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14/12/2011

La chambre close

Tout à coup, un inconnu vous offre des fleurs ! Comme nous sommes dans un giallo, il y a un petit mot quelque peu étrange avec : « ...ma il tuo vizio è una stanza chiusa dal di dentro e solo io ne ho la chiave » (Ton vice est une pièce close de l'intérieur dont moi seul ai la clef). Terrifiée, madame Wardh, car c'est elle, laisse tomber les roses en reconnaissant le style de son ancien et brutal amant. Sergio Martino, le réalisateur, conserve la belle phrase pour en faire le titre d'un nouvel opus signé en 1972. A vrai dire, il avait fauché la phrase à Lucio Fulci et son scénariste de Una lucertola con la pelle di donna(1971), Roberto Gianviti, en croyant que c'était du Edgar Allan Poe. Ou bien, ce sont eux qui lui ont fait croire. L'histoire n'est pas claire mais elle est jolie. Le nouveau film reprend la belle équipe ayant œuvré sur tout ou partie des trois précédents gialli de Martino, à savoir le producteur Luciano Martino, son frère, le scénariste Ernesto Gastaldi, le directeur de la photographie Giancarlo Ferrando et le musicien Bruno Nicolai qui nous offre une superbe partition avec violons romantiques et clavecin. Une équipe au service d'un quatuor rompu aux jeux tordus du genre : l'excellent Luigi Pistilli, rugueux comme du papier de verre (Vu chez Leone, Corbucci, Sollima, Rosi ou Bava), le toujours inquiétant Ivan Rassimov, la délicatement émaciée Anita Strindberg qui avait déjà beaucoup souffert dans le film de Fulci, et l'indispensable Edwige Fenech, Edwige sans qui les choses ne seraient pas tout à fait ce qu'elles sont.

sergio martino,edwige fenech

Le film commence par une nouvelle manifestation de l'antipathie profonde éprouvée par Sergio Martino envers les hippies. Dans une grande et belle demeure comme nous aimerions tous en avoir, Oliviero Rouvigny (Pistilli) est un écrivain qui n'écrit plus. Il vit dans le souvenir de sa mère, dans l'alcool et le mépris pour sa femme Irina (Strindberg). Un mépris qui prend la forme d'une relation sado-masochiste à base de jeux cruels et de provocation, le tout livré en spectacle à une bande de jeunes libérés et mollassons que l'écrivain invite à des fêtes arrosées et tristes où la jeune Dalila Di Lazzaro danse nue sur une table. Martino se délecte à les montrer comme une masse amorphe, entonnant un gospel mal synchronisé quand Oliviero tripote sa domestique noire (la belle Angela La Vorgna) pour agacer sa femme. La scène est ridicule. Heureusement Martino, sans doute soulagé, laisse tomber les jeunes libérés et Pistilli ne les recevra plus en sa demeure. Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave emprunte alors une voie originale, partagé entre giallo classique (meurtres de jeunes femmes à l'arme blanche, tueur vêtu de noir, Oliviero suspect numéro 1) et un huis-clos tendu puisant chez Robert Aldrich, H.G. Clouzot et Alfred Hitchcock, le tout agrémenté d'A. E. Poe à travers le chat Satana, noir bien sûr, joli matou ayant appartenu à maman et participant activement à terroriser la pauvre Irina.

La piste giallesque pourra paraître décevante, mais l'option thriller psychologique avec soupçon de fantastique donne une originalité certaine au film. Le couple tordu est vite rejoint par une jeune cousine, Floriana, minijupe rouge et coquin béret de côté, regard déluré, incarnée comme il se doit par Edwige Fenech portant le cheveu court façon Louise Brooks. Elle est une nouvelle fois à tomber et Pistilli dans un plan émouvant a les gestes de l'adorateur rendant grâce à ses seins. C'est bien le moins. Floriana lui permet aussi d'élargir son registre car Fenech joue cette fois une parfaite garce, calculatrice et assurée, à l'opposé complet de ses compositions précédentes pour le réalisateur.

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Sergio Martino et son impeccable trio (rejoint vers la fin par Rassimov dont le rôle est peu développé) s'amusent à brouiller les pistes et les sentiments. Le réalisateur organise sa mise en scène sur les oppositions : le côté physique de Pistilli contre la fragilité de Strindberg, la force de l'homme contre la puissance de séduction de Floriana, les accès de désespoir d'Irina contre l'assurance de Floriana. Les deux actrices sont particulièrement bien choisies. Strindberg avec son visage légèrement osseux, un peu à la façon de Faye Dunaway, son corps délié et en longueur, comme ses mains et ses cheveux souvent décoiffés, ses gestes brusques, contraste avec Fenech, toute en rondeurs et en souplesse, l'arrondi de sa coiffure renforçant celui de son visage, ses formes pleines et ses gestes mesurés, voire sa façon d'attendre avec simplicité les évènements. On regrettera juste un personnage de pilote de moto-cross qui nous vaut une insipide scène de course. Mais c'est négligeable face à l'étude des relations du trio, chatoyant de toutes les couleurs du vice. Mensonges, manipulations, violence psychologique et physique, voyeurisme, la caméra mobile épouse les à-coups des esprits.

Dans une scène admirablement découpée, Irina découvre ses colombes égorgées par le chat dans leur volière et se voit terrorisée par un Oliviero que l'on a pas vu venir. Montage habile, jeu sur le son, sur le hors champ, utilisation du motif des grilles pour traduire l'enferment psychologique du personnage, Martino passe d'un point de vue à l'autre, laisse planer le doute le temps d'un regard de son héros, traque la folie naissante dans les yeux de Strindberg comme il s'émerveille de la sensualité de celui de Fenech (Elle a une sacrée façon de regarder Pistilli). Le final qui accumule les rebondissements, perd un peu de sa force pour qui connait la nouvelle de Poe. Mais plus qu'avec le chat, dont les gros plans à l'œil sanglant sont un peu lassant, Martino fait d'une petite vieille bien italienne la figure savoureuse du destin inéluctable. Je noterais pour finir les bien troublantes similitudes entre ce film de 1972 avec Shining, le roman de Stephen King (1977) comme le film de Stanley Kubrick (1980). Un écrivain qui n'arrive plus à écrire dans une grande demeure hantée par des fantômes (La mère, le chat), qui terrorise sa frêle épouse et qui finalement, page après page, tape la même phrase à l'infini. Étonnant non ?

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Le DVD

Photographies : capture DVD Aegida

L'abordage de Mariaque

Sur Le-Giallo

Commentaires

Pistilli est génial là-dedans. Il jouait les affreux avec un talent certain.

Écrit par : FredMJG | 14/12/2011

Il avait un de ces visages qu'on oublie pas. je vais voir si je trouve une photo avec cigare :)
Incidemment, j'ai appris que Fenech avait eu une proposition pour aller tourner avec Eastwood à Hollywood dans les années 70. Je mets ça en ligne demain.

Écrit par : Vincent | 14/12/2011

Gracias por el artículo y las fotografías. Edwige, maravilllosa.

Écrit par : alfonso | 05/01/2018

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