12/02/2012
Clermont-Ferrand 2012 - Partie 3
Je me suis retrouvé devant Ce qu'il restera de nous de Vincent Macaigne un peu comme devant le Drive de Nicolas Winding Refn : hasard de la programmation festivalière, ignorance complète de ce que j'allais voir comme de celui qui l'avait fait, enthousiasme complet. C'est certainement ce qu'il peut arriver de mieux dans une salle de cinéma. Vincent Macaigne signe ici son premier film, mais c'est loin d'être un débutant, au théâtre comme comédien depuis 2000 et comme metteur en scène depuis 2004, mais aussi au cinéma comme comédien pour Jean-Paul Civeyrac, Philippe Garrel ou Bertrand Bonello. Cette année à Clermont, on pouvait le voir jouer dans I'm your man (je suis ton mec) de Keren Ben Rafaël. Il est également à l’affiche en ce moment d'Un monde sans femme de Guillaume Brac.
Ce qu'il restera de nous repose sur des bases on ne peut plus classiques, deux frères se retrouvant à l'occasion de la mort de leur père et se jetant leur quatre vérités à la figure. Le premier a refusé de faire quelque chose de sa vie selon les canons établis, restant un peu en marge, un peu excentrique, guidé seulement par sa sensibilité. Le second semble avoir réussi, belle voiture, femme et deux enfants dont un en route, il a mis en sommeil ses dons de musicien. Le deuil, le sens de la vie et toutes ces sortes de choses, excusez-moi je baille. Pourtant non. Absolument pas. Tout est question de style, de traitement et donc de cinéma. Et Ce qu'il restera de nous est du bel et bon cinéma, rompant radicalement avec la paresse et le manque d'ambition le tout venant du jeune cinéma de France et d'ailleurs, du genre caméra à l'épaule, cadrages approximatifs, indigestion de gros plans (sur la nuque, je n'en peux plus) et improvisation approximative truffée de "euh" et "ouais" pour faire vrai. Première évidence, le format. Macaigne adopte un format carré classique qui tranche sur l'ultra majoritaire 16/9e. La caméra est posée, ce qui ne l'empêche pas de donner de bien beaux travellings (en ville, sous les arcades). Le décor est cadré avec précision et goût. On pourra y voir l'influence du travail théâtral, mais j'y vois aussi l'application du principe fordien qui veut que ce soit aux acteurs de bouger devant la caméra et de vivre dans le cadre. Macaigne fait cela très bien, découpant le cadre avec les espaces, les portes et les cloisons, jouant avec la profondeur de champ comme dans ce superbe plan ou le frère "bohème" entre dans le pavillon familial, ouvre la porte, traverse la cuisine, ressort par la terrasse où sont installés son frère et sa belle-sœur, file au fond du jardin pour enterrer les restes de sa voiture (sacrée R5).
Le film est ainsi composé de tableaux dans lesquels Macaigne prend le temps d'installer les mouvements et les relations entre ses personnages, les tensions que chaque situation révèle et porte à leur point maximum. Chacun de ces tableaux est un affrontement entre les deux frères et la belle-sœur, deux par deux, où chacun tour à tour déverse ce qu'il a sur le cœur depuis tant d'années. Et il y a gros. A chaque fois, l'intensité monte jusqu'au bord de l'explosion qui parfois survient (la scène de la cave), et parfois non. Le côté dispositif pourrait être redoutable, comme la façon de délivrer des textes longs et pas exactement murmurés, mais Ce qu'il restera de nous est vraiment pensé cinéma et la progression se fait par le montage, chaque changement de plan faisant évoluer la perception, la connaissance que l'on a de chacun des membres du trio. Importance du hors-champ également, comme dans la scène de la cave, encore, où la présence du frère "arrivé" est maintenue à l'extérieur jusqu'à ce qu'il se jette sur son frère. Autre aspect remarquable, les dialogues qui semblent très écrits et pourtant dits à la perfection par les trois comédiens, Laure Calamy, Anthony Paliotti et Thibault Lacroix. Je ne sais pas comment ils ont travaillé mais on sent que rien n'est approximatif et, une nouvelle fois, la théâtralité potentielle est contournée par une direction très cinéma, attachée aux gestes, à la façon dont l'un écoute l'autre parler, à la justesse des attitudes, des silences et des temps morts. Surtout, la violence des diatribes successives (On échappe heureusement aux logorrhées pachydermiques à la Haneke) est atténuée par l'élégance d'un humour discret, un petit décalage pince-sans-rire qui révèle de la tendresse pour les personnages. Chacun d'eux est tout à tour impitoyable pour les autres mais Macaigne conserve un certain équilibre, donne la parole et ne juge pas. Il aime, je crois, les trois. Il a une façon originale de le faire passer par un petit quelque chose en trop, comme la voix un peu trop haut perchée de la femme quand elle agonit son époux, comme les expressions d'arrogance fragile du frère "marginal", comme les regards ahuris du frère "établi". Cela tempère la violence de ce qui est dit, la pathétique d'être que l'on pourrait mépriser. Macaigne reste à auteur d'homme. C'est un superbe numéro d'équilibrisme.
Un bémol toutefois, comme je l'avais signalé en introduction. La photographie, assurée par Vincent Macaigne lui-même souffre par moment du format mini DV. La scène du début dans le bar avec Thomas Blanchard, le plan de nuit dans la forêt, l'effet avec le volet roulant, auraient sans doute gagné a être tournés en 35mm. La lumière manque de définition, les effets de puissance. Ce sont heureusement quelques cas isolés dans un ensemble le plus souvent superbe, offrant de très belles compositions, comme celle de la R5 dans le fleuve ou le pavillon avec l'arbre aux feuilles rouges splendides.
Un extrait du film
Photographie source Télérama DR
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09/02/2012
Clermont-Ferrand 2012 - Partie 2
International - 2
Dans un registre plus intime, Retour à Mandima du suisse Robert-Jan Lacombe fait suite à son film de 2010, Au revoir Mandima qui racontait le départ de sa famille expatriée au Congo – Zaïre quelques semaines avant que la guerre n'éclate. Le réalisateur était alors enfant. Comme son titre l'indique, ce nouveau documentaire intime raconte son retour actuel et sa tentative de retrouver ses amis d'enfance, le petit groupe qui lui avait dit adieu quinze ans plus tôt. Tous sont désormais de jeunes adultes, mais Robert-Jan peut mesurer le fossé qui s'est creusé entre l'européen revenu avec sa petite caméra et ceux qui ont vécu la guerre et vivent un quotidien difficile dans un pays où tout reste à faire et rien n'est facile. Avec beaucoup de pudeur, restant fixé sur sa quête personnelle et sentimentale, le cinéaste n'en donne pas moins à penser sur les rapports Nord-Sud et la nature des liens qui peuvent, ou ne peuvent pas, se tisser entre des personnes ayant des vies si différentes. On est tenté de penser à plusieurs reprises en voyant le film que le fossé ne peut être comblé. La fin est un peu abrupte et si le groupe se réunit pour dire un nouvel au revoir (ou adieu ?) , le film reste très discret sur la façon dont se seraient renoués les liens distendus par le temps et la perte de l'enfance qui est le coeur du film.
Le film italien I morti di Alos de Daniele Atzeni est un envoûtant faux documentaire largement composé d'images d'archives sardes, souvent magnifiques (les scènes du carnaval). Il se présente comme le récit d'une tragédie, pas très loin d'un conte fantastique façon La quatrième dimension avant de tourner à la parabole politique et environnementale. Le film est surtout tenu par la voix off d'Alessandro Valentini grave et mystérieuse comme il faut, soutenue par une musique anxiogène de Stefano Guzzetti. Au contemporain, la caméra erre dans les rues d'un village déserté après la terrible catastrophe qui a décimé la population en une nuit, ne laissant qu'un unique survivant. Le récit fait surgir les spectres du passé qui se révèlent ceux des multiples documents d'archive. Ce qui a disparu, en fin de compte, c'est une façon de vivre, un village pauvre mais heureux, un monde rural et collectif, balayé par la société moderne et la recherche du profit. Et cette destruction, rendue poignante par l'effet des visages préservés par le film, le support film, est bien réelle.
Il y a dans le court métrage anglo-saxon une sophistication de la forme, un côté pro au risque du lisse, associé à une rigueur narrative qui se focalise sur l'anecdote. Ainsi Lambs des néo-zélandais Sam Kelly et Tom Hern est le portrait d'un jeune un peu dealer qui vit au sein d'une sorte de tribu un peu en marge et un peu brutale. Il y protège ses jeunes frères et sœur tout en ayant envie de fuir ce milieu délétère. Quelle sera sa décision ? Suspense. Dans Tethered (Attaché) de l'australien Craig Irvin, il y a de superbes plans du héros à moto qui m'ont fait penser à ceux de Geroge Miller du temps de Mad Max. Le film se déroule dans l'abattoir d'un bled paumé où le jeune garçon apprend le métier dans un abattoir entre grosses brutes tatouées et carcasses fumantes, tout en faisant son éducation sentimentale avec une jeune fille vivant dans une station service et dont les rêves se sont déjà enfuis. Tout est dans le style, dans le jeu maîtrisé des comédiens, mais cela reste prévisible, jamais très loin des clichés du genre.
Très classique également , mais excellent, l'un n'empêche pas l'autre, Curfew (Couvre feu) de l'américain Shawn Christensen qui a obtenu le prix du public. Richie est un type à la dérive (il est en train de s'ouvrir les veines dans sa baignoire !) qui va trouver sa rédemption quand sa sœur, avec laquelle il était fâché, lui demande de garder sa nièce quelques heures. Sous l'influence de la fillette délurée et craquante, devenez ce qu'il va arriver. Tout à fait, mais c'est bien fait. Il y a surtout une très belle scène musicale dans un bowling, un numéro dansé par la fillette excitant au possible, qui confirme que, par rapport aux scènes musicales des films français sous influence de Jacques Demy (j'y reviendrais), d'une part Demy est une exception, et d'autre part les américains ont la comédie musicale dans la peau.
Le site du film Thethered
La page facebook de I morti di Alos
La page facebook du film Curfew
Photographies DR
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08/02/2012
Clermont-Ferrand 2012 - Partie 1
Arrivée
J'ai débarqué à Clermont-Ferrand par un froid piquant mais pas désagréable puis il s'est mis à neiger. Cela n'a quasiment pas arrêté durant les quatre jours de mon séjour. Agréable après la côte d'Azur, de ressentir enfin l'hiver. Un temps parfait pour se plonger dans la chaleur des salles. Réflexions d'ensemble : le festival attire toujours autant de monde (145 000 personnes chiffre officiel), les salles sont pleines, les queues fournies malgré le froid devant Gergovia, comme à Cannes en mai. L'organisation a subit des difficultés financières explicitées par l'éditorial un brin frondeur du Président Jean-Claude Sorel que l'on pourra lire dans le programme en ligne sur le site du festival. Effet de la crise ou politique culturelle, on ne rit pas, le court à Clermont se serre la ceinture mais conserve la richesse des programmes et la chaleur de l'accueil. Le marché s'est fait plus international et plus tourné sur la vente tandis que les festivals, écoles, collectivités et associations se font plus rares.
Côté films, ce qui m'a frappé, c'est la qualité très variable des projections. Certains films sont incroyablement moches. Vidéo terne, image télé baveuse, fichiers pas même désentrelacés, c'est parfois surprenant d'autant que l'on ne sait pas si cela provient des copies, du choix (ou de son absence) au tournage, ou des équipements de projection eux-mêmes qui, comme tout le monde, vieillissent. Exemple type, le grand prix de la compétition nationale tourné en mini DV et qui, malgré ses indéniables qualités sur lesquelles je vais revenir, souffre un peu de son format. Cette fois encore, le sentiment de la révolution numérique s'imposait, avec le regret des belles projections en 35 mm (il y en a encore). Paradoxalement, nombre de réalisateurs utilisent les images d'autrefois, archives, super 8, vidéo analogique, mêlant la mémoire du cinéma et la mémoire intime (les films d'Olivier Py, Daniele Atzeni, Thibault Le Texier, Rachid B. ou Robert-Jan Lacombe). Détail amusant en notre ère numérique et dématérialisée, le goût prononcé pour nombre d'objets on ne peut plus concrets : tourne-disques, téléphones à touche voire à cadran, techniques artisanales pour les films d'animation.
International - 1
Il était excitant de voir ce qu'allaient exprimer les jeunes cinéastes arabes après les mouvements complexes ayant traversé leurs pays l'an passé. Al Hesab de Omar Khaled, venu d'Egypte, est un portrait désespérant d'une société pourrie jusqu'au coeur par la corruption et la violence (sociale, physique, sexuelle) à tous les niveaux. Le côté fabriqué des situations n'évite pas une certaine lourdeur démonstrative (le professeur dégoûté obligé de faire le taxi frappe ses élèves avec sadisme, il sera humilié par un groupe de jeunes friqués avec l'aide d'un policier qui lui, etc.) mais surtout, si le film est plutôt bien construit, pâtit d'un filmage amateur, caméra à l'épaule, cadrages hasardeux et image vidéo laide, voir plus haut. Dommage.
A l'inverse, Demain, Alger ? de Amin Sidi-Boumédiène séduit par son dispositif simple : le départ du jeune Fouad pour l'Europe à la veille des manifestations de 1988 qui furent réprimées dans le sang, et les réactions de ses trois amis. Cadrages posés et découpage au petit poil, belle lumière solaire, jeu impeccable des quatre protagonistes et attention aux personnages. Le film, en douceur, se fait portrait d'une génération et réflexion pour la suivante, avec ses espoirs, ses frustrations, sa peur de l'avenir, son défi crâne, sa fascination pour l'occident (c'est pas facile, dira le père) qui passe aussi par les posters, icônes sur le mur, l'arrachement et la douleur de ceux qui restent. Partir ou rester, tout le dilemme de ces garçons, tout le drame d'un pays. Fouad ne se résoudra pas à dire adieu à ses amis. Un beau film maîtrisé et sensible.
Algérie toujours avec Mollement, un samedi matin de Sofia Djama, présenté dans la compétition française mais quand même. Le film ose une approche hardie à travers l'histoire de Myassa (superbe Laëtitia Eido) qui est agressée par un jeune homme au pied de son immeuble. Las, la tentative de viol tourne court, comme chez Almodovar, car le violeur ne raidit pas. Décidée malgré tout à porter plainte, Myassa se rend au commissariat du coin où son histoire laisse perplexe après avoir, en tant que femme, suscité le mépris. « Comment bander pour son pays si ses hommes ne le font pas pour leurs femmes même pour un viol ? » demande-elle (à peu près) au commissaire complètement désabusé. La défaillance du jeune violeur devient métaphore de l'impuissance du pays tout entier, idée renforcée par le problème de plomberie dans l'appartement de Myassa qui l'empêche d'avoir de l'eau. Qu'est-ce que c'est que ce pays pas fichu d'assurer le minimum vital ! Le portrait que fait Sofia Djama est celui d'une société en panne : corruption de la police, mépris des femmes, vulgarité ordinaire, mollesse généralisée, alcoolisme dissimulé, bêtise de la religion. Au plombier incapable qui vient avec sa fillette parce qu'il ne saurait entrer seul dans l'appartement d'une célibataire, Myassa demande « Tu vas réparer mon chauffe-eau ? ». « Si Dieu le veut ». « Laisse Dieu et apprends ton métier !». Il y a dans ces échanges beaucoup d'humour et beaucoup de colère, le premier évitant de tomber dans le misérabilisme plombé. Le portrait de l'héroïne est plein de sensibilité, de sensualité et de vitalité, la vitalité qui manque au pays. D'un autre côté, la réussite de la réalisatrice vient de l'équilibre qu'elle parvient à donner à ses autre protagonistes « Tous les personnages du film, victimes ou bourreaux, sont pris en otage d'une pression sociale, victime de ce mal en devenir », dit-elle. Ils ne tombent jamais dans la caricature même si l'on en rit beaucoup. La réalisatrice nous montre des hommes et des femmes bien vivants mais bien coincés.
Ailleurs, rien de bien saillant de ce que j'ai pu voir en provenance d'Asie. De l'anecdotique, du micro-évènement quotidien, vite vu, vite oublié à l'image de ce curieux grand prix, Guest de Ga Eun Yoon. Une jeune fille vient s'expliquer avec la maîtresse de son père. Elle n'est pas là. Ses deux gamins oui. Ils sont mignons. Elle va apprendre à les connaître. Bon.
D'Europe, j'ai retenu Noise du polonais Przemyslaw Adamski, un film d'animation mêlant images réelles et animation, un peu dans la tradition du travail d'un Zbigniew Rybczynski. Adamski joue sur la matérialisation des sons et leur hors-champ. C'est virtuose, étrange, poétique, polonais. Ausreichend (Passable) de l'allemande Isabel Prahl est un très beau court qui est aussi un film d'étudiante. Porté par la prestation du jeune acteur Thomas Fränzel et d'un scénario habile autour des efforts d'un professeur plein d'idéal qui se heurte au principe de réalité, le film illustre les rapports de force au sein de l'école et la complexité du métier d'enseignant. Vaste programme mené sans effet de manche mais avec un sens certain du relatif. Le professeur à la tignasse bouclée est lui-même un étudiant et doit subit l'examen pratique qui doit lui permettre de décrocher son diplôme. Il se retrouve coincé entre le désir de l'une de ses élèves, la jalousie de l'un des prétendants éconduit et le conservatisme de la proviseure. Quelle idée que ce type qui veut parler du Woyzeck de Büchner à ses étudiants en leur montrant le film de Werner Herzog ? J'adore la réplique « Attention, c'est du Kinski ». Le film est construit en oppositions et variations subtiles sur l'exercice du pouvoir au quotidien. La tension monte rapidement sans que jamais la réalisatrice n'ait la tentation de l'outrance dramatique et coup, elle reste parfaitement crédible. Elle utilise l'espace clos de la salle de classe et le décor un peu trop neutre du lycée pour le transformer petit à petit en un endroit étouffant qui piège le jeune idéaliste.
Un entretien avec Amin Sidi-Boumédiène
Un article sur Mollement, un samedi matin
La bande annonce de Ausreichend
Photographies DR
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04/02/2012
J. Edgar
Je dois avoir un flair particulier pour les meilleurs films de Clint Eastwood. J'ai fait l'impasse sur les trois qui ont suivi le superbe Gran Torino (2007) pour arriver directement à J. Edgar. Je le sentais bien. Ce flair n'est certes pas infaillible. J'ai déjà regretté, parfois, d'avoir raté à leur sortie tel ou tel film (Le diptyque sur Iwo Jima par exemple). Mais le caractère variable des réalisations d'Eastwood est connu et la découverte à-posteriori, loin de la frénésie de l'immédiat, permet une sérénité qui peut déboucher sur d'agréables surprises. Cela vaut mieux que le contraire. A son âge et à ce point de sa carrière, le crépuscule du grand fauve, le cinéma de Clint Eastwood n'est plus à découvrir ni même à réévaluer. C'est fait. Comme Woody Allen, il fait partie des grands anciens prolifiques, américains et indéboulonnables, dont chaque nouveau film partage entre admiration et envie de coup de pied au culte (Voir le récent Clint Fucking Eastwood de Stéphane Bouquet).
Qu'est-ce qui fait donc le prix du cinéma d'Eastwood aujourd'hui ? Vaste question fondamentale autant qu'intimidante tant le réalisateur comme l'homme, du moins public, et le comédien en son temps, restent entiers, à prendre en bloc ou à laisser avec les côtés réjouissants et les côtés irritants. Question délicate pour la critique qui a du mal encore aujourd'hui à coller ensemble les morceaux d'une œuvre d'apparence hétérogène. Question qui est au cœur de J. Edgar comme la transmission était eu cœur de Million dollar baby (2004) et Gran Torino. Question que, avec son sens de la provocation et son humour à la Blondin, Eastwood aborde à travers la figure de J. Edgar Hoover, créateur et patron du FBI de 1924 à 1972, figure controversée version douce, détestable version dure, en tout cas un type antipathique, obsédé par le pouvoir, maniaque, autoritaire, hanté par le péril rouge, mégalomane, bref, l'homme que vous aimez haïr. Le Hoover d'Eastwood revoie à l'évidence à « Dirty » Harry Callahan, inspecteur pour qui la fin justifie les moyens, plus qu'aux figures démystificatrices des films plus récents. Mais là où Harry avec sa posture individualiste et hargneuse renvoyait la société américaine à ses contradictions en tapant souvent juste, J. Edgar est cette société qu'il contribue à bâtir et incarne ces contradictions en sa personne même. Autre piste tout aussi passionnante à suivre, le lien entre notre homme du FBI et le réalisateur démiurge John Wilson de White hunter, black heart (Chasseur blanc, cœur noir – 1989). Wilson, incarné par Eastwood, se présente comme sympathique (le cinéma !) mais son exercice du pouvoir marqué par l'égoïsme conduit au drame et à un regard sévère sur le bilan d'une vie que l'œuvre ne saurait racheter. Gradation supplémentaire, l'effarement de Wilson épouse celui du réalisateur Eastwood au moment de vérité. Pour Hoover qui ne semble pas avoir été homme à s'effarer, c'est le regard du réalisateur seul qui amène la réflexion. Et elle est amère. Triste. Elle aurait pu être cruelle comme Eastwood en a parfois été capable, mais le réalisateur se refuse au film réquisitoire, à un portrait trop convenu de Hoover-le-fasciste, comme il sait éviter le portrait de l'homme-qui-quand-même-a-fait-son-devoir en évitant superbement ses innombrables combats plus ou moins douteux pour se concentrer sur la seule chose qui en vaille la peine, son humanité. Le film va s'attacher à travers l'ambitieux scénario de Dustin Lance Black, auteur de celui de Harvey Milk (2008) de Gus Van Sant, à ce qui a construit Hoover, sa relation spéciale avec sa mère, son homosexualité plus ou moins latente mais bien refoulée, ses désirs de gloire et de contrôle, son besoin viscéral de confiance, ses petitesses. Cela va s'incarner, outre sa mère, dans les personnages de sa fidèle secrétaire Helen Gandy et de son second Clyde Tolson.
Là où le film devient superbe, c'est quand il montre, avec ses jeux habiles et maîtrisés des différents temps de la vie de Hoover, comment cette humanité va se révéler incompatible avec l'œuvre, c'est à dire le FBI et le combat pour une certaine idée de l'Amérique. C'est à dire qu'Eastwood nous montre un homme qui est passé à côté de sa vie. Comment il arrive au bout de son existence, à cette nudité grotesque recroquevillée sur un tapis, hâtivement recouverte par l'ami qui seul savait l'homme à l'intérieur. C'est là que J. Edgar rejoint le modèle formel du Citizen Kane (1941) d'Orson Welles : narration éclatée, maquillages vieillissants qui évoquent le théâtre et l'artifice, présence de la grande histoire reléguée au second plan (mais riche et précise, j'ignorais tout des attentats de 1919) avec un portrait de l'Amérique sur plusieurs décennies, fascination pour les moteurs profonds de l'esprit de son héros. Eastwood y ajoute une réflexion sur la manipulation, trait essentiel de Hoover, à travers le film lui-même, faisant prendre en charge une partie de la narration par une voix off (le récit est initié par Hoover qui dicte ses mémoires) suscitant des images qui seront plus tard démenties par d'autres images selon un procédé de relecture assez fordien. Il y a à ce stade un parallèle possible avec le musicien Charlie Parker de Bird (1988). Ce film possède également une structure narrative éclatée, cette esthétique très sombre et couvre grosso-modo la même période. Ce qui me semble intéressant c'est que Parker était dans un processus d'auto-destruction délibéré mais que son œuvre transcendait l'homme. Son héritage est un héritage de joie, le jazz. L'héritage de Hoover, et la réflexion est piquante chez Eastwood qui n'est pas exactement un gauchiste, est clairement la mise sous surveillance des idéaux américains à travers le fichage, l'exploration des poubelles des grands, les lois d'exception, les coups tordus et au final la faillite d'une idée démocratique quand Hoover reste malgré huit présidents successifs. La scène séminale de la bibliothèque où Hoover expose à miss Gandy ravie (c'est filmé comme une scène d'amour) ses principes de contrôle annonce ce que le film développe en filigrane, et aboutit à cette magnifique scène où Hoover dans l'obscurité de son bureau écoute en boucle le son des ébats entre Marilyn Monroe et John F. Kennedy (encore une scène d'amour, plus du tout platonique). L'obscurité de l'écran à ce moment est l'image de la faillite de l'homme J. Edgar qui rejoint celle d'un système qui en est arrivé à ce joli résultat.
Eastwood conserve un point d'équilibre en ne minimisant rien de la violence des adversaires de Hoover, du moins de ceux qui sont réels. Ce sont autant de scènes brèves, intenses, qui claquent et saisissent : l'attentat du début, le massacre de Kansas City, l'enlèvement du fils Lindberg. D'où une tonalité générale assez triste, comme dans Mystic River, plus que colère. La mise en scène est au diapason de la complexité du film. La mise en scène d'Eastwood ! Cela aussi n'est pas évident à appréhender. Quand le film est limpide (Gran Torino, Million dollar Baby), ses détracteurs lui reprochent son inexistence. Quand le film est sophistiqué (Midnight in the Garden of Good and Evil (1997), Changeling (2008)), elle écrase le sujet. En vérité, je vous l'écris, Clint Eastwood est à la limite du classique (il est un peu jeune) et des formes plus modernes nées dans les années 70 (il est plus posé). Son style est affirmé, sous le signe de la rigueur narrative, d'un goût du cadre ample, de cette photographie aux grandes zones d'ombres, très cinématographique, ici assurée par Tom Stern, d'une musique en retrait qu'il a composée lui-même, et d'un rythme plutôt lent traversé de brusques accélérations. Par principe, il ne cherche jamais à perdre son spectateur, tout à son plaisir du récit, au risque comme ici de quelques effets appuyés (les transitions entre les époques). Parfois surestimé quand on en fait le détenteur de la grande forme classique, trop souvent sous estimé quand à l'intelligence de certaines de ses idées. Un exemple. Hoover écoute les festivités de l'intronisation de Richard Nixon à la radio, vers la fin de sa vie. On est dans l'intérieur strict de son bureau, étouffant. Puis il se lève et se dirige vers la fenêtre. La caméra le suit, le son se transforme et l'on se rend compte que le défilé à lieu sous ses fenêtres. Tout est dit de la vérité de cet homme, de sa volonté de contrôle, de son arrogance, de son rapport à l'histoire de son pays dont il ne perçoit plus que le récit déformé du fond de son bureau et qui, dans la réalité sous son nez, ne l'intéresse pas. Profondeur de son ennui. Finalement, au bout du pouvoir, il n'y a que le vide intérieur.
Par Edouard sur Nightswimming
Par Buster sur Balloonatic
Sur Une fameuse gorgée de poison
Par Anna sur Going to the movies
15:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clint eastwood | Facebook | Imprimer | |
28/01/2012
Pause clermontoise
23:35 Publié dans Festival | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : court métrage, clermont ferrand | Facebook | Imprimer | |
23/01/2012
Ça sera assez sexy pour toi ?
La plutôt sublime Gloria Grahame dans une tenue qui nous laisse sans voix, en pleine discussion avec le réalisateur Jerry Hopper sur le plateau de The naked alibi (1954). L'actrice prépare la scène où elle chante Ace in the hole. Elle y est doublée pour la voix par Jo Ann Greer mais elle porte vaillamment cette superbe robe noire. Photographie Universal Pictures / Source Film Noir Photos.
19:08 Publié dans Ça | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gloria grahame, jerry hopper | Facebook | Imprimer | |
19/01/2012
Le gentil vaurien
- Han Solo: Hey, Your Worship, I'm only trying to help.
- Princess Leia: Would you please stop calling me that?
- Sure, Leia.
- You make it so difficult sometimes.
- I do, I really do. You could be a little nicer, though. Come on, admit it. Sometimes you think I'm all right.
- Occasionally, maybe... when you aren't acting like a scoundrel.
- Scoundrel? Scoundrel? I like the sound of that.
- Stop that.
- Stop what?
- Stop that. My hands are dirty.
- My hands are dirty, too. What are you afraid of?
- Afraid?
- You're trembling.
- I'm not trembling.
- You like me because I'm a scoundrel. There aren't enough scoundrels in your life.
- I happen to like nice men.
- I'm a nice man.
- No, you're not. You're...
Éminent dialogue hawksien entre Han Solo (Harrison Ford) et la princesse Leia (Carrie Fisher) dans l'une des délicieuses scènes de The empire strike back (L'empire contre-attaque – 1980) de Irvin Keshner. L'apport très certainement de la scénariste Leigh Brackett qui travailla avec Hawks sur The big sleep (Le grand sommeil - 1946) et ses courses de chevaux, ainsi que sur Rio Bravo (1959) et El Dorado (1967). Photographie de tournage source This is not porn (excellent).
22:56 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : irvin keshner, leigh brackett | Facebook | Imprimer | |
15/01/2012
Spaak puissance trois
C'était le joli temps où les jeunes actrices et les jeunes acteurs de France passaient la frontière pour dorer leur carrière naissante au soleil de l'Italie. C'était le joli temps où Cineccittà ouvrait largement ses bras généreux et faisait souffler un vent d'Europe et de liberté, en toute innocence, en toute inconscience. Parfum de dolce vità par la grâce des coproductions. C'était le joli temps d'Anouk Aimée chez Federico Fellini, de Jean-Louis Trintignant chez Sergio Corbucci et Dino Risi, de Jean-Paul Belmondo chez Mauro Bolognini, d'Alain Delon et Annie Girardot chez Luchino Visconti. C'était le joli temps de Catherine Spaak.
L'esprit de ce temps s'incarne parfaitement dans les jeunes femmes comme la fille du scénariste de La grande illusion (1937). C'est en Italie qu'elle fait l'essentiel de sa carrière où elle sera Lilly dans Il sorpasso (Le fanfaron – 1962) de Dino Risi, Mademoiselle de Maupin pour Mauro Bolognini, Giovanna pour Marco Ferreri dans L'uomo dei cinque palloni (Break-up, érotisme et ballons rouges – 1965) où Anna Terzi à la chevelure toute bouclée dans le second giallo de Dario Argento Il gatto a nove code (Le chat à neuf queues – 1971). Catherine Spaak, c'est la vie, la jeunesse et la beauté incarnée. Visage juvénile de porcelaine où pétillent deux yeux malicieux et rieurs, physique tout en finesse et en grâce, la lignée Audrey Hepburn, longues jambes pour lesquelles la mini-jupe semble avoir été inventée à dessein. Spaak dégage, comme Françoise Dorléac ou Virna Lisi, ou Elsa Martinelli, un mélange de pétulance, d'insolence et d'innocence, une sensualité musicale, pop, un érotisme en mouvement exprimant la légèreté et la promesse du monde. Et l'on y verra par contraste son absurdité, parfois sa cruauté (nous sommes dans la comédie italienne). Spaak, c'est le vent dans les cheveux, l'amour sans limites, les nuits sans fin, la moto sans casque et les petits bolides d'époque que l'on conduit très vite, au risque comme pour la Camille de Jean-Luc Godard, de finir encastrée sous un poids lourd.
En 1964, Renato Castellani, Luigi Comencini et Franco Rossi réalisent avec Tre notti d'amoreun de ces délicieux films à sketches qui est un tryptique à la gloire de l'actrice. Trois poèmes, trois chansons pop, trois histoires drôles et sensuelles avec leur pointe satirique. Le générique est tout un programme, semblables à ceux (animés) des films de Blake Edwards, où Catherine Spaak change de costume à chaque plan, évoluant dans un labyrinthe de formes géométriques aux couleurs vives, un peu à la Mondrian. Elle y est littéralement icônisée.
La vedova (La veuve), le premier segment, dirigé par Castellani qui signe le scénario la même année de Matrimonio all'italiana (Mariage à l'italienne) de Vittorio De Sica, fait de notre héroïne Giselle, une jeune veuve française, si parisienne, débarquant en Sicile pour l'enterrement de son maffieux de mari. Elle fait aux populations locales l'effet d'une véritable martienne. Sa simple présence, les courbes de ses jambes, son redoutable accent français, le tactactac de ses talons aiguille sur les pavés antiques, suffisent à déclencher une réaction en chaîne chez les rigides machos. Mais l'on ne badine pas avec la veuve d'un « capo » et au moindre regard, la sanction tombe. Et les cadavres s'empilent autour d'elle en un jeu de massacre absurde et hilarant. Car nombreux sont ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour une nuit d'amour avec la belle en noir, jeune déesse descendue sur leur terre brûlée de soleil. Sans compter ceux qui n'ont que le tort d'être au mauvais endroit au mauvais moment. On reconnaît parmi eux Aldo Puglisi dont c'est le premier rôle et qui sera juste après l'inoubliable cousin veule de Sedotta e abbandonata (Séduite et abandonnée) de Pietro Germi. Et puis l'excellent Renato Salvatori qui ira au bout de son destin.
Le second épisode, le plus remarquable, est Fatebenefratelli signé Comencini. Il est le plus représentatif de l'esprit déluré du film. Catherine Spaak y est Ghiga, jeune femme aux pulsions entières, maitresse d'un homme nettement plus âgé et nettement plus sérieux. Victime d'un accident de la route au volant du bolide de son amant, elle se retrouve plâtrée jusqu'au cou dans un monastère et veillée par un jeune novice qui a la prestance et les yeux clairs de Diabolik, Dr Justice et de l'ange de Barbarelle réunis : John Philip Law. Comencini, maître de la comédie, met en scène avec délectation le jeu de séduction qui s'établir entre la belle immobilisée physiquement et le beau paralysé moralement. Virtuose et sensuel, le réalisateur s'attache, dans le huis clos de la petite chambre mais en écran large, aux multiples gestes et jeux de regards chargés d'un érotisme charmant . Il orchestre un véritable ballet des corps qui s'approchent et s'éloignent. Ghiga gagne petit à petit en mobilité (ah ! ces jeux de pieds) tandis que les barrières spirituelles du novice s'effritent. Cette seconde nuit d'amour sera d'ordre spirituel. Le couple est délicieux, la morale malicieuse quoique teintée d'amertume, et l'épisode le sommet indispensable du film.
Le troisième épisode La moglie bambina, est signé Franco Rossi spécialiste du film à sketches, qui dirigera plus tard le duo Bud Spencer et Terence Hill dans Porgi l'altra guancia (Les deux missionnaires - 1974). Il est un peu plus faible, peut être à cause de ressorts comiques un peu boulevardiers, évoquant la comédie sexy des années 70/80. Spaak y est cette fois Cirilla, mariée à nouveau à un homme plus âgé et aisé (il est architecte comme le précédent était homme d'affaire) joué par l'impeccable Enrico Maria Salerno avec ce qu'il faut de calvitie. Mais cette fois, quoique toujours remontée comme un ressort, Cirilla est une épouse aimante et fidèle, gamine mais pleine de bonne volonté. Elle se désespére donc des multiples perturbations psychologiques de son époux traumatisé par cette femme trop belle et trop jeune. Il y a des gens compliqués. Ici, c'est de la claustrophobie comme métaphore de l'impuissance. Le mari n'arrive donc pas à prendre son costume dans le placard ni à entrer dans une voiture sans toit ouvrant. Pour débloquer la situation, Cirilla se laisse convaincre d'envoyer une de ses amies passer une nuit avec son époux. D'où quiproquo et ce genre de choses. Ce pourrait être graveleux, mais Rossi s'en sort par une mise en scène élégante et un rythme alerte qui met en valeur non seulement Catherine Spaak qui change dix fois de tenue, mais aussi tout un décorum des années 60, des intérieurs colorés aux meubles design aux voitures rutilantes si éloignées des boitiers à roues d'aujourd'hui. Sous son parasol rouge, Spaak est sublime et sa danse finale au milieu des ragazzi est un instant comme en apesanteur.
Inédit en France pour autant que je le sache, le film existe en DVD en Italie chez Terminal Vidéo.
Photographies : capture DVD Ripley's Home Video
A lire sur le site consacré à l'actrice La calda vita (en anglais)
23:12 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : luigi comencini, franco rossi, renato castellani, catherine spaak | Facebook | Imprimer | |
14/01/2012
Visages de Catherine Spaak
Tre notti d'amore, film à sketches de 1964 avec Catherine Spaak (Capture DVD Ripley's Home Vido)
21:09 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : catherine spaak | Facebook | Imprimer | |
13/01/2012
Paris la nuit
A propos d'Une nuit, le nouveau film de Philippe Lefebvre, j'aimerais au moins pouvoir dire un mot pour les acteurs que j'apprécie. Roschdy Zem a la gueule de l'emploi. Il me fait penser à Lino Ventura dont quelqu'un avait écrit qu'il restait passionnant même de dos. Mais Ventura dans un film insipide, et il en a fait, ne pouvait à lui seul en relever la fadeur. Zem pareil. Sara Forestier est toujours aussi piquante et belle. Le problème ici c'est qu'elle n'est pas filmée. Je veux dire par là (par ici aussi d'ailleurs) qu'elle est là mais que Lefebvre ne semble intéressé ni par le personnage qui reste lisse jusqu'aux cinq dernières minutes (elle fume, elle conduit, elle attend), ni par l'actrice, ce qui est fort dommage quand on a un visage pareil devant la caméra. Lefebvre la laisse dans le flou ou dans l'ombre. Rien, pas un plan malgré Paris la nuit où l'on soit ému, où l'on soit saisi de beauté, pas un geste, de ces gestes inventifs et excitants qui n'appartiennent qu'au cinéma et qui font toucher le film noir au sublime. Zem a plus de chance, il est filmé en quelques jolis portraits, Paris la nuit, la douleur du loup solitaire, mais rien qui décolle vraiment. Après Le petit lieutenant, Polisse et ces polars où Gérard Lanvin et Daniel Auteuil serrent les dents avec Daniel Duval en arrière-plan, Une nuit confirme que Drive est un film sublime et permet de mieux comprendre pourquoi. Déjà, si les réalisateurs lâchaient la pédale de la caméra portée et le style Darren Aronovsky, il y aurait du mieux. J'ai même des frissons dans l'échine quand je lis ici (et là aussi) des références à Melville, Jean-Pierre, qui jamais caméra ne porta. Inutile d'aller chercher si loin dans le temps ni l'espace. Il suffit de voir les trois premiers plans de Lefebvre, Paris la nuit, tristes images numériques avec lumière un peu dorée qui annoncent qu'il ne va rien se passer de bien palpitant. Les voir et repenser aux trois premiers plans de Montparnasse de Mickael Hers, Paris la nuit, plans au piqué incroyable et à la richesse des éclats de lumière, dont la beauté coupe le souffle, qui donnent la sensation de l'inédit et annoncent qu'il va se passer quelque chose de pas banal. Tiens se dit-on, il y a un regard. Chez Lefebvre, il y a certes quelques idées, et même des bonnes, mais elles restent des idées et ne passent pas le regard.
Photographie © UGC
11:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : philippe lefebvre | Facebook | Imprimer | |
12/01/2012
Premiers mélodrames
"J'attendais de devenir le nouveau Matarazzo. Matarazzo était le dieu du mélodrame, puis il y avait Brignone, et puis moi." (Sergio Corbucci, cité par Nocturno n° 96). Superbe affiche dans le style italien de l'époque pour le second film de Sergio Corbucci, La peccatrice dell'isola (1954) avec la belle Silvana Pampanini. Un des mélodrames qui constituèrent le début de sa carrière. Source : Benito Film poster.
09:50 Publié dans Curiosité | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sergio corbucci, affiche | Facebook | Imprimer | |
11/01/2012
Steven Spielberg à la Cinémathèque de Paris
09:29 Publié dans Cinéma, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : steven spielberg | Facebook | Imprimer | |
05/01/2012
Hugo Cabret
Les choses vont décidément bien vite. J'en suis encore à méditer sur les bouleversements de cette année 2011 compliquée pour moi dans mon rapport au cinéma que je tombe avec Hugo (Hugo Cabret - 2011), le nouveau film de Martin Scorcese, sur un film en 3D qui me séduit par sa 3D. Avatar et coquecigrues ! J'ai déjà exprimé plusieurs fois le peu d'intérêt que j'avais pour le procédé mais, problème, il est devenu difficile de voir certains films autrement. Le choix de la version plate se réduit comme celui d'une copie 35 mm. Je m'y suis donc collé l'an passé avec trois films plutôt très bons, Ichimei de Takashi Miike (présenté en compétition à Cannes, ils sont partout), le superbe Contes de la nuit de Michel Ocelot et le Tintin de Steven Spielberg. Dans les trois cas je suis resté sur ma position, à savoir que le relief n'apporte rien à la mise en scène de ces réalisateurs, qu'il n'est qu'un gadget et un choix technologique, stratégique, dans la lutte contre le piratage. L'on conviendra que cela n'a rien d'excitant. Avec Hugo c'est une autre histoire. L'échec du relief dans les années 50 puis 80 tient à son cantonnement dans le domaine de la série B (à une ou deux exceptions près dont un film d'Alfred Hitchcock), et à des choix alternatifs alors plus satisfaisant (Cinérama, VistaVision, CinémaScope, 70 mm). Aujourd'hui c'est différent et devant le Tintin de Spielberg, je m'étais fait la réflexion qu'il suffirait qu'un metteur en scène inspiré s'empare du procédé et en fasse autre chose pour qu'il se passe quelque chose. J'avoue que je n'attendais pas la chose en question de la part de Martin Scorcese, d'autant que j'ai décroché de son cinéma depuis 2002, comme beaucoup ont été surpris que l'homme de Goodfellas (Les affranchis - 1990) fasse ce film de Noël destiné à un jeune public. La réussite de Hugo tient pourtant complètement dans le cinéaste Martin Scorcese comme dans le cinéphile Martin Scorcese, dans la synthèse d'un style et d'une passion qui sont sublimé une technologie qui se révèle, pour cette fois, parfaitement adaptée.
Hugo Cabret est un jeune orphelin qui vit dans la gare d'un Paris rêvé des années trente. Il y entretient les horloges discrètement et subsiste de petits larcins qui lui valent d'être dans le collimateur d'un vigile d'époque, blessé de la grande guerre. Son obsession est la réparation d'un automate que lui a laissé son père et pour ce faire, il dérobe pièces et outillage à un vieux marchand de jouets irascible qui n'est autre, comme personne ne l'ignore, que le cinéaste déchu Georges Mélies. L'adaptation par John Logan du livre (pour enfants) de Brian Selznick fait donc se percuter une trame mélodramatique et un solidement classique récit initiatique avec la véritablement véridique histoire de l'un des inventeurs capitaux du cinéma. Mélies, magicien et homme de spectacle, qui s'était vu refuser la vente d'une caméra par les frères Lumière qui avaient des doutes sur leur invention, et qui du coup avait fabriqué lui-même sa propre machine de prise de vues, est le créateur du spectacle cinématographique, du studio et du trucage, du rêve en salle, de la féérie sur pellicule. Des raisons complexes l'on conduit à la ruine durant la Première Guerre Mondiale et dans un moment de désespoir il a bien fichu le feu à ses décors et à nombre de ses films avant d'épouser en secondes noces son ancienne vedette Jeanne d'Alcy pour tenir avec elle la fameuse boutique, gare Montparnasse.
Pour Martin Scorcese, c'est un sujet en or. La fiction de l'histoire de Hugo lui permet de plonger sans retenue dans un récit qui renvoie au classicisme hollywoodien, mélange d'action, d'humour et d'une intense émotion, qui jamais ne cède aux facilités du second degré. La mise en scène investit un univers de pure fantaisie, le merveilleux décor de la gare élaboré par Dante Ferreti installé dans un Paris qui est celui du réalisme poétique français comme ceux de Vincente Minnelli ou de Ernst Lubitsch et dont le traitement rappelle celui du New-York dans le film de 1977. Avec la figure de Mélies, Scorcese l'historien, le cinéphile fou, l'activiste infatigable de The Film Foundation, peut partager sa passion pour l'histoire du cinéma des origines tout en faisant œuvre de pédagogie, se projetant dans le personnage de l'historien René Tabard. Avec la même précision et la même élégance que dans ses voyages imaginaires dans le cinéma américain puis italien, dans sa description de la haute société new-yorkaise du XIXeme comme du fonctionnement d'un casino de Las Végas, Scorcese évoque les grandes figures des premiers temps du cinéma. Il fait revivre la naissance du septième art et de ses techniques avec les premières projections des frères Lumière dans les foires puis la création, mise en abyme avec les souvenirs de Mélies, du studio de Montreuil. J'ai pensé à Le silence est d'or (1949) de René Clair et j'étais très ému. Il convoque aussi de diverses manières Chaplin, Keaton, Lloyd, inévitablement accroché à son horloge, Linder et le premier western. Plus encore, de la même façon que Quentin Tarantino dans Inglorious basterds(2009), Scorcese filme avec gourmandise les objets, les outils, la matière même du cinéma : caméras, projecteurs, flip books, pellicule, décors de bois et de carton peint, costumes, dessins et mécanismes. Déballage d'antiquaire ironiseront certains, fétiches et gri-gris du culte soupireront d'autres. Peut-être, mais le cinéma de Scorcese a la ferveur même quand il tend à faire du prosélytisme pour la conservation des films.
Son idée la plus belle, c'est de s'adresser aux jeunes générations à travers Hugo et Isabelle, la charmante jeune fille adoptive de Mélies (craquante Chloë Moretz). Hugo multiplie les figures de la transmission et celle-ci s'opère à tous les niveaux. Le père de Hugo lui apprend son métier et lui laisse l'automate. Hugo initie Isabelle au cinéma tandis que la jeune fille l'amène à la lecture. L'automate finit par transmettre son message. Le libraire, belle figure campée par Christopher Lee, passe des livres à Isabelle et offre Robin des bois à Hugo. La fleuriste offre une fleur au vigile qui s'arrache enfin un sourire. Monsieur Frick offre une compagne au chien de madame Emilie. Les enfants révèlent à l'historien l'existence de Mélies. Mélies apprend ses trucs à Hugo. Scorcese lui-même se met malicieusement en scène en photographe immortalisant le studio de Montreuil et les Mélies dans le bonheur. Chez Scorcese, ici, la culture se transmet de façon vivante et bien concrète, par des objets et des gestes, notion d'importance dans notre époque de grande dématérialisation. Films, dessins et livres sont ramenés à leur présence physique et à la beauté de leurs supports. Il faudrait également évoquer la richesse musicale du film, quelle culture ce Scorcese, qui mêle à la partition de Howard Shore les chansons de populaires de l'époque et la musique de Camille Saint-Saëns et du divin Erik Satie.
On pourra là aussi trouver paradoxal, voire cynique si on a l'esprit mal tourné, que cette célébration de l'art et de la mécanique artisanale se fasse dans une œuvre qui recourt si richement aux techniques de pointe d'aujourd'hui. Paradoxe d'apparence seulement. Ce qui nous ramène à la 3D. Ce qui me semble remarquable dans la 3D de Hugo, c'est la façon dont Martin Scorcese a intégré cette technique à son style propre. Le premier plan, virtuose, est une vertigineuse plongée depuis le ciel de Paris vers les méandres de la gare centrale, slalomant entre la foule et les trains, jusqu'à isoler le regard de Hugo, planqué derrière une horloge. Ce plan qui permet de pénétrer l'univers du film n'est pas différent de ceux qui nous avaient ouverts les portes du casino où régnait Robert De Niro, ou du New-York des gangs du même nom. Il ne sacrifie pas à un effet 3D (il en reste quelques uns comme la gueule du chien qui vient aboyer sur le spectateur), mais renforce une figure qui est le langage même du réalisateur. Il renvoie aux idées visuelles que Scorcese aime tant chez Michael Powell et à une façon d'appréhender l'espace qui, jusqu'ici, était illustrée par des mouvements de grue, de la steadycam ou de la Louma, et orchestré par le montage. La 3D apporte cette fois un supplément de netteté en profondeur, une définition sur les visages et les textures inédite. Il y a comme une sollicitation du sens du toucher dans la façon de montrer les matières (bois, cuir, ferrures) qui renforce leur sensualité et accentue l'émotion procurée par les objets qu'elles composent. C'est quelque chose que Scorcese avait déjà tenté avec les natures mortes de The Age of Innocence (Le temps de l'innocence - 1993) qui étaient le meilleur du film. La troisième dimension y est envisagée comme illusion sensorielle et non pas de profondeur. Je retrouve là quelque chose éprouvé devant la poussière en VistaVision de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de John Ford, ou l'air vibrant du désert en 70 mm de Lawrence of Arabia(1962) de David Lean. Tout au plus pourrais-je regretter que certains plans n'aient pas duré un peu plus longtemps, que j'ai eu le temps de saisir les multiples nuances.
Mais plus encore que tout ceci, qui n'est pas rien, Les personnages et la fiction ne sont jamais sacrifiés au pur plaisir des images. L'homme reste au cœur de tous les objets, de tous les décors, il en est le créateur et ils ne sont que son extension. Les horloges ne sont plus rien sans Hugo pour les remonter. Il est des plus étonnant de voir Scorcese, peintre des plus grandes violences, des plus grandes souffrances, faire preuve de tant de délicatesse, de tant de sensibilité pour ses personnages. Il ne laissera personne sur le carreau. Au point que le vigile, joué par un superbe Sacha Baron Cohen dont la définition du poil de moustache défie l'entendement, ne sera pas le méchant attendu. Au point surtout que pour la première fois, des corps de sang et de chair ne sont pas écrasés par la scénographie numérique et tridimensionnelle. C'est à cette réussite que se mesure la sincérité de Scorcese. James Cameron avait oublié que les bornes franchies, il n'y a plus de limites. Steven Spielberg avait dû composer avec les deux dimensions des 24 albums à la ligne claire de Hergé. Martin Scorcese lui est en parfaite adéquation avec son sujet. Je me gausse de voir ceux qui font la fine bouche sur Hugo se mouiller l'œil devant Le voyage dans la Lune, chef d'œuvre 1902 de Mélies. C'est oublier un peu vite que pour Mélies, le cinéma était d'abord spectacle, que Le voyage dans la Lune est une superproduction de son époque avec un gros budget (et un gros succès à la clef), que c'est un film où règne le trucage et où est recherché l'illusion de la profondeur, non pas par la profondeur de champ mais bien par des décors plats placés les uns devant les autres. Le tout colorié image par image à la main. C'est un cinéma de la féérie et de la séduction. Et la poésie technologique de Scorcese aujourd'hui est certainement la mieux à même de rendre hommage à la technologie poétique de Georges Mélies.
Sur Nightswimming
Chez le Bon Dr Orlof
Photographies : © Warner Bros. France
Photographie Mélies : source Draven's world (avec un bel article sur le réalisateur)
23:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : martin scorcese | Facebook | Imprimer | |
02/01/2012
Les joies du bain : la grande sauterelle
Pose pleine de candeur pour la belle Mireille Darc dans une scène du classique lautnerien Les barbouzes(1964). Vient-elle de voir entrer Ventura ? A noter le livre, très nouvelle vague, ça, de lire dans sa baignoire. Photographie source Le blog de Colette Sainte Yves.
13:22 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : mireille darc | Facebook | Imprimer | |
01/01/2012
2011 (le bilan ! le bilan !)
Curieuse année 2011, à prendre avec les précautions habituelles, à savoir mon décalage toujours important avec l'actualité des sorties en salle, de plus en plus remplacée par celle des sorties en DVD (Merci à Kinok une nouvelle fois) et de mes propres découvertes. Triste année où l'on a enterré avec le 35 mm une impressionnante cohorte d'acteurs et d'actrices, de réalisateurs et de techniciens que j'aimais bien. Belle année où finalement les images sont multiples, où Hers place ses comédiens dans la plus belle lumière possible, où c'est une jeune réalisatrice qui réinvente le western, où Moretti ne fait pas le film attendu, où Guédiguian revient au pastis-olives de ses débuts, où Sophie Quinton, où Ryan Gosling prend l'ascenseur, où Rassoulof fait de contraintes très réelles une esthétique, où l'on peut redécouvrir le super 8 de Jean-Louis Le Tacon et la vidéo années 70 d'Armand Gatti. Où j'ai vu plein de films avec Edwige Fenech.
Memory Lane (sortie fin 2010) de Michael Hers
Drive de Nicolas Winding Refn
Meek's cutoff de Kelly Reichardt
Habemus papam de Nanni Moretti
The adventures of Tintin de Steven Spielberg
Poupoupidou de Gérald Hustache-Mathieu
Traduire de Nurith Aviv
Au revoir de Mohammad Rasoulof
Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian
The Promise: The Darkness On The Edge of Town Storyde Thom Zimny
Bien aimé aussi :
Contes de la nuit de Michel Ocelot
The way back (Les chemins de la liberté) de Peter Weir
Di Renjie (Détective Dee : Le Mystère de la flamme fantôme) de Tsui Hark
Photographies : © Ad Vitam et © Le Pacte
16:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : bilan | Facebook | Imprimer | |
31/12/2011
Oh Innisfree...
23:59 Publié dans Musique, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : john ford | Facebook | Imprimer | |
29/12/2011
Corbucci mode farce
En 1963, Sergio Corbucci se retrouve aux commandes d'un film assez particulier puisque son objectif avoué est de sauver la Titanus : Il giorno più corto. La vénérable société de production et de distribution italienne fondée à Naples en 1904 puis installée à Rome, souffre alors de l'échec de Sodoma e Gomorra (Sodome et Gomorrhe - 1962) de Robert Aldrich et du budget énorme englouti par Il guattopardo (Le guépard – 1963) de Luchino Visconti. La Titanus sous la direction de Goffredo Lombardo est pourtant derrière le plus beau cinéma italien, Roberto Rossellini et Vittorio De Sica, Valério Zurlini et Mario Monicelli, Mauro Bolognini et Federico Fellini. C'est Enrico Lucherini, un agent de presse, qui a l'idée d'un film qui réunirait la plus grande distribution du cinéma italien du moment, le tout pour un budget modeste. Comment ? En faisant appel aux bons sentiments des acteurs pressentis et à leur reconnaissance envers la société de production à laquelle ils doivent beaux rôles et succès. Et ça marche. Selon Nori Corbucci, personne ne se défilera des comédiens sollicités et c'est une incroyable collection de 103 acteurs qui va participer à ce jour le plus court. Reste l'histoire. Lucherini apprécie Corbucci qui a du succès, que ce soit avec ses films pour Totò ou ses deux peplums produits par la Titanus, Romolo e Remo (Romulus et Rémus – 1962) et Il figlio di Spartaco (Le fils de Spartacus – 1963). Corbucci a l'idée de parodier The longest day (Le jour le plus long– 1962) la prestigieuse production de Darryl F. Zanuck. De fait, l'idée est surtout reprise dans l'affiche et l'esprit est donné quand se substitue à la horde des GI's à l'assaut des plages normandes, une troupe de soldats italiens se ruant vers une marmite de soupe.
Pour le reste, le film se situe durant la première guerre mondiale, sur le front Italo-autrichien et est construit autour des aventures picaresques de Francesco Coppola et Franco Lo Grugno deux siciliens complètement paumés au milieu du conflit. Comme pour Lo smemorato di Collegno tourné l'année d'avant avec Totò, les scénaristes Giovanni Grimaldi et Bruno Corbucci (le frère) avec le renfort cette fois de Giorgio Arlorio, organisent le récit en une série de flashbacks à partir d'un procès, celui des deux pieds-nickelés accusés d'être des espions. C'est le prétexte trouvé pour de multiples saynettes permettant à chaque vedette invitée de faire son petit numéro, le petit touchant parfois au subliminal quand l'apparition ne dure que quelques secondes comme celles de Stewart Granger ou de Giuliano Gemma. Les deux héros sont incarnés par le couple Franco Franchi et Ciccio Ingrassia, soit Franco e Ciccio dont l'énorme succès est resté concentré sur le pays natal, en grande partie à cause d'un humour très localisé, reposant sur la parodie et des mécanismes pas toujours d'une grande finesse. En France, Ciccio est surtout connu pour son personnage d'oncle simple d'esprit dans Amarcord (1973) de Federico Fellini et le duo pour sa participation au Pinocchio (1972) de Comencini et au Kaos(1984) des frères Taviani. Sur l'éternel modèle de Laurel et Hardy, Ciccio, c'est le grand maigre un peu ahuri toujours en butte aux initiatives de Franco, plus en rondeur et dont je dois dire que le jeu de grimaces exubérant m'a assez vite crispé.
Dans Il giorno piu corto, le second prend le premier pour son père et l'entraîne dans de rocambolesques aventures sur la ligne de front, croisant le chemin de la superbe Naja jouée par la délicieuse Virna Lisi et sa mouche près de la bouche. Corbucci organise le chaos scénaristique sans forcer, donnant libre court à son goût pour l'accumulation dans le plan à la manière d'un Jacovitti dans la bande-dessinée. Il est entouré de ses collaborateurs habituels de l'époque, ceux qui ont participé aux comédies précédentes : Enzo Barboni à la photographie, Ruggero Mastroianni au montage, Carlo Simi aux décors et Piero Piccioni à la musique. Autant de noms que l'on va retrouver tout au long du cinéma de genre des années 60. Autant de croisements qui expliquent l'incroyable richesse créative du cinéma italien d'alors. La dynamique du film est portée comme souvent par un couple de héros masculins aussi opposés que possible mais obligés d'avancer de concert, avec une femme plus maligne qui les suit à distance. Mais le principal intérêt du film est le petit jeu cinéphile du qui-est-qui-?, reconnaître les vedettes invitées et les lier si possible à leur succès de l'époque. Un indice, la Titanus est impliquée dedans. Un exemple, Jean-Paul Belmondo apparaît brièvement dans une (jolie) scène de veillée funèbre paysanne qui parodie la scène d'ouverture de La Viaccia (1961) tourné par Mauro Bolognini avec notre vedette nationale. Si avec le recul nombre de ces vedettes sont oubliées, on se délectera de retrouver Annie Girardot, Anouk Aimée ou Simone Signoret, impliquées dans diverses co-productions de prestige. Le grand cinéma italien est venu en force et de tous les horizons, de Franco Citti avec sa réplique « Accatoni ! » à Gino Cervi en passant par Vittorio De Sica et Ugo Tognazzi. Dans un autre registre, on décèle le gratin du peplum et du futur western italien : Gemma, Gianni Garko, Steve Reeves et Gordon Scott venus des peplums de Corbucci, Tomas Milian, Mark Damon ou Mario Girotti futur Trinita. La palme revient, noblesse oblige, à Totò qui conclut le film par une de ses tirades truffées de jeux de mots dont il a le secret : «... Abbiamo conquistato Fiume e conquisteremo gli affluenti ! Abbiamo conquistato Pola e conquisteremo anche Amapola ! Trento l'abbiamo fatto nostro e dopo Trento faremo anche trentuno ! Pace e bene , fratelli ! Pace e bene !! ".
Photographie : Ap / Lapresse
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26/12/2011
Les joies du bain :Madame est servie
Après le cygne, la main, belle baignoire pour la belle Géraldine Page aux pales cheveux et aux yeux clairs dans Decline and Fall of a Bird Watcher de Tony Richardson, un film de 1968. Nouvelle contribution photographique de Gérard Courant à la collection.
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22/12/2011
Sous les oliviers en super 8
Les oliviers du Pas Redon, mon petit dernier filmé cet été à Cuers, dans le Var. Sur ces images bucoliques à la chaleur estivale, je vous souhaite à tous, lecteurs chéris, chers collegues-zé-amis de la colonne de gauche, de belles fêtes de fin d'année.
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19/12/2011
Les joies du bain : en guise d'au-revoir
Edwige Fenech dans toute la splendeur de sa beauté trentenaire, histoire de bien clôturer cette semaine. Elle que l'on a plus souvent mis sous la douche se retrouve dans le bain face à Renatto Pozzetto dans une scène cocasse, on peut le dire comme cela, de La patata bollente du vétérant Steno, sortit en 1980. Tout est dans la plenitude des volumes, l'harmonie des courbes et la douceur de l'expression. Photographie source Nocturno.
13:20 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : edwige fenech, steno | Facebook | Imprimer | |