04/10/2012
Obsession ou le dernier romantique
Brian De Palma finit par être un peu agaçant quand il parle de Vertigo (Sueurs froides – 1958) à propos de son Obsession (1976) en expliquant qu'il aurait amélioré le film d'Alfred Hitchcock. Ce n'est pas la première fois qu'il fait le coup. Il avait déjà repris un plan du Tenebre (1982) de Dario Argento dans Raising Caïn (L'esprit de Caïn – 1992). Argento, pas trop prêteur, s'en était ému auprès du musicien Pino Donaggio auquel De Palma avoua, tout en précisant : « Mais je l'ai amélioré ! ». « Je prends mon bien où je le trouve » disait Molière. Toujours est-il que pour Vertigo, De Palma reprend quelques critiques habituelles de vraisemblance, en particulier le fait que si Scottie (James Stewart) avait vu le cadavre de « Madeleine », il aurait bien vu que ce n'était pas la même femme que celle dont il s'était épris. Il pointe aussi l'apparition de la nonne venue sonner les cloches à la fin comme ridicule. On sait ce que Hitchcock pensait de « nos amis les vraisemblants » et ce que John Ford avait répondu à quelqu'un qui lui demandait pourquoi, dans Stagecoach (La chevauchée fantastique – 1939), les indiens ne tiraient pas sur les chevaux pour arrêter la diligence : « Dans la réalité, c'est ce qu'ils auraient fait. Mais il n'y aurait plus de film ». Si Hitchcock prend tant de soin à monter les effets du vertige sur son personnage, c'est bien pour justifier les manques de Scottie. Quiconque a subit les effets d'un véritable vertige sait que l'on peut rester prostré des heures, à plus forte raison si l'on vient de voir la femme que l'on aime se défenestrer. Alors, aller inspecter le cadavre... Pour la sonneuse de cloches, outre la poésie fantastique de l'idée, sa présence en cet endroit semble légitime. Plus incongrue aurait été celle d'un plombier.
Dans Obsession, De Palma et Paul Schrader qui signe le scénario prétendent donc améliorer un film qui les a néanmoins beaucoup impressionné. A ce stade, ceux qui ne connaissent pas l'oeuvre sont aimablement invités à ne pas poursuivre leur lecture (ou alors, il ne faudra pas m'en vouloir). La Nouvelle-Orléans : Michael Courtland voit sa femme et sa fille enlevées et disparaître tragiquement à la suite d'une course poursuite avec les ravisseurs. Seize ans plus tard, à Florence, il rencontre une jeune femme qui est tout le portrait de sa femme. C'est bien sûr une machination. Cette femme, c'est sa fille qui n'était pas dans la voiture fatale. Le scénario repose sur deux postulats difficiles à avaler si l'on y met de la mauvaise volonté : Il est étonnant qu'aucun des policiers ayant encerclé la demeure des ravisseurs (L'un d'eux est resté en arrière avec la fillette, c'est le truc) n'ait eu l'idée de rester sur la scène du crime, ne serait que pour chercher des indices, pas très pro ça. Ensuite, Sandra-Amy accepte pour se venger d'un père qu'elle croit responsable de la mort de sa mère par refus de payer la rançon, de jouer la comédie de l'amour et de l'épouser, avec ce que cela implique, en connaissance de cause. Il faut donc accepter qu'elle passe outre le tabou de l'inceste, tabou fort s'il en est, avec un sang froid qui laisse rêveur. Quelque soit la qualité du jeu de Geneviève Bujold, le personnage ne semble pas si traumatisé par les implications de ce fait (du moins jusqu'à la fin) et elle semble avoir des nerfs d'acier pour maîtriser les émotions inévitables engendrées par la situation. Et je passe sur la mère adoptive italienne qui parle un anglais quasi parfait à l'hôpital.
Je peux comprendre De Palma. Il en a marre qu'on le compare à tout bout de champ à Hitchcock. Mais personne ne l'a obligé a construire sa renommée sur des thrillers rejouant Vertigo, Psychose (1960) ou Rear window (Fenêtre sur cour – 1954), ni à aller chercher Bernard Herrmann qui compose ici une partition superbe mais inévitablement proche de son modèle.
Ceci posé, Obsession est un film magnifique que j'ai eu beaucoup de plaisir à redécouvrir dans l'édition restaurée par Wild Side. C'est un vieux souvenir que ce film. A sa sortie début 1977, j'avais été traumatisé par l'intensité de sa bande-annonce et l'affiche française avec les morceaux de journaux découpés formant le message des ravisseurs. Je n'avais pas vu le film, mais j'avais conservé cette image de thriller angoissant. J'ai découvert le film bien des années plus tard, à la télévision et ce qui m'avait marqué c'est le côté romantique du film, la force des sentiments de Courtland, sa fidélité à la mémoire des siens, le choc que l'on imagine quand il rencontre Sandra dans l'église. Participent la partition de Herrmann avec cette délicieuse valse lente et le côté sacré donné par les chœurs, et la photographie du grand Vilmos Zsigmond avec ses effets de diffusion utilisés pour atténuer les différences entre les deux époques et qui donnent une atmosphère irréelle à tout le film. Même la scène de cauchemar s'intègre sans heurt. Lumière entre chien et loup, atmosphère de l'église, vibration des néons dans la scène de l'aéroport (un effet heureux à priori pas calculé au départ), rendu de la texture des pierres dans le mausolée ou le cimetière, le film est visuellement une fête pour les yeux. Aujourd'hui, je trouve le film bien équilibré entre cette partie romantique et la partie thriller, le pur suspense.
Ce qui me frappe aussi maintenant que j'en connais la petite histoire, c'est la façon dont le film (et donc un peu Vertigo) a résisté à ses auteurs. Le projet cinématographique de De Palma et Schrader, comme des autres cinéastes majeurs de leur génération (Michael Cimino, Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, Martin Scorcese, William Friedkin, etc.), c'est de revisiter l'âge d'or du cinéma américain avec un regard sur ce qui n'était pas, ou ne pouvait pas être montré. Du moins pas directement. Violence, névroses, sexe, l'envers du décor. C'est flagrant par exemple dans le remake réalisé par Schrader en 1982 du Cat People de Jacques Tourneur qui rend explicite tout ce qui était suggéré de la métaphore sexuelle du personnage d'Irena. Hitchcock laisse les implications des actes de Scottie dans Vertigo à l'appréciation du spectateur s'il veut jouer au psychanalyste. Il maintient une distance par l’utilisation de James Stewart, l'image de l'acteur, et l'élégance de la mise en scène, les ellipses indispensables. Le scénario d'Obsession prévoyait de renverser la table, avec une partie où Sandra-Amy était en hôpital psychiatrique et un inceste consommé sans ambiguïté. Par un ensemble de concours de circonstances, la partie « asile » est abandonnée sur les conseils de Bernard Herrmann et sans doute des considérations budgétaires. Puis la séquence de Michael couchant avec sa fille, tournée effectivement, est complètement modifiée pour devenir une scène entre rêve et cauchemar qui entretien le doute. Les options artistiques, photographie, décors, musique, donnent au film une classe visuelle renforcée par l'absence de violence graphique (sauf la mort du personnage de John Lihtgow et encore) inhabituelle chez De Palma, comme de nudité, tout aussi étonnant de la part de celui qui filmera Angie Dickinson se caressant sous sa douche dans Dressed to kill (Pulsion – 1980).
Autre élément déterminant, l'interprétation de Clift Robertson. Geneviève Bujold est souvent saluée pour sa prestation dans ce film, sa faculté à jouer à la fois la femme et l'enfant, à la fois l'enfant dans la femme lors du final, mais aussi plus littéralement, idée assez gonflée qui fonctionne grâce à elle, l'enfant de dix ans dans les flashback. Elle est magnifique mais elle bénéficie d'une grande richesse de situations. Robertson, acteur assez classique, en décalage en 1976 avec les maîtres de l'Actor studio du moment (Brando, Pacino, Hoffman, De Niro), est pourtant essentiel en ce qu'il renoue avec la manière d'un James Stewart ou d'un Cary Grant. Il offre une présence, un repère, qui permet à sa partenaire de s'appuyer et de se donner à fond. Dans la scène finale, elle a cette performance à faire passer, d'être l'enfant ressortant sous l'adulte, elle a les pleurs, les répliques, la faiblesse, l'émotion. Mais c'est autour de Robertson qu'elle peut construire, parce qu'il est là en pivot, pour elle et la caméra de De Palma. Il n'a qu'un mot à dire, une expression à tenir. Et c'est le plus difficile. Et il le fait.
A travers lui, Obsession renoue, contre l'idée de départ de ses auteurs, avec l'élégance de son modèle, avec sa délicatesse, avec une certaine idée du cinéma. C'est ce qui en fait ressortir la tonalité majeure qui est celle du romantisme du personnage masculin. Courtland porte avec lui les valeurs du gentleman du Vieux-Sud, une certaine éthique. C'est une métaphore peut être bien de la relation de De Palma, et avec lui les cinéastes de cette génération, envers le classicisme hollywoodien. Un amour total, absolu, au point de vouloir renouer avec une chose morte. Avant de se rendre compte qu'existent finalement leurs propres enfants.
Photographies : Wild Side - Photofest
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01/10/2012
Un film de 1946
A l'occasion de parution sur Zoom Arrière de l'année 1946.
Voilà un film que je rattache à ma mère, Sylvie et le fantôme que réalise Claude Autant-Lara en 1946. Parce que c'est le genre de films qu'elle aimait me faire voir quand j'étais petit, partager à la télévision sans doute, plutôt l'après-midi. C'est l'un de mes plus anciens souvenirs de cinéma, Sylvie et son fantôme diaphane du chasseur blanc passant à travers les murs et s'envolant au plafond, son chien fantôme sur les talons. J'aimais beaucoup le chien. Sylvie, l'héroïne, va fêter ses 16 ans. Elle vit dans un grand château, vieille noblesse française, mais ruinée. Rêveuse, elle est amoureuse du fantôme de son aïeul mort en duel par amour. Lui, reconnaissant, essaye d'attirer son attention mais pour un fantôme qui n'a plus beaucoup prise sur les choses, c'est compliqué. La père de Sylvie, brave homme (mais ruiné donc) vend le tableau de l’aïeul et pour se faire pardonner engage un comédien pour faire le fantôme à la fête d'anniversaire, faire plaisir à sa fille et épater ses invités. Et puis ça se complique.
Pour ma mère c'est l'un des films de son enfance avec l'un de ses acteurs fétiches, Julien Carette, le titi parisien dans toute sa splendeur et avec cet accent inimitable, ici en majordome dévoué et peureux. Délectable comme à son habitude. En faisant découvrir le film à ma fille et regardant comment elle réagissait, j'avais l'impression de boucler la boucle et de retrouver mes propres réactions du petit garçon d'alors. D'imaginer aussi ma mère en petite fille. En 1946, elle a dix ans. Elle est dans une salle parisienne certainement avec ses parents. La guerre est finie mais encore très proche. On manque de beaucoup de choses pour se chauffer, se nourrir, se déplacer. Les restrictions sont toujours d’actualité et pour quelques années encore. Sur l'écran, elle se reconnaît sans doute dans cette famille qui se serre la ceinture avec bonne humeur, qui s'éclaire à la bougie et se les gèle dans son trop grand château. Spectatrice de 1946, elle apprécie certainement la douceur mélancolique du conte, cette atmosphère de rêve flottant dans laquelle s'est réfugiée avec succès le cinéma français durant l’occupation avec Les visiteurs du soir, La main du diable ou L'éternel retour. Et qui perdure avec La belle et la bête et Les enfants du Paradis. Sylvie et le fantôme est un film de son époque. Produit par André Paulvé qui est derrière la plupart des films précités, il creuse un sillon à succès.
En le revoyant aujourd'hui, je vois d'abord sa forme, typique, avec ces gros plans de visages juste éclairés au niveau des yeux, une lumière un peu diffuse et des jeux sur les ombres (le travail de Philippe Agostini n'est pas aussi poussé que celui de Henri Alekan), un montage qui met en avant, toujours par des gros pans, les répliques de Jean Aurenche et le travail des acteurs. Des dialogues très littéraires, écrits quoi, mots d'auteurs qui dans la poésie ne valent pas vraiment ceux d'un Prévert, mais qui dans l'humour peuvent faire mouche.
Mon chien aboie aux fantômes déplore le père au vendeur de tableau.
Le mien aboie aux uniformes.
Votre chien a plus de goût que le mien...
Les acteurs prennent un peu la pose quand ils parlent, mais l'ensemble passe bien grâce aux excellents comédiens. Carette, Pierre Larquey en doux père, les jeunes François Périer et Jean Désailly, Odette Joyeux qui rend crédible les 16 ans de Sylvie, Louis Salou en cabot, Claude Marcy en impayable comtesse, quelques enfants agréables. Et puis Autant-Lara a confié le rôle du fantôme à Jacques Tati qui n'a pas encore réalisé Jour de fête. Son grand corps souple, son visage impassible et doux de futur monsieur Hulot, sa gestuelle précise, font merveille pour un personnage muet qui doit exprimer ses émotions de manière diffuse, d'un regard ou d'un geste. Il est parfait. La musique signée René Cloërec (qui signera celle de 18 films d'Autant-Lara, quelle fidélité !) développe un superbe thème repris à la flûte de pan, particulièrement émouvant.
La mise en scène d'Autant-Lara est attentive, tout en douceur dans les mouvements d’appareils, précise dans les scènes de comédie plutôt réussies comme dans la mise en valeur des effets spéciaux à base de transparences, procédé simple mais réglé au petit poil. Il croit dans son histoire sans ironie, sans chercher à faire le malin, avec la candeur voulue. Il est peut être un peu trop sûr de l'ensemble des talents qu'il orchestre, ne prenant pas de risque, disons du type de ceux que Cocteau prend au même moment avec sa féerie. Difficile aujourd'hui de ne pas voir dans cette réalisation le côté « travail bien fait » contre lequel cristallisera la Nouvelle Vague. Difficile de ne pas ressentir à l'occasion un petit agacement du côté du cœur. Mais pour le petit garçon de dix ans que j'étais, pour la fillette qu'était ma mère en 1946 et pour ma fille, aujourd'hui, quelle importance ? Le film partage quelque chose d'assez juste sur le monde de l'enfance et ses capacités à la fiction avec Les disparus de Saint Agil (1938) de Christian Jaque. Il est aussi permis d'y voir, délicat et intelligent, une évocation du passage de cet âge de l'enfance à l'age adulte, avec le renoncement à une forme d'émerveillement quand le fantôme s'envole loin du chateau dans le finale. Mais un passage qui n'est pas forcément vu comme négatif, simplement mélancolique. Ah, grandir !
Photographie source NouvelObs
21:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : claude autant-lara | Facebook |
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23/09/2012
Communication
« En fait, mon hostilité envers Antonioni m’a aidé à faire L’enfant sauvage. L’un des grands thèmes aujourd’hui est la difficulté de communication entre les humains. C’est très gentil tout ça, et ça donne de bonnes discussions parmi les intellectuels. Mais si vous entrez en contact avec une famille qui a un enfant sourd et muet, vous comprenez alors ce que signifie l’incommunicabilité. Je voulais montrer un vrai manque de communication, pas celui très "mode" dont parle Antonioni. »
François Truffaut - Entretien avec Charles Thomas Samuels, 1970.
Photographie source Passion Cinéma
22:18 Publié dans Cinéma, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : françois truffaut | Facebook |
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16/09/2012
Les immortels du comté de Franklin
Dans la famille Bondurant, je demande les trois frères. Forrest (Tom Hardy) est l'aîné et prend son rôle très au sérieux. Assez ours, il s'exprime le plus souvent par grognements. Howard (Jason Clarke) est le cadet, rapide à sortir ses poings ou une arme. Jack (Shia LaBeouf) est le benjamin et aimerait bien se montrer à la hauteur de ses prestigieux frangins. Nous sommes en 1930 dans le comté de Franklin en Virginie, une cambrousse où l'on produit à tour de bras de l'alcool de contrebande. Nous sommes dans les années de prohibition en Amérique et les Bondurant sont bootleggers, distillateurs clandestins et trafiquants d'alcool. Accessoirement ce sont des légendes locales. Craints et respectés, ils prospèrent gentiment sous le regard bienveillant des autorités locales, se mêlant de leurs affaires et se tenant à bonne distance de la grande ville mère de tous les vices. Ouaip ! Lawless (Des hommes sans loi), le nouveau film de l'australien John Hillcoat écrit par Nick Cave est l'histoire des Bondurant. Drôle de titre d'ailleurs puisque les trois frères, loin d'être des hommes sans loi sont plutôt des hommes avec leur propre loi, nouvel avatar du pionnier américain qui n'a besoin de rien ni de personne pour savoir ce qui est bien ou mal, et surtout pas d'un gouvernement fédéral. Et les Bondurant de voir débarquer un agent spécial (Guy Pearce, grandiose caricature), corrompu et sadique, qui entend les mettre au pas. D’où guerre en règle, coups bas, traquenards, etc. Faut qu'ça saigne chantait Vian, et ça va saigner du côté du comté de Franklin.
A ce récit ténu et balisé se greffent les aventures sentimentales de l'aîné avec une superbe créature venue de Chicago, Maggie (Jessica Chastaing, au-delà des mots) et du benjamin avec la jolie fille d'un prêcheur façon Amish, moyennement ravi de voir sa progéniture frayer avec un voyou, même s'il s'applique à porter le costume. S'ajoutent les tentatives de Jack pour exister. Il porte une sorte de désir de modernité qui s'oppose au conservatisme prudent de ses frères. Ces sous-intrigues sont aussi ténues et balisées que la principale et le mélange ne fait guère illusion. Aussi vaut-il mieux, si l'on veut apprécier le film et y prendre du plaisir, en accepter les conventions et jouer le jeu.
J'ignorais que Nick Cave, l'homme des Bad Seeds, avait des talents de scénariste. Lawless n'est d'ailleurs pas son coup d'essai mais la quatrième collaboration avec son compatriote Hillcoat. Facile du coup d'écrire que Lawless sonne comme un morceau de blues ou une ballade country mâtinée de rock. D'autant que Cave compose l'excellente musique du film, superposant ses rythmes à celui linéaire du récit. C'est pourtant assez juste. Tout le film joue la concision et l'énergie, l'image forte, alliant la fascination pour les histoires de gangsters avec tout leur décorum à une prise de distance par l'humour. A rapprocher donc d'albums comme Murder Ballads (Pour la violence et le mythe) ou Boatman call (Pour le romantisme). La mise en scène de John Hillcoat enveloppe le tout avec un rien de grandiloquence. Tout dans Lawless est plus grand que nature. Forrest est plus laconique que Clint Eastwood chez Sergio Leone, y compris quand il voit débarquer Maggie dans son bar rural. Pourtant... Celle-ci apparaît nimbée de lumière, robe bleue, maquillée et coiffée comme une star hollywoodienne pour postuler comme serveuse. Les femmes sont sublimement belles, l'amour est fort, les coups de feu tonnent comme le canon et les impacts ont le diamètre d'une assiette à soupe, le sang gicle au litre, les os craquent en 5. quelque chose, les hommes prennent la pose, le chapeau incliné comme il faut, la photographie du français Benoît Delhomme est précieuse, les nuits sont noires, le brouillard épais, la chaleur palpable, le froid glaçant, les véhicules d'époque artistiquement déglingués, le moindre accessoire en place. On s'y croirait. Sauf que c'est un peu trop, tout le temps. Tout est énorme et à ce jeu Hillcoat dérape un poil question violence, elle aussi un peu trop, trop pour un film que l'on ne peut pas prendre trop au sérieux. Il y a comme un petit défaut d'équilibre à ce niveau, quelques chose que les frères Coen savent mieux doser dans, au hasard, Miller's crossing (1990). Pourtant, la distance ironique est bien présente dans le film. Fasciné par une imagerie d’Épinal du gangster, Lawless est une intéressante réflexion sur cette imagerie.
Le film est construit à partir d'une histoire vraie, mais rapportée déjà de façon romancée par l'un des petit-fils Bondurant, Matt, dans The Wettest County in the World (2008). Dans cette histoire, les Bondurant ont déjà en 1930 une solide légende familiale, et le roman entretient cette légende. Le film la prolonge en adoptant une voix off de conteur et ce style à grands traits qui renforce le côté mythique et sollicite un riche imaginaire de cinéma. Mais dans le même temps, les outrances et le regard ironique porté sur ce récit tendent à la désamorcer. Revenus plus ou moins en héros de la grande guerre, les deux frères aînés se sont forgés une réputation d'immortalité, rien que cela. Sur cette idée, elle aussi énorme, il faut voir comment Hillcoat l'exploite en deux temps dans le final, entre le regard hébété de Forrest qui avoue qu'il avait finit par y croire et la dernière scène que je trouve hilarante à sa manière mais dont je vous laisse découvrir la teneur. Reste qu'entre le deuxième et le troisième degré, le réalisateur se mélange un peu les pédales. Constamment en surrégime, Lawless manque parfois de perdre son souffle. Il aurait gagné à quelques moments supplémentaires dans le genre de ce plan nocturne des feux des distilleries clandestines éparpillés dans la vallée. D'un peu de douceur dans ce monde brutes.
Photographies : © The Weinstein Company
19:37 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : john hillcoat | Facebook |
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15/09/2012
Comme vous nagiez bien, chef...
Pierre Mondy (1925-2012) et Christian Marin (1929-2012) au centre entre Michael Lonsdale et Guy Bedos dans Les copains (1964) de Yves Robert.
15:13 Publié dans Acteurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre mondy, christian marin | Facebook |
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10/09/2012
Zoom arrière
Zoom arrière est un nouveau blog, une aventure collective à l'initiative de l'ami Édouard de Nightswimming. Zoom arrière vous propose une sorte de machine à remonter le temps pour cinéphiles, une exploration du cinéma via les sorties en France par année. Remontons donc, sinon les Champs Élysées, le XXeme siècle et projetons nous en 1945. La guerre est finie, les films américains reviennent sur écrans de Paris, Carné sort Les enfants du paradis...
Tous les mois, par la grâce de quelques unes des plus fines plumes d'Internet, Zoom arrière vous proposera une liste très complètes de sorties année par année, des petites étoiles façon Panoptique pour vous signifier nos goûts, des liens vers nos textes et des documents d'époque. De quoi raviver les curiosités endormies et stimuler nos manies de classements et de listes ! N'hésitez pas à enrichir de vos contributions cette nouvelle aventure. Cliquez sur la machine :
23:24 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
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08/09/2012
Les naufragés de la D17 (photos de vacances)
Du côté des hauts lieux moulettiens...
16:23 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
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06/09/2012
Le messie du mal
La fille entre dans une salle de cinéma. Une jolie salle à l'ancienne. Une jolie fille avec cette fraîcheur particulière des actrices des années 70. la ville est déserte, c'est le soir. La salle aussi, ou presque. Deux ou trois spectateurs immobiles. La fille s'enfonce dans son fauteuil, un pot de pop corn dans les bras. Sur l'écran, bientôt, le film commence. Un film étrange, curieux western décalé, violent comme un western italien. La fille croque son pop corn mécaniquement. Derrière elle s'ouvrent les portes latérales, l'une puis l'autre, et entrent tour à tour des silhouettes silencieuses qui vont s'installer dans la salle. Bientôt presque tous les sièges derrière la fille sont peuplés d'ombres et l'angoisse étreint nos cœurs tandis que craque le pop corn. Que va t'il se passer, cher lecteur ? Vous le saurez en découvrant Messiah of evil, perle noire réalisée en 1973 par Willard Huyck et Gloria Katz dont c'était le premier film.
Lire la suite sur Les fiches du Cinéma
La chronique du bon Dr Orlof
Et celle de Jocelyn Manchec pour Kinok
Affiche DR
11:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : willard huyck, gloria katz | Facebook |
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25/08/2012
Du côté d'Inisfree (4)
Bientôt la rentrée !
00:33 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john ford, john wayne, maureen o'hara | Facebook |
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23/08/2012
Du côté d'Inisfree (3)
Pause pour Barry Fitzgerald sur le gazon, sous le regard de Chata, la seconde femme de Duke Wayne
Photographie DR / Republic Pictures
00:36 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : john ford | Facebook |
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21/08/2012
Du coté d'Inisfree (2)
John Wayne et Maureen O'Hara complice entre deux prises.
Photographie : Irish Film Institude / Republic Pictures
00:23 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john ford, john wayne, maureen o'hara | Facebook |
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19/08/2012
Rêve d'Irlande
Il y a 60 ans, en juillet 1952 (les français attendront novembre), sortait The quiet man (L'homme tranquille) et John Ford voyait aboutir un rêve vieux de près de vingt ans. Après avoir découvert la nouvelle de l'écrivain irlandais Maurice Walsh, il en acquiert les droits en 1936. Commence alors un long travail auprès des producteurs pour les convaincre de financer le projet. Mais malgré sa position, son succès et ses oscars, tous refusent l'un après l'autre de s'engager dans « cette stupide petite histoire irlandaise ». Entre temps, Ford arrête sa distribution sur John Wayne et Maureen O'Hara et les implique dans son rêve. Puis c'est la guerre et Ford lâche tout pour engager son talent dans d'autres combats autrement terribles. Après bien des péripéties et grâce au soutient indéfectible de son couple vedette, Wayne surtout qui est devenu une grosse star, le film obtient du bout des lèvres le feu vert de Herbert J. Yates, le patron de la modeste Republic Pictures. Yates ne croit pas non plus au film mais il allonge un million de dollars en échange d'un western à succès qui sera Rio Grande en 1950.
A l'été 1951, Ford et sa troupe débarquent au château d'Ashford dans le conté de Mayo et dans le village tout proche de Cong, en Irlande. Inisfree va prendre vie. Cette aventure a changé la vie du village. A Cong, beaucoup de gens participent au film à des titres divers, devant et derrière la caméra. Et comme à Sainte-Sévère accueillant Tati pour Jour de fête (1949), un culte est né autour du film. Les touristes, les « Quiet man crazies », affluent pour retrouver le pont, la plage, le pub chez Cohan, les restes du cottage natal de Sean Thornton. Pour les soixante ans du tournage, l'an passé, le village a bien fait les choses en accueillant en grandes pompes Maureen O'Hara, la principale participante survivante, avec parade dans le tacot du révérend Playfair et cornemuses. C'est également pour l'occasion que Se' Merry Doyle avec le soutient de l'Irish Film Board, réalise le documentaire Dreaming the Quiet Man.
Le film de John Ford a déjà inspiré les cinéastes au-delà des citations de Steven Spielberg. L'espagnol José Luis Guerin a réalisé en 1990 le très beau Innisfree (avec deux « n »), rêverie sur l'Irlande rêvée de Ford et rencontre avec le pays réel et ses autres mystères. Se' Merry Doyle entend suivre plusieurs pistes et s'organise autour de quatre axes : l'histoire du tournage de The quiet man, le culte cinéphile et touristique né du film, une tentative de portrait de Ford à travers ce film dans lequel il a mis beaucoup de lui-même, et enfin une lecture critique du film. C'est ambitieux, c'est un peu trop. Les quatre parties habilement imbriquées sont d'inégales valeurs et les plus intéressantes perdent à cause de la place accordée aux autres.
La partie tournage purement documentaire est riche. Elle s'appuie sur de nombreux documents d'époque dont quelques films amateurs sur le tournage particulièrement émouvants et instructifs quand ils montrent la logistique hollywoodienne en terre irlandaise. Interviennent quelques survivants de l'épopée, figurants locaux, Aissa Wayne, la fille du Duke que l'on voit dans la scène de la course de chevaux sur la plage, une cousine de Ford qui avait aidé Maureen O'Hara pour son dialogue en gaélique, habile façon de déjouer la censure, et O'Hara elle même, la plus flamboyante des rousses toujours vaillante et qui ne pratique pas la langue de bois. Elle sait qu'il faut imprimer la légende et refuse en riant de révéler la réplique finale murmurée à l'oreille de Wayne sur instruction de Ford dans le dernier plan. Curieux combien cette scène fait écho à la scène finale du Eyes wide shut (1999) de Stanley Kubrick. Tout ceci est absolument passionnant, retraçant les difficultés à monter ce projet atypique du Hollywood de la grande époque. Mais aussi le bonheur d'un tournage loin des studios, en famille. Wayne fait venir sa femme et ses quatre enfants, O'Hara joue avec ses deux frères Charles B. Fitzsimons et James O'Hara, Barry Fitzgerald joue avec son frère Arthur Shields, Ford fait jouer son frère Francis et intervenir son fils Patrick, et Andrew McLaglen, fils de son père Victor, est premier assistant. Du cinéma comme des vacances d'été avec la machinerie afférente. Sur un commentaire dit par Gabriel Byrne, cette partie semble trop courte.
La partie sur le culte encore vivace dans l'Irlande contemporaine est la plus faible. Traitée avec beaucoup plus de finesse par Guérin, elle n'apporte pas grand chose. La vision des touristes bramant The wild colonial boy dans leur bus est tout à fait anecdotique. Certaines scènes, la parade des soixante ans ou les interventions de la marchande de souvenirs (amusante quand elle explique la démarche de Wayne réglée par Ford), souffrent d'une mauvaise qualité d'image et de son.
Le portrait de Ford est un angle autrement plus intéressant mais il se heurte à plusieurs problèmes dont l'utilisation d'images assez connues du documentaire de Peter Bogdanovich à Monument valley qui semblent hors de propos ou du moins mal reliées à notre aventure irlandaise. Se' Merry Doyle aurait eu besoin de plus de temps pour développer cet axe, sans doute un film entier. Comme Joseph McBride avec sa monumentale biographie, il échoue à percer le mystère d'un homme secret et pudique, maniant en maître la contradiction, l'humour et la dérision pour se protéger. On sent toujours que l'on est proche mais toujours quelque chose échappe. Pourtant, Ford a livré beaucoup de lui-même avec ce film, de ses origines irlandaises, de son rapport avec ce pays, de sa vision de l'Amérique, de l'importance de sa mère, de ses conceptions du couple et de l'amour, donnant au personnage de Maureen O'Hara le double prénom de la femme Mary et de son amour secret Katharine « Kate » Hepburn.
La partie critique est plus aboutie quoique incomplète à mon sens toujours pour des questions de temps. Le réalisateur fait appel au gratin des spécialistes de Ford : Peter Bogdanovich et son foulard, Martin Scorcese et son débit de mitraillette, Joseph McBride, le réalisateur Jim Sheridan, le professeur William de la Rutgers University qui a une analyse très fine, brillante, du film, et le scénariste Jay Cocks. J'en oublie peut-être. C'est un délice de les écouter parler du film chacun à leur manière et Se' Merry Doyle propose avec eux une lecture du film qui tente de faire la part des choses d'une œuvre autant célébrée (succès critique, public, oscars), que critiquée notamment en Irlande pour une vision jugée trop folklorique, et pour la conception des rapports hommes-femme jugée machiste, nourrie de la célèbre scène où Wayne traine sa partenaire sur huit kilomètres suivi par tout le village avec la fameuse réplique « Voici un bon bâton, pour battre votre jolie dame ». Pas sûr que les prestigieux intervenants arrivent au final à convaincre les sceptiques tant leurs propos sont hétérogènes et dispersés dans le cours du film. William rapproche avec érudition le film de Shakespeare et des rites ancestraux du pays, et Scorcese entre deux rires à la Woody Woodpecker lâche quelques mots définitifs comme « œuvre d'art » et « poésie ». Qu'il en soit ici remercié.
Au final, Dreaming the quiet man, qui à trop vouloir embrasser mal étreint, est de bonne facture, de tenue honnête et ravira les rêveurs d'Inisfree, incitant au plus vite à replonger de le film. Ce que je fis.
Photographies : Loopline films / Republic Pictures
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17/08/2012
Du coté d'Inisfree (1)
John Ford et Maureen O'Hara en Irlande pour le tournage de The quiet man (L'homme tranquille - 1952). Entre les deux avec les lunettes, sans doute Meta Stern proche et discrète collaboratrice du maître.
Photographie Irish Film Institude / Republic Pictures
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13/08/2012
Les joies du bain : plus haut la main
Pause fraîcheur avec cet envoi amical et bienvenu de Fredérique : George Cukor, grand spécialiste de la femme à l'écran, mettant la dernière main au bain de Judy Holliday sur le tournage de Born yesterday (Comment l'esprit vient aux femmes- 1950). Soit il dissimule un micro, soit il cherche la savonette manquante. Photographie Dr Macro.
10:19 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : george cukor | Facebook |
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11/08/2012
Dinosaures ! (2)
Voici un morceau de pellicule que j'aurais bien aimé découvrir à 10 ans. Au milieu des années 70, j'aimais les films d'aventures colorées avec de grosses bestioles comme la trilogie de Kevin Connor inspirée par Edgar Rice Burroughs ou The last dinosaur (Le dernier dinosaure – 1977) réalisé par Alexander Grasshoff et Shusei Kotani. Il y a eu à l'époque un regain d'intérêt pour ce genre de choses, sans doute entretenu par le médiatique et hérétique King Kong de John Guillermin en 1976. A 10 ans, on possède encore une fraîcheur qui fait accepter bien des choses. Plus tard, trop vite, ça se complique.
Pour Planet of the dinosaurs (La planète des dinosaures), c'est très, très compliqué. Imaginez que vous ayez réunit quelques amis sur quelques week-ends pour vous amuser à faire un film dans un coin paumé et pelé., avec trois lignes de scénario griffonnées sur un bloc note. Voilà, il y a de fortes chances que vous obteniez le film que James K. Shea réalise en 1978, réaliser étant un bien grand mot. D'ailleurs, Planet of dinosaurs est l'unique œuvre de son auteur et cela peut se comprendre. Cela peut éventuellement se regretter tant Shea avait le sérieux potentiel d'un héritier d'Ed Wood.
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La chronique du bon Dr Orlof
Sur Nanarland
Sur Devildead
la très belle affiche dans le style de Franck Frazetta, source The End
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10/08/2012
Dinosaures ! (Entracte)
Bien plus belles que le film, les photographies d'exploitation de Unknown island (L'île inconnue - 1948 de Jack Bernhard. Source : www.fourcolorcomics.com
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09/08/2012
Dinosaures ! (1)
Cela commençait plutôt bien. Dans un bouge de Singapour débarquent l’héroïne et son fiancé. Carole Lane a l’assurance piquante des personnages féminins de Howard Hawks. Ils viennent recruter un solide marin, un capitaine avec la carrure et les poings à la Wallace Beery. Le décor est pauvre mais correctement filmé, la photographie de Fred Jackman Jr., Robert Gough, Milton Gold est en Cinécolor, un procédé proposant une alternative bon marché au Technicolor et qui a aujourd’hui un certain charme. Nos amis discutent et l’on nous promet de l’aventure, de l’île perdue et des dinosaures. Dans la foulée, on embarque sans ménagement un beau gosse alcoolique traumatisé par une précédente expédition dans la fameuse île et vogue le navire. En réalisant Unknown Island (L’Île inconnue) en 1948, Jack Bernhard suit son King Kong (L’unique celui de 1933), sur le bout des doigts palliant au mieux des moyens bien moindres. Pour agrémenter la traversée, il a l’idée d’une mutinerie de l’équipage malais, torses nus et bandanas, que le cap’tain Tarnowski règle à coup de gourdin. Et puis on arrive sur l’île.
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La chronique du bon Dr Orlof
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Photographie © Film Classic
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03/08/2012
Jane Russell aux révolvers
Posons au préalable qu’un film réalisé par Allan Dwan est toujours à priori excitant. Pionnier de Hollywood, maître du muet (on lui doit le Robin des Bois avec Douglas Fairbanks en 1922), réalisateur et prolixe de près de 400 titres, il pratique un cinéma direct et exaltant et la (re)découverte de ses films à petits budgets des années 40 et 50 est un bonheur sans cesse renouvelé. Posons également qu’un film dans lequel joue Jane Russell est toujours à priori agréable. Grande brune aux longues jambes et aux formes aérodynamiques, Jane Russell "The bust" pour d’évidentes raisons, est également une actrice piquante avec un brin de nonchalance. Son jeu franc, physique et intemporel fit les délices de réalisateurs comme Howard Hawks ou Raoul Walsh. Elle excelle dans la comédie, danse, chante et retire ses bottes admirablement.
Le premier dirige la seconde dans Montana Belle (La Femme aux revolvers), western de série tourné en 1948 mais sortit en 1952. Jane y est Belle Starr, personnage réel de l’Ouest légendaire, à l’instar de Calamity Jane ou Annie Oakley, espionne confédérée et copine du gang des frère James, elle finira lâchement révolvérisée, les bottes aux pieds. Du gâteau pour le cinéma ! Belle Starr sera interprétée par Betty Compson en 1928, Gene Tierney en 1941, Marie Windsor en 1954, Elsa Martinelli en 1968 et Pamela Reed en 1980, entre autres. Pour Allan Dwan, Russell campe une belle Starr fraîchement veuve, redoutable aux révolvers et calculatrice. Elle s’acoquine cette fois avec le gang des Daltons, les classiques, pas ceux de Morris. C’est Bob qui l’a sauvée du lynchage et s’est épris d’elle. Las ! La belle ne l’aime pas plus que ça et sa présence crée des tensions au sein du groupe masculin « Squaw no good » crache Ringo, l’indien de la bande. Tension d’ordre érotique bien entendu, érotisme un peu bridé de la part de Dwan qui sera plus inventif en d’autres occasions. Reste une bien jolie scène avec Belle en Blanche-Neige et les 7 membres du gang qui suivent chacun de ses gestes dans leur modeste demeure.
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Le DVD
Sur DVD Classik
Sur Critikat
Photographie RKO / Cinéma.de
08:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : allan dwan, western | Facebook |
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01/08/2012
Et si je disais...
...I just went gay all of a sudden !
Howard Hawks, Katharine Hepburn et Cary Grant sur le tournage de Bringing up baby (L'impossible monsieur Bébé - 1938 / Photographie source Dear Old Hollywood
09:00 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : howard hawks, cary grant, katharine hepburn | Facebook |
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25/07/2012
Souvenirs d'Ernest Borgnine
Les films ne changent peut être pas le monde, mais si j'en crois ma modeste expérience, ils peuvent profondément influencer les vies. Ainsi la mort récente d'Ernest Borgnine, vénérable acteur hollywoodien, ma fait souvenir que mon antimilitarisme viscéral tient largement à sa composition en Fatso Judson dans From here to eternity (Tant qu'il y aura des hommes– 1953) de Fred Zinnemann. Découvert enfant, ce personnage de sergent bestial et sadique, bête et méchant, persécutant les sympathiques Monty Clift et Franck Sinatra, m'avait terrifié et marqué bien au-delà de l'enlacement marin de Burt Lancaster et Deborah Kerr. Loin de toute considération idéologique et malgré les nombreuses alternatives fordiennes nettement plus sympathiques, Fatso Judson a figé en moi l'image du sous-officier comme cauchemar de l'homme civilisé à éviter absolument. Borgnine lui prête ses yeux ronds sous des sourcils broussailleux, sa silhouette trapue toute en puissance contenant mal une terrifiante violence, son cou de taureau, son front bas et cette moue haineuse qui glace le sang.
J'associerais longtemps le rôle à l'acteur, apportant un supplément de frissons à ses personnages de salauds souvent frustres qu'il joua avec délectation. Donnegan dans la bande de truands de Vera Cruz (1955), le chef viking Ragnar qui meurt l'épée à la main dans la fosse aux loups du film de Fleischer, Emmett, l'un des violeurs de Raquel Welch dans Hannie Caulder (1971), Shack qui traque impitoyablement les vagabonds et affronte Lee Marvin dans Emperor of the north pole (L’empereur du Nord - 1973), le patron tyrannique de Willard (1971), le patriarche mexicain raciste qui chasse ce brave George Hilton en provoquant la mort de son nouveau né dans Quei disperati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre desperados – 1969) ou encore le red neck Coley qui se fait dérouiller par Spencer Tracy dans A bad day at Black Rock (Un homme est passé – 1955). Jolie collection non exhaustive.
Un autre rôle marquant, c'est celui de Bart Lonergan dans Johnny Guitar de Nicholas Ray. « Bart, tu ne bois pas, tu ne fume pas, tu méprises les chevaux, qu'est-ce que tu aimes ? » lui demande son complice Dancing' Kid. « Moi ! Je m'aime moi et je prends soin de moi » lui réplique de doux Bart qui, à force d'asticoter Johnny « Guitar » Logan finit par se prendre (encore) une bonne trempe. Suffisant et égoïste, il trahira Dancing' Kid et poignardera lâchement le sympathique Corey avant de se faire abattre. C'était bien la peine. Il a un échange inoubliable avec Sterling Hayden qui joue Johnny :
- Je ne cherche pas les ennuis M Lonergan
- Bart ! Tous mes amis m’appellent Bart
- Merci M Lonergan.
Ses rôles plus nuancés restent marqués par cette image comme le rancher finalement pathétique de Jubal (L'homme de nulle part - 1956). Borgnine joua pourtant avec autant d'aisance les braves types comme le fameux Marty qui lui apporta la gloire et l'oscar (Film que je n'ai jamais vu et dont je me suis toujours méfié car il est une étape essentielle de la déchéance du Hollywood classique) ou le flic traquant la Mafia sicilienne dans Pay or Die (1960). Il me fallu attendre Peckinpah et The wild bunch (La horde sauvage – 1969) avec le personnage de Dutch Engstrom pour que je reconsidère notre homme. Dutch est la conscience morale de Pike joué par William Holden, son Jiminy Cricket. Il est le membre le plus pondéré de la horde, celui qui a du recul.
- Il a donné sa parole - dit Pike, parlant de son ami Deke Thornton
- Il a donné sa parole au chemin de fer ! - réplique Dutch
- C'est sa parole.
- Ce n'est pas ce qui compte, c'est à qui on la donne !
Inoubliable dans sa façon de tailler un bout de bois tandis que ses amis visitent les prostituées du camp de Mapache, inoubliables ces regards échangés avec un sourire et ce rire avec cet éclat particulier dans l'œil quand il comprend que Pike ira jusqu'au bout et qu'ils vont partir en beauté en se payant Mapache et ses tueurs. Et Dutch meurt le dernier, pleurant le nom de son ami.
Borgnine jouera un tas d'autres choses, curé dans les entrailles du Poséidon, chef de secte à tête de bouc, partenaire du super flic Terence Hill, Cabbie dans le New-York futuriste de John Carpenter, le vieil homme illuminé de soleil par la chute des tours le 9 septembre 2001. Il restera un acteur d'un bloc, cette force brute entre Fatso et Dutch.
Photographies : Hollywood Elsewhere et Republic Pictures / Getty Images
20:00 Publié dans Acteurs, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ernest borgnine | Facebook |
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