11/12/2011
La Bovary, c'est elle
Après avoir jouée les sauvageonnes dans Samoa, regina della giungla (Samoa, fille sauvage – 1968) de Guido Malatesta, et juste avant de passer sous la caméra de Mario Bava pour Cinque bambole per la luna d'agosto (L'Ile de l'épouvante - 1970), Edwige Fenech s'est glissée dans les superbes toilettes XIXe siècle de l'héroïne de Gustave Flaubert pour une intéressante co-production italo germanique : I peccati di madame Bovary / Die Nackte Bovary (Les folles nuits de la Bovary). Le film est réalisé en 1969 par Hans Schott-Schöbinger qui signe là sa dernière réalisation, sous le pseudonyme de John Scott. Il était certainement l'homme de la situation puisque sa filmographie des années 60 est dominée par des productions à l'érotisme gentillet. Dans la continuité, c'est cette dimension érotique du roman de Flaubert que met en avant un pur film d'exploitation. Mais il serait dommage de le négliger, tant pour ses qualités propres que pour la première prestation d'envergure de la belle Edwige.
A l'époque, la plus italienne des françaises a 22 ans et ce qui frappe dans ce film, c'est la façon dont elle se donne avec une passion un peu naïve, parfois maladroite, dans son rôle. Ses admirateurs qui l'ont aimée dans les gialli signés Sergio Martino comme ceux qui l'apprécient dans les plus intéressantes de ses comédies savent qu'elle est capable d'un jeu naturel, précis et nuancé si nécessaire, et que son incroyable charme transcende ses propres limites comme la médiocrité qui l'entoure trop souvent. Ici, l'écrin est à la mesure, si j'ose ainsi l'exprimer, de la perle. Le film est en (Chromo)Scope et Technicolor chatoyant, aux couleurs riches et sensuelles mettant en valeur les verts de la campagne, les atmosphères nocturnes qui soulignent non sans élégance les courbes de notre héroïne, et les multiples toilettes qui font leur effet même si nous ne sommes pas non plus dans le bal final d'un film de Luchino Visconti.
Le scénario reprend les grandes lignes du roman avec une certaine attention à l'atmosphère provinciale et aux détails du métier de médecin. Il se permet malgré tout une fin qui trahi le roman dans les grandes largeurs et que l'on pardonnera si l'on veut bien la prendre comme un hymne à la jeunesse et la beauté. Plusieurs beaux mâles entourent Edwige Fenech avec des fortunes diverses. Je retiendrais pour ma part Franco Ressel qui finissait bien mal dans Il mercenario (Le mercenaire – 1970) de Sergio Corbucci, jouant ici le rôle du visqueux Lheureux, et Peter Carsten qui se battait à coup de tronçonneuse avec Rod Taylor dans The Dark of the Sun (Le dernier train du Katanga– 1968) de Jack Cardiff, personnifiant Rudolph Boulanger. La musique signée Hans Hammerschmidt est conforme à ce que l'on peut attendre (violons romantiques, piano) mais elle le fait bien, comme la mise en scène de Hans Schott-Schöbinger qui ne fait pas réellement preuve d'originalité mais possède une élégance bien de son époque liée au cadre large, aux mouvements posés, maîtrisés pour souligner l'action sans jamais venir faire les malins, à quelques zooms faciles près. La qualité essentielle du réalisateur est d'avoir su se concentrer sur le point de vue de madame Bovary ce dont je lui suis gré. Il utilise une voix off pour pénétrer les pensées de l'héroïne, mais réussit mieux quelques séquences où la nature et une caméra plus mobile illustrent ses états d'esprits lors de moments critiques (la scène du pont en particulier).
Edwige Fenech s'empare avec vitalité de la richesse de son personnage et Edwige entre en résonance avec Emma. Levez vous vite, orages désirés ! La jeune actrice encore débutante, aspirant peut être à de grands rôles pleins de tragédie et de passion, s'identifie à la jeune bourgeoise mal mariée et rêvant d'absolu. Et comme Emma Bovary se donne sans retenue à des hommes qui ne méritent pas une si belle âme, Edwige Fenech illumine cette production trop retenue, court au petit matin entre les arbres en déshabillé translucide, tour à tour éperdue et espiègle, défaillante à l'annonce de la mort de son amant, frémissante face au désir comme à la trahison, faisant volter sa longue chevelure brune, décoiffée tour à tour par la passion puis le désespoir. Elle se révèle ainsi une Bovary tout aussi remarquable que celles jouées par Isabelle Huppert, Valentine Tessier ou Jenifer Jones, pas tant parce qu'elle joue Emma, mais parce qu'elle l'est.
Photographies : Captures DVD One 7 movies
23:06 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : edwige fenech, hans schott-schöbinger | Facebook | Imprimer | |