19/12/2011
Les joies du bain : en guise d'au-revoir
Edwige Fenech dans toute la splendeur de sa beauté trentenaire, histoire de bien clôturer cette semaine. Elle que l'on a plus souvent mis sous la douche se retrouve dans le bain face à Renatto Pozzetto dans une scène cocasse, on peut le dire comme cela, de La patata bollente du vétérant Steno, sortit en 1980. Tout est dans la plenitude des volumes, l'harmonie des courbes et la douceur de l'expression. Photographie source Nocturno.
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17/12/2011
Du sang sur les iris
Giuliano Carnimeo est un réalisateur qui gagne à être connu dans le registre du cinéma de genre tel que je l'affectionne. De la fin des années 60 au début des années 80, il épouse toutes les variations du cinéma populaire italien, du western à sa variation parodique, du giallo à la comédie avant de sombrer comme tant d'autres dans la science fiction de bazar. Tranquillement installé sous le pseudonyme d'Anthony Ascott, il pratique un cinéma désinvolte mais de bonne tenue avec un goût pour les titres à rallonge. A son meilleur, il est capable d'invention visuelle, dans un esprit assez bande-dessinée, ne reculant devant aucune idée aussi farfelue soit-elle. C'est chez lui que l'on trouve l'orgue mortel qui permet à Sartana de défaire la horde des affreux de Una nuvola di polvere... un grido di morte... arriva Sartana (1970). C'est chez lui qu'Alleluia utilise une machine à coudre dissimulant une mitrailleuse dans Testa t'ammazzo, croce... sei morto... Mi chiamano Alleluja (Pile, je te tue, face tu es mort, on m'appelle Alleluia – 1971). C'est chez lui que la belle Agata Flori en habit de nonne est torturée à l'aide d'un scorpion avant de dévoiler un peu plus tard une ravissante jambe gainée de soie alors qu'elle est au sommet d'un poteau télégraphique. C'est chez lui que l'on trouve ce duel orchestré autour d'une pièce de monnaie tourbillonnante, dans l'excellent Gli fumavano le Colt... lo chiamavano Camposanto (Quand les colts fument, on l'appelle Cimetière– 1971) qui reste la meilleure illustration de l'univers et de l'humour de Lucky Luke. A charge, Carnimeo a le coup de zoom un peu leste et peut déraper dans le mauvais goût le plus navrant.
Dans Perchè quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer tourné en 1972, Giuliano Carnimeo ouvre son film par une bien belle scène de meurtre au rasoir dans un ascenseur qui devrait logiquement faire s'étrangler les admirateurs de Brian De Palma. Joliment découpée (oups !), la scène est montée par le génial Eugenio Alabiso (Les trois premiers gialli de Sergio Martino, les plus beaux Sergio Corbucci, deux essentiels de Sergio Leone) et prend son temps pour faire monter la tension en jouant habilement sur le vu et le deviné dans l'espace confiné de la cabine. Carnimeo et Alabiso orchestrent les entrées et sorties des passagers anonymes parmi lesquels se cache le tueur. Cette scène pose les bases d'un récit classique concocté par le spécialiste Ernesto Gastaldi. Dans un grand immeuble moderne, de jeunes et jolies femmes travaillant comme modèles pour des photographies publicitaires sont assassinées à l'arme blanche par un tueur mystérieux. Il serait un peu rapide de dire que Gastaldi ne s'est pas donné mal à la tête. D'autant qu'il puise dans ses scénarios précédents, de l'héroïne tombée sous la coupe d'une secte à son ancien amant qui rôde, inquiétant. La réussite du film, car réussite il y a, réside dans les variations, le traitement et les détails. Carnimeo donne vie à une jolie galerie de personnages assez savoureux : l'inévitable duo de policiers bien croqués (joués par Giampiero Albertini avec son humour à froid réjouissant et Franco Agostini à l'inénarrable filature), la petite vieille qui achète des revues criminelles pour son étrange fils, l'ex-violoniste discret, la voisine lesbienne, la strip-teaseuse noire qui défie ses clients à la lutte (Voici bien une idée à la Carnimeo) et le photographe homosexuel (pas vraiment traité avec finesse). Tous sont coupables ou victimes en puissance. Pour son couple de héros, Carnimeo bénéficie des stradivarius du genre. Jorge Hill Acosta y Lara dit George Hilton est Andrea, un architecte dissimulateur aux accents hitchcockiens, plus sobre que chez Sergio Martino, il porte aussi des vêtements moins ridicules. Du coup sa composition est plus crédible malgré le registre limité du beau George. L'alchimie est complète entre l'acteur et sa partenaire, Edwige Fenech qui joue Jennifer.
Edwige donc qui retrouve une nouvelle fois un rôle de femme traquée, déchaînant les pulsions meurtrières autour d'elle. Une femme qui tombe amoureuse comme dans les romans de gare, par un échange de regards qui vaut son pesant de cacahuètes mais effectué avec tant de candeur que l'on s'attendrit. Une histoire qui va vite vaciller sous les coups du doute. Edwige Fenech, toujours aussi sensuelle, que ce soit le corps peint chez le photographe, en proie à la peur, dans les moments creux où elle se livre à des petits rien tandis que le tueur rôde, et dans les moments où elle prend le dessus, partant par exemple explorer le mystérieux appartement voisin. Elle est toujours très crédible quand monte la tension et que la panique ébouriffe ses longs cheveux bruns comme quand elle trouve en elle la force d'affronter le destin. Quelle femme !
Canimeo joue avec elle sur du velours. Il a l'intelligence de garder la pédale douce sur l'érotisme (charmante scène devant un feu de cheminée néanmoins. Un cliché ? non !) comme sur les effets sanglants. Il se permet juste un meurtre assez sadique (et hautement improbable) dans une baignoire, citant le classique de Mario Bava, Sei donne per l'assassino (Six femmes pour l'assassin - 1964). Il exploite surtout au mieux l'intéressant décor froid de l'immeuble moderne, photographié par Stelvio Massi, son chef opérateur favori, envisagé comme un château médiéval avec ses oubliettes, ses souterrains, ses passages secrets et ses recoins multiples découpés par les ombres. Carnimeo entretient le trouble par l'utilisation du hors-champ et de brusques changements de point de vue, comme dans le meurtre du personnage joué par la belle Paola Quattrini. La confusion maîtrisée qui en résulte permet de coller au plus près de celle de Jennifer. Pour son premier giallo, Giuliano Carnimeo réussit un film au carré, peut être un poil trop retenu mais prenant, l'ensemble délicatement enrobé d'une belle partition au thème lancinant composée une nouvelle fois par Bruno Nicolai.
Photographies : capture DVD aegida et la fameuse photographie avec la Laverda, source Brainwashed.com
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16/12/2011
Edwige, le grand entretien
En cherchant un peu on trouve des choses passionnantes, à condition de comprendre un peu la belle langue de Marcello Mastroianni. Ainsi je suis tombé sur cet entretien-fleuve donné par la belle Edwige à la revue italienne Nocturno à l'occasion du festival Schermi d’Amore de Vérone en mars 2010. Edwige Fenech n'est pas réputée pour être très bavarde, mais cette fois elle évoque avec une belle spontanéité et une richesse de détails toute sa carrière, de son enfance niçoise à ses débuts dans Toutes folles de lui (1967) de Norbert Carbonnaux âgée de 14 ans, de son travail d'actrice avec le rapport à la nudité à sa carrière de productrice qui l'a vue travailler avec Al Pacino pour The merchant of Venice (2004) de Michael Radford.
On y apprend un tas de choses, à savoir que Sergio Martino a réalisé des scènes complémentaires pour I peccatti di madame Bovary (Les folles nuits de la Bovary – 1969) de Hans Schott-Schöbinger et que c'est à cette occasion qu'elle est repartie en Italie pour y faire la carrière que l'on sait. Martino semble s'être délecté de lui faire jouer des choses physiquement difficiles mais elle semble conserver un très bon souvenir de cette période giallo. Elle évoque son respect absolu pour Henry Fonda croisé sur un film d'Umberto Lenzi (!), son émotion à l'idée de jouer avec Monica Vitti, son admiration pour des réalisateurs prestigieux comme Mario Bava, Lucio Fulci (qui s'est montré, contrairement à sa réputation, très gentil avec elle), Dino Risi, Steno et Pasquale Festa Campanile (elle apprécie particulièrement Il ladrone (Le larron) tourné en 1980), ses relations de travail avec Sergio Martino, Giuliano Carnimeo et ses partenaires masculins comme féminins qui semblent tous lui avoir laissé de bons souvenirs.
Elle nous révèle qu'elle n'aimait guère les titres à rallonge pour lesquels elle bataillait avec Luciano Martino, qui fut son compagnon, frère de l'autre et producteur. Elle n'allait même pas voir ses premières comédies polissonnes façon Quel gran pezzo della Ubalda tutta nuda e tutta calda (1972). Mais rien de rien, elle ne regrette rien. Parmi les titres qu'elle estime, et sur lesquels il faudra que je me penche, : La patata bollente (1980) de Steno et Anna, quel particolare piacere (1973) de Carnimeo. Elle évoque aussi avec beaucoup d'humour sa rencontre avec Quentin Tarantino, lors d'un festival de Venise, qui la fera jouer dans Hostel 2 (2004) d'Eli Roth, du repas qu'ils ont passé ensemble avec Tarantino la bombardant de questions sur ses gialli, et elle surprise que l'on s'en souvienne encore avec tant de passion et de précision. Et puis elle a refusé une offre pour tourner, en Amérique, avec Clint Eastwood. Quelle femme !
Photographie DR source Almost Famous cats
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14/12/2011
La chambre close
Tout à coup, un inconnu vous offre des fleurs ! Comme nous sommes dans un giallo, il y a un petit mot quelque peu étrange avec : « ...ma il tuo vizio è una stanza chiusa dal di dentro e solo io ne ho la chiave » (Ton vice est une pièce close de l'intérieur dont moi seul ai la clef). Terrifiée, madame Wardh, car c'est elle, laisse tomber les roses en reconnaissant le style de son ancien et brutal amant. Sergio Martino, le réalisateur, conserve la belle phrase pour en faire le titre d'un nouvel opus signé en 1972. A vrai dire, il avait fauché la phrase à Lucio Fulci et son scénariste de Una lucertola con la pelle di donna(1971), Roberto Gianviti, en croyant que c'était du Edgar Allan Poe. Ou bien, ce sont eux qui lui ont fait croire. L'histoire n'est pas claire mais elle est jolie. Le nouveau film reprend la belle équipe ayant œuvré sur tout ou partie des trois précédents gialli de Martino, à savoir le producteur Luciano Martino, son frère, le scénariste Ernesto Gastaldi, le directeur de la photographie Giancarlo Ferrando et le musicien Bruno Nicolai qui nous offre une superbe partition avec violons romantiques et clavecin. Une équipe au service d'un quatuor rompu aux jeux tordus du genre : l'excellent Luigi Pistilli, rugueux comme du papier de verre (Vu chez Leone, Corbucci, Sollima, Rosi ou Bava), le toujours inquiétant Ivan Rassimov, la délicatement émaciée Anita Strindberg qui avait déjà beaucoup souffert dans le film de Fulci, et l'indispensable Edwige Fenech, Edwige sans qui les choses ne seraient pas tout à fait ce qu'elles sont.
Le film commence par une nouvelle manifestation de l'antipathie profonde éprouvée par Sergio Martino envers les hippies. Dans une grande et belle demeure comme nous aimerions tous en avoir, Oliviero Rouvigny (Pistilli) est un écrivain qui n'écrit plus. Il vit dans le souvenir de sa mère, dans l'alcool et le mépris pour sa femme Irina (Strindberg). Un mépris qui prend la forme d'une relation sado-masochiste à base de jeux cruels et de provocation, le tout livré en spectacle à une bande de jeunes libérés et mollassons que l'écrivain invite à des fêtes arrosées et tristes où la jeune Dalila Di Lazzaro danse nue sur une table. Martino se délecte à les montrer comme une masse amorphe, entonnant un gospel mal synchronisé quand Oliviero tripote sa domestique noire (la belle Angela La Vorgna) pour agacer sa femme. La scène est ridicule. Heureusement Martino, sans doute soulagé, laisse tomber les jeunes libérés et Pistilli ne les recevra plus en sa demeure. Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave emprunte alors une voie originale, partagé entre giallo classique (meurtres de jeunes femmes à l'arme blanche, tueur vêtu de noir, Oliviero suspect numéro 1) et un huis-clos tendu puisant chez Robert Aldrich, H.G. Clouzot et Alfred Hitchcock, le tout agrémenté d'A. E. Poe à travers le chat Satana, noir bien sûr, joli matou ayant appartenu à maman et participant activement à terroriser la pauvre Irina.
La piste giallesque pourra paraître décevante, mais l'option thriller psychologique avec soupçon de fantastique donne une originalité certaine au film. Le couple tordu est vite rejoint par une jeune cousine, Floriana, minijupe rouge et coquin béret de côté, regard déluré, incarnée comme il se doit par Edwige Fenech portant le cheveu court façon Louise Brooks. Elle est une nouvelle fois à tomber et Pistilli dans un plan émouvant a les gestes de l'adorateur rendant grâce à ses seins. C'est bien le moins. Floriana lui permet aussi d'élargir son registre car Fenech joue cette fois une parfaite garce, calculatrice et assurée, à l'opposé complet de ses compositions précédentes pour le réalisateur.
Sergio Martino et son impeccable trio (rejoint vers la fin par Rassimov dont le rôle est peu développé) s'amusent à brouiller les pistes et les sentiments. Le réalisateur organise sa mise en scène sur les oppositions : le côté physique de Pistilli contre la fragilité de Strindberg, la force de l'homme contre la puissance de séduction de Floriana, les accès de désespoir d'Irina contre l'assurance de Floriana. Les deux actrices sont particulièrement bien choisies. Strindberg avec son visage légèrement osseux, un peu à la façon de Faye Dunaway, son corps délié et en longueur, comme ses mains et ses cheveux souvent décoiffés, ses gestes brusques, contraste avec Fenech, toute en rondeurs et en souplesse, l'arrondi de sa coiffure renforçant celui de son visage, ses formes pleines et ses gestes mesurés, voire sa façon d'attendre avec simplicité les évènements. On regrettera juste un personnage de pilote de moto-cross qui nous vaut une insipide scène de course. Mais c'est négligeable face à l'étude des relations du trio, chatoyant de toutes les couleurs du vice. Mensonges, manipulations, violence psychologique et physique, voyeurisme, la caméra mobile épouse les à-coups des esprits.
Dans une scène admirablement découpée, Irina découvre ses colombes égorgées par le chat dans leur volière et se voit terrorisée par un Oliviero que l'on a pas vu venir. Montage habile, jeu sur le son, sur le hors champ, utilisation du motif des grilles pour traduire l'enferment psychologique du personnage, Martino passe d'un point de vue à l'autre, laisse planer le doute le temps d'un regard de son héros, traque la folie naissante dans les yeux de Strindberg comme il s'émerveille de la sensualité de celui de Fenech (Elle a une sacrée façon de regarder Pistilli). Le final qui accumule les rebondissements, perd un peu de sa force pour qui connait la nouvelle de Poe. Mais plus qu'avec le chat, dont les gros plans à l'œil sanglant sont un peu lassant, Martino fait d'une petite vieille bien italienne la figure savoureuse du destin inéluctable. Je noterais pour finir les bien troublantes similitudes entre ce film de 1972 avec Shining, le roman de Stephen King (1977) comme le film de Stanley Kubrick (1980). Un écrivain qui n'arrive plus à écrire dans une grande demeure hantée par des fantômes (La mère, le chat), qui terrorise sa frêle épouse et qui finalement, page après page, tape la même phrase à l'infini. Étonnant non ?
Photographies : capture DVD Aegida
L'abordage de Mariaque
Sur Le-Giallo
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12/12/2011
Edwige et ses fans
La belle Edwige a ses admirateurs et leur inspire encore de bien belles choses. A l'ère des blogs et des sites et des facebouque, il est à la fois étonnant et réjouissant de tomber sur un nouveau fanzine, en papier, amoureusement composé et édité par un véritable passionné. Stéphane Erbisti, co-créateur et rédacteur du site Horreur.com. Lance ainsi Toutes les couleurs du Bis, un format A5 broché à couverture cartonnée et tout en couleur qui met en couverture une superbe Edwige Fenech dans Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? Très joli giallo signé Giuliano Carniméo en 1972. Le numéro est intégralement dédié à la déesse du bis, proposant outre de bien jolies photographies, une courte biographie et une approche film à film d'une quarantaine de titres de l'abondante filmographie de l'actrice. Ce n'est pas tout à fait l'approche « Théorie des acteurs » chère à Luc Moullet, mais c'est riche, précis, subjectif et surtout cela donne envie de voir les films, même ceux qui inspirent moyen. Le bel opuscule est édité par Sin'art, on peut le trouver du côté de Movies 2000 et Gotham (à Paris), au Kiosque de la liberté ( à Toulon) , au Ciel Rouge (à Dijon) et enfin à Ciné Folie (à Cannes, c'est que je suis passé à l'acte).
Et maintenant un petit cadeau. En 1970, la jeune actrice donnait un entretien à Luigi Cozzi qui n'avait pas encore réalisé Starcrash (il n'était pas encore vraiment un réalisateur) pour la revue Cinéma X. La belle y raconte son début de carrière, sa timidité à se dévêtir devant la caméra et ses partenaires, y fait preuve d'un lucidité certaine quand aux films qu'elle a déjà fait. A propos de sa version de Madame Bovary : « Je réalise que ce n'est pas un bon film. Mais je sais aussi que le rôle m'a beaucoup aidé, m'a fait découvrir par le public en exploitant ce que j'avais à offrir physiquement. L'un dans l'autre, je lui dois beaucoup de mon succès actuel. » . Elle y révèle aussi ses goût pour des films comme Soldier blue (Ralph Nelson), They shoot horses, dont they ? (Sydney Pollack ) ou Cromwell (Ken Hughes).
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11/12/2011
La Bovary, c'est elle
Après avoir jouée les sauvageonnes dans Samoa, regina della giungla (Samoa, fille sauvage – 1968) de Guido Malatesta, et juste avant de passer sous la caméra de Mario Bava pour Cinque bambole per la luna d'agosto (L'Ile de l'épouvante - 1970), Edwige Fenech s'est glissée dans les superbes toilettes XIXe siècle de l'héroïne de Gustave Flaubert pour une intéressante co-production italo germanique : I peccati di madame Bovary / Die Nackte Bovary (Les folles nuits de la Bovary). Le film est réalisé en 1969 par Hans Schott-Schöbinger qui signe là sa dernière réalisation, sous le pseudonyme de John Scott. Il était certainement l'homme de la situation puisque sa filmographie des années 60 est dominée par des productions à l'érotisme gentillet. Dans la continuité, c'est cette dimension érotique du roman de Flaubert que met en avant un pur film d'exploitation. Mais il serait dommage de le négliger, tant pour ses qualités propres que pour la première prestation d'envergure de la belle Edwige.
A l'époque, la plus italienne des françaises a 22 ans et ce qui frappe dans ce film, c'est la façon dont elle se donne avec une passion un peu naïve, parfois maladroite, dans son rôle. Ses admirateurs qui l'ont aimée dans les gialli signés Sergio Martino comme ceux qui l'apprécient dans les plus intéressantes de ses comédies savent qu'elle est capable d'un jeu naturel, précis et nuancé si nécessaire, et que son incroyable charme transcende ses propres limites comme la médiocrité qui l'entoure trop souvent. Ici, l'écrin est à la mesure, si j'ose ainsi l'exprimer, de la perle. Le film est en (Chromo)Scope et Technicolor chatoyant, aux couleurs riches et sensuelles mettant en valeur les verts de la campagne, les atmosphères nocturnes qui soulignent non sans élégance les courbes de notre héroïne, et les multiples toilettes qui font leur effet même si nous ne sommes pas non plus dans le bal final d'un film de Luchino Visconti.
Le scénario reprend les grandes lignes du roman avec une certaine attention à l'atmosphère provinciale et aux détails du métier de médecin. Il se permet malgré tout une fin qui trahi le roman dans les grandes largeurs et que l'on pardonnera si l'on veut bien la prendre comme un hymne à la jeunesse et la beauté. Plusieurs beaux mâles entourent Edwige Fenech avec des fortunes diverses. Je retiendrais pour ma part Franco Ressel qui finissait bien mal dans Il mercenario (Le mercenaire – 1970) de Sergio Corbucci, jouant ici le rôle du visqueux Lheureux, et Peter Carsten qui se battait à coup de tronçonneuse avec Rod Taylor dans The Dark of the Sun (Le dernier train du Katanga– 1968) de Jack Cardiff, personnifiant Rudolph Boulanger. La musique signée Hans Hammerschmidt est conforme à ce que l'on peut attendre (violons romantiques, piano) mais elle le fait bien, comme la mise en scène de Hans Schott-Schöbinger qui ne fait pas réellement preuve d'originalité mais possède une élégance bien de son époque liée au cadre large, aux mouvements posés, maîtrisés pour souligner l'action sans jamais venir faire les malins, à quelques zooms faciles près. La qualité essentielle du réalisateur est d'avoir su se concentrer sur le point de vue de madame Bovary ce dont je lui suis gré. Il utilise une voix off pour pénétrer les pensées de l'héroïne, mais réussit mieux quelques séquences où la nature et une caméra plus mobile illustrent ses états d'esprits lors de moments critiques (la scène du pont en particulier).
Edwige Fenech s'empare avec vitalité de la richesse de son personnage et Edwige entre en résonance avec Emma. Levez vous vite, orages désirés ! La jeune actrice encore débutante, aspirant peut être à de grands rôles pleins de tragédie et de passion, s'identifie à la jeune bourgeoise mal mariée et rêvant d'absolu. Et comme Emma Bovary se donne sans retenue à des hommes qui ne méritent pas une si belle âme, Edwige Fenech illumine cette production trop retenue, court au petit matin entre les arbres en déshabillé translucide, tour à tour éperdue et espiègle, défaillante à l'annonce de la mort de son amant, frémissante face au désir comme à la trahison, faisant volter sa longue chevelure brune, décoiffée tour à tour par la passion puis le désespoir. Elle se révèle ainsi une Bovary tout aussi remarquable que celles jouées par Isabelle Huppert, Valentine Tessier ou Jenifer Jones, pas tant parce qu'elle joue Emma, mais parce qu'elle l'est.
Photographies : Captures DVD One 7 movies
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10/12/2011
Toutes les couleurs d'Edwige
De haut en bas : I peccati di madame Bovary (1969) de Hans Schott-Schöbinger, Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave (1972) de Sergio Martino et Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di jennifer ? (1972) de Giuliano Carnimeo. Captures DVD One 7 movies et Aegida.
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05/12/2011
Fantômes de l'opéra
Le fantôme de l'opéra, roman de Gaston Leroux est à mi-chemin entre le policier et le fantastique, comme souvent chez cet auteur. Paru en 1910, il possède une matière romanesque dense, évocatrice d'images belles et terrifiantes, une puissante poésie de l'étrange. Dans les sous-sols de l'Opéra Garnier vit Érik, musicien génial et défiguré. Il se prend de passion pour la jeune chanteuse Christine Daaé, lui enseigne le chant et la protège. Quand la jeune femme s'éprend de Raoul de Chagny, le fantôme devient fou de jalousie et se transforme en redoutable tueur. Cette trame à la fois forte et simple, forte parce que simple, a inspiré quelques cinéastes de haut calibre tandis que le superbe personnage du fantôme donnait lieu à quelques interprétations puissantes. On se souviendra selon ses goûts, du masque grimaçant et grotesque de Lon Chaney pour Rupert Julian (version 1925), de l'élégance de Claude Rains chez Arthur Lubin (version 1943), du pathétique William Finlay en Winslow Leach pour la version rock de Brian De Palma en 1974, version qui creuse le fond du roman en lui greffant le mythe de Faust. Il y en eu d'autres, plus ou moins réussies, et puis celles de deux grand maîtres de l'horreur : l'anglais Terence Fisher en 1962 et l'italien Dario Argento en 1998.
Fisher met en scène sa vision à la suite de ses relectures du Docteur Jekyll et du loup-garou. Son film bénéficie des talents conjugués de l'équipe Hammer pour ce qui est à l'époque son plus gros budget. Riches décors de Bernard Robinson, photographie léchée de Arthur Grant, musique de Edwin Astley (avec chœurs) et maquillage de Roy Ashton, un masque à la fois simple et terrifiant qui fixe l'attention sur l'œil unique du fantôme. Ce concept du masque, un visage vide, effacé, est une brillante illustration de l'idée que le fantôme, dépouillé de son œuvre, s'est vu voler son essence même. Comme dans ses plus belles réussites, Fisher nous plonge immédiatement dans l'action par la description des multiples sabotages dont le fantôme se rend coupable pour empêcher la représentation de l'opéra Joan of Arc de Lord d'Arcy (joué par l'excellent Michael Gough). Une ouverture menée à un rythme soutenu qui culmine par l'éviction de la cantatrice et le meurtre impressionnant d'un technicien lors de la première. Contrairement à d'autres versions, Christine n'entre en scène qu'après le départ de la cantatrice vedette et le fantôme, subjugué, décide de l'aider à interpréter au mieux sa musique. La triste histoire du héros est racontée vers la fin du film, en flashback. Lors d'une scène émouvante et intelligente dans l'esprit du roman, il obtient le soutient implicite du directeur artistique comme de la jeune chanteuse pour laquelle il saura se sacrifier.
Le film, élégant, déploie les splendeurs du Technicolor d'époque, les teintes chaudes et le jeu sur le rouge qu'affectionne Fisher. Les mouvements sont amples et maîtrisés, avec de brusques accélérations lors des scènes d'action peu nombreuses mais efficaces. La distribution masculine est solide. Edward de Souza est un Harry (l'équivalent de Raoul de Chagny dans le roman) très anglais, crédible dans la romance comme dans l'action. Michael Gough est ignoble à souhait en compositeur arrogant et Herbert Lom joue habilement de sa voix de basse pour incarner un fantôme sobre, un peu limité par son masque. Comme dans toute bonne production Hammer, le film est riche de personnage secondaires savoureux comme ce trio de vieilles pochardes faisant les poubelles de l'opéra, le chasseur de rats, le cocher transit de froid ou ce personnage de bossu frankensteinien qui sert le fantôme. Ils sont joués par la troupe du studio : Thorley Walters, Milles Malleson, John Harvey... que l'amateur a toujours plaisir à retrouver.
La principale faiblesse de cette version tient à son héroïne. Si Heather Sears est relativement crédible en vierge victorienne, elle manque totalement d'érotisme voire de la plus élémentaire sensualité, ce qui étonne de la part de Fisher comme chez la Hammer dont le goût pour les jeunes actrices piquantes est une véritable marque de fabrique. Autre choix contestable, la transposition en Angleterre amène Fisher et le scénariste John Elder (pseudonyme de Anthony Hinds) à substituer à un véritable opéra une version de Joan of Arc façon comédie musicale dont les qualités propres sont très loin, disons, du travail de Paul Williams pour De Palma. Du coup, miss Sears ne peut compenser son manque de charisme par son chant et cela compromet quelque peut la crédibilité de la passion du fantôme. On comprend mieux en revanche qu'il la rudoie pour lui apprendre à chanter.
Chacun pensera ce qu'il veut du film, mais Asia Argento ne souffre pas sous la caméra de son père des limites de Heather Sears. Fougueuse, frémissante, sublimée dans de splendides robes chatoyantes, elle a certes une drôle de façon de mimer le chant, mais dieu qu'elle est belle. Cette version est tenue par beaucoup comme une catastrophe dans la carrière chaotique de Dario Argento. J'ai pu lire ici et là des critiques particulièrement dures. Ce n'est pas que je tienne absolument à faire le malin, mais cela me semble assez injuste, à la mesure des rumeurs d'auto-promotion qui annonçaient le chef d'œuvre du maestro avec ce film. De chef d'œuvre point, quelques défauts sans doute : les visions ridicules et incrustées du fantôme sur les toits de l'opéra (quoique Asia en tenue arachnéenne, cela se discute), la faiblesse de la direction d'acteurs, particulièrement des hommes, la machine à dératiser qui renvoie au mur du Caligula de Tinto Brass. D'accord. Mais pourquoi diable reprocher à l'Argento de 1998 ce qui était déjà présent dans les années 70 ? Le goût très italien du grotesque, les scénarios décousus, le manque d'intérêt pour le jeu, l'alliance de naïveté et de roublardise, ont toujours été présents chez lui.
Son fantôme a de sérieux atouts. La travail sur la photographie de Ronnie Taylor, inspiré à Argento par une exposition consacrée au peintre Georges de La Tour, donne au film des plans superbes comme celui du jeune couple dans la chambre sous les toits (avec référence à la Commune de Paris !), Asia éclairée à la bougie, les ambiances d'opéra, les dédales humides des sous sols avec la rivière souterraine autrement plus impressionnante que chez Fisher, le rendu des étoffes et des matières nobles. La composition inspirée d'Ennio Morricone, peut être l'une de ses plus belles de ces vingt dernières années, se marie parfaitement à l'emploi d'airs classiques et si Asia bouge bizarrement les lèvres, les qualités de chanteuse de Christine Daaé sont crédibles. L'adaptation de Gérard Brach et Argento multiplie les partit pris forts, comme de faire du fantôme non plus un musicien défiguré et trahi, mais un bel homme à visage découvert, sorte de Tarzan des égouts élevé par les rats. Et pourquoi non ? Ses pouvoirs hypnotiques qui lui permettent entre autres d'envoûter Christine, renforcent le côté fantastique et la dimension romantique de l'œuvre, ramenant l'horreur à l'arrière-plan. A l'instar de La Sindroma di Stendhal (Le syndrôme de Stendhal – 1996), le film poursuit la réflexion d'Argento sur l'art et ses liens directs, physiques avec la vie. Le maestro se laisse aller de nouveau à sa fascination trouble pour sa fille, explorant des choses que l'on devine très intimes, sans toutefois démêler comme d'habitude ce qui relève de la sincérité et ce qui relève d'un calcul. Sa position schizophrénique entre préoccupations artistiques, intellectuelles, et son désir de plaire, d'épater, expliquent peut être sa façon de faire baisser la tension par le recours à un humour grotesque, latin et pas toujours très fin (Le personnage de la cantatrice fellinienne, le dératisateur et son aide nain). Toujours est-il que le film me semble sous-évalué et tient son rang à la suite de ses glorieux prédécesseurs. Je note avec un sourire narquois qu'il aura fallu attendre cette version pour que l'on s'interroge sur quelques détails pratiques du genre : comment le fantôme s'y est-il pris pour aménager son repaire et installer un grand orgue dans les étroits sous sols ? Magie du cinéma.
Photographies : © Hammer films et Tout le Ciné.
Version Fisher sur Devildead et sur Children of the night
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04/12/2011
Asia
Il fantasma dell'opera (1998) de Dario Argento. Photographie DR source Toutleciné.com
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03/12/2011
L'habit fait le moine (Il cappotto)
Mon ultime chronique pour le site Kinok.
C'est une très belle restauration, effectuée par le musée du cinéma de Turin et que nous proposent les éditions Carlotta, qui permet de découvrir un classique du cinéma italien : Il cappotto (Le manteau), réalisé en 1952 par Alberto Lattuada. Adaptation libre et brillante d'une nouvelle de Nicolas Gogol par Lattuada, Luigi Malerba et Cesare Zavattini, le film remet en lumière un cinéaste formidable et un peu oublié dont on se souvient surtout pour avoir accompagné les premiers pas de Federico Fellini avec Luci del varietà (Les feux du music-hall) en 1950. Il cappotto fait brillamment se percuter l'humour russe de son matériau d'origine avec la lutte des classes revue par Kafka sous un froid glacial, et ce qui n'est pas encore tout à fait la comédie italienne, mais qui n'est déjà plus tout à fait le néo-réalisme, soit la misère de l'après-guerre, la riche galerie de portraits et les trous dans le manteau. Pour faire bonne mesure et souligner la profonde originalité du film, il faut mentionner sa dimension fantastique, particulièrement dans le final et sensible dans la façon de filmer les scènes de nuit envahies de longues ombres et de brumes du plus bel effet. Et puis ce pont, entre deux rives quasi invisibles, entre deux mondes inconnus et inquiétants où, véritablement, les fantômes viennent à la rencontre des personnages. Fantômes ou destin , c'est tout comme. Je rattacherais volontiers ce fantastique à celui du Franck Capra de It's a wonderful life (La vie est belle – 1946), (La neige, le pont), et celui du succès contemporain de Miracolo a Milano (Miracle à Milan de Vittorio De Sica).
Au-delà, ou plutôt avant cette dimension fantastique, le trait marquant de Il cappotto, c'est son ironie. Tout est dit dans les deux premiers plans. Un texte explicatif du genre « tout événement réel ne serait que coïncidence fortuite, etc. » laisse place à un plan large, plongée qui écrase l'employé municipal De Carmine, misérable héros joué par l'extraordinaire, vraiment, Renato Rascel, marchant hâtivement sous une galerie typiquement italienne, serrant contre lui son manteau miteux, troué, incapable de le protéger d'un froid que l'on imagine perçant. Ce plan et ceux qui suivent, traversée de la ville aux tons gris, désolés, glacialement hostiles, tentative touchante de se réchauffer les mains à l'haleine d'un cheval, contredit absolument le texte. Tout ce que nous voyons est absolument réaliste, vrai, et parle à l'italien de 1952 de son pays encore meurtri par la guerre, le fascisme et les nouvelles règles. Et au spectateurs de tous les temps et de tous les lieux, cela évoque :
Les flagellations et les dédains du monde,
l’injure de l’oppresseur, l’humiliation de la pauvreté,
les angoisses de l’amour méprisé, les lenteurs de la loi,
l’insolence du pouvoir, et les rebuffades
que le mérite résigné reçoit d’hommes indignes
Le manteau du titre va symboliser tout cela. Deux manteaux en fait. Celui du début, la presque loque que De Carmine ménage autant que possible, le posant précautionneusement sur la patère devant son bureau avant que ses collègues ne manifestent leur mépris à son égard en le déplaçant et le trouant un peu plus. Chez Lattuada, comme chez Gogol, l'habit fait le moine et vampirise littéralement son possesseur. Le premiers manteau est signe de solitude, de misère, morale, sociale et sexuelle. Ne protégeant pas il ne remplit pas sa fonction et maintient, en bon signe extérieur, la soumission de l'employé. Le second manteau, riche et lourd et chaud, sera symbole de puissance. Une puissance que De Carmine, surpris même s'il le pressentait, va se décider à utiliser. Le pouvoir donne des responsabilités et De Carmine, comme Peter Parker enfilant le costume de l'Homme Araignée pour devenir Spiderman, ou n'importe quel super héros, le découvre avec un mélange d'excitation (il est fébrile) et de peur. Ici, cette puissance a un prix, morale de la fable, et De Carmine possédé est mis hors de lui. Il s'extériorise avec ivresse osant prendre la défense de faibles, osant entraîner une dame du monde, lors d'une scène superbe et cruelle, dans une danse endiablée. Mais le pouvoir du manteau rend dépendant et à un point tel que sa perte amène le scribouillard à la folie, au désespoir et à la mort.
Tout ceci est rendu avec une grande virtuosité classique par Alberto Lattuada qui orchestre les ballets de manteau avec précision et élégance, qui dénonce par de simples et fortes équivalences visuelles l'absurdité et la cruauté des hiérarchie, la bêtise toute nue du pouvoir. Le film est d'un grand mouvement, mouvement des désirs qui poussent les hommes, et d'une coloration sombre, superbe photographie en noir et blanc aux accents expressionnistes, fantastiques nous l'avons dit, signée Mario Montuori qui photographiera quinze ans plus tard l'incendie gothique final de Il pistolero dell'Ave Maria de Ferdinando Baldi.
Impossible d'évoquer Il cappotto sans mentionner son acteur principal, Renato Rascel. On cite facilement la grande figure de Charlie Chaplin à propos de sa composition de Carmine De Carmine. Cela me semble assez juste dans la technique, le jeu corporel, la caractérisation sociale du personnage à travers ses gestes, ses hésitations, sa timidité, la façon dont se voit sur son corps et son visage la pesanteur de la pression sociale. C'est un peu moins vrai au niveau du caractère, car Charlot est un révolté qui se bat et flanque son pied au cul du patron ou du bourgeois assez facilement. Vagabond il ne laisse jamais le temps à l'oppression de se faire trop forte et amputer ses capacités à réagir. De Carmine, lui, porte toute la misère su monde sur ses épaules et il lui faut l'aide du manteau et de l'alcool combinés pour prendre fait et cause des pauvres solliciteurs. Il n'est pas si solide. Autour de Rascel, on trouve, outre la belle Yvonne Samson, une belle collection de visages all'italiana, visages inoubliables d'humanité sur lesquels passent toutes les couleurs de la condition humaine : espoir, mépris, désir, arrogance, veulerie, avidité, bonheur fugace, et à la toute fin, sur celui du petit employé passé de l'autre côté du pont, un étrange apaisement.
Photographie : capture DVD Carlotta
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28/11/2011
Ken Russell 1927-2011
Photographie source Belfast Telegraph
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17/11/2011
Les 13e Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice
Seul le désuet ne tombe jamais en désuétude
Une 13e édition sous le signe du paradoxe. Au moment où les Cahiers du Cinéma annoncent l'achèvement de la révolution numérique et la fin de l'argentique, Regard Indépendant investit dans le super 8. Fine pellicule fragile, imparfaite, unique et ludique, sa séduction est toujours bien vivante, sans nostalgie facile. Séduction du plan pensé, du raccord pesé, du geste cinématographique conservé et transmis. Plus de trente films cette année pour notre collection en super 8 tourné-monté sur un thème curieux, mais pas si mal choisi : Oui. Plus de trente films avec avec leurs erreurs, leurs univers de trois minutes, leurs idées. Il y aura quelques plans flous, quelques plans sombres, ce n'est pas grave. C'est de la pellicule vivante. C'est un lien aussi, avec nos amis de Caen, de Köln, de Barcelone qui ont participé pour moitié à l'aventure, avec un nouveau partenaire, Kodak, qui dotera les prix distribués pour la seconde année par un jury, de cette même pellicule, pour d'autres films. C'est un lien, enfin dans le temps, à travers le programme consacré à Rosette, actrice pétillante qui mit en scène cinq petits bijoux de ce format dans les années 80, avec l'aide d'Éric Rohmer derrière la petite caméra. Lien de temps toujours avec le travail de Mickael Hers et Dounia Sichov sur des films de famille, lien géographique avec le voyageur Maxime Michel au bout du monde et dans Paris, avec le film ramené d'Ouessant par Mehdi Benallal. Des liens, foisonnants que l'on trouve dans les programmes de nos amis anglais des Straight 8.
Mais de nostalgie, point. Du moins pas de la sorte factice. Le super 8, tel que nous l'aimons, peut être retravaillé avec les outils modernes et ce qu'il apprend d'un art et d'une technique, on peut le retrouve dans les nombreux films de nos programmations régionales. Films d'école et d'ateliers ou la dimension pédagogique n'empêche pas la créativité. Films régionaux en tout genres avec les nouvelles œuvres de nos amis Xavier Ladjointe, Stéphane Coda, Guillaume Levil, Isa Noguéra, Philippe Frey, entre autres.
Pour les plus cinéphiles d'entre nous, une belle part de cette édition sera consacrée au cinéma de genre avec une programmation toute particulière concoctée par nos amis d'Héliotrope avec monstres suceurs de cerveau venus de l'espace, un beau film d'animation de l'incroyable Bill Plympton Idiots and Angels, et un film culte, un vrai, signé Russ Meyer avec la regrettée Tura Satana : Faster pussycat ! Kill ! Kill ! En clôture dans un esprit iconoclaste que nous apprécions tous, deux courts métrages de Benoît Forgeard qui prouvent s'il était besoin, qu'en France aussi on peut avoir des idées loufoques.
Pas de Rencontres sans musique. Deux groupes, The Blue Wind et Non ! (ce qui s'imposait vu le thème des super 8) qui joueront sur certains films de nos collections précédentes. Et puis une première, un défi vidéo et musical auquel une dizaine de réalisateurs et musiciens ont répondu. De quoi bien occuper vos jours et vos nuits entre le 17 et le 20 novembre avec le doux cliquetis de notre projecteur super 8.
Amicalement dédié à notre ami Ennio.
Le programme complet en ligne
Visuel : Illys Poulpfiction
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14/11/2011
Tintin
Alors, Tintin, alors ? Alors, oui, le Tintin de Steven Spielberg oui ! Ce n'est pas la première fois que je me fais la réflexion mais j'ai toujours eu tort de sous-estimer les capacités du cinéaste quand il s'engage dans un projet casse-gueule. J'étais plein de réticences : la 3D, la technique de motion capture, le souvenir d'un film pour rien avec le quatrième volet des aventures du Docteur Jones et mon regret de voir repoussé le projet sur Abraham Lincoln. Réticences balayées le temps d'un générique brillant et d'une idée aussi émouvante que géniale : dans la première minute, le Tintin de Spielberg motion-capturé se fait tirer le portrait par un dessinateur des rues bruxelloises qui a le visage de Hergé et trace le visage bande-dessiné universellement connu. Passage d'un art à l'autre, d'une technique à l'autre, de Hergé à Spielberg, de l'Europe à l'Amérique, belle idée de transmission qui définit à la fois d'où vient le film et où il entend aller. The adventures of Tintin peut commencer, puisant à la fois dans trois albums : Le secret de la Licorne, Le trésor de Rackam Le Rouge et Le crabe aux pinces d'or, mais aussi dans l'œuvre du cinéaste. De fait, le Tintin de Spielberg m'apparaît comme le véritable quatrième épisode des aventures de son archéologue aventurier, façon de boucler la boucle tant on a dit et écrit tout ce que ce personnage devait au reporter du Petit Vingtième. Ce qui est une façon particulière de voir les choses puisque Indiana Jones vient d'abord de cinquante ans de serials et de films d'aventure hollywoodiens, qui eux-mêmes ont pu nourrir l'imaginaire de Georges Rémi. Rien ne se perd, rien ne se crée, et toutes ces sortes de choses. Mais plus encore, The adventures of Tintin est une exploration de l'univers de Hergé à travers les formes du cinéma de Spielberg, une œuvre forcément hybride donc, qui justifie par là sa technique entre prises de vues réelles et animation, et qui permet au cinéaste de s'approprier le matériau du dessinateur tout en lui rendant hommage, de le trahir en lui restant fidèle.
Cette exploration menée sur un mode ludique et à un rythme soutenu passe par de nombreux renvois : Les marins du chevalier de Hadoque sont noyés comme les esclaves de l'Amistad, un requin est pendu dans le dortoir des marins du Karaboudjan et la houppette de Tintin fend les flots comme un aileron. La progression de Milou sous les vaches est semblable à celle des raptors dans la prairie herbeuse, la vitrine de la Licorne se fend comme le pare-brise sous les doigts du personnage joué par Julianne Moore. Cela fonctionne parfois sur le mode du gag mais plus souvent sur la figure de style, sur une mise en scène qui montre combien elle se sent à l'aise avec cet univers. L'hommage, la fidélité au travail de Hergé passe par l'aisance de Steven Spielberg à s'emparer du matériau de la bande dessinée, avec une gourmandise palpable dans le rythme, l'humour et le jeu de miroir constant (Figure abondamment utilisée dans le film) entre les cases de l'un et les plans de l'autre. Cette aisance permet aussi de prendre d'autres pistes quand Spielberg, non seulement mixe plusieurs albums pour une aventure, mais encore greffe les figures de son cinéma de pur divertissement sur le récit canonique. Indiana Jones viendrait de Tintin ? Il y retourne avec plusieurs scènes d'action spectaculaires, poursuite à moto, combats des grues portuaires, séquence aérienne. Des scènes un peu trop dans l'esprit de démesure actuelle, mais qui ne doivent pas faire oublier que les aventures dessinées de Tintin ont multiplié les poursuites, les catastrophes, les accidents. Fondamentalement, The adventures of Tintin est éminemment spielberguien et l'admirateur transi retrouvera avec une jouissance certaine tel rapide travelling avant sur un visage, telle intrusion d'un avant plan dans le champ large, telle ouverture de l'espace qui sont sa signature comme la ligne claire chez le dessinateur belge.
On peut négliger la 3D qui n'apporte (toujours) rien. Spielberg a toujours beaucoup joué sur la profondeur de champ, on oublie donc très vite le « truc », à deux ou trois effets très années 50 près (La canne que Sakarine nous agite sous le nez par exemple). La motion capture est assez étonnante, alternant des visages quasiment « réels » comme celui de Sakarine, avec le surgissement sur l'écran de figures étrangement proches de leur modèles dessinés. C'est cas de plusieurs personnages secondaires (La concierge Mme Pinson, le cleptomane Aristide Filoselle et surtout Nestor) qui semblent littéralement sortir des cases originales. Pour les protagonistes principaux, nous sommes à cheval entre la stylisation de Hergé et une volonté réaliste (détail des dents, des systèmes pileux, brillant des yeux, sueur...) qui fait un étrange effet et dont on pourra comprendre qu'elle rebute certains. Mais l'arrière-plan, les décors et accessoires sont remarquables, substituant franchement au dépouillement de Hergé, un foisonnement de détails et de textures qui évoque une plongée dans les univers de Franquin ou de Maurice Tilleux (ah, les voitures européennes des années 50 et les meubles !).
Plus subtilement, Spielberg recherche aussi au sein de son spectacle une connivence plus intime avec Hergé. Une proximité intellectuelle et sensible. Il met en avant Haddock, et avec Le crabe au pinces d'or, l'épisode capital de la rencontre entre le marin et le jeune journaliste. En mettant en avant le capitaine haut en couleurs, hanté par les démons de l'alcool et à la recherche de la mémoire de ses ancêtres, Spielberg revient sur sa vieille obsession de la quête du père absent et ses peurs de l'autodestruction, de l'échec qui hante tant de ses héros. Il double (miroir, miroir) cette quête par celle, identique, qui motive le vilain de l'histoire, Sakarine, personnage très secondaire de l'album. Par contraste, Tintin, personnage lisse, sans famille (son père, c'est son créateur) ni sexualité, reçoit le rôle classique chez le réalisateur du maître des signes qui sera capable de remettre de l'ordre dans le chaos du monde. Tintin s'insère sans peine à la suite de Roy Neary, Indiana Jones, Oscar Schindler, ou le caporal Upham. Il analyse, agit, communique, apprend, maîtrise (plus ou moins bien) les situations et les techniques (l'avion, la télégraphie). Comme Rouletabille, autre figure ronde et juvénile, il sait s'appuyer sur le bon bout de sa raison. Et j'imagine que cette double figure : Haddock – Tintin a nourrit la passion et la persévérance de Steven Spielberg sur ce projet. C'est cette proximité intuitive avec Hergé l'homme comme l'œuvre, qui a développé l'obstination président à la réussite du film. Un cas de figure proche de la relation nouée avec Stankley Kubrick sur A.I. (2000). Et les réserves que l'on sait chez ceux qui récusent cette proximité.
Finalement, les questions que posent The adventures of Tintin sont d'ordre plus générales et dépassent le film et le plaisir réel qu'il peut procurer. Elles concernent l'évolution des techniques, du cinéma lui-même et la place de la création. Où va t'il ? A quoi resemble t'il ? Qu'est-ce que ça veut encore dire, faire du cinéma ? Ici en particulier le jeu d'acteurs, leur relation avec le metteur en scène, au cœur d'un tel dispositif semble se dissoudre. C'est ce qui continue de me laisser perplexe. Comment imaginer filmer Edwige Fenech dans un costume à lampions pour la pixelliser ?
Edouard sur Nightswimming
Buster sur Balloonatic
23:22 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : steven spielberg | Facebook | Imprimer | |
04/11/2011
Quatre films de Youssef Chahine
- Je suis, mon cher ami, très heureux de te voir.
- C'est un alexandrin !
(René Goscinny)
Disparu en juillet 2008, Youssef Chahine qui prisait volontiers le surnom de « Jo », est un cinéaste majeur, africain, égyptien, arabe, d'Alexandrie encore et toujours où il était né en janvier 1926, cosmopolite et voyageur dans l'esprit de cette ville ouverte sur le monde. Chahine, cinéaste fougueux, engagé et lyrique, généreux et sensuel, nationaliste et pourfendeur de tous les fanatismes, brossant dans sa carrière riche de plus de quarante films sa riche culture plusieurs fois millénaire, sa passion pour les formes musicales et les formes féminines, sa capacité d'ouverture aux grands courants cinématographiques du XXe siècle, du néo-réalisme italien au cinéma soviétique en passant par les nouvelles vagues et, surtout, le grand cinéma classique américain qu'il admirait. Un foisonnement parfois menacé par la confusion mais qui a trouvé généralement son point d'équilibre par une maitrise confondante du langage cinématographique (Dieu que c'est beau) et dans la rigueur d'une pensée qui, sans jamais renoncer à un humanisme fondamental, su rester en mouvement et épouser l'histoire vivante de son pays (Dieu que c'est intelligent). Le cinéma de Chahine fait corps avec l'Égypte, son peuple avec ses contradictions, ses élans et ses remises en cause. Nationalisme, ai-je écris plus haut, oui de celui qui lie un artiste et une nation avec ce qu'il faut d'amour et de lucidité, de celui qui lie, au hasard, John Ford et les États Unis.
Le coffret proposé par Pyramide Vidéo propose quatre films, du fameux Bab el-Hadid (Gare centrale – 1958) au musical Awdet el ebn el dal (Le Retour de l'enfant prodigue - 1976) en passant par le grandiose film de la reconnaissance internationale, El Ard (La terre – 1969), et El asfour (Le Moineau - 1972), pivot politique autant qu'artistique de sa carrière. Quatre films qui constituent une belle approche du mouvement conjoint de l'œuvre et de l'histoire du pays, de l'avènement de Nasser suite à la crise de Suez en 1956 à la défaite humiliante de la guerre des six jours en 1967, puis la mort du raïs en 1970, l'arrivée de Sadate, les désillusions et le second échec de la guerre du Kippour en 1973. Sur ce fond mouvementé, les quatre films en reviennent toujours à la base, aux moineaux comme Chahine aime appeler les gens du peuple, fellahs, paysans, ouvriers, femmes, idéalistes, familles saisies de désirs si humains, passion, désespoir, avidité, par dessus tout une formidable envie de vivre.
Site américain sur Chahine
Photographie source dvd4arab
08:37 Publié dans Cinéma, Panthéon, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : youssef chahine | Facebook | Imprimer | |
29/10/2011
Temple Drake
The Story of Temple Drake, réalisé en 1933 par Stephen R. Roberts, est un film réjouissant à découvrir, non tant parce qu'il recèlerait une modernité particulière susceptible d'épater le spectateur de 2011, mais parce qu'il contribue à éclairer d'un jour nouveau le cinéma de son époque. Cinéma américain, hollywoodien en l'occurrence. Et cet éclairage qui porte à la fois sur la représentation de certaines réalités comme sur l'expression de la sensualité, voire de la sexualité, contribue à nous rendre plus proche ce cinéma. Il casse la barrière des années et ce concept aussi irritant que répandu du « vieux film ». Certes, le cinéma selon les époques et les lieux est le premier responsable de l'image un peu raide, un peu naïve, un peu prude, où l'on ne montre pas ceci, où l'on ne parle pas de cela, qui nous est renvoyée. Les codes, à Hollywwod comme ailleurs, ont imposé des représentations conformes aux bonnes mœurs en vigueur, celles qui ont bonne mine avec leur « o » et leur « e » publiquement enlacés comme écrivait Miguel-Angel Fernandez-Bravo. L'évolution de ces mœurs a donc éloigné les films plus sûrement que celle des techniques, jusqu'à ce que l'on oublie presque que les êtres sur l'écran comme ceux qui les contemplaient étaient hommes et femmes de chair et de sang, de sexe et de violence. S'en rendre compte, c'est un peu comme découvrir que ses grands-parents ont été jeunes.
« La sexualité sans humidité est quelque chose... d'hollywoodien » disait Tinto Brass. C'est assez juste, mais incomplet. Marlène, King Kong, les freaks de Tod Browning, Louise Brooks, Ernst Lubitsch, Scarface, Tarzan, ont su à leur façon, parfois subtilement, parfois directement, faire oeuvre d'humidification si je puis me permettre de filer la métaphore. Tous ont eu maille avec la censure et l'interdiction, avant d'être brillamment réhabilités. La découverte d'un film comme The story of Temple Drake, projet plus classique d'un studio (Paramount Pictures) confié à un réalisateur tout terrain permet d'élargir l'idée de transgression au-delà des cas (King Kong, Freaks) et des figures exceptionnelles (Lubitsch, Hawks). Et quand le champ de la transgression s'élargit, la transgression est moins transgressive, ce qui veut dire pour faire simple que le cinéma hollywoodien de l'époque pouvait être aussi humide qu'un autre. CQFD.
The story of Temple Drake est donc un film humide, un film de brouillard et d'alcool, de marais proches, de pluie et de larmes. Adapté du roman Sanctuaire de William Faulkner et bien que sérieusement édulcoré par le scénariste Oliver H. P. Garrett (qui écrivit pour John Ford, William Wyler et King Vidor), le film raconte l'histoire de la jeune et délurée Temple Drake, fille de bonne famille du Sud, papillonnant sans conséquences d'un homme à l'autre et qui se retrouve après un accident en pleine campagne dans un repaire de bootlegers. Son chevalier servant du moment bien amoché, elle se retrouve rapidement en nuisette satinée après avoir tenté de fuir sous la pluie (humidité, etc.). Au matin, elle est violée par Trigger, un gangster façon Paul Muni mais, tombant sous son emprise, elle le suit en ville, se prostitue peut être et rompt avec sa famille. Quand elle prend conscience de sa déchéance, elle fini par tuer son brutal amant.
Joli scénario de mélodrame raconté en flashback lors du procès qui s'ensuit. Le film associe donc brouillard et pluie au basculement d'une vie aisée, belle maison, beaux costumes, haute société, à un autre univers dominé par le vice, la pauvreté et la violence. Le film, et particulièrement le travail du chef opérateur Karl Struss qui travailla sur Sunrise (L'aurore - 1927) de Murnau ainsi que pour Chaplin, passe ainsi d'une esthétique lisse, sophistiquée, à un expressionnisme aux tonalités sombres, jouant sur les lumières vacillantes dues à la tempête et les brumes, créant une ambiance quasi fantastique qui rend parfaitement les atmosphères de Faulkner où l'on voit la réalité se dissoudre (La façon, par exemple dont certains personnages sortent de l'obscurité comme du néant). Ce basculement est bien sûr celui de Temple Drake qui, à partir de la scène du viol assez directe et filmée comme la découverte de Kong par Fay Wray attachée à son poteau, passe dans un état second (admirable scène où Trigger la présente à la madame du bordel) et d'où elle ne sortira vraiment qu'avec les larmes libératrices lors du procès.
Temple, rôle en or, est incarnée par une des actrices les plus fascinantes de son époque, Miriam Hopkins. Terriblement sensuelle, authentique beauté du sud (elle est originaire de Georgie), Hopkins a inspiré Lubitsch, Wyler, Hawks, et Rouben Mamoulian pour lequel elle joue la prostituée dans sa version de Dr Jeckyll et Mister Hyde de 1931, rôle où elle apparaît là encore en nuisette et satin dans une scène à couper le souffle photographiée, déjà, par Karl Struss. Hopkins est aussi à l'aise dans le registre léger des premières scènes que dans les variations de couleur d'émotion de son personnage qui passe de l'angoisse diffuse à la terreur, de la répulsion qu'elle éprouve au contact de la femme du bootleger et de l'enfant (découverte de la pauvreté et de la trivialité), à l'horreur du viol puis les phases de résignation et désespoir avant la rédemption finale. La mise en scène de Stephen R. Roberts, sans être révolutionnaire, a la sophistication du beau travail de studio de l'époque. C'est un écrin pour sa star, entourée de figures masculines tour à tour rassurantes ou terrifiantes, une jolie galerie de portraits dans l'antre des bootlegers et un Trigger à la limite de la caricature incarné par Jack La Rue qui faillit être le Scarface de Hawks. Rien ne se perd. Roberts, originaire lui aussi du Sud, fut pilote durant la première guerre mondiale avant de devenir cascadeur puis de mettre en scène une centaine de films de 1922 à 1936, date à laquelle il décéda d'une crise cardiaque à 41 ans.
Il n'existe pas de DVD du film, mais il a été diffusé par TCM et est disponible sur Youtube.
Photographie DR (copyright Paramount)
Chronique par Jandy Stone sur Row Three (en anglais)
Chronique par sur Obscure classics (en anglais)
16:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : stephen r. roberts | Facebook | Imprimer | |
27/10/2011
Chapeau !
Angie Dickinson, ses jambes sublimes, ses collants noirs et son charmant chapeau sur le tournage de Rio Bravo (1959) de Howard Hawks, faut-il encore le préciser dans ces colonnes. Photographie source Allposters / Warner Bros.
12:17 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : angie dickinson | Facebook | Imprimer | |
23/10/2011
La moisson rouge (Prime cut)
Tristesse, Kinok s'interrompt. Le site créé et animé par Laurent Devanne depuis 2003 est mis en sommeil. J'y participais depuis 2008 et une chronique de La grève d'Eisenstein. Trois année pour moi qui ont contribué à enrichir, et mes horizons personnels, et Inisfree. J'ai pu découvrir des auteurs et des films vers lesquels je ne serais pas allé de moi même. J'ai connu l'obligation (souple) de rendre un texte dans les temps. J'ai appris. Je ne sais pas aujourd'hui si l'aventure rebondira d'une façon ou d'une autre. Les plumes de Kinok sont parmi les plus remarquables que je connaisse (Ô ironie du récent échange sur Baloonatic) et j'aimais beaucoup que nous soyons réunis dans un espace commun. Je tiens à remercier Laurent pour cette expérience et je lui dédie amicalement cette ultime chronique postée qui ne sera pas mise en ligne (Chahine et Lattuada suivront).
Celui qui aime bien manger, particulièrement s'il n'est pas végétarien, doit s'abstenir absolument de regarder les documentaires et les reportages sur la façon dont est faite la bouffe moderne. Celui-là, s'il est malgré tout en proie à la curiosité intellectuelle et légitime de connaitre le fonctionnement d'un abattoir industriel, découvrira avec profit la séquence d'ouverture de Prime cut (Carnage le bien nommé chez nous), polar rural et enlevé signé par Michael Ritchie en 1972. En quelques six minutes incluant le générique sur fond d'une délicate musique jazzy composée par Lalo Schiffrin (le piano est délicieux), Ritchie nous fait découvrir la chaîne complète qui transforme un bœuf en saucisses. C'est très documenté, de l'entrée de l'animal sur ses quatre pattes à l'expédition en produit de charcuterie. C'est très découpé, si je puis me permettre, et la plongée dans cet univers un peu froid, aseptisé et métallique, fascine au rythme du cliquetis sans accroc des machines.
L'une des grandes qualités du polar américain, c'est d'avoir su mêler fiction et réflexion, morale, politique, à une dimension documentaire depuis disons The naked city (1948) de Jules Dassin ou D.O.A. (1950) de Rudolph Maté qui nous plongeaient dans les rues de New-York ou de San Francisco. Car nous sommes dans un polar avec Prime cut et l'œil exercé remarque vite une silhouette entre les carcasses qui n'a rien de bovine. Pour l'œil moins exercé, une chaussure surgissant à l'une des étapes lèvera toute ambiguïté. Cette remarquable introduction est peut être bien inspirée de l'idée hitchcockienne formulée dans les entretiens truffaldiens de montrer tout le processus de fabrication d'une voiture pour finir par ouvrir une portière révélant un cadavre. Ici cela se termine par un chapelet de saucisses soigneusement emballé à destination d'un syndicat du crime de Chicago. Fin de l'introduction, Prime cut peut commencer.
Que d'os !
La situation est savoureuse. Les gens de Chicago, sans doute végétariens, expédient Nick Devlin, un tueur expert, pour régler les problème de meurtres ruraux qui déciment leurs envoyés du côté de Kansas City. Le boss local, répondant au doux nom de Mary-Ann, s'est émancipé et gère ses affaires lui-même. Des affaires à base de boucherie et de trafic de jeunes femmes. Et il ne paie pas ses dettes. Alors, ça va défourailler entre les sillons ! Prime cut est un film énorme, spectaculaire, littéralement étonnant, trouvant son originalité dans un l'humour noir sans édulcorant et l'ambition de renouveler le genre en lui faisant prendre le vert. Michael Ritchie, qui débuta par d'intéressants films avec Robert Redford avant de s'engluer dans des comédies médiocres, exploite à fond son cadre paysan et transpose les habituels règlements de compte des impasses urbaines aux immenses champs du middle west, l'exemple hitchcockien encore. Séquence de l'abattoir, vente de jeunes femmes nues dans une étable, fusillade entre les tournesols, destruction d'une serre au semi-remorque et, clou du film qui impressionna durablement les esprits, la poursuite de Devlin et de sa protégée dans un champ de blé par une immense moissonneuse batteuse rouge. Oui, c'est dans ce film.
Ritchie a de confortables moyens et sait s'en servir, il sait donner de l'intensité à ses scènes d'action, dans sa façon de filmer sa moissonneuse comme un animal monstrueux, dans son utilisation des grands espaces photographiés par Gene Polito façon western avec le vent agitant les tournesols, formant des vagues sur les blés, par le découpage sophistiqué quoique classique des fusillades, par de brusques débrayages d'espace. De sa formation initiale de documentariste, il nourrit ses décors avec de superbes idées comme cet orage saisi sur le vif, qui éclate sur les vibrations électriques de Schiffrin tandis que Devlin et ses hommes foncent vers le règlement de comptes final. Il donne une dimension supplémentaire au film par la représentation franche d'une violence parfois aux limites du bon goût. Nous en revenons toujours là. En ces belles années 70, ce cinéma était destiné aux adultes majeurs et vaccinés et Ritchie aborde sans hypocrisie les questions de trafic de femmes, littéralement « élevées » dans un orphelinat complice puis droguées et vendues, exposées aux acheteurs nues dans des enclos. Plus que la violence c'est cette scène qui impressionne aujourd'hui encore par son côté malsain, renforcé par l'atmosphère festive décrite autour de la vente : cocardes, rires gras, gratin local décontracté et Mary-Ann s'enfilant un plat de tripes, le visage rubicond. C'est très réussi.
Du rififi chez les hommes
Mais le film fonctionne aussi parce qu'il sait donner une épaisseur à ses personnages et développer leurs rapports de manière intéressante. Avec son scénariste Robert Dillon, il leur crée un passé qui donne de la densité à ses archétypes. Devlin et Mary-Ann sont d'anciens collègues, peut être des amis, et il y a une femme entre eux, celle de Devlin désormais mariée à Mary-Ann et prénommée Clarabelle. Faut-il y voir un hommage à la vache de Disney ? Une nouvelle touche de cet humour incongru qui traverse tout le film ? Toujours est-il que ce passé est bien utilisé, rendant plus piquantes les joutes, verbales d'abord, entre les deux hommes. A noter que Clarabelle est jouée avec conviction par la superbe Angel Tompkins qui possède une tenue à haut pouvoir érotique. Le personnage de Devlin est également travaillé d'un symptôme bien dans l'air de l'époque, celui du désenchantement. Le tueur est fatigué, rechigne à s'embarquer pour une nouvelle mission et son regard clair se pose avec dégoût sur l'Amérique profonde qu'il découvre. C'est un truand à l'ancienne qui allie des méthodes brutales et efficaces à une certaine morale et ne peut que réprouver les activités viles de son antagoniste. On pourra souligner, voire regretter, la façon dont le film joue avec l'ambiguïté morale de Devlin. Comme dans d'autres films du moment, Ritchie nous rend très sympathique un tueur et la violence qu'il exerce, comme Francis Ford Coppola nous montrant un Don Corleone éthique quand il refuse de toucher au trafic de drogue.
C'est d'autant plus délicat que Prime cut ne possède pas la dimension tragique des œuvres de Sam Peckinpah, Don Siegel ou John Boorman, qui renvoient leurs anti-héros à leurs contradictions. Devlin n'est certes pas Alfredo Garcia ! Il noue ainsi une relation avec la jeune Poppy qu'il prend sous sa protection à l'issue de la vente des jeunes femmes. Cette action transforme l'élimination d'un rival trop ambitieux en défense chevaleresque de l'orpheline. C'est un peu court jeune homme ! On pouvait dire... Oh! Dieu!... bien des choses en somme. Par exemple que ce n'est qu'un prétexte pour coincer Mary-Ann, ou une revanche sur la perte de Clarabelle puisque Devlin emmène Poppy dîner dans un restaurant huppé en lui faisant porter une incroyable robe verte et transparente. Mais ces sous-entendus sont balayés par le final qui brosse tout le monde dans le sens du poil. A moins que ce ne soit... L'humour encore.
Cet homme est dangereux
Ceci posé, le film bénéficie d'une distribution impeccable qui fait accepter bien des choses. Nick Devlin est joué par un Lee Marvin impérial. Il promène sa dégaine élégante, costard et chaussures blanches, cheveu argenté, pareil que dans The killers (A bout portant - 1964) de Siegel ou Point blank (Le point de non retour – 1967) de Boorman. Il humanise ce personnage de machine à tuer redoutable. Sa présence physique (il regarde tout le monde d'en haut), la précision de ses gestes dans la violence, le regard dont je parlais plus haut, son Nick Devlin est l'une de ses compositions majeures.
Face à lui, contraste parfait, Gene Hackman campe un Mary-Ann plus en rondeurs, trapu, sanguin, le verbe haut, la mâchoire en avant, bon vivant (les tripes !) et d'une vulgarité épanouie. Il est le péquenot suprême et s'offre une fin qui anticipe sur celle d'Impitoyable (1995) de Clint Eastwood. Belle idée de l'avoir affublé d'un frère franchement rustre joué par Gregory Walcott (qui joua pour Ed Wood et Steven Spielberg), Weenie et Mary-Ann rejouent le fameux couple Lennie-George du roman de Steinbeck, version truands. Le colosse bas de plafond et obsédé par les saucisses contraste avec les compagnons de Devlin, chauffeur stylé et acolytes dévoués (le plus jeune présente, admiratif, Devlin à sa mère).
Entre les deux hommes, deux femmes. Clarabelle, femme femme au sommet de sa sensualité, et Poppy, jeune innocente jouée par Sissy Spacek dont c'est le premier véritable rôle. Son teint délicat, la transparence de ses yeux, l'ovale de son visage encadré de longs cheveux fins, souvent très bien éclairé, donnent à voir avec force la vulnérabilité du personnage et sa jeunesse, alors que l'actrice à déjà 22 ans. Comme plus tard avec Carrie pour Brian DePalma, Spacek rend complètement crédible un personnage d'adolescente innocente. Le trouble engendré n'en est que plus grand.
Jouissif, drôle, déroutant et violent, Prime cut est l'un des polars de son époque, bien dans son temps jusque dans ses limites, mais sa vision au sein des fausses audaces actuelles fait un bien fou. Et puis vous ne verrez plus jamais de la même façon le tranquille paysan moissonnant ses blés blonds au fond du paysage. Plus jamais vous ne regarderez une saucisse de la même façon. Qui cela peut il être ?
Photographie Warner - Source Carlotta.
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22/10/2011
Pam par Quentin
11:57 Publié dans Actrices, Cinéma, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : quentin tarantino, pam grier | Facebook | Imprimer | |
19/10/2011
Cinématographe
Bien sûr c'est devenu l'cinémascope mais ça remue toujours et ça galope
Et ça reste encore comme autrefois rempli d'cow-boys sans foi ni loi
Et d'justiciers qui viennent fourrer leurs pieds dans l'plat
Gare gare gare gare Gary Cooper
S'approche du ravin d'enfer
Fais attention pauvre crétin
Car Alan Ladd n'est pas très loin
A cinq mètres il loge une balle
Dans un crouton d'pain
Boris Vian/Jimmy Walter
Photographie DR (source All posters.com)
11:55 Publié dans Curiosité, Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chanson, boris vian, alan ladd | Facebook | Imprimer | |
16/10/2011
California Dolls
...All the marbles (Deux filles au tapis) est le dernier film de Robert Aldrich. Il sort sort en 1981 deux ans avant le décès du réalisateur de Kiss me deadly (En quatrième vitesse - 1955) et Ulzana's raid (Fureur apache – 1972). C'est un film d'une grande générosité et d'une grande tendresse, non seulement dans son ton et envers ses personnages, mais aussi vis à vis de ses spectateurs. ...All the marbles est un film qui fait du bien, comme une veste familière dans laquelle on a plaisir à s'enrouler. C'est aussi un film que l'on a envie de partager, plutôt avec des amis, avec ceux dont on sait qu'il vont l'apprécier. C'est un peu comme cela que le film a bâtit sa réputation après un démarrage en demi-teinte, avec des textes derrière lesquels on sent le sourire heureux de celui qui écrit.
Le titre, déjà, avec ses trois petits points de suspension, est une expression américaine, intraduisible, qui signifie pour ce que j'en ai compris « tout ce qu'il est possible d'obtenir ». C'est une histoire toute simple, très américaine là encore, celle de deux filles sublimes, Iris la brune et Molly la blonde qui pratiquent le catch, et de leur manager Harry. Partis de rien, ils vont progresser de matchs miteux en foires provinciales, construisant leur notoriété jusqu'à un combat qui verra leur apothéose. Du solide donc qui a servi à bien des films autour du sport. Aldrich joue le jeu et adopte la forme libre du « road-movie » s'attachant à décrire au fil des évènements les relations entre ses trois personnages par petites touches. Il prend son temps, ne révélant par exemple la dimension amoureuse de la relation entre Harry et Iris qu'a la moitié du film. Chaque révélation nuance, éclaire ou remet en cause ce que l'on sait de chacun, affinant le portrait, lui faisant gagner en profondeur. L'empathie que l'on ressent va croissant sans qu'Aldrich ne cherche à cacher certains côtés moins reluisants, notamment le mauvais caractère et le côté calculateur de Harry. On en accepte d'autant mieux l'inévitable finale en beauté que le catch est un sport arrangé où la part de spectacle est prépondérante. Avec le show que Harry organise pour ses deux athlètes, il aboli la frontière entre sport et spectacle tandis qu'Aldrich fait sauter celle d'avec le cinéma. Acte à la fois d'amour et professionnel de la part du manager-ami-amant, hommage aux actrices et à leur beauté, visions de rêve données aux spectateurs sur l'écran comme dans la salle, cette longue séquence est, comme l'a écrit Christian Viviani, un superbe testament artistique.
Le côté musical du film est tout aussi remarquable, comme une ballade de Bruce Springsteen, la bande originale étant par ailleurs signée du musicien fétiche d'Aldrich, Franck de Vol dans un style jazzy discret. Sont également utilisés plusieurs morceaux d'opéra italien que Harry joue dans sa voiture. Springsteen, c'est pour l'ambiance et la poésie. Harry et ses catcheuses traversent une Amérique de la fin des années 70 triste, froide et humide, succession de banlieues industrielles, de zones pavillonnaires populaires, de motels et de routes sans fin, proches m'a-t-il semblé de ce que Michal Cimino avait filmé dans The deer hunter (Voyage au bout de l'enfer – 1978). Et derrière cette Amérique, il y a la passion du spectacle, le désir d'évasion dans le rêve, qu'il soit vulgaire lorsqu'il est combat de femmes dans la boue ou sublime lors du final. Aldrich, sans complaisance mais sans misérabilisme, joue sur les contraires, les oppositions, dans les sons comme dans les images (le petit Harry entre les deux grandes bringues), la beauté de la photographie de Joseph Biroc pour les décors vastes mais tristement ordinaires, la grandeur d'âme des deux filles et la modestie de leur condition, les mesquineries de Harry et l'amour profond qu'il leur porte. « Je vous aime toutes les deux » leur dit-il juste avant qu'elles ne montent sur le ring. Quand il dit cela, on y croit et c'est bouleversant.
Peter Falk, et ce film lui donne peut être bien son meilleur rôle, est magistral. Il joue moins que d'habitude sur son regard si particulier et étend son registre, que ce soit dans la violence quand il démoli la voiture de Burt Young, une certaine façon d'être héroïque quand il défend Iris ou d'être injuste vis à vis de la même. Laurene Landon (Molly) et Vicki Frederick (Iris) sont aussi grandes et physiques que belles et sensuelles, un équilibre pas forcément évident à tenir. Mais elles le tiennent avec élégance. Outre leur façon de fonctionner ensemble, le sentiment de complicité qu'elles traduisent, elles assurent l'essentiel de leurs combats. Elles sont irrésistibles. Landon fréquentera le cinéma de genre, surtout avec Larry Cohen. Vicky Frédérick, danseuse avant tout, était appréciée dit-on de Bob Fosse et sera de la distribution de A chorus line, que ce soit à Broadway ou devant la caméra de Richard Attenborough. Il est plaisant de penser que Robert Aldrich, lui qui a toujours pratiqué un cinéma assez viril, lui qui a orchestré le duel entre Gary Coper et Burt Lancaster de Vera Cruz (1954), lui qui filmé les 12 salopards, Mike Hammer et l'empereur du Nord, se soit tourné avec ...All the marbles vers l'expression la plus pudique et la plus juste des sentiments, prolongeant un peu son polar en demi-teinte où primait l'histoire sentimentale, Hustle (La cité des dangers – 1975).
Photographies © MGM (source Cineplex)
14:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : robert aldrich | Facebook | Imprimer | |