03/02/2014
Rappelle toi, Barbara
Coup d'envoi à la semaine Barbara Steele sur Inisfree avec quelques citations extraites du numéro 17 (juin 1967) de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique.
« ...je comprends votre enthousiasme au sujet des films fantastiques. Moi-même le fantastique m'attire, mais pas les films dans lesquels je joue. J'essaye d'échapper à ces rôles, alors si vous voulez bien terminer votre table ronde sans moi... Qui vient se promener ? » (Barbara Steele – Festival de San Sebastian – 1965)
« Apparition enfin, la plus belle, la plus émouvante, qui suspend les battements du cœur et du temps, de cette jeune fille réelle, vivante et morte à la fois, mais réelle et terrorisée, brune et vêtue de sombre sur un fond de ciel d'orage, parmi les ruines, tenant en laisse deux chiens de haute race, et dont les yeux ne cillent pas, mais s'ouvrent là, sur une invite irrésistible à l’Épouvante » (Jean-Paul Török – Positif n°40)
« Celle qui est tout à la fois la fée griffue des dessins de Chas Addams et le Véra du conte de Villiers » (Jean-André Fieschi – Les Cahiers du Cinéma n° 166-167)
« La fille illégitime de Chris Lee et d'une Cyd Charisse minellienne » (Ramon Moix – Film Idéal)
« (elle possède) un visage tout à la fois anguleux et rond que la lumière façonne et modifie pour mettre en évidence les pommettes aiguës et le front haut et bombé. Ses immenses yeux verts filmés sur pellicule panchromatique deviennent noirs et liquides... Elle est aussi la seule femme de l'écran capable de ricaner avec ses paupières et l'une des rares aujourd'hui à posséder un vibrato et un trémolo... » (Raymond Durgnat – Motion n°4)
« Les apparitions de Barbara sur un écran participent tout à la fois d'un intellectualisme ultra sophistiqué et d'un sadisme extrêmement sensuel. Le moindre de ses gestes évoque l'image fascinante de reflets jouant sur le cuir noir... » (James R. Silke – Cinéma volume 2, n°1)
« Son physique étonnant (grande, mince, très féline) lui a permis d’interpréter remarquablement des rôles de sorcière... de femme victime d'un mari nécrophile... etc. Elle est la seule raison d'aimer Huit et demi de Fellini » (Candide n°277 – Guide de la conversation contemporaine)
"(...) l’icône Barbara Steele qui est ici, une fois de plus extraordinaire. Sa beauté vénéneuse, ses yeux démesurés en font encore une espèce de sorcière inquiétante, toujours guettée par la folie." (le bon Dr Orlof)
Photographies : Midi-Minuit fantastique / Collection personnelle / Artus Films
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01/02/2014
Le vent se lève
Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change!
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge
La vie est vaste, étant ivre d'absence,
Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.
Le cimetière Marin - Paul Valéry / Kaze tachinu (Le vent se lève - 2013) - Hayao Miyazaki
Photographies © Nibariki - GNDHDDTK
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31/01/2014
Relax (2)
Pola X (1999) de Leos Carax. Photographie DR.
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29/01/2014
Une semaine avec Barbara Steele
A partir du 3 février et pour toute la semaine, Inisfree rendra hommage à une actrice qui brille haut dans notre panthéon personnel, la belle et sulfureuse Barbara Steele. Je me livrerais donc sans retenue à mon idolâtrie en images et avec quelques textes sur plusieurs fleurons de sa carrière dans le fantastique, une carrière qu'elle a longtemps affecté de ne guère estimer, lui préférant ses contributions à un cinéma plus exigeant, celui de Federico Fellini ou Volker Schlöndorff. Apprécier ces dernières n'empêche pas de mettre haut ses compositions uniques de personnages aux doubles visages pour Mario Bava, Riccardo Freda, Antonio Margheriti ou Camillo Mastrocinque.
Ce que je fais.
Rendez vous donc à partir de lundi et je lance un appel à tous ceux qui souhaitent se joindre à moi pour cette semaine et participer au coup de chapeau à la plus fascinante des amantes d'outre-tombe.
Photographie Artus films
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25/01/2014
Vérités et mensonges
The fallen idol (Première désillusion) – Un film de Carol Reed – 1948
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Quand on est enfant, le monde est un endroit merveilleux où tout est vrai. Le père Noël vit au Pôle Nord, Peter Pan vole et la petite souris récupère les dents tombées. Puis petit à petit, on apprend que tout est faux et le monde perd de sa magie. Il devient quelque chose d'autre, moins facile, souvent plus terne. On grandit. Les adultes entretiennent ces mensonges, peut être par nostalgie, mais ils s'illusionnent avec d'autres choses : le pouvoir, l'amour, l'art, la religion. Le mensonge est peut être nécessaire pour vivre et la vérité à manier avec précaution. Voici des questions intéressantes à aborder à travers le cinéma, art de l'illusion et du mensonge par excellence, du faux-semblant, du trucage et du jeu. Un art qui trouve probablement sa vérité dans ses artifices.
The fallen idol (Première désillusion) que réalise le britannique Carol Reed en 1948 aborde ces thèmes de manière magistrale. Le film raconte l'histoire d'un petit garçon, Philippe, fils de l'ambassadeur de France à Londres. Il vit dans cette grande demeure comme dans un monde de conte de fée, cavalant sans cesse d'un niveau à l'autre, solitaire, laissé à lui-même par ses parents si occupés. Connaissant les moindres recoins, il observe la vie des adultes, élève un orvet dans un trou de mur et se régale des récits du majordome Baines, récits d'aventures exotiques, de combats héroïques et d'animaux sauvages. Philippe voue une admiration sans bornes à Baines qui est bien sûr un homme ordinaire et sympathique, à l'étroit dans son costume d'adulte et qui trouve, en s'occupant du garçon un exutoire à son propre imaginaire. C'est aussi que Baines est marié à la gouvernante de l'ambassade, une de ces gouvernantes à la manière de la Mrs. Danvers du Rebecca d'Alfred Hitchcock. Autoritaire, frustrée, sadique, menteuse elle-même mais autrement, elle exerce sont petit pouvoir sur son mari et sur Philippe en véritable fasciste domestique.
Le scénario de The fallen idol est dû à Graham Greene. Le grand écrivain collabore deux fois avec Reed, sur ce film puis enchaîne sur The third man (Le troisième homme) juste après. Si l'on en croit les protagonistes, l'expérience fut bonne. On retrouve dans le développement de l'histoire les motifs favoris de l'auteur : mensonge, faux-semblants, manipulations psychologiques, mythomanie, et cette aspiration un peu désespérée à se sortir des rigidités d'une société aux valeurs faussées. Le film se focalise sur un moment dramatique qui va se résoudre en énigme policière. Le moment où les mensonges amusants de Baines et ceux, innocents, de Philippe, vont basculer dans les mensonges autrement dangereux des adultes. A l'occasion d'un voyage de ses parents, Philippe échappe à la garde de Mrs Blaine et découvre fortuitement le secret du majordome : il est amoureux d'une belle française, Julie, et envisage mollement de s'enfuir avec elle. Coincé, Blaine ment. Elle est sa nièce et ceci, et cela... Philippe bien sûr ne voit pas le changement de nature du mensonge que révèle la mise en scène et les complexes jeux de regards. Voilà nos héros en pleine fuite en avant et Philippe confronté à une terrible épreuve. Quand le couple provoque bien involontairement la mort de Mrs Blaine, la police débarque. Philippe, fidèle à son ami comme peut l'être un enfant, tente de le sauver en multipliant les mensonges. Puis conscient qu'il doit dire la vérité, il a tellement menti qu'il n'est plus cru. L'idole du titre qui s'écroule, c'est l'image d'un Blaine fort et aventureux. C'est aussi, sérieusement surévaluée, la valeur que l'on peut accorder à la vérité. Le spectateur est pareillement malmené dans ses certitudes puisque c'est en disant la vérité pour arranger les choses que Philippe risque de perdre son ami en faussant le réel. Car une vérité peut en cacher une autre. Et heureusement qu'il n'est pas cru.
Un sujet en or à la mécanique de pur suspense parfaitement huilée. Carol Reed sert ce récit d'une mise en scène somptueuse. Après Odd man out (Huit heures de sursis) en 1947 et avant The third man, il réalise un trio exceptionnel d'inventivité visuelle, de maîtrise et d'intensité dramatique, occupant d'une certaine façon la place laissée vacante par Alfred Hitchcock resté à Hollywood. Il adopte le point de vue de l'enfant pour nous faire partager sa vision du monde quotidien par un travail de caméra très mobile qui parcourt tout l'espace de l'ambassade, grande demeure classique aux multiples recoins. A l'extérieur, Reed alterne avec un égal bonheur les décors quotidiens (la pâtisserie où Philippe découvre le couple, le zoo) avec ceux déformés par la perception des personnages, héritage de l’expressionnisme, avec cette impressionnante scène de la fugue nocturne dans les rues brumeuses (forcément) de Londres. La scène est digne d'un film d'horreur gothique avec ses cadres déformés, plongées et contre-plongées, effets d'ombres très noires et très étirées. Reed filmera Vienne de la même façon l'année suivante. La photographie est cette fois signée du français Georges Périnal à qui l'on doit celle assez sublime de The Life and Death of Colonel Blimp de Michael Powell et Emeric Pressburger en 1943 et celle de leur version du Voleur de Bagdad en 1940 qui lui valut un oscar. Périnal a travaillé pour Jean Grémillon, René Clair, Jean Cocteau, Michael Powell, Charlie Chaplin et Otto Preminger, cela donne une idée du niveau d'exigence visuelle. Passé ce morceau de bravoure, le film déplace le point de vue de l'enfant sur le majordome. Quand la partie policière prend le pas, l'empathie que l'on porte au personnage de Blaine, nourrie de la délicatesse dans la description de sa romance avec Julie, déplace les enjeux. Nous nous attachons alors aux personnages adultes, à leur qualités et à leurs rêves d'adultes. Le suspense provoque également l'identification au couple adultère mais sincère d'autant que l’interprétation de Ralph Richardson et de Michèle Morgan (ah, ces yeux...) est virtuose. Reed reviendra sur la détresse du petit garçon à la toute fin pour un final un peu amer mais tempéré d'une pointe d'humour à travers les portraits des policiers excédés par le gamin.
Le jeune Bobby Henrey, parfait débutant choisi par Carol Reed, est remarquable dans le rôle de Philippe. Le rôle est complexe et ce n'est jamais facile de faire tourner un enfant. Prenant son temps (huit mois de tournage), Reed obtient un des grands portraits de l'enfance à l'écran. Sonia Dresdel est tout aussi parfaite en Mrs Baine, le genre de femme que l'on adore détester. Michèle Morgan donne beaucoup de présence au seul personnage stable de cette histoire, ce qui le met un peu en retrait. Il y a beaucoup à dire sur la performance de Richardson, tour à tout drôle, pitoyable, émouvant, courageux et lâche. L'acteur fait passer cette complexité par de subtiles nuances tout en conservant cette raideur qui sied à un sujet de sa gracieuse majesté qui plus est majordome. Son aspiration à une autre vie, sa capacité à être proche de l'enfant comme de la romantique Julie, sa passion véritable pour elle, sa façon de raconter des histoires comme si elles étaient vraies, en font un personnage d'une grande richesse humaine. The fallen idol est à tout point de vue un régal pour les yeux et l'esprit. Une œuvre majeure d'un cinéma britannique trop souvent négligé.
Photographies Rex Features
15:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carol reed | Facebook |
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24/01/2014
Hommage musical à Riz Ortolani
22:08 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : riz ortolani | Facebook |
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22/01/2014
Relax (1)
Gloria Grahame et Sterling Hayden sur le tournage de The naked alibi (1954) de Jerry Hopper. Photographie Universal
19:53 Publié dans Relax | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
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18/01/2014
1962 en 10 + 2 (autres films)
Une belle année 1962 à (re)découvrir sur Zoom Arrière. John Ford domine une dizaine de titres magnifiques suivis par de nombreux films tout aussi estimables avec une prédominance marquée de réalisations italiennes. Un cinéma alors plein de vitalité, tant dans le domaine des films prestigieux et ambitieux que dans celui d'un cinéma populaire plein d'éclat. Voici, au-delà du peloton de tête, dix images marquantes de cette année 1962, avec les chasseurs magnifiques et décontractés de Howard Hawks, Claudia Cardinale et sa valise, les cow-boys fatigués de Sam Peckinpah, Les titans de Tessari, Herbert H. Heerbert dans son incroyable maison de poupées, "Si j'aurais su, j'aurais pas venu", Anita Ekberg géante, la mélancolie jazz de John Cassavetes, l'enfer mythologique de Mario Bava, le plus beau film d'Arthur Penn, les gros bras et la robe diaphane de Virna Lisi, et la fantaisie médiévale de Nathan Juran. Photographies DR piquées un peu partout.
14:02 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sergio corbucci, howard hawks, john cassavetes, nathan juran, valério zurlini, federico fellini, mario bava, duccio tessari, arthur penn | Facebook |
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12/01/2014
"L'arbre mort" de Joseph Morder - Un texte de Josiane Scoleri
Tourné en 1987, L'arbre mort de Joseph Morder sera présenté pour la première fois à Nice ce samedi 18 janvier 2014 en présence du réalisateur. Gérard Courant, l'ami de longue date, sera également présent pour Le journal de Joseph M., documentaire de 1999 qui lui est consacré.Un évènement organisé par les associations Cinéma Sans Frontières et Regard Indépendant
18 janvier 2014 - Séances à 18h00 et 20h30 – Cinéma Mercury – 16 place Garibaldi – Nice
L'arbre mort de Joseph Morder
Un film en blanc, bleu, noir avec quelques touches de rouge
Texte de Josiane Scoleri – Cinéma Sans Frontières
Avec L'arbre mort, nous sommes transportés dans la Côte d'Azur mythique, telle qu'elle restera à jamais gravée dans la mémoire de tous les cinéphiles, entre Belle Époque et films de Hitchcock.Nous sommes en même temps dans les mélodrames hollywoodiens de la grande époque, chez Douglas Sirk ou Vicente Minelli, Couples flamboyants, belles dames énigmatiques et si élégantes, Décorum un rien guindé des belles demeures où évoluent comme dans un aquarium des familles distinguées et délicatement décadentes... Tous les lieux du films ont cette aura de « luxe, calme et volupté » qui rima longtemps avec French Riviera.. Et pourtant le film a été tourné en super 8, comme on imaginerait un rejeton inattendu de l'Arte Povera au cinéma...
Joseph Morder se plait à jouer avec les codes et à déjouer l'attente du spectateur. D'abord, par la non- linéarité du récit, et là nous sommes dans l'anti -Hollywood par excellence. Nous ne savons pas toujours si nous sommes dans le récit au présent ou dans celui de la mémoire ; Ensuite par un remarquable travail sur le son, la voix off et les dialogues, souvent en décalage. La voix off se superpose volontiers aux dialogues et les rend inaudibles ou presque. Et tout est dans ce « presque. ». qui renforce l'atmosphère de chaque scène en frustrant le spectateur qui espère un instant, par un regain d'attention, combler les lacunes ou les ellipses grâce aux échanges entre les personnages. Sans oublier l'intermède musical quelques part au milieu du film. Joseph Morder aime les voix de femmes et les chansons d'amour qui finissent mal dans les cabarets enfumés.
Mais peut être L'arbre mort est -il avant tout,un film sur la couleur et la lumière. Là encore, nous sommes sur la Côte d'Azur élue de tous les peintes du début du siècle :Matisse, Bonnard ou Dufy pour citer d' entrée de jeu les grands coloristes. Certains plans sont d'ailleurs directement inspirés de ces tableaux qui ont fait de la lumière leur véritable matière(cf la lecture de la lettre derrière les persiennes ou les scènes sur la Promenade des Anglais). Et très naturellement, avec cette sensibilité d'un homme qui a grandi dans le grand Sud, Joseph Morder joue avec subtilité des contrastes entre l'ombre et la lumière et va jusqu'à créer des ambiances de pénombres intimistes tournées à contre-jour (nous sommes très loin d' Hollywood dans la forme et pourtant si près de l'esprit du mélodrame déployant tous ses artifices pour que la pellicule vibre du magnétisme qui traverse les couples seuls au monde, entièrement absorbés d' eux mêmes).
Laura presque toujours en blanc, Jaime en noir dans les bleus de la mer et du ciel. Le film offre une palette réduite qui revient comme un leit-motiv et contribue fortement à l'unité formelle du récit... Les plans fixes se succèdent rapidement, les clins d'oeil au cinéma aussi. Le super 8 ,de par ses contraintes propres, accentue le côté livre d'images ou faux film d'amateur. Et le puzzle prend forme peu à peu sous nos yeux. Et la Côte d'Azur devient le lieu de toutes les escales comme de la destination finale, quelque part en Amérique latine, dans une fluidité sans faille.
C'est là que le rouge va entrer en scène. Rouge de la passion amoureuse bien sûr, (d'ailleurs la jeune fiancée délaissée porte une robe bleu un peut éteint à pois blanc) mais aussi - et de manière plus surprenante – rouge de l'ardeur révolutionnaire.. Cette trame tardive vient ajouter une dimension totalement inattendue à ce qui était jusqu'ici la belle histoire stylisée d'un coup de foudre. La narration acquiert une profondeur soudaine et introduit pour la première fois des personnages autres, qui n'appartiennent pas au cénacle. D'abord l'ami en rupture de ban qui s'est retiré du monde et qui porte d'ailleurs un pull rouge – c'est la première fois que cette couleur apparait à l'écran - puis les domestiques qui sont les premiers à connaître la nouvelle du coup d’État et à l'annoncer aux maîtres.
Le réel qui avait été si minutieusement tenu à l'écart fait violemment irruption avec le texte du communiqué de presse diffusé à la radio. A la fois grotesque et sinistre, il pourrait parfaitement être celui de Pinochet ou de Videla au moment du putsch, dans leur obsession de l'ordre et de la morale catholique. Tout d'un coup le film bascule et s'accélère, L'espace d'un instant nous ne savons pas à quelle bifurcation, à quel retournement nous allons avoir droit. Mais nous pouvons faire confiance à Morder. Il tient bon la barre et veille au grain. Bien vite nous retrouvons nos deux amants qui courent éperdus, elle en rouge, lui en noir. Des retrouvailles oh combien romantiques,certes mais s'agit-il d'une fuite, sont-ils en danger ? Des coups de feu retentissent, Nous sommes au cimetière, la mort rôde. L'arbre mort prend des faux airs de film à suspens sur toile de fond politique, qui l'eut cru? La maestria du réalisateur est tangible dans cette rupture de rythme aussi soudaine que fugace, car très vite tout s'apaise. Le mélodrame reprend tous ses droits. Les amants se sont retrouvés pour ne plus se quitter. La voie de l'amour est libre.
Et pour boucler la boucle, la scène finale est le contre-point parfait de la si belle scène dans la chambre aux volets clos : à une lettre d'amour conjugal raisonnable et prévisible lue dans un intérieur douillet protégé d'une trop forte lumière et d'une trop grande chaleur répond une lettre de rupture plutôt froide lue dans la grisaille d'un square parisien. Sous ses airs modestes, L'arbre mort se révèle être une grande et subtile leçon de cinéma.
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08/01/2014
Les indiens ne sont plus très loin
Tournage de Stagecoach (La chevauchée fantastique - 1939).
06:06 Publié dans Acteurs, Cinéma, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john ford, john wayne, andy devine | Facebook |
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06/01/2014
13 assassins
Jūsannin no Shikaku (13 assassins) - Un film de Takashi Mike - 2010
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Du réalisateur nippon Takashi Miike, je connais mal la carrière prolifique. Sorte de Quentin Tarantino au soleil levant qui tournerait plus vite que son ombre, il a construit sa réputation sur une accumulation de films un peu cinglés, puisant largement dans le cinéma de genre. Sa mise en scène allie un côté clinquant à une certaine virtuosité technique et un goût prononcé pour la provocation. J'avoue ne pas avoir été convaincu par Ôdishon (Audition – 1999) et sa violence au sadisme complaisant, et être resté dubitatif devant sa variation sur le western italien, Sukiyaki western Django (2007) inspiré du maestro Sergio Corbucci. Et oui, certains japonais ont une passion pour le genre, sans doute le côté samouraï des héros. Toujours est-il que ces dernières années, sans renoncer à ses premières amours, Takashi Miike s'est lancé dans de nouvelles versions de classiques du cinéma japonais avec ces 13 assassins qui revisitent Les 13 tueurs de Eiichi Kudō, un film de 1963, et Ichimei (Hara-Kiri, mort d'un samouraï – 2011) qui reprend en couleurs et en relief le film de Masahi Kobayashi de 1962. Pour ce dernier film, Miike se voit sélectionné en compétition officielle à Cannes, une première pour un film en 3D. Changement de braquet pour le réalisateur qui ralentit le rythme de ses tournages et donne deux œuvres plastiquement superbes, ambitieuses, respectables et respectées.
Les 13 assassins qui nous intéressent ici, enfin moi c'est fait, vous j'espère que cela se fera, n'a pas bénéficié d'une véritable sortie en salle, ce qui est dommage. Le film garde encore quelques traces du Miike provocateur, notamment à travers le personnage sadique du seigneur Matsudaira Naritsugu et d'une jeune villageoise horriblement mutilée dans la tradition du Divin Marquis. Mais c'est peu en regard du souffle épique et de l'ampleur de la mise en scène de l'ensemble. Jūsannin no Shikaku fonctionne sur un schéma éprouvé, celle du petit groupe de spécialistes chargés d'une mission à hauts risques, entre les 14 amazones et les 7 samouraïs. Le futur shogun étant un bel enfant de salaud, un haut dignitaire du régime charge le sage Shinzaemon de réunir une équipe pour l'éliminer discrètement et dans le respect des hiérarchies rigides et des subtils jeux de pouvoir du Japon des années 1840. Cette mission si vous l'acceptez, ni vous ni vos hommes ne serez couverts. Shinzaemon réunit onze hommes prêts au sacrifice de leur vie pour faire la peau à Naritsugu au cours d'un voyage officiel. Comme dans le film d'Akira Kurosawa, le numéro 13 sera un électron libre, inattendu et capital, un chasseur qui, sauvé par notre groupe, les guidera en retour à travers une impénétrable montagne. Recrutement, préparation, voyage, escarmouches, embuscades et grand combat final, le scénario de Daisuke Tengan qui n'est autre que le fils de Sohei Immamura pour lequel il a écrit les trois derniers films, est linéaire. Tout est dans le détail, le style et le traitement.
De par l'ampleur du combat final, Jūsannin no Shikaku se rapproche beaucoup du classique de Hong Kong, Beach of the war gods réalisé en 1973 par Jimmy Wang Yu qui joue également le rôle principal. La scène représente un bon tiers du film et laisse littéralement sur les genoux. C'est une sorte de danse de mort, un déchaînement de violence filmé comme un monstrueux ballet ou comptent les mouvements des groupes, les 13 contre les centaines de soldats de Naritsugu, et les mouvements des corps. Sauts, roulades, parades, chutes, on pense plus à un Gene Kelly armé d'un sabre qu'à autre chose. Ceci est renforcé par une bande son saturée de cris, de râles, des sifflements des armes et des déchirements des chairs. Pourtant la distance, historique, exotique, et la démesure même du spectacle désamorcent le potentiel côté malsain de cette violence stylisée comme chez Wang Yu, Chang Cheh ou Sergio Corbucci, et permettent d'en jouir sans entraves. D'un autre côté, le regard porté par le réalisateur sur ses personnages, notamment à travers le regard du noble Shinzaemon, font la critique de cette violence comme chez Kurosawa ou Sam Peckinpah. C'est un équilibre délicat que l'on pouvait penser difficile à tenir de la part de Miike, mais il y parvient avec élégance et lucidité.
Sous l'apparence classique d'un film léché (la photographie de Nobuyasu Kita, les cadres au millimètre, le montage de Kenji Yamashita dont le tempo s'emballe pour le final, les moyens confortables), Miike se livre à un portrait au vitriol d'une époque condamnée à disparaître. Cette société est paralysée par ses codes trop rigides et elle enfante des monstres comme Naritsugu qui utilisent ses valeurs pour les dégénérer et exercer leurs pires instincts. Le futur shogun ne se cache même pas de mépriser ces valeurs qui lui assurent l'impunité. Face à lui guerriers et politiques n'ont que l'honneur et le respect à la bouche mais les pratiquent à géométrie variable. Naritsugu massacre et torture, pousse au suicide rituel, sans que personne ne puisse agir sinon au prix de sa propre vie. Dans un tel monde pourri de l'intérieur, le respect authentique des codes comme le pratique le groupe de Shinzaemon ne peut que mener au sacrifice sans même la consolation de la reconnaissance, sinon de sa propre conscience. Miike exprime tout ceci en des images fortes comme lors de la constitution de l'équipe, les manières très intériorisées dont les samouraïs expriment leur fidélité et leur admiration pour leur maître, cruelles lors de l'ultime confrontation entre Shinzaemon et son ancien ami et élève Hanbei, lié par son service au maléfique Naritsugu. Miike fait passer la relation profonde entre les deux hommes et le déchirement de celui qui n'arrive pas à surmonter ce lien déviant pour se ranger au côté de l'amitié vraie. Là encore passe le souvenir des relations entre les personnages de Peckinpah.
Et comme chez Kurosawa, c'est du treizième élément, la pièce rapportée par hasard, que va s'exprimer la conviction profonde du réalisateur. Miike dépasse les discours sur l'honneur et le reste en donnant une voix aux véritables opprimés. Dans ces jeux complexes de pouvoir et de domination, ce sont les petites gens, les paysans, qui toujours souffrent en silence. Ici, il y a Koyata, le chasseur, un homme des bois, un sauvage, un libertaire dans l'âme, fantasque et plein d'humour, coureur de jupons à la saine sexualité. Il s'oppose ainsi à Naritsugu qui ne jouit que de la douleur, comme aux autres personnages qui sont abstinents, à l'exception notable de Shinroukuro, neveu de Shinzaemon et présenté comme un jouisseur ayant rejoint l'équipe pour trouver une sorte de rédemption. Koyata se bat sans armes ni code de l'honneur, il n'est pas samouraï, mais n'en est pas moins efficace. La langue bien pendue, il met directement les gens face à leur contradictions et n'a guère plus de considération pour les 13 assassins que pour leur cible, se rangeant aux côtés des premiers uniquement parce que leur cause semble désespérée et que cela l'amuse. La conclusion du film pourrait reprendre celle de celui de Kurosawa : «Ce n'est pas nous qui avons gagné, ce sont les paysans», mais exprimée cette fois par l'un d'entre eux avec une bonne dose d'ironie. Koyata a toute la sympathie de Miike (Shinroukuro aussi dans une moindre mesure), il représente le monde moderne qui rejette sans un regret tout ce Japon féodal qui s'auto-détruit dans l'apocalypse finale. Il est assez tentant de faire glisser cette lecture à notre époque moderne et aux nouvelles féodalités, on y retrouve sans peine le côté iconoclaste du réalisateur quand à la vision son pays.
La portée du film est néanmoins atténuée par le schématisme de certains personnages, en partie pour des questions de durée. Le film proposé par la belle édition Métropolitan Vidéo est la version internationale de 126 minutes alors que la version d'origine en fait 141. Les scènes supplémentaires que l'on peut découvrir n'apportent pourtant pas grand chose de plus. Et puis 13 personnages, c'est beaucoup. Il fallait sans doute choisir. Malgré de beaux efforts dans la première partie et le jeu impeccable de tout le monde, Miike sacrifie certains développements psychologiques à l'ivresse d'un cinéma d'action somptueux où le plaisir de image et du mouvement se donne libre court.
Photographies Toho / Source Allociné
11:39 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : takashi miike | Facebook |
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03/01/2014
2013, et pour quelques films de plus...
Une nouvelle année riche en découvertes en tous genres, mais essentiellement en DVD, en grande partie grâce à ma collaboration avec les Fiches du Cinéma. Impossible cette fois encore de me livrer à l'exercice si prisé du top, du flop ni même du non-top, vu le peu de films de l'actualité en salles que j'ai réussi à voir. Néanmoins, entre les occasions qui font le larron, les festivals et les rattrapages de Zoom Arrière, voici une petite sélection des films qui m'ont marqué cette année avec inévitablement :
Lincoln– Steven Spielberg
Ensuite, une jolie dizaine :
Springsteen and I - Baillie Walsh / Dream baby dream - Thom Zimny et Chris Hilson
10 millions – Foniké 2012 – Jérémie Lenoir
Qurban (Sacrifice) - Anar Abbasov
Soshite Chichi ni Naru (Tel père, tel fils) - Hirokazu Kore-eda
Jodorowsky's Dune - Franck Pavich
The grandmaster – Wong Kar-wai
La vénus à la fourrure – Roman Polanski
Dast-neveshtehaa nemisoozand (Les manuscrits ne brûlent pas) - Mohammad Rasoulof
Tram - Michaela Pavlátová
Borgman- Alex van Warmerdam
Et puis quand même :
Nos héros sont morts ce soir - David Perrault
La fille du 14 juillet - Antonin Peretjatko
Le sens de l’orientation - Fabien Gorgeart
Tian Zhu Ding / A touch of sin - Zhangke Jia
Et puis, d'un peu plus loin :
Jūsannin no Shikaku (13 assassins - 2010) de Takashi Mike
The exiles (1961) de Kent McKenzie
Man Hunt (Chasse à l'homme – 1941) de Fritz Lang
L'amour d'une femme (1954) de Jean Grémillon
Pick up on south Street (Le port de la drogue - 1953) et China gate (1957) de Samuel Fuller
Odd man out (Huit heures de sursis - 1947) et Fallen idol (Première désillusion- 1948) de Carol Reed
Photographies : 20th Century Fox / ARP Sélection / Anar Abbasov / Wild Bunch Distribution / Gaumont.
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01/01/2014
Bon vent pour 2014 !
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31/12/2013
1961 en 10 (autres) films
Pour bien fêter la fin d'année, permettez moi de vous offrir un bilan de l'année... 1961 telle qu'explorée par l'équipe de Zoom Arrière. 1961, Ce sont Rocco, ses frères, Lola, les héros urbains de Samuel Fuller, Mabuse, les jardins étranges de Resnais et les Désaxés de Huston. Mais 1961, belle année finalement, grâce à l'Europe, le Japon et les outsiders américains, ce fut aussi l'année de la découverte tardive d'un film précieux d'Ingmar Bergman avec le visage de Eva Henning, de Spartacus, de la première mise en scène de Jerry Lewis dans un palace, d'un vélo d'appartement et d'une engueulade en Série Noire, de Claudia Cardinale toujours resplendissante, de Charlton Heston héroïque au possible, d'un loup-garou anglais, d'un Colosse à Rhodes et d'une belle Oldsmobile branquignolesque, tandis que perché sur sa tour, le guerrier solitaire attend de donner l'inspiration à un Sergio romain. Photographies DR piquées un peu partout.
18:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingmar bergman, jerry lewis, stanley kubrick, robert dhéry, akira kurosawa, anthony mann, sergio léone, mauro bolognini, jean luc godard, terence fisher | Facebook |
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30/12/2013
Scénario
Scénario de War party qui va devenir Fort Apache (Le massacre de Fort Apache) tourné en 1948 par John Ford - Source Walter Film Museum
19:09 Publié dans Cinéma, Curiosité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john ford | Facebook |
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28/12/2013
Le colibri au tournant
Tout à commencé par la lecture cet été de l'excellent livre de Claude Beylie et Philippe d'Hugues Les Oubliés du cinéma français (Éditions du Cerf). Un bon livre de cinéma doit donner envie de voir ou revoir les films qu'il aborde. Explorant avec une belle érudition, mais sans lourdeur académique et avec humour souvent, les recoins les plus obscurs du cinéma français, ce livre est un vaste coffre aux trésors. Parmi ceux-ci, deux chapitres mettent en parallèle les destins tragiques de deux acteurs. Robert Lynen, jeune héros du Poil de carotte (1934) de Julien Duvivier, entré dans la Résistance et fusillé à 23 ans en 1944. Et Corinne Luchaire, fille de Robert Luchaire patron de la presse collaborationniste fusillé à la Libération, qui mourut de tuberculose à 29 ans en 1950. Si je connaissais l'histoire du premier, j'ignorais tout de celle de la seconde. Piqué dans ma curiosité, aie, j'ai enchaîné avec Corinne Luchaire, un colibri dans la tempête de Carole Wrona (éditions de la Tour verte), et assez naturellement, je me suis mis sur la piste des films joués par cette jeune femme que l'on décrit comme une si remarquable actrice. Pas évident. Mais j'ai mis la main finalement sur Le dernier tournant de Pierre Chenal, tourné en 1939, première adaptation du fameux Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain avant celles de Luchino Visconti en 1942, des américains Tay Garnett en 1946 et Bob Rafelson en 1981 avec la fameuse étreinte entre Jessica Lange et Jack Nicholson dans la cuisine, et quelques autres encore venues de Hongrie, d'Allemagne ou d'Autriche.
Tourné dans les Alpes Maritimes, le film de Pierre Chenal alterne décors de studios (à Saint Laurent du Var) et extérieurs sauvages, sans doute du côté du col de Vence, territoire dépouillé où est installé la station service de Nick (joué par Michel Simon) et de sa jeune épouse Cora (Luchaire). Fidèle au roman, le drame se déclenche quand débarque Frank (Fernand Gravey), vagabond et repris de justice, sympathique quand même, qui est accueilli à bras ouverts par Nick.C'est que malgré son naturel jovial, son chat, sa jolie femme et son accordéon (on pense bien sûr à l'Atalante), Nick s'ennuie comme un rat mort dans son trou et il est ravi de se trouver un ami. Nick engage donc Frank et l'installe chez lui. Et ce qui devait arriver arrive.
Le dernier tournant est l'avant dernier film de Corinne Luchaire, juste avant la guerre. Elle y apparaît en brune et entre Simon, très à l'aise dans un personnage d'anar un peu pathétique, avec ce mélange de gentillesse et de maladresse dont il a le secret, et Gravey en beau gosse de l'époque, fine moustache, sobre dans l'égoïsme de Frank mais manquant un poil de charisme. La jeune actrice joue la carte du silence. Son personnage économise ses paroles en laissant exprimer sur son visage une lassitude agacée qui va laisser place à un désir passionnel irrésistible tandis que se libère, avec les perspectives ouvertes par l'arrivée de Frank, sa haire profonde pour son époux. Corinne Luchaire dégage une belle sensualité, avec ses pulls moulants, sa silhouette frêle, son regard brûlant. Elle a une façon de lancer ses répliques signées Charles Spaak avec vivacité, un peu saccadées comme certaines actrices de comédie américaine de l'époque. Il est juste de dire que son jeu tranche sur celui de ses contemporaines, du côté langoureux d'une Michèle Morgan, gouailleur d'Arletty ou d'Odette Joyeux, de la candeur de Danièle Darrieux. Corinne Luchaire a comme des absences où elle laisse deviner un monde intérieur inaccessible, rompu par de brusques éclairs de gaieté ou de colère. Son style est celui des années soixante qu'illustreront Catherine Spaak, Françoise Dorléac ou Diana Rigg. Dans sa mélancolie un peu agressive, je retrouve quelque chose de la Catherine Deneuve de La sirène du Mississippi (1968) de François Truffaut, peut être cette lassitude bousculée par la passion, très physique au départ mais qui va s'éveiller à l'amour, amour dont l'authenticité sera longtemps soumise au doute. Luchaire donne à Cora son visage à l'étrange beauté avec ce nez particulier qui la positionne entre petite fille et jeune femme. Cora est un personnage difficile. Archétype de la garce de roman noir, elle veut quand même tuer son mari et manipule sexuellement Frank pour le faire, mais elle est aussi une victime. Elle a été mariée trop tôt et l'on sent bien que malgré sa gentillesse, Nick a sauté sur l'occasion. Du coup, Cora est étouffée par les rêves qu'on lui a rentré dans la gorge et qu'elle essaye désespérément de faire vivre à travers Frank, un brave gars finalement, mais pas à la hauteur. Et puis faible. Corinne Luchaire rend bien la double dimension du personnage, peut être parce qu'elle la sent proche d'elle qui est prise entre ses ambitions d'actrice, ses succès très jeune, son statut de fille de, son indifférence à un monde en convulsions, ses échecs sentimentaux et sa santé fragile (le tuberculose qui finira par l'emporter). Elle donne de la vérité à Cora qui file vers son destin tragique sans réaliser la gravité de sa faute morale. Il est tentant de filer le parallèle avec le destin de l'actrice. Mais le film vient avant.
Voilà qui suffit à rendre le film passionnant, mais ce serait dommage de le réduire à cette seule dimension. Pierre Chenal met le film en scène avec soin quoique sans génie, selon les standards de qualité de l'époque dans la veine du réalisme poétique. L'ambiance « noire » est bien rendue par la photographie de Christian Matras qui venait de signer les images de La fin du jour de Julien Duvivier et alterne scènes nocturnes assez expressionnistes avec la dureté de la lumière du sud-est en plein jour. Le visage de Corinne Luchaire est particulièrement soigné en des portraits qui rendent justice aux expressions de l'actrice. Il est aussi toujours plaisant de voir s'animer dans de tels films la France d'une autre époque. L'arrière plan contemporain, les voitures, les façons de s'habiller, de se coiffer, les accessoires, dans ce film a volonté réaliste comme dans la version de Visconti (alors que le Garnett est un film de studio et le Rafelson une reconstitution) sont un régal. Il y a un côté documentaire tramé dans la fiction, partiellement involontaire mais qui gagne en valeur avec les décennies passées, comme par exemple l'importance que prend l'enseigne lumineuse au-delà de celle que lui donne le récit dramatique. Au-delà du trio d'acteurs, il faut noter la présence toujours agréable de Charles Blavette qui apporte une couleur locale bienvenue, et surtout une prestation savoureuse de Robert Le Vigan en cousin maître chanteur, suave et visqueux comme il su l'être. Sa grande scène avec Corinne Luchaire est un beau moment du film. En septembre 1944, il sera avec l'actrice et son père du voyage à Sigmaringen, ultime aventure du gouvernement de Vichy. Destin, quand tu nous tiens.
Photographies Cinémathèque française / Tout le Ciné
A lire sur le site du Ciné-Club de Caen
A lire sur Notes on cinematograph, en anglais, bel article qui nous apprends que le film avait été interdit aux USA et qui étudie plus en détail le style de Pierre Chenal.
00:28 Publié dans Actrices, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : corinne luchaire, pierre chenal | Facebook |
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25/12/2013
Aurens en tournage
19:16 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david lean | Facebook |
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24/12/2013
Joyeuses fêtes !
19:29 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : catherine deneuve, jacques demy | Facebook |
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23/12/2013
B comme bain
Elle a raison, vous avez besoin d'un bain
Quoi de plus naturel qu'un bain? Quoi de plus banal ? Pourtant, peu d'actes de la vie quotidienne ont autant inspiré les réalisateurs. On voit assez rarement des personnages cuisiner ou repasser leur linge. Encore moins passer l'aspirateur ou aller aux toilettes. Vous me direz qu'il y a de brillantes exceptions, mais ce n'est rien comparé à la proportion proprement astronomique de scènes se déroulant dans une baignoire. Et je ne parlerais même pas des films de cul ni de la variante pourtant excitante des scènes de bain en pleine nature dont le sommet est le bain matinal de Tarzan et Jane dans Tarzan et sa compagne en 1934. Maureen O'Sullivan, future maman de Mia Farrow, y évolue dans le plus simple appareil. Quoique doublée, ce n'est pas une chose banale dans le contexte du cinéma américain de la grande époque. Cela méritait d'être cité.
Prenons une scène classique : un couple se dispute, un cow-boy fatigué se relaxe, une reine se prépare à recevoir un empereur. Que cette scène se déroule dans un bain et vous obtenez une scène potentiellement anthologique. C'est simple le cinéma non ? Il y a une jolie réplique sur le sujet dans un film de Godard, vous chercherez. On se souvient donc de BB et Michel Piccoli dans Le Mépris (justement, plus la peine de chercher), d'Eli Wallach dans son bain mousse de Le bon, la brute et le truand de Léone, Sergio, d'Elizabeth Taylor, paix à ses seins, en Cléo marinant dans sa baignoire piscine en attendant Marc Antoine Burton.
La baignoire a don été exploitée pour sa dimension tout autant dramatique qu'érotique, voire comique. Et l'on se permettra de mêler les différentes options lorsque Marilyn Monroe est contrainte d'appeler un sympathique plombier pour décoincer son orteil pris dans le robinet. De sa baignoire, voyons, faut suivre. Le film, si vous ne l'avez vu ce qui serait dommage, c'est 7 ans de réflexion griffé Billy Wilder, et la scène est le fantasme de son héros malade et accessoirement voisin du dessous de la belle. Façon de parler parce que s'il est malade, c'est parce qu'il est voisin de la belle. Qui ne verrait sa température monter en de pareilles circonstances ?
Le bain stimule donc l'imagination, celle des voisins comme des autres, des réalisateurs en particulier qui nous ont composé de bien belles images, pour hommes comme pour femmes. C'est le bain perpétuellement interrompu de Robert Mitchum dans El Dorado, le bain toujours repoussé de Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest, le bain terrifiant des Griffes de la nuit qui manque d'engloutir Heather Langenkamp, Le bain collectif du cercle de la merde dans le Salo de Pasolini, le bain tendu entre soldate russe et soldat allemand dans Croix de fer, le bain malicieux qui voit le petit plongeur de plastique s'avancer entre les cuisses de Victoria Abril dans Attache moi. Des bains comme s'il en pleuvait. Bains révélateurs, juste ce qu'il faut, des plastiques de Jean-Paul Belmondo, Steve McQueen, Rhonda Fleming et Françoise Fabian. Qui révèlent tout ce qu'il faut quand trempent les belles Ingrid Pitt ou Edwige Fenech. Très concerné par la Révélation, Cecil B. DeMille espérait celle de la poitrine de Claudette Colbert en tournant Le signe de la croix en 1932. Il fit donc de la scène du bain de Messaline le sommet de son film, décidé à y passer le temps nécessaire. Hélas, la belle déjoua toutes les ruses du réalisateur, s'entourant d'une équipe de jeunes femmes expertes dans l'art de manier peignoir et serviettes. Elles entouraient l'actrice plus vite que ne se précipitait le regard de Cecil qui en fut bien marri. Frustré au-delà du raisonnable, c'est de ce temps qu'il en conçu sa totale calvitie, on en sait des choses, ici. Mais quel bain !
Des bains encore, confessionnal original pour Marc Gibaja où son héros fait défiler ses amis dans sa baignoire sous le regard d'une caméra, symbole de réussite avec cigare et coussins de mauvais goût pour le Scarface de De Palma, torture hygiénique pour Don Saluste aux mains de son Blaze de serviteur dans La folie des grandeurs de Gérard Oury. Bain figure imposée à toute jeune actrice française avec si possible immersion complète histoire de voir si la belle sait retenir sa respiration. Avec accessoire choisi comme le chapeau de Romy Schneider dans Max et les ferrailleurs, avec bureau façon Clifton Webb dans Laura, habillé façon Tony Curtis dans Certains l'aiment chaud, Intello façon Godard avec un livre à la main, à deux, à trois, à cinq dans une barrique façon Peckinpah. Le bain, c'est bien. Sur cette forte sentence et avant de me laisser aller à l'évocation des baignoires en tant qu'objets, je vous prie de passer à la lettre C.
11:07 Publié dans Petit dictionnaire cinéphile | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : dictionnaire | Facebook |
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21/12/2013
Fritz Lang par William Friedkin
11:14 Publié dans Cinéma, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fritz lang, william friedkin | Facebook |
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