette grâce énergique, cet œil vif et malicieux, il faut vous revoir à vos débuts chez Joffé dans Les hussards en 1955 aux côtés de Giovanna Ralli et de Bourvil que vous retrouverez à plusieurs reprises. Vous y portez à ravir le corsage échancré 1800. Il faut vous voir en toge diaphane entre les beaux mâles Steve Reeves et Gordon Scott pour le Romolo e Remo (Romulus et Rémus - 1961) de Sergio Corbucci. Corbucci que vous inspirez puisqu'il vous fait dominer la distribution pléthorique de Il giorno più corto (Le Jour le plus court) en 1963 où vous portez de multiples tenues dont une superbe combinaison d'aviatrice façon Hélène Boucher. Avec cela, il y a la brune émouvante pour Pietro Germi, la collégienne chef de bande dans 5 marines per 100 ragazze (1961) de Mario Mattoli, où vous êtes entourée d'une belle bande de comiques (Ugo Tognazzi, Mario Carotenuto, Ciccio et Franco), le corsage à la rose aux côté d'Alain Delon, les lunettes intello pour Joseph Losey, la tenue orientale de Oggi, domani, dopodomani (1965) où Marcello Mastroianni, un rien mufle, vous revend à un émir, l'écharpe dans le vent du côté d'Étretat...

virna lisi

Dans tout ceci, il n'y a pas que des chefs d’œuvre, mais chère Virna ne vous en offusquez pas. Si vous n'avez pas eu la carrière d'une Claudia, vous faites partie de ces actrices qui même noyées au milieu de productions internationales poussives, y apportent toujours quelques minutes de lumière. Et vous avez préféré, aux temps difficiles du cinéma italien, la discrétion et le silence.

Votre mouche et votre sourire vont me manquer, chère Virna, encore qu'il me suffise de me replonger dans n'importe lequel des titres de votre filmographie, même chez Chéreau, pour y les y retrouver, espiègles, indispensables.

Photographies DR et Carl Fischer (1966)

19/12/2014

L'espace, camarades !

Planeta bur (La planète des tempêtes - 1959) un film de Pavel Klouchantsev

Texte pour les Fiches du Cinéma

En 1962, l'URSS a encore une longueur d'avance sur les USA dans la course à l'espace. John Fitzgerald Kennedy a galvanisé ses troupes avec la Nouvelle Frontière et en promettant un américain sur la Lune avant la fin de la décennie. Sur les écrans, Hollywood déverse des soucoupes volantes, des robots massifs et des monstres folkloriques. Qu'à cela ne tienne ! Les studios de Leningrad vont montrer ce qu'est un space-opéra marxiste-léniniste et ils ont sous la main le projet ambitieux de Pavel Klouchantsev, Planeta bur (La planète des tempêtes). Klouchantsev est loin d'être un débutant même si ce film est son premier long métrage de fiction. Il a débuté en 1930 et, opérateur de formation, il s'est intéressé aux effets spéciaux qu'il va développer et utiliser dans de nombreux films documentaires sur l’espace, sa passion. Il connaît un gros succès avec Doroga k zvezdam (La route des étoiles) qui sort en 1957 au moment du lancement du premier Spoutnik. Planeta Bur sort l'année du voyage de Youri Gagarine. Ces deux films fascineront les américains, en particulier Stanley Kubrick qui imagine déjà un voyage vers Jupiter. Klouchantsev envoie ses astronautes vers la planète Vénus avec des moyens, une vision ample et un zeste de propagande. Les valeureux soviétiques, dont une partie est victime d'un astéroïde, vont affronter diverses péripéties, un atterrissage périlleux, des décisions cornéliennes, un environnement hostile mais pas trop, des gaz toxiques, des dinosaures placides, une plante carnivore hilarante, des espèces de lézards sauteurs, et un décollage catastrophe. La liste n'est pas limitative, ouf !

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Planeta bur m'a laissé perplexe, faisant le grand écart entre la série B et la production de prestige, entre Star Trek et Andrei Tarkovski. Il est tour à tour ennuyeux et intéressant, amusant et pompeux. La volonté de rompre avec une esthétique occidentale (comprendre américaine) de pur divertissement bon marché se traduit par le choix de mise en valeur des extérieurs grandioses, par une volonté de réalisme dans les décors des vaisseaux, le soin apporté aux costumes et accessoires, les effets de vol ou d'apesanteur. Sur ces points, on comprend l'intérêt que pouvait manifester Kubrick qui reprendra les mêmes options. Cela donne de belles séquences comme Masha flottant dans l'habitacle avec beaucoup de naturel ou celle du survol de la surface de Vénus par un vaisseau. Par contre le robot John, construit par l'équipier américain pas très sympathique qui accompagne l'expédition, ne renouvelle pas le cliché de la boite de conserve sophistiquée et John n'a pas l'humour de Robby.

Sur la surface de Vénus les choses se compliquent et si les superbes décors naturels sont photographiés avec talent, Klouchantsev se lance dans des délires mal assumés avec une faune locale qui ne dépareillerait pas un film d'Ed Wood. Le numéro d'équilibrisme est difficile à tenir d'autant que les effets sont limités par la technique de l'époque. Les dinosaures sont statiques et les lézards sauteurs semblent sortis des studios de la Toho japonaise, le royaume des cascadeurs en costumes zippés. Le montage n'est pas utilisé pour dynamiser l'action et, curieux paradoxe, l'accumulation de péripéties sur une durée assez courte (83 minutes) n'empêche pas l'ennui de s'installer. Un ennui qui se renforce avec les personnages peu développés, comme est peu développé dramatiquement l'opposition entre l'individualisme de l’américain et l'esprit collectif de ses collègues. Les états d'âme de la seule femme du groupe laissée en orbite, le machisme étant bien partagé entre soviétiques et occidentaux, sont plus intéressants mais restent très théoriques. Faut-il faire confiance à la ligne du parti qui dirige avec lucidité l'expédition depuis notre bonne vieille terre où se laisser aller à ses sentiments ? La réponse est dans la question. Les quelques larmes que verse Masha nous semblent bien peu de choses pourtant elles furent reprochées durement au réalisateur. Une cosmonaute soviétique ne pleure pas !

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L'ironie d'aujourd'hui est peu facile. Planeta bur a tout de la curiosité un peu surannée nécessitant un peu de patience de la part du spectateur contemporain. Mais celui-ci pourra se laisser séduire par la photographie de Arkadi Klimov, les atmosphères soignées de la surface vénusienne, et de jolies trouvailles poétiques comme la découverte finale dont je ne dirais rien. A noter que les affaires étant ce qu'elles sont malgré les guerres froides, Roger Corman achètera le film et s'empressera d'en faire deux versions tripatouillées selon ses habitudes : Voyage to the Prehistoric Planet (1965) et Voyage to the Planet of Préhistoric Women (1968), le second avec le concours d'un jeune débutant nommé Peter Bogdanovich. Aucun de ces films n'a grandi l'histoire du cinéma. Planeta bur, lui, aventure dans les paysages balayés par les vents vénusiens, aura été un film étape, un jalon et une source d'inspiration, ce qui n'est pas rien.

A lire sur Devildead

A lire chez le bon Dr Orlof

Photographies : DVD Artus Film DR

18/12/2014

Est-ce que ça va les faire rire ?

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Ou l'angoisse du comique au moment de la prise de vue. DR.

08:45 Publié dans Ça | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre richard |  Facebook |  Imprimer |

17/12/2014

Un regard indépendant

The savage eye (1959) un film de Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick.

Texte pour Les fiches du Cinéma

Je ne sais pas si c'est propre à la France, mais nous avons un rapport que je trouve curieux à la notion d'indépendance dans le cinéma américain. Une bonne part de la critique et une fraction non négligeable du public se sont toujours passionnés pour les réalisateurs et des œuvres aux marges du système, comme John Cassavetes qui reste l'exemple emblématique. C'est une position qui tient sans doute à l'héritage de la Nouvelle Vague, à la théorie des auteurs, avec surtout ce mélange de fascination et de répulsion pour le modèle hollywoodien. L'indépendance, une notion vague par elle-même (De qui ? De quoi ? ), doit être comprise comme hors du système des studios, New-York contre Los Angeles. La notion est d'abord économique, ce qui est déjà discutable, puis acquiert rapidement une valeur artistique tout aussi discutable. L’indépendance devient alors une sorte de label, comme pour un poulet fermier, un gage de qualité, d'originalité dans le fond et d'audace sur la forme. Cette approche aura permis de mettre en lumière des personnalités atypiques mais fait un peu vite l'impasse sur le fait qu'il n'y a pas de réalisateurs plus indépendants que Howard Hawks, John Ford, Alfred Hitchcock ou Franck Capra, très confortablement installées dans le système. Avec le temps, le label s'est vidé de son sens comme le festival de Sundance créé par une star et devenu une véritable institution. La liberté est dans les têtes, pas dans les structures.

ben maddow,sidney meyers,joseph strick

Ce long préambule pour signifier mon état d'esprit face à The savage eye, l’œil sauvage, tout un programme, documentaire fictionné réalisé en 1959 par le trio Ben Maddow, Sidney Meyers et Joseph Strick. Un film estampillé « indépendant » comme il y a quelques années Little fugitive (Le petit fugitif – 1953) de Ray Ashley et Morris Engel. The savage eye propose un portait de l'Amérique de la fin des années cinquante à travers celui de Judith jouée par Barbara Baxley, actrice de télévision formée à l'Actors Studio, que l'on reverra chez Robert Altman, Martin Ritt ou Harold Becker. Judith débarque à Los Angeles pour y soigner ses blessures intérieures suite à un divorce. Le récit de fiction est pris en charge par un commentaire composé du dialogue entre Judith et son ange gardien, voix masculine. L'idée est originale, intéressante et fonctionne plutôt bien. Le texte est très bien écrit et joué avec conviction, mais il donne au film une ambiguïté qu'il ne résout pas. L’œil sauvage du titre est-il celui de Judith qui découvre la grande ville, celui de cet ange un rien psychiatre qui tente de la conseiller, ou celui du trio de réalisateurs qui observent les déambulations-prétexte de leur personnage ? Du coup, le dispositif du film séduit avant de s'épuiser petit à petit à mesure qu'il ne reste qu'un procédé.

Reste tout l'aspect documentaire qui offre une vision passionnante de l'Amérique, une certaine Amérique à une certaine époque, un pays assez peu glamour (donc peu hollywoodien), vulgaire et vain, avec ses habitants pris dans la société de consommation de masse, recherchant une beauté artificielle et un plaisir qui masquent mal l'ennui et le vide. Sous le regard de Judith défilent les délires publicitaires, les salons de coiffure, les clubs de jeu, les matchs de catch, la voiture reine (jolie scène d'un accident nocturne), les boites de nuits où l'on assiste à un strip-tease cotonneux. Un portrait à charge dont les images suffisent à dire le désespoir qui se lit entre chaque plan. Vision déprimante qui colle à l'état d’esprit du personnage principal. L'amour n'est ici qu'un échec supplémentaire où la violence machiste d'une rencontre passagère. La quête de spiritualité devient, le temps d'une séquence assez longue et plutôt hallucinante de prêche publique, une sorte de spectacle malsain où la bigoterie le dispute à la manipulation. Noir c'est noir, The savage eye se veut une incision sans concession.

ben maddow,sidney meyers,joseph strick

Le film m'a beaucoup fait penser à un autre film, indépendant aussi, Carnival of souls (1962), unique long métrage de fiction de Herk Harvey. L'errance de Judith m'a ramené à celle de Mary, jouée par Candace Hilligoss, et à la façon documentaire dont elle est intégrée dans son environnement, à tout ce que l'on peut voir de l'Amérique autour du personnage. Mais Harvey joue la carte de la fiction, du fantastique même, et une relation profonde se noue entre le spectateur et Mary. Je n'ai pas vraiment éprouvé ce genre d'expérience avec Judith malgré son dialogue avec l'ange. Elle m'est restée lointaine, distante, pas assez incarnée malgré la proximité que veut créer cette voix intérieure. The savage eye donne à réfléchir. Mais il fait aussi penser que cette force documentaire, réelle, nous l'avons éprouvée ailleurs : Dans les scènes tournées en extérieurs par Rudolph Maté, Arthur Lubin ou Jules Dassin, dans la vision de l'Amérique donnée par les grands films noirs, dans les matches de boxe filmés par Robert Wise, dans les portraits de prédicateurs joués par Burt Lancaster où Robert Mitchum. Judith aurait pu être une héroïne de Douglas Sirk qui a si bien peint lui aussi la détresse intérieure de l'Amérique des années cinquante et la place de la femme, divorcée ou pas.

Malgré ces réserves, The savage eye est sans doute une date, un prototype dont l'influence a été déterminante sur ceux qui l'ont vu et ont été séduit par son mode de production, léger et économique, par ses ambitions et sa prise de risque artistique. Il réunit une jolie collection de talents comme Ben Maddow, scénariste de John Huston sur Asphalt Jungle (Quand la ville dort – 1950), Sidney Meyer monteur de Martin Ritt sur Edge of the city (L'homme qui tua la peur - 1957), Joseph Strick au parcours atypique, pilote de chasse, réalisateur, producteur, dont le premier film sera sélectionné à Cannes en 1953, l'excellent compositeur Leonard Rosenman qui signera en 1978 la musique superbe de Lord of the rings (Le seigneur des anneaux) version animée par Ralph Bakshi, le chef opérateur Haskell Wexler qui travaillera evc John Sayles et Elia Kazan, Helen Levitt spécialiste de la photographie de rue, et encore Jack Couffer qui fera la photographie de Jonathan Livingston Seagull (1973) pour Hall Bartlett. Belle conjonction réunie autour de cette idée d'indépendance qui prend corps dans ce film atypique et ouvre la voie à d'autres regards. Indépendants.

A lire sur DVD Classik

Photographie : capture DVD Carlotta

14/12/2014

Lectures pour tous

L'équipe de Zoom Arrière se penche sur l'année 1972 marquée par un déferlement de violence sans précédent comme le note Édouard dans son éditorial. Belle année aux multiples titres réjouissants qui voit Luis Buñuel sur le podium tandis qu'un John Ford de la belle époque s'empare de la seconde place devant Stanley Kubrick en profitant d'une sortie tardive. FredMJG sort sans délai ses 67 de 72 avant d'enchainer par une rétrospective de 2014 mois par mois. Mais comment fait-elle ?

Sur 50 westerns from the 50s, on propose un blog-a-thon consacré à Randolph Scott du 23 au 25 janvier 2015. Les plumes françaises répondront-elles à l'appel ? Le bon Dr Orlof exprime pour sa part son enthousiasme  pour la ressortie récente du Wake in fright (1970) de Ted Kotcheff, comme Félix sur Il a osé !. Buster de Balloonatic ressort un texte sur le Salò (1975) de Pasolini.

La revue Zinzolin donne la parole à la rare, trop rare, Mireille Perrier. Et puisqu'elle parle bien entendu de Leos Carax, c'est l’occasion de découvrir le dernier film du réalisateur, très court, les deux minutes de Gradiva sur le site de la galerie du même nom.

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07/12/2014

Vengeance à la danoise

The Salvation (2014) un film de Kristian Levring

La bonne nouvelle avec The Salvation, c'est que les vieilles recettes du western sont toujours goûteuses. Kristian Levring et son scénariste Anders Thomas Jensen (co-auteur du Antichrist de Lars von Trier en 2009), sont danois mais ils connaissent leurs classiques. Soit John, ancien soldat et danois lui aussi, venu s'installer dans l'ouest avec son frère Peter. Il fait venir sa femme et son jeune fils, les récupère au train et prend la diligence pour les mener dans leur ranch. Hélas, ils sont au mauvais endroit au mauvais moment. Dans la diligence embarquent deux fieffés coquins qui enclenchent un engrenage de mort, de vengeance et de violence. Du solide diront les amateurs. Du réchauffé diront les détracteurs. Du solide dirais-je et qui a fait ses preuves. Pour peu que l'on ne cherche pas dans The Salvation ce qui n'y est pas, le film s’appréciera comme un bon morceau de blues ou un épisode de Tex Willer. Sa principale qualité est la conscience de ses limites. Kristian Levring joue le jeu du film de série aux moyens confortables, sans chercher à lui donner une portée historique, morale où métaphysique, qui en ferait une grenouille cinématographique prête à exploser. Le résultat, c'est que The Salvation est plus plaisant que l'opus de Quentin Tarantino qui prétendait nous donner une leçon sur l'esclavage tout en sifflotant du Trinità.

kristian levring,western

Cette ambition mesurée n'empêche pas de jolies choses question style. La scène du tragique voyage inaugural est une réussite plastique avec ses plans nocturnes et je crois bien que c'est la première fois que je vois une diligence éclairée à la lanterne de l'intérieur, filant dans le vaste paysage, l'Afrique du Sud donnant très bien le change en la matière. La confrontation entre la famille de John et les deux affreux est un modèle de variations dans l'espace clos du véhicule. Le réalisateur rejette la violence hors champ avec retenue alors qu'il sera beaucoup plus démonstratif par la suite.

Très référencé, le film arrive à maintenir une certaine cohésion dans sa mise en scène entre des éléments hétérogènes. Il y a d'une part l'influence du western italien dans nombre de cadres et dans certains motifs comme celui du héros crucifié où la relation entre le grand capitalisme de l'Est et les truands violents de l'Ouest menés par Delarue. Il y a ensuite l'influence du western américain moderne, celui des années soixante-dix en particulier, sensible dans la photographie un peu trop travaillée de Jens Schlosser qui évoque le travail d'un Vilmos Zsigmond pour Michael Cimino, le lyrisme en moins, les filtres d'un goût parfois douteux en plus. On retrouvera aussi des influences plus récentes comme à travers le personnage joué par Eva Green, muet et balafré, qui manque par trop de substance, ainsi que des effets venus du cinéma de distraction moderne comme ce mouvement avant rapide et à raz de terre vers John en train de faire feu couché sous un bâtiment.

Si tout ne fonctionne pas de la même manière, Kristian Levring s'en sort par un rythme soutenu et une action rapide qui va à l'essentiel. Signe de qualité à ce niveau, le film dure à peine plus de 80 minutes. Les moyens de cette production internationale sont suffisant pour lui permettre de soigner décors et costumes. Il croque ses personnages à grands traits avec là encore un bonheur inégal, mais peut se reposer sur des acteurs solides. Le beau Mads Mikkelsen a la prestance nécessaire dans le genre Anthony Steffen en mieux. La galerie des villageois otages de la vendetta croisée mais veules comme il doit, est menée par un Jonathan Pryce parfait. Les méchants ont la sale gueule de l'emploi et, dans un rôle improbable de corse émigré, Éric Cantona n'a que deux répliques, il est donc impeccable.

Photographie © Patrick Toscelli

04/12/2014

Filme encore si tu peux

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Giulio Questi (1924-2014)

Réalisateur, acteur, scénariste, monteur, homme de cinéma.

Photographie Centro Sperimentale Cinématographia

26/11/2014

27/29 novembre - Les 16èmes Rencontres

Les 16e Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice

Cinéma Mercury - Le Volume

27 – 29 novembre 2014

regard indépendant,super 8,vidéo,court métrage

Toute l'équipe de Regard Indépendant a le plaisir de vous convier aux 16ème édition des Rencontres Cinéma et Vidéo se dérouleront du jeudi 27 au samedi 29 novembre au sein de deux lieux culturels niçois : la salle le Volume et le cinéma Mercury.

L’association Regard Indépendant poursuit son travail de valorisation de la création indépendante et du format argentique super 8 qui fêtera l'an prochain ses cinquante années d 'existence.

Nous avons a choisi le thème aux multiples interprétations « Ville folle » pour ce rendez vous annuel. Les films réalisés tout au long de l'année sur ce thème, en super 8 sur le principe du « tourné-monté », seront projetés au cinéma Mercury le samedi 29 Novembre à partir de 20h30.

Les trois journées des Rencontres seront, comme à l’accoutumée, dédiées à la création cinématographique régionale. Il sera proposé une sélections de films d'école et d'ateliers et des courts métrages de réalisateurs et réalisatrices régionaux, films d'animation, fictions, documentaires et expérimental. Il sera possible de découvrir les œuvres de Florian Schonerstedt, Antoine Banni, Élisabeth Leuvrey, Jonathan Hudic, Julie Perreard ou Amine Sabir. Les réalisateurs seront présents pour répondre aux questions du public.

Pour tous ceux qui souhaitent passer à l'acte cinématographique, Guillaume Levil animera avec Xavier Ladjointe une séance spéciale autour de la réalisation et de la production indépendante le vendredi à 16h30. Sur les écrans également, La machina, original long métrage de Thierry Paladino qui va de village en village dans le sud de la France. Un film à voir en famille.

L'ouverture sera l'occasion d'une carte blanche à nos amis normands de La Petite Marchande de Films, d'un concert de Jean-Louis Chinaski et d'une nouvelle session de « Ramène ta bobine » ou les spectateurs sont invités à apporter leurs anciens films en super 8 pour une projection surprise.

Autour du super 8, nous proposerons vendredi 20h00 la découverte de Kodachrome, long métrage en forme de road movie réalisé par le collectif « K-14 », quatre jeunes réalisateurs belges épris de cette pellicule mythique.

Les 16èmes Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice

Du 27 au 29 novembre 2014

Cinéma Mercury – Le Volume – Nice

Tarif 4 € / Soirée Le grand soir du super 8 tarif unique 8 €

Contact : regardindependant@gmail.com

Tel : 06 23 07 83 52

Visuel : Didier Balducci

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23/11/2014

Trois petites notes de musique...

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Ella Raines (DR)

21/11/2014

Deux films de Henry de La Falaise

Legong: Dance of the Virgins (Legong, la Danse des Vierges - 1935) et Kliou the killer (1937), deux films de Henry de la Falaise

Gods of Bali (1952), un film de Robert et Allegra Snyder

Texte pour Les Fiches du Cinéma

Voici un homme comme on en fait plus, James Henri Le Bailly de La Falaise, marquis de La Coudraye, ou pour faire court Henry de La Falaise, authentique aristocrate français de vieille noblesse vendéenne, né en 1898 et très jeune passionné de l'art de son siècle, le cinéma. Il devient producteur puis épouse la star Gloria Swanson qu'il a rencontré lors d'un tournage à Paris en assurant les fonction d’interprète. Il part pour Hollywood, divorce, se remarie avec une autre star, Constance Bennet, et c'est avec elle qu'il va monter deux films atypiques et remarquables, Legong: Dance of the Virgins (Legong, la Danse des Vierges - 1935) et Kliou the killer (1937). Le premier est tourné à Bali qui à l'époque vient juste de s'ouvrir au monde occidental, le second se situe dans ce qui s'appelait l'Indochine alors sous contrôle français, et qui deviendra plus tard le Vietnam. Les deux films ont en commun de mêler la fiction et un exceptionnel regard documentaire, de mettre en scène avec franchise et respect les gens du pays, et d'être techniquement innovants en utilisant le tout récent procédé Technicolor deux couleurs. Il est sans doute difficile d'imaginer ce que cela pouvait représenter alors d'aller filmer dans ces pays, avec les contraintes du matériel, celles de la logistique et tout le reste, quand aujourd'hui on peut filmer la terre vue du ciel en toute quiétude.

henry de la falaise

La démarche de Henry de La Falaise s'apparente à celles de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack pour Chang (1927) en Indonésie, de Robert Flaherty parti filmer Nanouk l'eskimo, de Friedrich Wilhelm Murnau pour Tabu (Tabou – 1931) à Bora-Bora, ou encore de Titaÿna en Chine et d'André Sauvage puis Léon Poirier suivant La croisière jaune. Pour ces cinéastes aventuriers, l'expérience du tournage, le goût de l'exploration et de la découverte étaient aussi importants que les films qui en résultaient. Il s'agissait d'être là où cela se passait, de ramener de l'inédit, du jamais vu, en prenant de véritables risques tant physiques qu'artistiques, au prix parfois de quelques arrangements avec le réel (la « mise en scène » de Flaherty sur Nanouk par exemple). Ne négligeons pas non plus le côté « temps béni des colonies », l'aventure exotique alors en vogue qui se déroule aussi dans le cadre d'un mouvement violent de main mise sur d'immenses territoires et de leurs populations. Il y a pourtant dans les démarches précitées une bonne dose de sincérité, un regard ouvert et qui prend aujourd'hui toute sa valeur tant il restitue au mieux des mondes disparus. Films précieux qui contrebalancent les innombrables productions à l'exotisme de studio. Puissance du cinéma. Et puis il y a de la lucidité quand Cooper et Schoedsack créent le personnage de Carl Denham dans King Kong (1933), ils donnent d'eux même un portrait équilibrant les qualités viriles, l’enthousiasme de l'homme de spectacle, et les défauts d'un homme égoïste capable de faire prendre tous les risques à ses équipes. Henry de La Falaise se met en scène dans le prologue de Kliou the killer, casque colonial, tenue de baroudeur, pipe et moustache de séducteur, presque une caricature, mais qui s’efface pour laisser toute la place aux acteurs indochinois.

henry de la falaise

Legong: Dance of the Virgins est une pure merveille visuelle. La restauration du Technicolor aux dominantes rouges et vertes de William H. Greene par la UCLA Film and Television Archive rend la richesse des costumes, les quotidiens comme ceux de cérémonie, le chatoiement des étoffes, les multiples nuances de l'environnement, la beauté des pierres des anciens temples et les teintes cuivrées des carnations. De La Falaise et Greene donnent à leur film une grande sensualité en s'attachant aux textures et à l’atmosphère particulière et envoûtante du pays. La partie fiction est d'une simple beauté : Une jeune fille, Poutou, experte dans la danse des vierges, tombe amoureuse de Nyong, joueur de gamelan. Le père est d'accord, mais le jeune homme tombe amoureux de la demi-sœur. Une trame mélodramatique sur laquelle se greffent de nombreuses scènes captant les rites de « l'île des Dieux », danses, cérémonies de crémation, processions, ainsi que les occupations plus quotidiennes comme le marché ou les combats de coqs. La sensualité passe par une approche franche des corps, nombre de jeunes femmes déambulant le plus souvent torse nu, ce qui conduisit de nombreux pays à censurer plusieurs passages. Les acteurs locaux, Poetoe Aloes Goesti (Poutou), Saplak Njoman (Saplak la demi-soeur) et Njong Njong Njoman (Le joueur de gamelan) jouent avec beaucoup de naturel et donnent une troublante vérité à des personnages schématiques. Leur retenue, grande qualité au cinéma, apporte une jolie qualité d'émotion, comme dans la scène du pont où tout passe par le regard et la mise en scène avec les qualités du grand cinéma muet. Fiction et documentaire sont harmonieusement mêles, la première s'intégrant sans heurt dans le second. Ainsi c'est au cours d'une répétitions de la danse des vierges que Poutou tombe sous le charme de Nyong et la longue scène finale est directement liée à son sort. De La falaise fait preuve d'une grande sensibilité dans ses compositions, cadres classiques, amples, juste distance avec les personnages, et gros plans expressifs utilisés avec une parcimonie qui en assure l'efficacité. Legong: Dance of the Virgins est une œuvre originale et puissante, célébration et découverte d'un monde disparu restitué dans toute sa beauté et sa pureté.

henry de la falaise

Kliou the killer n'a pas la chance du film précédent. La copie couleur semble perdue et le film se découvre en noir et blanc. C'est à la fois dommage mais pas si grave dans la mesure où la photographie de Greene rattache le film aux autres œuvres de l'époque et le sujet, la traque d'un tigre mangeur d'hommes par deux jeunes villageois, se prête plus à un visuel dramatique que le noir et blanc renforce. Le film met en scène son propre récit et Henry de La Falaise se présente à l'écran pour venir raconter à un ami installé dans un petit poste isolé, l'aventure de chasse qui lui a été racontée par la tribu des Moi. Il y a là encore une intrigue sentimentale, le jeune Bhat aime la jolie Dhi, mais cette fois le père n'a pas le garçon en grande estime. Papa ayant été blessé par le tigre, Bhat se met en chasse avec Nyan, le jeune frère de Dhi. Kliou the killer ne donne pas dans le spectaculaire, mais se concentre sur une description quasi ethnologique de la vie quotidienne, avec les moments au village, les discussions collectives, les techniques artisanales autour de la préparation d'un feu ou de la confection des armes de chasse, un arc redoutable qui aura raison du félin. Nous retrouvons les mêmes qualité dans le jeu des acteurs, la sensualité autour du personnage de Dhi et cette fraîcheur du regard du réalisateur qui, passé l’introduction laisse s'exprimer totalement les acteurs locaux jouant leur propres rôles. L'immersion dans le monde des Moi est ainsi aussi complète que possible, le dépaysement total.

henry de la falaise

Présenté en complément dans l'édition proposée par les Films du Paradoxe, Gods of Bali est filmé par une équipe hollandaise menée par Nikola Draculik et supervisé par Robert et Allegra Snyder. Le film date de 1952. Beaucoup plus classique dans sa forme, il fait ressortir par ses limites la réussite éclatante des films de Henry de La Falaise. Tourné en noir et blanc, il est centré sur les mêmes cérémonies religieuses qui pâtissent de la perte de la couleur. Un commentaire sentencieux, très démonstratif, donne une trop grande distance par rapport à ce qui est montré. Il n'y a pas de recours à la fiction et aucun personnage ne se détache. Le film enchaîne les scènes avec clarté mais sans accrocher ni éblouir. Si le travail de photographie est correct, il ne trouve jamais la poésie visuelle, ni rien de la sensualité de ses modèles tournés quinze ans plus tôt. Il y a pourtant de jolis moments d'ambiance sur les scènes de transe filmées de nuit qui évoquent le travail de Jean Rouch en 1955 sur Les maîtres fous.

henry de la falaise

Photographies : captures d'écran DVD Films du Paradoxe