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11/08/2012

Dinosaures ! (2)

james k. shea

Voici un morceau de pellicule que j'aurais bien aimé découvrir à 10 ans. Au milieu des années 70, j'aimais les films d'aventures colorées avec de grosses bestioles comme la trilogie de Kevin Connor inspirée par Edgar Rice Burroughs ou The last dinosaur (Le dernier dinosaure – 1977) réalisé par Alexander Grasshoff et Shusei Kotani. Il y a eu à l'époque un regain d'intérêt pour ce genre de choses, sans doute entretenu par le médiatique et hérétique King Kong de John Guillermin en 1976. A 10 ans, on possède encore une fraîcheur qui fait accepter bien des choses. Plus tard, trop vite, ça se complique.

Pour Planet of the dinosaurs (La planète des dinosaures), c'est très, très compliqué. Imaginez que vous ayez réunit quelques amis sur quelques week-ends pour vous amuser à faire un film dans un coin paumé et pelé., avec trois lignes de scénario griffonnées sur un bloc note. Voilà, il y a de fortes chances que vous obteniez le film que James K. Shea réalise en 1978, réaliser étant un bien grand mot. D'ailleurs, Planet of dinosaurs est l'unique œuvre de son auteur et cela peut se comprendre. Cela peut éventuellement se regretter tant Shea avait le sérieux potentiel d'un héritier d'Ed Wood.

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La chronique du bon Dr Orlof

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la très belle affiche dans le style de Franck Frazetta, source The End

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10/08/2012

Dinosaures ! (Entracte)

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Bien plus belles que le film, les photographies d'exploitation de Unknown island (L'île inconnue - 1948 de Jack Bernhard. Source : www.fourcolorcomics.com

08:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jack bernhard |  Facebook |  Imprimer | |

09/08/2012

Dinosaures ! (1)

jack bernhard

Cela commençait plutôt bien. Dans un bouge de Singapour débarquent l’héroïne et son fiancé. Carole Lane a l’assurance piquante des personnages féminins de Howard Hawks. Ils viennent recruter un solide marin, un capitaine avec la carrure et les poings à la Wallace Beery. Le décor est pauvre mais correctement filmé, la photographie de Fred Jackman Jr., Robert Gough, Milton Gold est en Cinécolor, un procédé proposant une alternative bon marché au Technicolor et qui a aujourd’hui un certain charme. Nos amis discutent et l’on nous promet de l’aventure, de l’île perdue et des dinosaures. Dans la foulée, on embarque sans ménagement un beau gosse alcoolique traumatisé par une précédente expédition dans la fameuse île et vogue le navire. En réalisant Unknown Island (L’Île inconnue) en 1948, Jack Bernhard suit son King Kong (L’unique celui de 1933), sur le bout des doigts palliant au mieux des moyens bien moindres. Pour agrémenter la traversée, il a l’idée d’une mutinerie de l’équipage malais, torses nus et bandanas, que le cap’tain Tarnowski règle à coup de gourdin. Et puis on arrive sur l’île.

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Photographie © Film Classic

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03/08/2012

Jane Russell aux révolvers

Posons au préalable qu’un film réalisé par Allan Dwan est toujours à priori excitant. Pionnier de Hollywood, maître du muet (on lui doit le Robin des Bois avec Douglas Fairbanks en 1922), réalisateur et prolixe de près de 400 titres, il pratique un cinéma direct et exaltant et la (re)découverte de ses films à petits budgets des années 40 et 50 est un bonheur sans cesse renouvelé. Posons également qu’un film dans lequel joue Jane Russell est toujours à priori agréable. Grande brune aux longues jambes et aux formes aérodynamiques, Jane Russell "The bust" pour d’évidentes raisons, est également une actrice piquante avec un brin de nonchalance. Son jeu franc, physique et intemporel fit les délices de réalisateurs comme Howard Hawks ou Raoul Walsh. Elle excelle dans la comédie, danse, chante et retire ses bottes admirablement.

allan dwan,western

Le premier dirige la seconde dans Montana Belle (La Femme aux revolvers), western de série tourné en 1948 mais sortit en 1952. Jane y est Belle Starr, personnage réel de l’Ouest légendaire, à l’instar de Calamity Jane ou Annie Oakley, espionne confédérée et copine du gang des frère James, elle finira lâchement révolvérisée, les bottes aux pieds. Du gâteau pour le cinéma ! Belle Starr sera interprétée par Betty Compson en 1928, Gene Tierney en 1941, Marie Windsor en 1954, Elsa Martinelli en 1968 et Pamela Reed en 1980, entre autres. Pour Allan Dwan, Russell campe une belle Starr fraîchement veuve, redoutable aux révolvers et calculatrice. Elle s’acoquine cette fois avec le gang des Daltons, les classiques, pas ceux de Morris. C’est Bob qui l’a sauvée du lynchage et s’est épris d’elle. Las ! La belle ne l’aime pas plus que ça et sa présence crée des tensions au sein du groupe masculin « Squaw no good » crache Ringo, l’indien de la bande. Tension d’ordre érotique bien entendu, érotisme un peu bridé de la part de Dwan qui sera plus inventif en d’autres occasions. Reste une bien jolie scène avec Belle en Blanche-Neige et les 7 membres du gang qui suivent chacun de ses gestes dans leur modeste demeure.

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Sur Critikat

Photographie RKO / Cinéma.de

01/08/2012

Et si je disais...

hawks-hepburn-grant.jpg

...I just went gay all of a sudden !

Howard Hawks, Katharine Hepburn et Cary Grant sur le tournage de Bringing up baby (L'impossible monsieur Bébé - 1938 / Photographie source Dear Old Hollywood

25/07/2012

Souvenirs d'Ernest Borgnine

Les films ne changent peut être pas le monde, mais si j'en crois ma modeste expérience, ils peuvent profondément influencer les vies. Ainsi la mort récente d'Ernest Borgnine, vénérable acteur hollywoodien, ma fait souvenir que mon antimilitarisme viscéral tient largement à sa composition en Fatso Judson dans From here to eternity (Tant qu'il y aura des hommes– 1953) de Fred Zinnemann. Découvert enfant, ce personnage de sergent bestial et sadique, bête et méchant, persécutant les sympathiques Monty Clift et Franck Sinatra, m'avait terrifié et marqué bien au-delà de l'enlacement marin de Burt Lancaster et Deborah Kerr. Loin de toute considération idéologique et malgré les nombreuses alternatives fordiennes nettement plus sympathiques, Fatso Judson a figé en moi l'image du sous-officier comme cauchemar de l'homme civilisé à éviter absolument. Borgnine lui prête ses yeux ronds sous des sourcils broussailleux, sa silhouette trapue toute en puissance contenant mal une terrifiante violence, son cou de taureau, son front bas et cette moue haineuse qui glace le sang.

ernest borgnine

J'associerais longtemps le rôle à l'acteur, apportant un supplément de frissons à ses personnages de salauds souvent frustres qu'il joua avec délectation. Donnegan dans la bande de truands de Vera Cruz (1955), le chef viking Ragnar qui meurt l'épée à la main dans la fosse aux loups du film de Fleischer, Emmett, l'un des violeurs de Raquel Welch dans Hannie Caulder (1971), Shack qui traque impitoyablement les vagabonds et affronte Lee Marvin dans Emperor of the north pole (L’empereur du Nord - 1973), le patron tyrannique de Willard (1971), le patriarche mexicain raciste qui chasse ce brave George Hilton en provoquant la mort de son nouveau né dans Quei disperati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre desperados – 1969) ou encore le red neck Coley qui se fait dérouiller par Spencer Tracy dans A bad day at Black Rock (Un homme est passé – 1955). Jolie collection non exhaustive.

Un autre rôle marquant, c'est celui de Bart Lonergan dans Johnny Guitar de Nicholas Ray. « Bart, tu ne bois pas, tu ne fume pas, tu méprises les chevaux, qu'est-ce que tu aimes ? » lui demande son complice Dancing' Kid. « Moi ! Je m'aime moi et je prends soin de moi » lui réplique de doux Bart qui, à force d'asticoter Johnny « Guitar » Logan finit par se prendre (encore) une bonne trempe. Suffisant et égoïste, il trahira Dancing' Kid et poignardera lâchement le sympathique Corey avant de se faire abattre. C'était bien la peine. Il a un échange inoubliable avec Sterling Hayden qui joue Johnny :

- Je ne cherche pas les ennuis M Lonergan

- Bart ! Tous mes amis m’appellent Bart

- Merci M Lonergan.

ernest borgnine

Ses rôles plus nuancés restent marqués par cette image comme le rancher finalement pathétique de Jubal (L'homme de nulle part - 1956). Borgnine joua pourtant avec autant d'aisance les braves types comme le fameux Marty qui lui apporta la gloire et l'oscar (Film que je n'ai jamais vu et dont je me suis toujours méfié car il est une étape essentielle de la déchéance du Hollywood classique) ou le flic traquant la Mafia sicilienne dans Pay or Die (1960). Il me fallu attendre Peckinpah et The wild bunch (La horde sauvage – 1969) avec le personnage de Dutch Engstrom pour que je reconsidère notre homme. Dutch est la conscience morale de Pike joué par William Holden, son Jiminy Cricket. Il est le membre le plus pondéré de la horde, celui qui a du recul.

- Il a donné sa parole - dit Pike, parlant de son ami Deke Thornton

- Il a donné sa parole au chemin de fer ! - réplique Dutch

- C'est sa parole.

- Ce n'est pas ce qui compte, c'est à qui on la donne !

Inoubliable dans sa façon de tailler un bout de bois tandis que ses amis visitent les prostituées du camp de Mapache, inoubliables ces regards échangés avec un sourire et ce rire avec cet éclat particulier dans l'œil quand il comprend que Pike ira jusqu'au bout et qu'ils vont partir en beauté en se payant Mapache et ses tueurs. Et Dutch meurt le dernier, pleurant le nom de son ami.

Borgnine jouera un tas d'autres choses, curé dans les entrailles du Poséidon, chef de secte à tête de bouc, partenaire du super flic Terence Hill, Cabbie dans le New-York futuriste de John Carpenter, le vieil homme illuminé de soleil par la chute des tours le 9 septembre 2001. Il restera un acteur d'un bloc, cette force brute entre Fatso et Dutch.

Photographies : Hollywood Elsewhere et Republic Pictures / Getty Images

24/07/2012

L'enfer selon Charles Marquis Warren

Écrit et réalisé en 1952 par Charles Marquis Warren, Hellgate s'appuie sur les bases du classique de John Ford The prisoner of Shark Island (Je n'ai pas tué Lincoln– 1936). Juste après la guerre de sécession, un vétérinaire est accusé de complicité avec la guérilla (bandes de sudistes ayant refusé de se rendre et continuant un combat douteux) parce qu'il a soigné un fugitif. Il est condamné et envoyé dans un bagne où il subit de très dures conditions et la haine d'un officier nordiste. Son comportement lors d'une épidémie de typhus l'aidera sur la voie de sa réhabilitation. Soit.

charles marquis warren

Hellgate est un pur western de série B des années 50 ramassé sur 87 minutes, tout petit budget pour modeste studio spécialisé, schématique, inventif et efficace. C'est le second film de Charles Marquis Warren, un spécialiste du genre après l'original Little Big Horn (1951). Écrivain, Warren a écrit l'histoire de Only the valiant (Fort Invincible – 1951) que réalise Gordon Douglas, et a été scénariste pour André de Toth, John Farrow ou Jerry Hopper. Warren fait partie de ceux qui ont apporté un coup de neuf au genre, par des récits plus âpres, une description plus réaliste de l'Ouest, que ce soient les conditions de vie (sueur, chaleur, poussière, hostilité des paysages) ou le traitement de la violence. Placé dans des conditions extrêmes, ses héros sont toujours proches du point de rupture et les conflits se résolvent par l'expression d'une brutalité quasi animale s'éloignant du romantisme prévalant jusqu'alors dans le genre. Ses mises en scène, pourtant, ne traduisent imparfaitement cette approche originale. Inventif par intermittence, il manque d'originalité, de souffle et d'un véritable sens de la tragédie.

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Le DVD

Sur DVDClassik

Sur le forum Western Movies

Affiche DR

22/07/2012

Saine lecture

Les images secondent, à 24 par seconde, pour nous aider à mieux percevoir le monde. Derrière le délicat jeu de mots Ludovic Maubreuil, l'une des plus belles plumes (devrais-je écrire l'un des plus beaux claviers ?) cinéphiles d'Internet, a réunit une collection de textes que l'on a pu lire, pour certains, sur Kinok, Causeur ou son blog Cinématique. D'autres encore sont inédits mais tous participent à l'expression d'une pensée libre et originale. Et malgré la dent parfois dure, avec humour quand il le faut, ce qui est toujours appréciable. Ludovic Maubreuil a la plus haute idée du cinéma qui est la seule qui vaille. Les images secondent fait suite au Bréviaire de cinéphilie dissidente (paru en 2009 aux éditions Alexipharmaque) et travaille cette idée, combattant avec ténacité ces films qui, pour reprendre une expression de François Truffaut "ne vibrent pas".

Face au cinéma masqué derrière la pure distraction, la posture arrogante, la provocation de principe, manipulant mollement et sans finesse, se tenant à distance par ses schémas rabâchés et se technologie lassante, Maubreuil met en avant un cinéma qui "nous correspond puisque nous l'habitons". Un cinéma qui prône le dialogue, la participation active avec le spectateur, la réflexion au risque de la contradiction, la poésie au risque du vertige, l'éclat de beauté dans l'œil. Un cinéma qui vomit les tièdes mais qui accompagne à la vie à la mort - Intranquille.

ludovic maubreuil,critique

Au fil de ces pages ordonnées en abécédaire, de A comme Antimoderne à Z comme Zone, se succèdent Robert Guédiguian, Jean Rollin et sa passion de la femme, Dario Argento et ses folies, Terrence Malik, Federico Fellini, Leos Carax (dommage que le livre soit sortit avant Holy motors), Michaël Powell et Eric Pressburger. Panthéon personnel agrémenté de quelques coups de sang. Multiplicité des époques et des styles, diversité des univers qui prennent, portés par une langue impeccable, la cohérence de celui de l'auteur.

Le bréviaire, c'est le livre utilisé par les religieux catholiques pour les offices. Il contient les textes régissant la liturgie ainsi que l'ensemble des règles régissant les différents rites selon les occasions. Les images secondent est la suite directe du Bréviaire de cinéphilie dissidente, et comme lui, c'est un acte de foi et un sermon (au sens religieux), une manière de rendre à cet art si jeune, si bousculé, quelque chose de son caractère sacré pour les zélateurs que nous sommes. Et malgré les quelques piques délivrées à Steven Spielberg, je dirais que si nous ne partageons pas absolument toutes les chapelles, ce qui serait bien monotone, nous nous reconnaissons dans la même religion. Parole d'athée !

Le livre

Photographie Mauvais sang (1986) de Leos Carax source Notes on movies.

19/07/2012

Moebius - Miyazaki

16/07/2012

Pas de miracle à Santa Anna

Spike Lee est un virulent défenseur de la cause noire américaine dont il a fait l'enjeu central de son œuvre de cinéaste. Comme il n'a pas sa langue dans sa poche, cela l'a amené à polémiquer publiquement lors des sorties de Saving private Ryan (Il faut sauver le soldat Ryan – 1998) de Steven Spielberg et surtout du diptyque de Clint Eastwood sur la bataille d'Iwo Jima, à propos de la place du soldat noir dans la représentation hollywoodienne de la seconde guerre mondiale. C'est à dire de son absence. Eastwood, fidèle à sa réputation, l'a envoyé balader sèchement et c'est... Spielberg qui a joué les casques bleus, avec succès semble-t 'il. Historiquement, Lee a tort. L'armée américaine des années 40 pratiquait la ségrégation et les unités de soldats noirs n'étaient pas considérées, souvent reléguées à l'intendance. Aussi elles n'étaient engagées ni sur les plages normandes du 6 juin, ni sur Iwo Jima. Mais Lee a raison sur l'absence globale de GI's noirs, les buffalo soldiers, sur les écrans. De mémoire, le premier personnage conséquent est mis en scène par l'italien Roberto Rossellini dans son Païsa de 1946.

spike lee

Il y a peut être une forme d'hommage de la part de Spike Lee quand il décide répliquer à travers le cinéma et réalise en 2007 Miracle at St. Anna situé en Toscane. C'est aussi parce qu'il existait un régiment noir sur le front italien, ce qui en fait le cadre idéal pour la vision que veut faire passer le réalisateur. D'entrée il pose l'objectif de son film. En 1983, un vieil homme, Hector Negron, regard à la télévision John Wayne dans un passage de The longest day (Le jour le plus long – 1962), la superproduction hommage de Darryl F. Zanuck. « Nous aussi nous avons combattu dans cette guerre » murmure amèrement Negron. Problème, Spike Lee développe ce programme clair à partir d'un scénario de James Mc Bride (adapté de son roman) inutilement complexe, qui s'étire sur 160 minutes et multiplie les sous-intrigues. Par la confusion qu'il engendre, il finit par perdre son objectif de vue et pire, se coule dans une forme classique imitant maladroitement les films sont il se veut l'alternative. Dit autrement, Lee substitue ce qu'il estime être des clichés par d'autres clichés tout en étant incapable d'une approche esthétique originale.

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We fought thas war too sur le site de Roger Ebert

Photographie : RottenTomatoes

23:43 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : spike lee |  Facebook |  Imprimer | |

11/07/2012

Les joies du bain : duo western

Nous ne serons jamais au bout de nos surprises en matière de sensualité dans le cinéma américain de ces années cinquante réputées si prudes. Et c'est heureux. Les sublimes Rhonda Fleming et Jan Sterling se livrent de concert à leurs ablutions dans le western de Jerry Hopper Pony Express (1953). Leur ton badin renforce la sensualité de la situation, comme la douceur et le piqué de la photographie.

09/07/2012

Come on you lazy bastard !

Borgnine.jpg

Ernest Borgnine (1917 - 2012) - Photographie The movie scene

01/07/2012

Cannes séquence 7

L'enterrement de mémé

Pour reprendre la belle phrase de Stéphane Delorme de l'éditorial des Cahiers de juin, il y a les films qui vous font lever la tête et ceux qui vous la font baisser. Adieu Berthe, sous titré l'enterrement de mémé, de Bruno Podalydès relève brillamment de la première catégorie, avec en plus la bouche ouverte, l'œil brillant et le zygomatique dilaté. C'est sûr que cela donne une drôle de figure, mais il n'y a qu'au cinéma que l'on peut avoir impunément l'air idiot, et puis cela fait un bien fou. Le nouveau film des Podalydès, c'est Bruno derrière la caméra, Denis devant comme d'habitude, et tous les deux au scénario. Et puis cette fois Bruno passant un peu de temps devant aussi, dans un rôle de croque-mort décontracté, jouant dans tous les sens du terme avec la complicité fraternelle. De ce rôle, de sa décontraction, on sent quelque chose de l'ordre de l'ordre de la plénitude, d'une maîtrise du cinéma (qui est ce qu'il est mais qui est le sien), et du plaisir à faire vivre un univers, rond, riche et cohérent, avec ses couleurs, ses bonheurs, ses mystères, ses femmes; ses enfants, ses questions, et une ombre encore lointaine. Plaisir aussi du partage de cet univers de cinéma, à l'écrit, à l'image, avec sa troupe fidèle ( Michel Vuillermoz, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Pierre Arditi plus récemment), de nouvelles rencontres (Valérie Lemercier bien intégrée, en harmonie avec Isabelle Candelier), et avec le spectateur que l'on convie avec gourmandise aux jeux du modeste illusionniste.

bruno podalydes

Adieu Berthe rachète au passage la demi réussite de Bancs publics (2009) et revient aux fondamentaux de Versailles rive-gauche (1992) et de Dieu seul me voit (1998). Lien direct avec ce dernier film, le velléitaire Albert de 1998 se demandait ce qu'était un acte gratuit. Armand, le nouveau héros, médite sur le sujet de philosophie de son fils : « Qu'est-ce que vouloir ? ». Les mêmes questions au cœur de l'œuvre, mais si Albert commençait une histoire d'amour, Armand est à un point de crise, soit Albert avec quinze bonnes années de plus, une épouse, une maîtresse et deux enfants, un de chaque côté. Albert était le héros du pas encore, Armand est celui de l'entre deux. Il navigue à vue, entre son métier de pharmacien qui l'ennuie et sa passion pour la magie, entre son père qui ne souvient plus de lui et cette mémé qu'il avait oubliée, entre deux croque-morts, entre ses deux familles, entre ses deux histoires d'amour, l'une qui s'achève (semble t'il) et l'autre qui commence, entre ce passé qui remonte à la surface et ce futur qui peine à se dessiner, entre deux pièces et entre deux textos. Redoutables les textos.

Le film, lui, épouse ce mouvement de balancier entre les intermittences de la vie d'un rythme posé mais déterminé. Les Podalydès font rebondir Armand comme une boule de flipper mais doucement. Intérieur ou extérieur, Armand se déplace d'un plan à l'autre, d'un point du cadre à l'autre, cherchant sa place, cherchant des réponses (donc volontaire), tout en étant constamment tenté de lâcher prise, de s'arrêter et de laisser filer (donc velléitaire). A l'écran, cela donne ces déplacements en trottinette électrique comme en apesanteur, dans les bulles confortables des voitures modernes souvent filmées de face englobant tous les passagers, les multiples jeux de portes et avec les tiroirs des armoires dans la pharmacie qui découpent les cadres et leur donnent une dynamique interne. Et puis ce sont ces moments plus longs, temps en creux pour la conversation ou le monologue (derrière la pharmacie, dans le parc, au lit de face comme chez Truffaut, chez les croque-morts, la lecture des lettres de la mémé) où l'on filme la parole et la réflexion. Au sein de ce dispositif d'apparence peu spectaculaire (mais beau), les Podalydès travaillent de nombreux gags rigoureux jouant sur le temps et l'espace, mêlant de nombreuses formes de comiques (verbal, jeux de mots, burlesque, slowburn, etc.) avec quelques moments d'anthologie dignes de la prise de sang de Dieu seul me voitcomme la visite au magasin du croque mort new-age Michel Vuillermoz ou l'épisode hilarant (vous n'êtes pas obligés) du mulot.

bruno podalydes

D'évidence cet univers a des liens étroits avec la bande dessinée. La simplicité apparente, le traitement des couleurs, vives et en aplats, les cadres classiques, c'est la ligne claire dans toute sa splendeur. Nous avons même, via le travail sur le son, une jolie collection d'onomatopées, incluant pour la description hasardeuse de la cause de la mort de Mémé Berthe de charmants pif, pouf, psschit, ou crac. Du Tintin fondateur, Podalydès reprend un mémorable gag d'Objectif Lune lors de l'exploration des sarcophages, après sa reconstitution du restaurant syldave de 1998. Tout ce qui tourne autour de la magie, outre la dimension philosophique de cette pratique partagée avec Woody Allen, ramène aux numéros que Hergé aimait à dessiner (les efforts de Haddock pour reproduire le coup du verre de vin). Allant un peu plus loin, Podalydès allie le classicisme de Hergé à une vigueur un peu noire venue de Franquin (l'homme qui rit des idées noires), Gotlib pour le côté glacé et sophistiqué (les cercueils aux formes animales, les révélations sur Taziouff)) et à un poil du modernisme de Manu Larcenet, Adieu Berthe proposant un équivalent cinématographique à l'alliance du gros nez et du trait légèrement tremblé avec héros névrosé mais attachant.

Cette approche est féconde pour Bruno Podalydès car ce qu'il transpose de la ligne claire dans son style de cinéma s'adapte parfaitement à sa vision du monde et ce qu'il cherche à nous en faire partager. Un monde où la gentillesse cherche à se faire une place, où l'on se gène pour les autres, où l'on ne fait pas facilement du mal à ses proches. Et si on le fait, on le regrette. Et quand on regrette, on aimerait disparaître au fond d'une malle des Indes. Comme dans les récits emblématiques de la ligne claire, c'est un monde qui n'est simple qu'en apparence. C'est un monde qui peut inquiéter aussi, voire rebuter. Mais c'est aussi une utopie, une tentative d'exprimer une philosophie de la vie, de l'action pondérée, de l'amour compliqué, de la mort inéluctable qu'il faut à tout prix conjurer avec un peu de magie, d'humour et de cinéma.

Photographies : © Anne-Françoise Brillot - Why Not Productions

Un entretien avec Bruno Podalydès où il parle de Ford et de Truffaut.

16/06/2012

Cannes séquence 6

Grands soirs

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Délicieux hasard de la programmation cannoise, le golden boy Eric Packer joué par Robert Pattinson s'interroge dans Cosmopolis sur la vie secrète de sa vaste limousine blanche : « Je me demande où elle peut aller le soir ? ». La question du film réalisé par David Cronenberg trouve sa réponse dans Holy motors de Leos Carax, dont le monsieur Oscar joué par Denis Lavant vit également dans l'un de ces paquebots sur quatre roues, identiquement piloté par un fidèle chauffeur-garde du corps. Les deux œuvres entraient ainsi en une étrange résonance. Dans Cosmopolis, le héros traverse une ville en proie au chaos, visite présidentielle à haut risque, émeutes, crise, le capitalisme s'effondre nous dit t'on. Grand bien lui fasse ! Des citations de Marx (Karl, pas Groucho) fleurissent sur les murs, les entartreurs français sont de sortie, et Packer a décidé de se faire couper les cheveux. Comme il a ses habitudes, c'est de l'autre côté de la ville et Packer n'est pas décidé à écouter les conseils avisés de son garde du corps Torval, branché en permanence sur les informations d'un mystérieux central. Packer embarque donc dans la limousine et entame sa longue traversée vers son salon de coiffure favori. Au fil des étapes, il reçoit, comme Oscar, par exemple au jeu des résonances, une Juliette Binoche sexy et bien excitée. Il contemple également sur ses écrans de contrôle sa chute, c'est à dire ses affaires qui vont mal, une sombre histoire de spéculation sur le Yuan qui échoue. Mais on sent bien qu'il s'en fiche, de Binoche comme du Yuan.

Cosmopolis est plutôt une bonne nouvelle. Après une série de films plus ou moins réussis mais à l'esthétique assez hollywoodienne (Adaptation de bande dessinée, stars, moyens), David Cronenberg retrouve les exigences d'un budget plus réduit (c'est Paulo Branco qui produit) et les lignes esthétiques de Crash (1996), surfaces froides et couleurs chaudes, corps sublimés mais étrangement lisses, atmosphères suspendues comme en demi-rêve. Ou demi cauchemar. J'ai senti aussi quelque chose de plus vital pour Cronenberg dans cette adaptation du roman de Don DeLillo, quelque chose qui soit en prise directe avec son époque, quelque chose à exprimer sur ce foutu monde qui va si mal. Mais Cosmopolis est très bavard. Les personnages ne cessent de tenir le crachoir, quoi qu'ils fassent, y compris quand ils baisent. Ceux de Crash le faisaient aussi, mais pas de cette manière systématique. J'ai lu qu'il s'agissait des dialogues d'origine du roman de DeLillo. Je veux bien, mais je ne l'ai pas lu et puis ce n'est pas le problème. Je suis face à un film qui doit tenir sur ses deux jambes, tout seul comme un grand. Or la parole dans Cosmopolis étouffe le film en parasitant la force visuelle de Cronenberg. Le réalisateur n'exploite pas complètement les possibilités de son récit, à commencer par cette voiture extraordinaire, bulle et forteresse, univers intime et prison dorée, connectée au dehors par toutes les ressources de la technologie moderne tout en étant aveugle et muette, œuvre d'art lisse et blanche transformée en monument d'art urbain par la grâce de graffeurs extérieurs. Le talent si particulier de Cronenberg est bien présent, mais sur le moment, il est masqué par ce long tunnel verbeux, encombré d'un fatras de langage capitaliste et boursier, obscur ce qui est sans doute l'objectif, mais qui sonne comme ces jargons pseudo-scientifiques dont raffolent les équipages de vaisseaux spaciaux (Enclenchez le gyroscope d'hyperpropulsion, monsieur Spock !). Comme dans 2001(1968), j'aurais aimé que le film respire et que les images prennent leur élan. Ce sentiment se retrouve dans la dimension érotique du film. Si Juliette Biboche et la somptueuse Patricia McKenzie payent de leur personne, Cronenberg ne trouble jamais comme il a su le faire dans ses plus belles réussites. Sentiment mitigé donc pour le Grand Soir de Cronenberg qui rassure sur ses capacités intactes à innover, à être audacieux et à manier son humour vif et tranchant.

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Un camarade blogueur et désormais critique me disait ne guère goûter la révolte « financée par Canal + » du film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Le grand soir. Ce paradoxe mérite d'être relevé, et il l'a été, face aux pitreries à la fois attendues, espérées et redoutées des réalisateurs grolandais et de leurs acteurs sur la croisette. Il me semble pourtant que le film vaut mieux que cela, justement parce qu'il n'est pas le brûlot que l'on essaye de nous vendre, tout en l'étant parce qu'il ne l'est pas. Je ne sais pas si vous me suivez dans ce qui précède, mais ça va aller. Arrêtons de faire le malin pour filer la métaphore musicale : Le grand soir est en phase avec le punk ludique des Wampas, en concert dans le film, et loin de la rage radicale des Béruriers noirs ou de Parabellum. On imagine mal d'équivalent cinématographique de Concerto pour détraqués sur tapis rouge. Le grand soir est assez basique. Soit deux frères, l'un est punk à chien, l'autre vendeur en matelas. L'un est Not joué par Benoît Poelvoorde, l'autre est (sera) Dead joué par Albert Dupontel. L'un est libre (c'est bien un peu dur, mais ça va), l'autre est victime de la crise (La grande et puis une plus personnelle). Le second méprise le premier, mais quand il se fait virer et pique la grosse déprime (jolis moments chez Dupontel), le premier le prend sous son aile et le convertit à la punkitude. Ensemble, ils vont tenter d'ouvrir les yeux des masses populaires sur l'aliénation consumériste. Et le film de naviguer entre les gros sabots de ses intentions affichées (Ça va péter les enfants) et un regard nettement plus nuancé sur l'épopée de ses deux héros (Ça ne pète pas si facilement). Regard parfois cruel quand les deux compères essayent d'empêcher un quidam paysan de se suicider, avec un résultat aussi spectaculaire qu'inattendu. Pour filer cette fois la métaphore politique, Le grand soir, c'est le programme enflammé de Mélenchon passé au regard pragmatique de Hollande. Ce qui rappelle l'injonction de John Lennon : « You say you want a revolution, you'd better free your mind instead ».

Mais c'est plutôt bien pour le film. Kervern et Delepine adoptent une jolie forme classique, récit linéaire, écran large, cadres amples un peu western, photographie lumineuse de Hugues Poulain qui joue avec l'immense décor réel d'une de ces affreuses zones commerciales et ses couleurs vives en plaques, façon bande dessinée ligne claire. L'endroit en deviendrait presque beau. A l'intérieur, les réalisateurs élaborent quelques gags bien construits sur la durée et l'espace : le jeu de Not avec les caméras de surveillance, la maltraitance du pingouin, les ballons crevés par un Dead ivre, l'épluchage « à mort » d'une patate, le joli travelling latéral suivant la traversée les deux frères dans les pavillons, Not grimaçant et crachant sur une vitre sans tain derrière laquelle se tiennent les clients d'un restaurant (gag déjà vu chez Jackie Chan), la colère à retardement sur le panneau publicitaire avec le chat, la leçon de marche punk. Il faut y ajouter le magnifique dialogue à la Pierre Dac entre le père du duo et un copain vigile. C'est le meilleur du film, porté par le duo d'acteurs qui s'est visiblement bien amusé et les apparitions réussies de Brigitte Fontaine, Noël Godin, Bouli Lanners, Gérard Depardieu et Yolande Moreau, éclats d'humanité dans un univers désespérément uniforme. Et le grand soir s'efface pour un petit matin mélancolique.

Cosmopolis sans réserves chez le Dr Orlof, Balloonatic et sur le Ciné Club de Caen

Le grand soir chez le Dr Orlof

Photographies : © Stone Angels et  © Ad Vitam

06/06/2012

Cannes séquence 5

Holy Carax

Que l'on me permette de me munir de quelques solides superlatifs au moment d'aborder le Holy motors de Leos Carax. Mon expérience du festival de Cannes est assez modeste mais l'accueil réservé au film, au réalisateur et à son équipe (inoubliable robe d'or de Kylie Minogue) a été particulièrement intense. Chaleureuse. Il y avait du retour de l'enfant prodigue, de la célébration de l'Artiste majuscule, du frisson de retrouver le poète fulgurant aux images presque muettes depuis treize années et Pola X (1999), malgré l'intermède Merde en 2008. Il y avait aussi un étrange respect, une admiration trouble, envers celui qui avait survécu à tant de difficultés. Miracle ! Le film n'est pas emprunt d'amertume ni de douleur excessive, il n'est pas un défi hautain ni un cri de rage. Bien au contraire, c'est un chant d'amour, un acte de foi, foi totale dans le cinéma et en sa capacité à toucher au cœur. « Que peut le cinéma ? » demandait Jean-Luc Godard. Leos Carax répond par un vibrant : « Tout ».

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Des éclats d'éternité, vingt minutes pour rattraper vingt ans comme il est dit dans l'un des dialogues du film, la façon dont le cinéma abolit le temps est au centre de Holy motors. Alejandro Jodorowsky expliquait à propos de son projet d'adaptation de Dune, le roman de Franck Herbert, jamais réalisé malgré des années d'effort, que le film devait exister dans une autre dimension tellement il en avait rêvé. Carax fait de ses films rêvés pendant treize années la matière de Holy motors comme Fellini avait fait en son temps 8 ½ à partir de ses doutes de créateur. Et pour cela il paye de sa personne. C'est lui qui apparaît dans le premier plan, endormi aux côté d'un grand chien. Il se lève et de sa chambre, il ouvre grand la porte de l'imaginaire, le rideau des choses invisibles cher à Abraham Merritt. Derrière ce rideau, le balcon d'une salle de cinéma. Plus bas, le public figé devant l'écran sombre, sans lumière, momies aux yeux fermés. Tremblant, Carax entreprend d'ouvrir ces centaines d'yeux et d'éclairer ces visages avec son cinéma. Pas un film, mais tous les films.

Holy motors est la filmographie idéale d'une décennie, le documentaire le plus inventif sur une carrière imaginaire marquée par le lien indéfectible entre le réalisateur et son acteur fétiche, Denis Lavant. Gloire à l'acteur, médiateur et alter-ego, passeur, corps tout en nerfs et en muscles, en démarche erratique et déterminée, regard profond et mains ouvertes. Il est la pâte malléable, monsieur Oscar, l'homme aux mille visages (Si Lavant n'avait pas été disponible, Carax envisageait Lon Chaney), que l'on va suivre sur une journée, de film en film, de rôle en rôle. Monsieur Oscar voyage dans sa vaste limousine blanche, loge et bureau, magasin des accessoires et malle aux trésors, conduit par sa fidèle assistante - chauffeur jouée par l'admirable Édith Scob. Drame, comédie, fantastique, polar, musical, romance, monsieur Oscar enchaîne tous les genres comme autant de perles qu'il assemble en parure. Holy motors.

Le génie du film, là oui on peut utiliser le mot, c'est la faculté de Carax et Lavant à refaire naître l'émotion à chaque changement d'histoire, et que chaque fois nous soyons plongés quasi instantanément dans la vérité du moment. Magie des sons et des lumières, du jeu et de la musique. Grâce du texte et des plans. Et donc cette émotion pure, brute, dégagée de toute contingence de structure, de tyrannie du récit, d'avant et d'après. Seul compte l'instant. Là, Carax touche du doigt l'essence même de son art car il possède le cœur pur de Galahad. Il peut contempler le Graal et comme il n'est pas chien, il nous fait partager sa vision. Le miracle, c'est qu'il est capable de répéter le même geste à chaque fois et qu'à chaque fois, l'on marche. Quelle élégance ! Nous sommes tour à tour intrigués du départ de monsieur Oscar, émerveillés de la séquence en motion capture où Lavant renouvelle les bonds de Mauvais sang (1986), amusés du retour de monsieur Merde, enthousiasmés à l'interlude musical (quel mouvement !), émus de cet échange entre un père et sa fille, par cette agonie évoquant celle de Bowman dans 2001 (1968), frémissants de la violence dans l'étrange polar, fascinés par les amants de la Samaritaine, inquiétés par la visite surprise de Michel Piccoli.

Ces éléments en apparence si disparates semblent s'agencer sans effort, aidés en cela par un rythme soutenu, de nombreuses touches d'humour (même si le fond reste grave) qui engendrent de sacrées ruptures de ton (la fin de la scène d'agonie) et une légèreté de la forme qui n'a pas toujours été la caractéristique première de Carax. Le film est très accessible et en même temps, Carax insère de l'étrange dans sa belle mécanique. Monsieur Oscar n'est qu'un rôle parmi les autres et l'on peut s'interroger à loisir sur l'implication de l'échange d'identité ou le sens du dernier rôle. Nous sommes alors conviés, spectateurs, à participer plus activement au film. Carax se retrouve ici proche du travail d'Alain Resnais avec Vous n'avez encore rien vu, autre film composé de fragments et célébrant l'acteur, constructions mentales où le spectateur est impliqué de manière ludique. Une nouvelle fois, à Cannes, se sont confrontés les deux visions du cinéma telles que les avaient décrites François Truffaut : les films qui expriment l'angoisse de faire du cinéma et ceux qui expriment la joie de faire du cinéma. Holy motors, le film d'Alain Resnais et la fenêtre ouverte du Mud de Jeff Nichols étaient clairement du même côté, celui de la joie.

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Que l'on me permette d'apporter à ce point un petit bémol. Bémol dont Carax lui même semble être conscient quand il fait dire à l'un des protagoniste de l'amusante scène finale que les hommes n'ont plus envie d'action, de machines réelles. L'acte de foi se nuance de doute. Juste avant Holy motors, j'avais assisté à une projection de la version restaurée de Jaws (Les dents de la mer – 1975) de Steven Spielberg. Superbe copie 4K et spectacle total qui est entré en résonance avec les réflexions de Carax. Outre mon admiration sans cesse renouvelée pour la mise en scène de Spielberg et ses magnifiques scènes intimistes (le jeu d'imitation entre Brody et son fils, le récit de l'Indianapolis par Quint, les rapports du trio masculin), il y a dans Jaws une intensité globale qui tient sur ses deux heures, qui insère ses moments d'émotion dans la trame du récit sans à-coups, un équilibre parfait entre temps forts et temps faibles qui ne sacrifie jamais les personnages aux exigences du pur spectaculaire sans jamais mépriser ce dernier. Au niveau de la croyance, il y a cette foi dans le cinéma qui prend le pari de nous faire accepter la machine réelle (et si peu crédible) du requin mécanique, qui se lance et relève le défi du tournage en pleine mer, pour faire naître, limpide, la peur. Jaws, c'est cette action dont le personnage de Carax déplore la disparition et c'est aussi ce que Holy motors n'est pas : cet héritage de la forme classique entre Hitchcock et Hawks qui intègre de nouvelles recherches visuelles. C'est ce qu'il a cherché dans ses histoires d'amour et d'étrangeté, de Boy meets girl (1984) à Pola X, ce qu'on ne lui laisse plus faire depuis trop de temps et dont il montre les possibles dans Holy motors.

Photographies © Pierre Grise Distribution

01/06/2012

Cannes séquence 4

Les larmes de Gérard Lefort

« Qui ne versera pas une larme à la vision d’Amour peut être raisonnablement traité de con. » nous assène Gérard Lefort à propos de la nouvelle palme d'or de Michael Haneke. Raisonnablement, c'est un curieux argument critique, même si Lefort prend soin de développer, histoire que l'on ne confonde pas ces larmes avec celles que certains ont pu verser sur Bambi (1942) ou Intouchables (2011). Moi qui me suis soigneusement abstenu de me risquer à ce film et qui voue une solide détestation au cinéma du terrible autrichien, je me suis senti raisonnablement interpellé. J'ai de la mémoire et, à défaut, de bonnes archives. Le coup des larmes à géométrie variable, Lefort nous l'avait déjà servi il y a plus de vingt ans. Dans sa critique de Schindler's list (1994) de Steven Spielberg d'où il ressortait qu'il était passé à côté du sens de la petite fille en manteau rouge. Il y avait aussi tout un passage sur les larmes que l'on ne manquerait pas de verser sur le film, de leur charge d'humanité, avant qu'il ne nous signifie, le stylo solennel : « De ces larmes, il faudra se repentir ». A l'époque, cela m'avait beaucoup travaillé parce que j'avais vu le film deux fois les yeux secs.

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Je pleure rarement au cinéma, un peu plus aujourd'hui mais surtout pour des moments d'intense émotion positive comme quand John Wayne prend Nathalie Wood dans ses bras chez Ford ou sur le dernier plan de Land and freedom (1994) de Ken Loach. Du coup je serais tenté de retourner l'injonction de Lefort sous forme d'interrogations multiples face au large consensus critique sur Amour (c'est beau, c'est fort, c'est fort beau). Ne faudra-t'il pas se repentir des torrents lacrymaux versés sur ce film ? Plus exactement, quelle est la nature de ces larmes unanimes suscitées par un cinéaste jusqu'ici plutôt spécialisé dans le grincement de dents ? Est-ce que l'on pleure devant la pathétique histoire du couple d'octogénaires défaits par la maladie comme devant un mélodrame signé Douglas Sirk ou Mikio Naruse ? Est-ce que l'on pleure de rage ou de peur devant la fragilité de notre condition humaine ? Est-ce que l'on s'apitoie plus ou moins volontairement face aux visages vieillissants des acteurs, Jean-Louis Trintignant dont on connaît la charge de tragédie personnelle, Emmanuelle Riva sur laquelle se superpose le visage de l'héroïne de Resnais et Franju ? Est-ce que l'on pleure de honte parce que, mauvais fils ou mauvaise fille, on n'a pas appelé ses parents depuis un mois ou que l'on a collé sa vieille mère en maison de retraite ? Est-ce que ce ne seraient pas des pleurs d'un lâche soulagement (pas moi, pas moi), quelque chose du petit plaisir tout au fond derrière les sanglots dont parle Truffaut ? Est-ce que l'on pleure sur soi-même, espérant une fin plus rapide ou plus apaisée, ou encore pour soi-même parce qu'il faut bien pleurer ici, si l'on ne veut pas passer raisonnablement pour un con ?

Pas si simple, ces larmes. D'autant qu'avec Haneke, on peut légitimement se demander où il veut en venir. Que l'on me comprenne bien, ce n'est pas le thème qui m'effraie. J'ai le souvenir d'agonies douloureuses chez Ingmar Bergman, Isao Takahata, Clint Eastwood ou Akira Kurosawa. C'est une question de regard et de point de vue. Or je ne goûte guère le regard de Haneke et moins encore la place qu'il me destine en tant que spectateur. Après ses visons successives de la famille, du couple, de la société, des enfants, du sexe et de l'éducation, je ne me sens guère enclin à aborder l'agonie avec lui. Je lis ici et là qu'il a changé cette fois (ce qui me rappelle quelqu'un). Encore une affirmation qui incite à la prudence. Chacun, le président Moretti le premier, met en avant la performance des acteurs. Soit, mais l'on parle du coup bien peu de la mise en scène du film et à voir la bande annonce, je sens un redoutable terrain familier : les couleurs funèbres (Darius Khondji moins coloré que chez Allen ou Jeunet !), le principe du huis clos qui jusqu'ici a surtout eu pour but de piéger le spectateur, cette froideur qui émane des cadres rigides, cette lenteur aux silences épais et cette musique pourtant fort belle qui résonne comme une marche funèbre. Et puis il y a quelque chose qui me gène toujours, quoique l'on en dise, quel que soit le sentiment de réel que l'on veuille donner et le talent avec lequel on le donne : nous sommes face à un film, à un jeu d'acteurs quand bien même l'on verra Trintignant changer les couches de Riva, à une œuvre de fiction. Nous sommes face à un spectacle. Alors qu'est-ce que l'on vient voir ici ? Question fondamentale qui prenait cette année à Cannes un sens aigu entre l'exorcisme de Mungiu, la tête arrachée à mains nues de Reygadas, les femmes cougar de Seidl ou Nicole Kidman faisant pipi sur Zac Efron. Une question à laquelle Haneke donne une réponse dans un entretien avec Serge Toubiana où il se révèle nettement plus sympathique que ses films. Je lui en sais gré. A propos de Funny games (1997), il explique que c'est un film à voir si l'on en a besoin et qu'il répond à ceux qui lui reprochent d'avoir été manipulés : « Mais pourquoi êtes-vous restés ? ». C'est donc ainsi : à moins d'être critique appointé, il est permis de faire son Bartleby et d'en rester à « J'aimerais mieux pas ». Je sais pourquoi j'ai besoin de voir la Samaritaine filmée par Carax, la fenêtre ouverte de Nichols ou la robe rouge et noire d'Anne Consigny chez Resnais. Je ne sens pas, raisonnablement, le besoin d'aller verser ma larme chez Haneke.

Photographie : © Films du losange/Denis Manin

30/05/2012

Cannes séquence 3

Lifeboat (La pirogue)

« Je suis un homme africain qui a décidé d'entrer dans l'histoire ! » crie au milieu de l'océan l'un des passagers de La pirogue du cinéaste sénégalais Moussa Touré. Il y a des discours, du côté de Dakar, qui ne passent pas. Qui suscitent une saine colère trouvant son illustration dans ce film, beau, épique et politique. La pirogue, c'est ce long bateau traditionnel et bariolé qui sert à la pêche et dans lequel s'entassent une quarantaine de ceux qui, plein du fol espoir de ceux qui n'ont plus rien à perdre, tentent de rejoindre l'Europe via les Canaries espagnoles. Une quarantaine de ceux qui se lancent, chevaliers de la misère, à l'assaut de la forteresse occidentale, sans écouter les conseils, ni craindre la mort.

moussa touré,cannes 2012

Cette pirogue évoque le canot de sauvetage d'Alfred Hitchcock du classique Lifeboat (1943) et ce rapprochement n'a rien d'un réflexe gratuit de cinéphile. Moussa Touré, déjà réalisateur de Toubab Bi (1991), TGV (1998), et de plusieurs documentaires, a débuté au côtés de François Truffaut et de Bertrand Tavernier qu'il cite comme ses maîtres. Et comme Lifeboat en son temps, La pirogue est à la fois simple, linéaire dans son récit (les préparatifs du voyage, ses épreuves, son dénouement), et complexe dans le réflexion que l'auteur articule à partir de son dispositif. Le groupe humain réunit dans l'embarcation est un portrait en réduction de la société avec ses rapports de force, ses aspirations, ses faiblesses, le tout ramené à échelle humaine et inséré dans une action soutenue. Stagecoach (La chevauchée fantastique– 1939) de John Ford ne fonctionne pas autrement, et de quelle manière !

Sont ainsi réunis le capitaine Baye Laye, jeune père de famille qui a du mal à se résoudre au départ, son jeune frère aspirant musicien fasciné par le modèle occidental (Il possède un i-phone), la jeune femme qui embarque clandestinement dans ce milieu masculin hostile, un aspirant footballeur, l'organisateur du voyage qui s'enrichit déjà sur le dos de son peuple, un homme terrorisé par la mer accompagné d'une poule, un groupe de Guinéens Peuls mené par un père et son fils (déjà des migrants au sein de l'Afrique), un malade rêvant de se faire soigner...S'ils reproduisent les différences traditionnelles sociales, de sexe, de religion ou d'ethnie, ils se retrouvent unis de force par l'espoir et le danger. Partir ou rester, chacun a dû répondre à la question, certains avec des regrets (les visions oniriques de la savane), d'autres avec détermination, la plupart sans se faire d'illusion.

moussa touré,cannes 2012

Moussa Touré balaie un large spectre de questions. A ces hommes et cette femme, il offre une série de portraits magnifiques, au plus près du grain de la peau des visages filmés par Thomas Letellier. Il ouvre son film sur une impressionnante scène de spectacle de lutte précédé de rites traditionnels (les gri-gris, les ablutions) et contemplée avec ferveur par une foule au t-shirts griffés de marques occidentales. Touré joue sur ces oppositions, la pirogue traditionnelle est équipée de moteurs et Baye Laye se dirige avec un GPS. Las, le GPS est perdu lors d'une spectaculaire scène de tempête (le réalisateur dit s'être inspiré de Master and Commander (2004) de Peter Weir), et les moteurs, en partie par négligence, tombent l'un après l'autre en panne. Les défaillances de la technique transforment le voyage en cauchemar, dérive et promesse d'une lente agonie qui va laisser le groupe anéanti. Seul espoir, être repéré par les équipes de secours occidentales, ce qui signera l'échec de leur aventure avec le sauvetage de leurs vies. La mort ou le retour, un cercle vicieux qui s'annonce quand la pirogue croise une embarcation similaire à la dérive, et ne peut leur venir en aide. Les multiples lectures que l'on pourra faire de la situation des pays d'Afrique sont assez claires.

Moussa Touré filme à hauteur d'homme et ne se laisse jamais engluer ni dans la dialectique, ni dans le pathos quand les choses tournent mal. Il travaille les caractères de chacun des personnages pour les faire exister au mieux au sein du groupe, insistant sur les détails comme cette poule incongrue, une photographie, un instrument, un bijou. Tournant en mer, il privilégie le côté physique des choses : les vagues se succèdent et le bois craque, il faut tenir la barre, faire la cuisine, pêcher, lutter contre les éléments et, quand le destin se fait contraire, les hommes cessent progressivement de se battre. C'est le temps des silences, des prières pour les croyants, de quelques souvenirs sous le soleil de plomb, des dernières forces que l'on économise. Certains meurent, doucement, prétexte à une jolie scène d'inhumation maritime assez fordienne. Le finale en deux temps équilibre le sentiment d'échec (le moment où les pieds se posent sur le sol européen si convoité est poignant), le dérisoire de cette aventure dont on ne retire que la satisfaction d'avoir survécu, et une réflexion d'espoir sur des solutions alternatives qui existent. L'Occident est un mirage, ignorance et compassion distante, qui en échanges de ces vies mises en jeu donne un sandwich et 15 euros. Le combat doit être mené à domicile, l'homme africain peut construire sa propre histoire et rester maître de son destin. Moussa Touré s'assure avec ce film une jolie place dans l'histoire du cinéma.

Un entretien avec Moussa Touré

Photographies © Rezo Films

22/05/2012

Cannes séquence 2

Tout le monde dit : I love him

Robert E.Weide a suivi Woody Allen pendant deux années pour en tirer ce documentaire de deux heures Woody Allen : a documentary qui devrait sortir en salles à la fin du mois. Le film est une introduction relativement exhaustive à une œuvre foisonnante, quarante et un films à ce jour en attendant To Rome with love. Robert E.Weide progresse chronologiquement depuis l'enfance d'Allan Stewart Konigsberg à Brooklyn, des premiers succès comme scénariste et acteur avec le producteur Charles Feldman pour lequel il écrit What's New, Pussycat ? (Quoi de neuf, Pussycat ?) en 1965, du premier long métrage Take the money and run (Prend l'oseille et tire toi) en 1969 jusqu'au plus récent Midnight in Paris en 2011. Heureuse coïncidence, ce dernier film a été présenté à Cannes ce qui permet à Weide de boucler, temporairement, la boucle. C'est également le plus gros succès public d'un auteur qui a fait de l'indépendance l'alpha et l'oméga de son travail dès le début, indépendance basée sur un système bien rodé de modestes budgets et de fréquence soutenue : le fameux « un film par an ».

robert e.weide,woody allen

Weide dégage les lignes de force de l'œuvre allenienne marquée par la hantise de la mort et la futilité de la vie, questions sinistres transfigurées par l'humour politesse du désespoir. Une œuvre nourrie également par les indispensable figures féminines : Diane Keaton, Mia Farrow puis Scarlett Johansson. Sur le chapitre la vie privée, Weide donne quelques indications sur l'enfance du maître (ravissantes photographies d'Allen bambin), utilise un entretien avec sa mère, mais reste focalisé sur les films, n'abordant le personnel que lorsqu'il interfère avec ceux-ci, comme la séparation d'avec Farrow durant le tournage de Husbands and Wives (Maris et Femmes – 1992). Weide exhume aussi quelques savoureux moments des débuts télévisées d'Allen, un combat de boxe avec un kangourou et une tentative de faire du plat à Gina Lollobrigida lors d'un « talk show ». Pour le reste, il fait défiler les connaissances du réalisateur, ses collaborateurs et ses acteurs, Diane Keaton, Tony Roberts, Marshal Brickman, Sean Penn, Diane West, Robert Greenhut, etc. qui parlent très agréablement de leurs rapports avec Allen sans révélation particulière pour qui est un familier de l'œuvre. Le maître intervient également pour notre plus grand bonheur, modeste et plein d'humour, montrant ses petits papiers couverts d'idées de films, et sa fidèle machine à écrire sur laquelle il continue d'écrire tous ses scénarios, avec une conception particulière du « copier-coller ». Quelques extraits de tournage complètent ce portrait de l'artiste au travail (avec Josh Brolin sur You Will Meet a Tall Dark Stranger en 2010) révélant un metteur en scène discret et très attentif à ses acteurs, ce qui explique sans doute le plaisir qu'ils ont tous de travailler avec lui.

L'objectif de Robert E.Weide était de faire le documentaire sur Allen que le fan qu'il est avait envie de voir. Objectif globalement atteint. On pourra lui reprocher, du moins s'interroger sur l'absence de Casino Royale écrit pour Feldman en 1966 et dans lequel il joue le neveu de James Bond dans un registre très allenien et, après l'approche systématique des films jusqu'en 1987, un passage un peu rapide sur les années suivantes, négligeant complètement des films aussi réussis que Everyone Says I Love You (Tout le monde dit I love you – 1996) ou Hollywood ending (2002). Ceci dit, Weide a promis qu'après la version distribuée en salle viendrait une version de plus de trois heures pour la sortie en DVD, version qui comblera peut être ces quelques regrets.

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Photographie DR source Critique de films.fr

20/05/2012

Cannes séquence 1

De rouille et d'os

De rouille.jpg

Il est entendu qu'un réalisateur digne de ce nom refait toujours le même film. De rouille et d'os est dans l'exacte continuité des précédents films de Jacques Audiard. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve un personnage masculin un peu frustre, peu bavard, très physique, violent si nécessaire mais avec un bon fond. Le Ali joué par Matthias Schoenaerts avec une certaine intensité voire une intensité certaine, fait suite aux personnages incarnés par Vincent Cassel ou Tahar Rahim. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve un personnage féminin marginalisé par un handicap comme l'était le personnage d'Emmanuelle Devos avec sa surdité, et qui va le surmonter en aidant le héros à trouver sa rédemption. C'était également le parcours de la pianiste chinoise jouée par Linh Dan Pham dans De battre mon cœur s'est arrêté (2005). Marion Cotillard est cette fois Stéphanie, une dresseuse d'orques du Marineland d'Antibes victime d'un accident qui la laisse amputée des deux jambes. Je me souviens avoir découvert cette actrice dans La Surface de réparation (1998) un court métrage de Valérie Müller. Elle y dansait joliment sur un classique rock and roll. Chez Audiard, elle a un joli moment du même genre sur sa chaise roulante puis un étrange ballet avec un orque devant une vitre, poésie un peu naïve, un peu grand bleu, mais quand même convaincante. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve aussi la façon particulière dont Audiard investit les genres, le film noir, le film de prison, le mélodrame ici, jouant sur leurs codes sans les subvertir, respectant un certain premier degré ce qui est irritant pour certains, mais pratiquant un léger décalage par injection d'un travail d'arrière-plan documentaire, les expulsions d'immigrés de leur logement, l'univers carcéral, des combats de boxe clandestins ici, chose étonnante dont moi qui habite la région je n'avais jamais entendu parler. Admettons. Le plus intéressant dans De rouille et d'os est certainement ce portrait en creux d'une Côte d'Azur plus moche que nature, lumière solaire mais blanche, aveuglante. Sans surprise mais sans déplaisir, on retrouve la mise en scène maîtrisée jusqu'à l'exubérance de Jacques Audiard, calculée dans tous les coins et recoins du cadre, dans le tempo de la moindre seconde. Un rythme soutenu au risque de la rigidité, allant jusqu'à des ellipses à la limite de la compréhension. Pourquoi Stéphanie se décide-t'elle à appeler Ali ? Comment évolue le beau-frère d'Ali visiblement bien calmé à la fin après l'avoir menacé d'un fusil ? Audiard se soucie peu de répondre aux questions suscitées par son final mené au pas de charge. Reste que cette mise en scène précise et fébrile lui permet d'éviter les principaux pièges de son histoire d'amour traitée sans pathos, aussi simplement et avec la force de l'évidence des réplique de son héros d'une pièce. Audiard est OP, sans surprise mais sans déplaisir. Et vice versa.

07/05/2012

Les joies du bain : assoupissement

Sur une suggestion de Benjamin, un bain à caractère fantastique dans lequel il ne fait pas bon se relaxer trop. Là où Victoria Abril faisait nager son homme grenouille dévoué, la jeune Heather Langenkamp dans le rôle de Nancy Thompson voit surgir une main bien connue dans l'original Nightmare on Elm Street (Les griffes de la nuit- 1984) de Wes Craven. Vous pouvez découvrir la scène complère en cliquant sur la photographie (© New Line).

Wes Craven