26/10/2013
Pertes et profil
Papy, je viens de désactiver mon profil Facebouque...
Tiens le coup, John, les quinze premiers jours sont les plus durs.
Photographie DR, source Le coin du cinéphage
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22/10/2013
P comme pendaison
Jamais un seul instant nous ne sommes assis;
De ci de là, selon que le vent tourne,
Il ne cesse de nous ballotter à son gré,
Plus becquétés d'oiseaux que dés à coudre.
François Villon – La ballade des pendus
Deux minutes ! je n'aime pas assister à une pendaison le ventre vide.
« Tiens, la civilisation » annonce Cameron Mitchell à Clark Gable dès la première minutes des Implacables (The tall men), beau western de Raoul Walsh, en désignant un pendu au milieu d'une nature somptueuse filmée en CinemaScope. Il doit y avoir un vieux fond morbide chez les réalisateurs, car à y réfléchir deux fois après avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche, les scènes d'exécution sont légion sur les écrans. Capitales, officielles ou sommaires, elles excitent l'imagination visuelle et constituent autant de morceaux de bravoure comme écrit ce cher Luc Moullet. Il y a le mouvement de la foule lyncheuse, le décorum du cérémonial militaire ou civil, les sentiers de la gloire pour l'exemple, le frisson de la mort, l'implacabilité du destin. C'est beau ! C'est répugnant ! C'est émouvant ! C'est fascinant ! C'est effrayant ! C'est tout ce que l'on aime au cinéma, non ?
De toutes les formes d'exécution, j'oserais dire que la pendaison tient la corde. C'est juste une impression mais vous pouvez vérifier par vous même. On fusille pas mal, on décapite un peu. Électrocution et bûcher sont plus rares sauf dans les biographies de Jeanne d'Arc ou de Giordano Bruno. L'empalement reste exceptionnel et exotique comme la crucifixion ou le jeté aux crocodiles, et puis tous ces supplices marrant que l'on voit dans les films de Tarzan. La pendaison offre plus de possibilités : du haut d'une tour, en ombre chinoise, dans un grenier, en série comme dans True grit, depuis une cage de fer histoire de renforcer l'abjection, haut et court à une potence ou au premier arbre venu comme dans d'innombrables westerns, par surprise, interminable comme chez Lars Von Trier ou Richard Brooks, clinique comme chez Nagisa Ōshima , en place publique, à travers une verrière, à un crochet de boucherie dans l'une de ces maisons où il faut jamais entrer, il y a le choix.
Et puis le pendu est photogénique, dynamique avant, décoratif après. Comme l'avait bien décrit maître François bien avant que le cinéma ne soit, il a la langue pendante, les yeux exorbités, le cheveu fol, la bouche tordue, un vautour délicatement posé sur son épaule, l'œil picoré par un corbeau, ô traumatisme de jeunesse devant Excalibur ! Le pendu aime à osciller sous la brise après de terribles convulsions. C'est tout autre chose que le fusillé bêtement recroquevillé ou le simple tas de cendre dans lequel on peine à reconnaître la pucelle d'Orléans. Les bottes de l'aîné se balancent sous le soleil d'Almeria après que le jeune frère ait mordu la poussière, l'harmonica entre les dents. Le sang coule lentement le long de la chemise de nuit blanche de la première victime particulièrement soignée de la Talm Akademie. La corde se tend et s'effiloche au dessus de la rivière du hibou. Elle conserve une marque indélébile sur le cou de Glyn McLyntock car parfois, à la pendaison, on survit.
Mais la pendaison peut avoir un côté farce, c'est l'une des bases de la relation entre Blondin et Tuco dans Le bon, la brute et le truand, aimablement pastichée par Sergio Corbucci qui juche Franco Nero sur un tonneau dans Companeros ! Et l'on pourra même y trouver matière à gaudriole à la façon des amants de La chair et le sang qui cherchent un pendu frais afin de déterrer la mandragore L'herbe aux pendus qui revigore. Les petits coquins.
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19/10/2013
Petra Haden goes to the movies
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17/10/2013
Élégance
Mississippi Gambler (Le gentleman de la Louisiane). Un film de Rudolph Maté (1953)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Honneur aux armes - Respect au maître
Mark Fallon est un joueur professionnel dans la Louisiane du début des années 1850. Il opère sur ces splendides bateaux à aubes qui glissent, légendaires, sur le fleuve. Aristocrate d'esprit sinon de naissance, il impose une vison honnête du jeu, ce qui ne manque pas de lui attirer de solides inimitiés, mais aussi la fidèle amitié de Kansas John Polly. Fallon rencontre la belle et farouche Angélique Dureau, dont il tombe amoureux sans la savoir promise à un banquier ami d'enfance, de son frère Laurent qui va lui vouer une haine tenace, et de son père Edmond, gros propriétaire de la Nouvelle-Orléans, qui sera lui séduit par les qualités du jeune homme.
Élégance, voici le maître mot de ce beau Mississippi gambler (Le gentleman de la Louisiane) que réalise Rudolph Maté en 1953. Élégance formelle, élégance des personnages et des sentiments décrits. Élégance des costumes et des maintiens, du moindre geste et du plus petit accessoire. Chaque plan du film, soigneusement composé et filmé par Irving Glassberg en un Technicolor à tomber est du velours pour les yeux. Je serais curieux de savoir comment se passait le travail entre Glassberg et Maté qui fut, avant de passer à la mise en scène, un très grand chef opérateur. Plusieurs fois oscarisé, ce qui ne veut pas forcément dire grand chose, il a travaillé pour Ernst Lubitsch, Fritz Lang, Orson Welles, Carl Dreyer, King Vidor et reste à jamais derrière les images de Rita Hayworth retirant les longs gants noirs de Gilda. Avec cela, j'ai un faible pour le cinéma de Maté dans le registre de ce que l'on appelle les petits maîtres américains des années quarante et cinquante. Des réalisateurs qui contribuent à porter les derniers feux du cinéma hollywoodien classique, le plus souvent dans le registre du cinéma de genre, film noir, western, aventures, fantastique... Ils évoluent à la frontière entre série A modeste et série B confortable. On y trouve des personnalités attachantes comme Hugo Fregonese, André de Toth, Jacques Tourneur, Joseph H. Lewis ou Allan Dwan au si bel automne de sa longue carrière. Après des années au sommet de son art de directeur de la photographie, Maté passe donc à la mise en scène avec entre autres deux superbes films noirs D.O.A. (Mort à l'arrivée – 1949) et Union station (Midi gare centrale – 1950), la science-fiction catastrophe de When worlds collides (Le choc des mondes – 1951) et quelques excellents westerns comme The violent men (Le souffle de la violence– 1955) où Barbara Stanwyck reprend son rôle de femme fatale entre Glenn Ford et Edward G. Robinson , génial en patriarche paralysé. Tous ces films ont en commun leur économie de moyens, leur efficacité, le goût des situations compliquées et tendues à l’extrême, et une beauté plastique que l'on attend forcément d'un ancien directeur de la photographie. Ce qui nous ramène à la question initiale des rapports de travail entre Maté et Glassberg. Peut être que tout simplement et en grand professionnel, Maté laissait Glassberg faire son boulot tranquille.
Le résultat est là sous nos yeux éblouis. Mississippi gambler se situe à la Nouvelle-Orléans dans une Louisiane complètement idéalisé, rêvée. C'est un paysage de grandes bâtisses blanches à colonnes, de ces immeubles typiques avec balcons et frises, de majestueux bateaux à aubes glissant sur le « Old'man river » dans la clarté lunaire. Robes à crinolines, larges chapeaux, calèches aux lignes légères, fracs et hauts-de-forme, fines épées et verres de cristal, et puis encore les gants en dentelle que porte si sensuellement le personnage joué par Julia Adams. Formes, couleurs et textures sont rendus avec une infinie délicatesse. On aura beau jeu de souligner l'absence quasi totale des noirs dans cette histoire, comme de la moindre allusion à l'esclavage. Pas même l'image cliché du petit noir dansant au son d'un harmonica sur un quai. La Louisiane de Mississippi gambler est une abstraction, l'expression visuelle de cette élégance au cœur du film. Reste pourtant l’extraordinaire séquence de la danse vaudou. Les héros du film vont s'encanailler avec naturel dans le quartier créole et assistent à la performance de Gwen Verdon, chorégraphe, épouse et collaboratrice de Bob Fosse, dansant un poulet blanc à la main au milieu de mâles superbes et torses nus. Célébration païenne des corps mise en parallèle avec les sentiments réprimés du couple vedette, cette scène est un joli moment de cet érotisme suggéré mais intense dont le Hollywood encore corseté par le code Hays était capable. Avec élégance.
Le récit met en scène une succession de gestes nobles de la part de personnages mus par de nobles passions. La frère faible et la banquier lâche exceptés. Chacun réagit de façon à la fois inattendue et espérée, ainsi des délicats rapports père-fille à l'ombre de la mère disparue, ainsi l'amitié amoureuse entre Fallon et Ann Conant dont il a provoqué le suicide du frère, ainsi cette scène émouvante où Fallon vient annoncer la mort du fils au père agonisant, mort provoquée par une bagarre entre Fallon et Laurent, jaloux. A ce moment, Edmond met au dessus des liens du sang le sentiment de filiation qu'il a pour Fallon, fils de cœur qui est le véritable détenteur des valeurs de l'aristocrate. En filigrane, Mississippi gambler est le portrait de rapports sociaux idéalisés qui sous l'apparence (l'aristocratie sudiste) exaltent des valeurs typiquement américaines communes à tous : compétence (armes, jeu, décoration), courage physique et moral, accomplissement personnel. Les héros sont des hommes et des femmes libres et entreprenants. L'estime que chacun peut porter à l'autre dépasse les barrières de classe, ce qui rend passionnant le rapport entre Fallon et le père fondé sur ce respect des compétences, comme ceux entre Fallon et Kansas John Polly ou Ann Conant. Seuls comptent la droiture et le respect de la parole donnée, ce qui crée des situations dramatiquement passionnantes. L'argent est un moyen, pas une fin et Fallon sait le perdre avec une désinvolture délicieuse.
Pour porter cette noblesse de sentiments, il fallait une distribution de grande classe. Elle l'est. Tyrone Power est le héros parfait dans la lignée de ses compositions en capitaine de Castille, en pirate du Black Swan (Le cygne noir – 1942), capitaine King ou Zorro (détail amusant, il croise dans ce film un second rôle joué par Guy Williams qui sera le fameux Zorro de Disney pour la série télévisée). Il est encadré d'un duo de charme, Piper Laurie piquante façon Scarlett O'Hara en Angélique Dureau, et la délicieuse et délicate Julia Adams personnifiant Ann Conant dont j'ai déjà évoqué toute la sensualité qu'elle a à porter des gants arachnéens. Le reste de la distribution est tout simplement parfait, de John McIntire, pour une fois dans un rôle très sympathique, lui qui fut un si beau salaud pour Anthony Mann, à Paul Cavanagh qui prête sa distinction à Edmond Dureau. Enveloppé de la partition enlevée de Franck Skinner, Mississippi gambler est une manière de chef d’œuvre, l'élégance sur pellicule.
Photographies : © Universal
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15/10/2013
W comme Washington
Il y a quelque temps, devenu depuis un temps certain, j'avais eu cette idée d'un petit dictionnaire de détente pour cinéphiles, hommage respectueux au Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis du regretté Pierre Desproges. Sur le coup, plusieurs articles vinrent très vite sous ma plume, d'autres un peu moins vite, et d'autres enfin pas du tout. Le projet resta au cimetière des idées inachevées, jusqu'à ce que je visse les affiches publicitaires pour le White house down de Roland Emmerich. Je l'ai pris comme un signe, vous le comprendrez en lisant le texte ci-dessous dont seules les deux dernières phrases a été rajoutée en 2013.Voici donc, commençant vers la fin en toute logique, un premier article du Petit dictionnaire cinéphile de détente.
W comme Washington (État de, ville de, George ...)
Quand j'étais à Washington, les femmes servaient le café aux officiers, madame !
George, le général, ayant été peu exploité au cinéma, ce que l'on pourra trouver étrange mais c'est comme ça, je m'en tiendrais à ce qui est devenu la capitale fédérale des États Unis d'Amérique après avoir été un charmant coin de campagne, ce qui est le lot de toutes les capitales, fédérales ou non. La ville de Washington est donc célèbre pour sa boulangerie tenue par M Ladkhal, libanais d'origine par son papa et qui fait d'excellents croissants aussi bons que ceux de Paris, ce qui ne laisse pas d'étonner dans un pays qui mange aussi mal. Je vous laisse vous étonner. Voilà, pas plus. Washington est également connue pour son Obelix, hommage au regretté René Goscinny, sa statue de Henry Fonda assis sous laquelle méditent les congressmen à la recherche d'une idée noble, ce qui n'arrive pas tous les jours, et d'une piscine assez grande pour les concerts de rock protestataires et aquatiques. C'est également là qu'habite le président du pays au lieu-dit "La maison blanche". Le bâtiment, en forme de n'importe quoi genre machin, mais sobre, est ainsi nommé parce qu'au plus fort des guerres indiennes du XIXe siècle, les sioux mirent la main sur tous les stocks de peinture de guerre disponibles et qu'il ne resta, restirent, restèrent, qu'il n'y avait plus que de la peinture blanche pour rafraîchir la façade. D'où le nom.
Longtemps, au temps béni de l'âge d'or du western, Washington était couramment utilisée comme une sorte d'Olympe, bienveillante ou maléfique selon le cas, lointaine toujours. C'est de Washington que l'homme blanc à langue fourchue brisait le traité avec ses frères rouges, c'est de Washington que le grand père blanc à tête d'Edgard G. Robinson venait fumer le calumet de la paix et réprimander le méchant colonel ou général belliqueux sous le regard du noble lieutenant qui avait fait son possible pour que cela s'arrange. C'est aussi à Washington qu'écrivait l'officier au cœur d'or (en trois exemplaires) pour reprendre du service, et de Washington que le jeune et fringuant officier débarquait pour prendre ses fonctions et séduire la belle qui portait un ruban jaune. Belle époque.
De part la présence de la Maison Blanche, White House en VO non sous titrée, la tranquille cité de Washington est devenue au cinéma la piste d’atterrissage favorite d'un tas de créatures curieuses, ce qui ne laisse pas d'étonner quand on pense que sa superficie est ridiculement résiduelle par rapport à la surface totale de notre planète. Je vous laisse vous étonner et je pose la question : A-t'on déjà vu un extra-terrestre débarquer dans la brousse congolaise ailleurs que dans un roman d'Emmanuel Dongala ? Et à Cuers dans le Var ? Non bien sûr, seul Washington est mentionné sur les cartes de la galaxie. Et qu'ils viennent pour tout casser à grand coups d'effets spéciaux de George Pal ou numériques dernier cri, pour s'inquiéter de la prolifération atomique ou pour conseiller le président sous la forme de l'ange Gabriel, les créatures issues de l'imaginaire fiévreux des scénaristes débarquent toujours entre la piscine, l'Obélix et White House.
Ce bâtiment souffre en particulier de la rancune tenace d'un travailleur immigré, cinéaste de son état et allemand d'origine (Ach ! La rancune gross malheur) répondant au nom de Roland Emmerich, comme mon tailleur d’ailleurs. Enfant, le petit Roland s'en vint visiter Washington avec son papa, sa maman et sa tata Hilde. Cette dernière, plutôt gourmande, voulait absolument goûter les croissants de M Ladkhal, mais le magasin n'est pas facile à trouver. Essayez, vous vous en rendrez compte. Mais pas question de discuter avec tata Hilde. Le temps de mettre la main sur les croissants, l'heure des visites de la Maison Blanche était passée et le petit Roland, qui avait entendu dire que l'on pouvait jouer sous le bureau du bureau ovale et présidentiel, en fut fort marri. Son père essaya bien d'argumenter avec le service d'accueil mais « no way » comme on dit là bas. Le vol de retour étant le lendemain matin, l'enfant fit bernique et conçut un traumatisme qui l'amena, une fois parvenu à maturité, notion relative au vu de son œuvre, à faire subir dans ses films les derniers outrages à la noble maison : désintégrée par une soucoupe volante, engloutie par la neige et finalement aplatie par un porte-avions. Dans les milieux autorisés, on s'émeut de cette inflation destructrice et l'on s'interroge sur le projet prochain du terrible teuton. Au vu de la campagne d'affichage pour le dernier opus du terrible teuton en question, les milieux autorisés avait bien raison. Voilà t-il pas qu'il envoie les commandos de féroces barbares à l'assaut de la jolie maison !
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13/10/2013
La Louisiane des gentilhommes
Jolie série de photographies promotionnelles pour le film The Mississippi gambler (Le gentilhomme de la Louisiane - 1953) de Rudolph Maté. © Universal.
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05/10/2013
Jour de colère
A day of fury (24 heures de terreur). Un film de Harmon Jones (1956)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Patrick Brion ouvre son introduction à A day of fury (24 heures de terreur) dans l'édition Sidonis, par une remarque qui m'a fait grand plaisir. « On me reproche », dit-il en substance, « mon enthousiasme pour les séries B oubliées. Mais regardez la première scène du film de Harmon Jones ! ». Merci monsieur Brion, vous à qui je dois une large part de mon éducation de cinéphile. C'est vrai qu'elle est belle cette première scène de Harmon Jones et que ce modeste western de série B est estimable en tout points et vaut bien des œuvres dont la renommée a mieux traversé les vents du temps.
Efficacité, goût plastique, sens de l'espace et du suspense, simplicité, cette première scène s'organise autour d'un décor de roches encaissées et d'une cascade. Un cavalier, puis un autre en sens inverse. Une embuscade. Le premier cavalier sauve la mise au second en abattant son adversaire à travers sa veste. Quasiment aucun dialogue, mais une situation forte aux retournements surprenants et des regards qui créent le mystère. Le premier cavalier répond au curieux nom de Jagade (Titre alternatif du film aux USA). Un carton introductif nous a parlé des hommes de l'Ouest vivant par le colt et que la civilisation a repoussé toujours plus loin. C'est un des grands thèmes du western que l'on retrouvera de John Ford à Sergio Leone. Jagade est l'un de ces hommes et s'il est là, ce n'est pas par hasard. Face à lui, Allan Burnett est un marshal, grand, droit et intègre. Il doit se marier dans la journée mais comme il fait bien son boulot il était partit traquer un truand avant. Très vite se nouent les fils du drame : la promise, la belle Sharman Fulton, est l'ex-maîtresse de Jagade. Et ce dernier, en sauvant le marshal, en fait son obligé. Débarquant dans la petite ville bien nommée de West-End, Jagade entend régler un compte obscur en bouleversant sa tranquillité. On pense par moments au principe de High plains drifter (L'homme des hautes plaines – 1973) de Clint Eastwood. L'union de l'homme de la loi et de l'ancienne fille de saloon est symbolique de l'évolution de la cité : de l'Ouest sauvage et libre à la civilisation policée mais refoulée et hypocrite. Jagade va faire éclater ce mince vernis. Du coup la confrontation avec Burnett est inévitable.
Le scénario de James Edmiston (c'est son premier) et Oscar Brodney (vieux routier hollywoodien qui a signé l’adaptation pour l'écran de Harvey (1950) avec James Stewart et son lapin) développe cette situation séduisante avec brio et la mise en scène de Harmon Jones l’orchestre de main de (petit) maître. Le film multiplie les confrontations et les coups de théâtre, faisant varier avec subtilité les rapports de force jusqu'au règlement de comptes final. Sa force, c'est une belle galerie de personnages dont les évolutions sont assez travaillées pour les rendre attachants. Du moins intrigants. Ainsi le prêtre qui va prendre la tête dune bande de lyncheurs avant de prendre conscience qu'il a renié les préceptes de sa foi et va se ressaisir de belle façon. Ainsi l'institutrice à la fois fascinée et répugnée par les manières de Jagade au point d'en perdre la raison. Ainsi ce jeune garçon impulsif qui admire trop le pistolero et fera les frais de n'avoir pas compris qu'il n'était qu'un pion dans son jeu.
C'est toute la ville qui est prise dans ce jeu et Harmon Jones a l'intelligence de ne pas en révéler toutes les motivations. Quel est ce fameux compte que Jagade a à régler avec West-End ? Domine-t'il vraiment Sharman quand il arrive à lui faire remettre sa belle robe rouge, emblème de son passé ? Le réalisateur cultive l’ambiguïté et focalise sur l'affrontement entre Jagade et Burnett qui cristallise les choix de tout le monde. Il y a ceux qui apprécient le vent de liberté que fait souffler l'homme de l'Ouest sur la ville, cette ville où l'on s'ennuie car le saloon est fermé le dimanche et les filles ont été chassées de la ville. Il y a ceux qui sont prêt à tout pour conserver cette tranquillité au prix d'un ordre moral étouffant. Et il y a ceux qui voient voler en éclat leurs arrangements de bons bourgeois aimant à s'encanailler (ou à trafiquer) sous une façade respectable. Ce ne sont pas les moins dangereux. Mais ils sont une arme pour Jagade qui est bien renseigné sur les turpitudes des uns et des autres. Joueur d'échecs chevronné, il manipule au point que l'on ne sait plus que penser de lui. Fin psychologue, il sait faire ressortir les pulsions les plus personnelles de chacun : le désir refoulé de l’institutrice, les doutes du prêtre, la violence du jeune Billy. La force du marshal, c'est de conserver la tête froide au milieu de toutes ces passions libérées, lui qui semble bien étranger à ce panier de crabes et le seul à posséder une intégrité véritable.
Efficace, Harmon Jones arrive à concilier ce minimum psychologique à la rapidité de la série B et à l'action inhérente au genre. Il limite les décors à quelques lieux clefs (Le saloon, l'église, la grange), à l'exception de la première scène. Il orchestre les mouvements d'un lieu à l'autre, accompagnant les mouvements des personnages ou de la foule, chacun de ces mouvements correspondant à une nouvelle montée dramatique. Harmon offre de belles scènes, inventives au niveau visuel comme la découverte impressionnante du corps pendu dans la grange où celle qui voit Billy chassé du saloon pour aller à sa perte. La photographie de Ellis W. Carter qui a beaucoup travaillé pour le cinéma de genre, en particulier le fantastique, est soignée sur les scènes nocturnes. Il y a de belles compositions avec un sens de l'espace remarquable (la première scène, le duel final) fonctionnant sur les différences de niveaux et les oppositions géographiques (l'église est quasiment face au saloon). Utilisation poétique de la couleur aussi avec cette fameuse robe rouge, une manière qui fait penser un peu à la façon de faire dans le Johnny Guitar (1953) de Nicholas Ray. L’interprétation est à la hauteur même s'il n'y a pas de vedette d'envergure. Elle est dominée par Dale Robertson en Jagade, veste de peau et regard intense, opposé à la stature massive de Jock Mahoney en Burnett. Mahoney, cascadeur fameux, sera plus tard un aimable Tarzan. Ici, il est parfait de présence et de force tranquille. Le duo fonctionne parfaitement avec entre eux la belle Mara Corday, héroïne du Tarantula (1955) de Jack Arnold, croisée chez King Vidor dans le superbe Man without a star (L'homme qui n'a pas d'étoile – 1955) avant de terminer sa carrière pour Clint Eastwood. Mara Corday donne la profondeur nécessaire à son personnage avec beaucoup de classe. La robe rouge, quoi ! Les seconds rôles sont impeccables, en particulier John Dehner dans le rôle du prêtre tenté par la violence, Sheila Bromley en tenancière entre deux âges dont les joues reprennent un peu de rouge avec la venue de Jagade, et Dee Carroll dans le rôle difficile mais original de institutrice Miss Simmons. Coïncidence, elle a un tout petit rôle dans Tarantula.
Anti-héros fascinant annonçant tant le western dit moderne que le western italien, Jagade incarne le vieil Ouest, violent mais vivant, qui doit une nouvelle fois, la dernière, s'effacer devant la marche de la civilisation. A day of fury est une œuvre à découvrir, jolie pièce d'une collection Sidonis de plus en plus impressionnante pour les amateurs du genre. Et comme le dit Patrick Brion, ce n'est juste un caprice de vieux cinéphile.
A lire aussi sur DVD Classik
Photographies DR Universal
19:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : harmon jones | Facebook | Imprimer | |
03/10/2013
1958 en 10 (autres) films
1959 est bientôt là et Zoom Arrière vient de fêter son premier anniversaire. Voici néanmoins et pour votre plus grand plaisir (j'espère), dix autres films de 1958 qui s'est vu dominer par d'indéniables chefs d’œuvre signés Welles, Sirk, Mann, Walsh, Bergman et quelques autres. Belle année de cinéma encore, qui a vu également Sinbad ferrailler avec le squelette animé par Ray Harryhausen, un ascenseur récalcitrant sur un air de Miles Davis, les vikings comme si vous y étiez, Gene Kelly dans le monde de la mode, un inédit fort sensuel de Bergman, Moïse ouvrant la mer rouge, une partie de pêche mémorable, le retour du baron chirurgien sous les traits de l'élégant Peter Cushing, Robert Mitchum traquant le sous-marin teuton (dans un autre film la même année, c'est Clark Gable qui est dessous), et Glenn Ford en éleveur de moutons habile au six-coups. Photographies DR piquées un peu partout.
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24/09/2013
Mani in alto !
Lee Van Cleef et Giuliano Gemma sur le plateau de I giorni dell'ira (Le dernier jour de la colère - 1967) de Tonino Valérii. Un western all'italiana hautement recommandable. Photographie Cinémabazaar.
20:37 Publié dans Acteurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : tonino valérii, lee van cleef, giuliano gemma | Facebook | Imprimer | |
18/09/2013
Il sentait bon le sable chaud...
Beau Geste. Un film de William Wellman (1939)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
"L'amour d'un homme pour une femme croît et décroît comme la lune. Mais l'amour d'un frère pour un frère est immuable comme la parole du Prophète"
J'adore les films coloniaux mis en scène par Hollywood dans les années trente. Qu'ils suivent les pas de Rudyard Kipling en Inde ou ceux des légionnaires français dans les déserts africains, ils servent d'abord de cadre au romanesque et à l'Aventure sans s'encombrer, comme leurs équivalents français ou britanniques, de véracité, de justification ou de propagande. A l'exception de celle des valeurs individualistes américaines. Errol Flynn, Gary Cooper, Cary Grant, sont les héros plus grands que nature de ces films, forts et courageux, décontractés et déterminés. Ils sont ce que l'on a pu rêver vouloir être. Ils ouvrent grand les portes de l'imaginaire. Ils sentent bon le sable chaud et sont aimés avec passion par des femmes aussi sublimes que Marlène Dietrich. Pourtant rien ne remplace chez eux l'amitié et la fraternité virile, valeurs exaltées jusqu'au sacrifice. Il y a quelque chose de troublant et d'excitant dans ces récits, d’excitant parce que troublant. La frontière entre le bien et le mal y est si clairement tracée. La voie de l'honneur y est pavée de certitudes. Et si l'on y regarde attentivement, l'autochtone n'existe pas vraiment. Il est une menace diffuse, souvent invisible comme dans The lost patrol (La patrouille perdue– 1934) de John Ford. Il sert de révélateur aux sentiments des personnages en conditionnant leurs actes. Dans ces contrées à l'exotisme exubérant, le contexte historique et politique est soigneusement mis de côté. Seuls comptent les mouvements de l'Aventure et des passions.
Beau Geste est à l'origine un roman de Percival Christopher Wren paru en 1924. Beau est le prénom de l'aîné des trois frères Geste, adoptés par une vieille famille anglaise dont la fortune consiste en un superbe saphir, le « Blue Water ». Beau Geste joue sur l'expression française, ce qui fait chic, mais résume parfaitement l'enjeu du film. C'est le récit de beaux gestes. Pour éviter que le joyau ne soit vendu pour éponger des dettes, Beau dérobe le saphir. Je passe les détails. Les deux autres frères, Digby et John, sont solidaires. Beau quitte la demeure et s'engage dans la légion étrangère avec Digby. John suit. Les voici en plein désert à lutter contre une discipline rude, un sergent sadique, un environnement hostile et des autochtones qui ne le sont pas moins. L'un des frères (je ménage le suspense) a une fascination pour les funérailles viking. Elles lui seront offertes en plein désert au prix des plus grands risques.
Cette histoire romanesque au possible a été adaptée plusieurs fois au cinéma, en 1926 par Herbert Brenon, en 1966 par Douglas Heyes, et d'une façon tout à fait particulière en 1977 par le merveilleux et regretté Marty Feldman qui s'offre une scène avec Gary Cooper. Cooper qui tient le rôle titre dans la version de 1939 qui nous intéresse ici et qui est signée William Wellman pour la Universal. Cooper qui était rôdé au rôle puisqu'il est l'inoubliable partenaire de Marlène Dietrich dans Morocco (1930) et que c'est pour lui qu’elle abandonne tout, le suivant pieds nus dans le sable (chaud), ce qui est sublime ou alors ce mot ne veut plus rien dire. Cooper est aussi l'héroïque Alan McGregor dans Lives of a Bengal lancer (Les trois lanciers du Bengale – 1935) déjà au cœur d'un trio très masculin. Le rôle de Beau est l'un de ceux qui ont participé à son mythe. Sa carrure, son regard franc et clair, son laconisme, font merveille. Il est entouré de Ray Milland dans le rôle de John et de Robert Preston dans celui de Digby. C'est le remarquable Brian Donlevy qui interprète le très affreux sergent Markoff. Donlevy avec son nez d'aigle et ses petits yeux sombres a quelque chose d'un Lee Van Cleef de l'époque et a joué quelques méchants mémorables (mais pas que) notamment chez De Mille. On remarquera parmi les légionnaires les visages de J. Carrol Naish, Albert Dekker et Broderick Crawford, ainsi que le tout jeune Donald O'Connor en Beau enfant, lui qui sera le partenaire inoubliable de Gene Kelly dans Singin in the rain (Chantons sous la pluie– 1952) et une star de comédies musicales. Pour terminer la revue des troupes de ce film puissamment viril, la présence féminine est assurée par la jeune Susan Hayward qui joue la cousine des frères Geste, amoureuse de John, mais dont le rôle est très réduit.
Le film est construit sur une énigme qui ménage son suspense jusqu'au final. Il y a un intéressant glissement qui relègue au second plan la question de savoir qui a dérobé le fameux saphir. Beau Geste s'ouvre sur les murailles du fort Zinderneuf (Les noms français de ce film sont pittoresques, il y a un De Beaujolais!). Dans une ambiance quasi fantastique, une colonne découvre la garnison massacrée, quoique les hommes soient tous en poste sur le rempart. Les deux hommes successivement envoyés en reconnaissance disparaissent sans un bruit. Puis l'on remonte dans le temps et en Angleterre pour découvrir les Geste enfants avec leur cousine, et leurs puissants rapports affectifs. Se révèle aussi cette fascination de l'un des frères pour le rite funéraire viking. Ces moments d'enfance sont traités par Wellman avec délicatesse avant qu'il n'enchaîne sur les événements qui, une fois adultes, mènera les trois frères jusqu'aux sables du désert. Puis retour aux murailles du fort.
Beau Geste est un pur produit de prestige des studios américains de la grande époque. 1939 est une année exceptionnelle qui culmine avec Gone with the wind (Autant en emporte le vent) suivi d’œuvres majeures signées Lang, Ford, Hawks, Walsh, Lubitsch et tant d'autres. Le film bénéficie des contributions artistiques de grands noms comme Max Steiner à la musique (héroïque et tout ce que l'on veut), Archie Stout et Theodor Sparkuhl pour la photographie (noir et blanc envoûtant, irradiant de lumière dans les extérieurs, vibrant d'ombres sophistiquées dans les intérieurs, surtout pour les gros plans de visages), la fameuse Edith Head aux costumes (huit oscars, un record féminin). Wellman filme avec ampleur son aventure, comme il le fit dans d'autres films magnifiques, avec ce sens du temps tout à coup suspendu qui valorise une expression, un geste, un instant que l'on veut conserver précieusement. Il joue sur l'exotisme des formes arabisantes, sur les étendues infinies de sable avec le petit fort posé sur l'horizon en contraste avec les intérieurs sombres, multiplie les mouvements sophistiqués de caméra pour découvrir l'espace (l'exploration du fort) et sur la richesse des cadres. Beau Geste est un de ces objets du cinéma triomphant, sûr de lui et de son spectacle total, exhalant parfois naïvement des valeurs issues des légendes et des récits de chevalerie, adaptées pour une Amérique qui avait foi en son destin. Indifférence ou irritation, on peut simplement se laisser aller à respirer l'air pur du désert et laisser le vent emporter tout.
William Wellman (à gauche) et l'équipe de tournage du film
Photographies : © Universal et A Certain Cinema
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15/09/2013
Viens petite fille dans mon comic strip (Barbarella)
Barbarella (1968), un film de Roger Vadim
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Tel que je le vois, le cinéma de Roger Vadim a eu son importance historique et sociologique. Rattaché par la bande à la Nouvelle Vague, un peu comme Claude Lelouch, il aura contribué à bousculer certaines représentations, celle de la femme en particulier quand il dévoile les fesses de Brigitte Bardot. Mais son importance cinématographique est des plus relative. La forme reste chez lui bien sage, souvent plate. De ses audaces visuelles, il est bien difficile de démêler la part de sincérité de celle du calcul. Comme François Truffaut, Claude Chabrol ou Jean-Luc Godard, Vadim aura fait tourner les femmes de sa vie. Mais contrairement à eux, il ne leur aura pas offert des personnages sublimes et bouleversants pour qu'elles expriment leur talent, mais plutôt un cadre glacé et sophistiqué, un peu roublard aussi, pour y exposer leur personnalité et leur physique. Plutôt que de belles scènes, il compose des images chic où ce qui compte, c'est comment cadrer de façon à montrer le maximum tout en cachant l'essentiel. Pour l'écrire autrement, comment montrer la nudité des très belles Brigitte ou Jane tout en disposant stratégiquement draps, fourrures ou la tête de Jean-Louis Trintignant.
Barbarella, que Vadim réalise en 1968 pour le producteur Dino De Laurentiis qui en a fait bien d'autres, me semble typique de sa manière. Le film s'inspire de la bande-dessinée de Jean-Claude Forest parue dès 1962 et éditée en album par Éric Losfeld en 1964. Science-fiction poétique et érotique tout à fait magnifique, c'est une œuvre clef de la reconnaissance de la bande-dessinée pour adultes. Vadim est dans sa période Fonda, Jane qu'il a épousé en 1965, et quand De Laurentiis lui propose l'adaptation de Barbarella, il fera d'elle son héroïne intergalactique et sexy. Chargée d'une mission improbable par le président de la Terre, Barbarella part aux confins de l'espace pour vivre des aventures sexuelles plaisantes (Avec Ugo Tognazzi en fourrure, John Philip Law en ange, Anita Pallenberg en reine noire, David Hemmings en révolutionnaire maladroit, savoureux) ou gentiment douloureuses (Jolie scène avec les poupées aux dents acérées, le supplice des perruches, l'orgasmotron, machine « excessive » du docteur Duran Duran).
Si Vadim respecte l'imagerie de Jean-Claude Forest, qui participe d'ailleurs avec plaisir au film en travaillant sur les décors, il se retient très fort sur le fond et surtout sur la dimension authentiquement érotique de la bande-dessinée. Là où Barbarella est bien souvent mise à nu avec ce naturel qui la rend scandaleuse à l'époque, Jane Fonda dans son incarnation, mis à part le sympathique strip-tease en apesanteur du générique, est toujours cadrée de façon pudique dans des situations que le réalisateur veut excitantes mais qui ne sont jamais audacieuses. Une position difficilement tenable, comme Barbarella engoncée dans l'orgasmotron jusqu'au cou. Sa vision de l’œuvre est trop pétrie d'un second degré qui espère suppléer à l'érotisme novateur du travail de Forest. C'est au final assez frustrant pour le spectateur qui a pensé un instant être pris pour un adulte.
Cette réserve d'ordre général émise, le film est néanmoins plaisant de par son côté kitsch appuyé, son ancrage dans le style pop des années 60 qui s'inscrit bien entre le Danger Diabolik (1966) de Mario Bava (avec aussi John Philip Law), le Casino Royale collectif de 1966 et les comédies anglaises de Richard Lester, voire le Giulietta degli spiriti (Juliette des esprits - 1965) de Federico Fellini. Couleurs pétantes, effets psychédéliques (on pense à ces lampes où s'ébattent des huiles colorées), délires de décorateurs et de stylistes (Paco Rabanne a créé les costumes de l'héroïne), musique pop et chanson à l'avenant, Barbarella est de son époque. Le spectacle est daté mais c'est ce qui lui donne sa relative valeur aujourd'hui. Si la mise en scène de Vadim n'a rien de remarquable (le film va « piano », sans audaces dans le montage ni délire dans les mouvements, un peu ennuyeux sur la distance), l'album d'images est souvent réussi : Barbarella volant dans les bras de l'ange Pygar, la chambre de la reine noire aux parois mouvantes, les poses façon magazine de Fonda. Fonda, justement, c'est la bonne idée de Vadim de l'avoir imaginée en Barbarella, elle qui n'était pas très enthousiaste. Elle est alors au sommet de sa beauté et sa composition est tout à fait délicieuse, mélange de candeur, d'aisance dans les situations les plus incongrues et d'érotisme léger comme un vent de l'espace. L'ovale particulier de son visage, ses grands yeux ou passe l'ombre bleu-acier de ceux de son père, elle est à la mesure de l'icône qu'elle incarne et qui s'est imposée sur la durée au sein d'un objet amusant, coloré, mais un peu trop aseptisé.
Barbarella garde tes bottines
Et viens me dire une fois pour toutes
Que tu m'aimes, ou sinon
Je te renvoie à ta science-fiction
Qui est in qui est out de Serge Gainsbourg
Photographies : 1Kult et DR
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14/09/2013
Si belle en ce miroir
Photographie DR
09:55 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : edwige fenech | Facebook | Imprimer | |
11/09/2013
Chacun pour soi
Ognuno per sé (Chacun pour soi). Un film de Giorgio Capitani (1968)
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Il y a une scène particulièrement excitante dans Ognuno per se (Chacun pour soi) de Giorgio Capitani, titre inaugural de la collection de westerns italiens chez Artus Films. Les quatre héros arrivent dans un village abandonné : grandes bâtisses blanches en ruine, traces d'incendie, d'anciens combats, une ambiance mexicaine du côté d'Alméria. Le groupe fait halte. Musique de désolation signée Carlo Rustichelli, et le bruit du vent. Soleil de plomb. Pour ces quatre professionnels, l'instinct ne trompe pas, il va se passer quelque chose. Un cigare encore fumant, une ombre, sont autant de signes. Les quatre hommes se déploient dans le décor sous la caméra de Capitani qui orchestre la montée de la tension : mouvements circulaires, zooms rapides, soudains débrayages d'espace, le cinéaste a assimilé la grammaire définie par Sergio Leone. Les pas mesurés des hommes, le claquement des sabots des chevaux, les jeux de regards qui tentent de percer les façades. On se positionne et tout à coup, incongru, sublime, l'un des hommes improvise quelques pas de danse. Joie. Et puis, sur un cliquetis de fusil, tout s'accélère. C'est pour ce genre de scène, ce ballet de pur cinéma, pour ces pas de danse, cette poussière et cette chaleur, que le western italien continue de me transporter et que j'ai aimé Ognuno per se.
Cette belle scène, digne des grands maîtres du genre, n'est pas la seule à procurer un intense plaisir à la vision du film. C'est pourtant la seule incursion de Giorgio Capitani dans le genre, lui qui est plutôt spécialisé dans la comédie, et pas toujours des plus légères. S'inspirant délibérément du classique de John Huston, The treasure of the Sierra Madre (Le trésor de la Sierra Madre - 1948), le scénario est signé par rien moins que Fernando Di Leo qui avait alors déjà collaboré à quelques grands classiques du genre pour Leone, Sergio Corbucci ou Duccio Tessari avant de passer plus tard à la réalisation avec quelques polars qui feront date. Ognuno per se est donc le récit de cette folie de l'or qui détruit les hommes. Sam Coper et son associé ont trouvé un filon. L'associé voulant le doubler, Cooper l'emmure dans la mine. Attaqué au cours du long voyage vers la ville, il cherche de nouveaux partenaires pour retourner chercher de l'or. Il embarque son neveu, Manolo, jeune et fringuant pistolero. Mais celui-ci lui impose un étrange pasteur, Bret le blond, qui a une étrange emprise sur le jeune homme. Du coup Cooper, un peu paranoïaque, complète son équipe avec un vieil ami, Mason. Les voilà partit, mais d'entrée le doute règne. Manolo et Brent constituent un couple bien étrange, entretenant une relation sado-masochiste tordue aux sous-entendus homosexuels. Et Cooper, tout en réclamant à tout vents la confiance est bien le dernier à l'accorder. Di Leo et Capitani travaillent ces relations complexes exacerbées par le milieu hostile et les événements violents. Paysages désertiques et rocailleux, menace permanente des bandits, dureté du travail, la troupe maintient vaille que vaille un semblant de cohésion, mais elle se disloque à mesure que le but, l'or, se rapproche, jusqu'au dénouement implacable comme il se doit.
Mais revenons au plaisir puisqu'il est au cœur de ce cinéma de genre. Ognuno per se c'est d'abord le plaisir d'une histoire connue que l'on aime à se faire raconter encore, une trame légère sur la quelle peuvent se greffer des variations originales, comme ces pas de danse, comme cette relation entre Manolo et Bret. Comme aussi le récit du premier voyage effectué en une dizaine de minutes sans aucun dialogues. C'est le plaisir des acteurs qui nourrissent cette histoire. Il y a ici deux paires de choix avec lesquelles Capitani joue sur une double opposition, le contraste et la complémentarité. Deux acteurs américains plutôt classiques : Cooper est joué par Van Heflin, le fermier de Shane(1953) de George Stevens, au jeu plutôt intérieur pour un personnage enfermé dans ses obsessions. Mason est joué par Gilbert Roland, fine moustache de séducteur qu'il a portée chez Anthony Mann, Raoul Walsh ou André de Toth. Son jeu à lui est décontracté, léger, c'est lui le personnage le plus sympathique du lot, et c'est lui qui danse sous le regard des fusils. Face à eux, un couple d'icônes du western à l'italienne : le beau George Hilton, tout un poème, encore dans les premières années d'une carrière prolifique. Grand, solide d’apparence, il se débrouille très bien pour montrer la faiblesse intérieure de Manolo mal dissimulée sous le baratin et le charme du baratineur. C'est que face à lui, le prêcheur blond est joué par Klaus Kinski avec ses yeux bleus presque transparents et son visage fou. Kinski est d'autant plus inquiétant (si cela est possible venant de lui) qu'il ne fait et ne dit presque rien pendant la première partie du film. Il se contente de subjuguer Hilton comme le cobra sa proie, l’humiliant, le dominant, le réduisant à l'impuissance. Dans une scène partiellement coupée, Brent met au pas Manolo qui avait pris une initiative et achève sa leçon en lui retirant son cigare de la bouche pour lui écraser sur la main. Quel beau couple !
Si l'on sent dans cette atmosphère virile, violente et viciée, les goûts du scénariste Di Leo, la mise en scène de Capitani se montrer à la hauteur, à la fois dans l'utilisation des règles du genre et dans l'invention visuelle : sens de l'espace, dilatation du temps, goût du détail (le baquet où tombe l'eau dans la première scène), composition soignée des scènes d'action (le montage est de Roberto Cinquini qui avait monté le Quien Sabe ? (El Chuncho - 1966 de Damiano Damiani), musicalité des scènes soutenue par une partition enlevée. Le film révèle une fascination pour la dureté de la nature humaine et ce goût auto-destructeur pour l'aventure « dont on ne retire que le plaisir d'en être sortit vivant ». Capitani a également assez de décontraction vis à vis de la vraisemblance qu'il sait faire s'effacer devant le spectacle, ce spectacle exacerbé, aux aspirations grandioses et violentes, aux caractères plus grands que nature qui rattachent si plaisamment (pour les films les plus réussis) le western italien à l'opéra et à la tragédie.
Photographies : Spaghetti-western.net et capture DVD Artus
A lire :
La chronique du bon Dr Orlof
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07/09/2013
Avant l'orage
Trois de Saint-Cyr (1939). Un film de de Jean-Paul Paulin
Sommes-nous défendus ? (1938). Un film de Jean Loubignac
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Initiative originale de la part des Documents Cinématographiques que de réunir autour d'un même thème documentaires et fictions, agrémentés de bonus. Chaque ensemble permet de croiser les regards et de s'immerger dans une histoire comme dans l'Histoire. La France et son armée nous ramène aux années 1938/1939, juste avant la déflagration mondiale, pour y prendre le pouls du moral des troupes françaises. Et ce moral, chef, est bon.
Sommes nous défendus ? est la pièce documentaire centrale réalisée en 1938 par Jean Loubignac, un réalisateur qui s'orientera par la suite vers comédie avec la série des Piédalu joué par la vedette de radio Ded Rysel, et le spectacle des Branquignols Ah ! Les belles bacchantes (1954). Il compose ici un pur film de propagande, et je n'ai rien contre, qui en bon film de propagande est révélateur à la fois par ce qu'il montre et par ce qu'il ne montre pas. Par l'image qu'il projette du pays et de son état d'esprit. Et il est passionnant de comparer cette image à celle qu'en a donné l'histoire, y compris dans ses évolutions. Avançons un peu. Le 10 mai 1940, Hitler déclenche la campagne de France en contournant la ligne Maginot par le nord et la Belgique. En deux mois, les français et les anglais sont défaits. La séquence s'achève sur l'évacuation de Dunkerque. L'histoire officielle, celle de Pétain comme des gaullistes, retiendra la débandade d'une armée mal préparée, mal équipée, mal encadrée, et l'exode des populations civiles. Les travaux actuels tendent à réévaluer la partie militaire et notamment l'esprit combatif français.
Sommes nous défendus ? va dans ce sens qui propose le portrait d'une armée moderne, bien équipée, bien entraînée et sur le qui-vive. Les trois quart du métrage sont constitués d'une longue revue façon défilé où se succèdent chars, avions, marine, infanterie, artillerie, génie, tous les corps imaginables, y compris les modernes sous-marins et un porte-avion flambant neuf. Les scènes en montagne sont assez belles. On note que les troupes coloniales sont bien mises en valeur, sans condescendance. « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » proclamait Paul Reynaud en 1939, repris sur une affiche de l'époque. Ce film met en avant une France sûre d'elle même, adossée à son vaste empire colonial et à ses alliances. Si l'on compare aux films contemporains Allemands ou Soviétiques, on ne retrouve ni lyrisme, ni agressivité, pas plus d'ailleurs qu'une grande créativité sur le plan formel. La France de Loubignac est une force tranquille, pacifique (on sort des accords de Munich) mais résolue. Résolue à quoi ? C'est dans le titre : à se défendre. La doctrine de 1939, celle qui prévaudra lors de la « drôle de guerre », c'est la défense. Symboliquement, le film donne la part belle à la fameuse ligne Maginot, ensemble de fortifications alors dernier cri (électricité, trains, hôpital, équipements de pointe). Les images d'archives sont magnifiques et nous font pénétrer dans ce monde souterrain. La France entend rester tranquille derrière ses frontières. Et malgré la limpidité de la menace évoquée, l'Allemagne n'est jamais nommée, ni encore moins, comme dans certains films américains contemporains, la menace idéologique des dictatures.
Si le catalogue des forces nationales est un peu longuet, la scène d'ouverture est remarquable. Le titre est une question mise en scène dès la première minute. On y découvre la France aux champs, pays rural et petit bourgeois, la figure du paysan laboureur est exaltée. Le vent se lève, l'orage menace. Les portes et les volets se ferment, les serrures claquent, succession d'images expressionnistes. La France éternelle a peur ! On se croirait dans un film fantastique. La tension se relâche et nous voici... au bistrot. Pastis, jeu de cartes, pas de femmes. Il y a les visages de seconds rôles aimables comme Aimos ou René Génin. La question est posée et c'est un journaliste joué par le dynamique René Lefèvre qui y répond, introduisant la partie didactique. On est saisi aujourd'hui de ce portrait du pays sans ouvriers, ni banlieues, ni grandes villes , ni intellectuels, ni entrepreneurs. On ne verra pas d'autres usines que celles d'armement. Des images qui évacuent tout ce que portait le cinéma du Front Populaire, celui de Clair, Carné, Renoir, Duvivier. Un portrait édifiant qui tient dans cette phrase de la chanson à succès de Ray Ventura : «Les v'là tous d'accord, quel que soit leur sort, ils désirent tous désormais qu'on nous foute une bonne fois la paix ! ».
Sortit en 1939, Trois de Saint Cyr est une réalisation de Jean-Paul Paulin qui n'a guère laissé de souvenir dans l'histoire du cinéma français. Le film est divisé en deux parties bien distinctes. La première raconte la première année de formation des élèves officiers, les « bazars », de la prestigieuse école militaire de Saint Cyr. Nous suivons le jeune Jean Le Moyne , engagé contre l'avis de son père, et son amitié avec deux officiers, le dynamique Pierre Parent et Pierre Mercier qui est amoureux de sa sœur, Françoise. Le film a été tourné sur place avec le soutient total de l'école, d’où un certain intérêt documentaire avec la participation des élèves pour les scènes de défilés. Il reste néanmoins dans la tradition bien française du film de caserne et l'on verra par exemple le jeune (et maigre) Jean Parédès mesurer la cour avec une allumette. Le scènario-prétexte enfile quelques clichés du mélodrame. Le Moyne et Parent viennent de familles aisées, Mercier est pauvre et s'occupe de sa mère. Le père réticent sera convaincu par un solide sermon du commandant. Parent et Mercier sont construits en opposition, le premier plein d'humour, peu à cheval sur le règlement, arrangeant avec les hommes, le second rigide et concentré, cachant sa sensibilité sous des dehors secs. Tous les deux aiment Françoise, mais elle n'aime que Mercier et Parent saura s'effacer avec élégance. Tout le monde a le cœur gros comme ça. L'armée est le creuset républicain idéal où s'effacent les différences de classe pour assurer l'intérêt national. Là encore, un cours de stratégie évoque les menaces « venues du nord-est », sans jamais citer l'Allemagne. Trois de Saint Cyr exalte une armée professionnelle et de sang froid, sûre de sa valeur qui est celle de ses hommes. On n'y déploie pas de la technologie guerrière mais des qualités de chef.
La seconde partie met nos trois héros en situation dans la Syrie en proie à l'agitation. C'est loin, c'est plus diplomatique. Le film devient l'une de ces aventures militaires coloniales dont le cinéma des années trente était friand. Ce n'est pas Lawrence of Arabia (1962), mais les murs blancs des forts sur l'espace ouvert du désert sont photogéniques. Le film se fait plus belliqueux et cette partie met en valeur l'esprit combatif et de sacrifice. Plus agaçant, l'arrogance des nos braves officiers envers les autochtones (« Tu doutes de la puissance de la France ? » balancé à un chef de tribu). Sévère mais protectrice, la France assure son destin. Là-bas comme ici, nous sommes bien défendus.
Mais au-delà de tout cela, le grand intérêt du film réside en la présence de l'acteur Roland Toutain. Je l'adore. Athlétique, bondissant, il est cascadeur (en particulier aérien) puis jeune premier, l'ami de Joseph Kessel et Jean Mermoz. Le visage aimable, rond, il émane de lui une immédiate sympathie. Il aurait été un Tintin parfait si l'on avait pensé à adapter les bandes dessinées de Hergé dans les années trente. Il sera Rouletabille, le journaliste débrouillard de Gaston Leroux dans les adaptations de Marcel l'Herbier. Dans ses films, il saute, se suspend dans le vide, cours, cabriole, et avec toujours une étonnante décontraction. Son Parent est tout à fait dans la lignée et ce n'est pas le moindre de ses paradoxes qu'un an après ce rôle de militaire idéal dans ce film qui rencontre le succès, il soit l'aviateur André Jurieux, le héros du film de Jean Renoir La règle du jeu, qui sera interdit en octobre 1939, jugé « démoralisant ».
Photographies : capture DVD Documents Cinématographiques
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06/09/2013
Oui, ça c'est le dragon
Bert I. Gordon dirigeant la belle Anne Helm dans The magic Sword (L'épée enchantée) en 1961
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05/09/2013
L'épée enchantée
The Magic Sword (L'épée enchantée). Un film de Bert I. Gordon (1961)
Pour Les Fiches du Cinéma
Voilà un film que j'aurais bien aimé découvrir vers 8 ans. Quelques décennies plus tard, je suis disposé faire le petit effort nécessaire pour apprécier The magic sword (L'épée enchantée) sans l'alibi facile du second degré. Un effort qui sera récompensé puisqu'il permet de pénétrer dans un monde peuplé de preux chevaliers, de sorcières et d'enchanteurs, où une belle princesse languissante est enlevée par le terrible Lodac qui la destine à être dévorée par son dragon à deux têtes sous sept jours. Lodac est un magicien aux pouvoirs immenses qui nourrit se bestiole exclusivement de princesses, réservant aux courageux venus à la rescousse sept fléaux mortels auxquels nul, jusqu'ici, n'a résisté. Dans le cas de la belle Hélène, les choses ne vont pas se passer comme prévu par Lodac. C'est que le jeune et fringuant Georges en est tombé amoureux en voyant son visage dans un étang magique. Georges a pour mère adoptive Sybile, une sorcière farfelue assistée de jumeaux siamois et d'un chimpanzé décontracté. C'est pratique. Il prend une avance sur les cadeaux de son 21e anniversaire, séquestrant sa maman au sous-sol au passage et le voici équipé d'un destrier blanc, d'un bouclier magique et d'une épée magique (d'où le titre) ainsi que de six compagnons, six nobles chevaliers venus des quatre coins de l'Europe qu'il a opportunément libéré d'un sort qui les avait transformés en statues de pierre. Le temps de se présenter au roi, père d'Hélène qui a offert la main de sa fille à qui la sauvera, et les sept compagnons partant en quête, accompagnés de Sir Branton, autre prétendant dont la fine moustache désigne le traître à vingt pas. Ne me dites pas que vous ne brûlez pas de savoir la suite.
Réalisé en 1961, The magic sword est l'œuvre de Bert I. Gordon. Ce mélange de chevalerie, de fantastique et de merveilleux s'inscrit dans une période faste pour le genre avec The seventh voyage of Sinbad (Le septième voyage de Sinbad – 1958) et Jack the Giant Killer (Jack, le tueur de géants - 1962) de Nathan Juran, la version de La belle au bois dormant des studios Disney, mais aussi la renaissance à succès du peplum en Italie. Gordon est un pur réalisateur de cinéma d'exploitation spécialisé dans le fantastique avec une obsession particulière : le gigantisme. C'est ce qui lui valu le surnom de « Mister BIG ». La majorité de ses films, des dinosaures de son premier film King dinosaur en 1955 à ses adaptations de « Food for the gods » de H.G.Wells, a lancé en grandes tailles sur les écrans des sauterelles, des fourmis, des araignées, des poulets et un fameux homme-colosse. Il y a parfois eu des réductions, mais c'est plus rare. Gordon utilisera pour ce faire des effets simples à base de transparences et d'animaux véritables, alternative économique aux créatures animées façon Ray Harryhausen. Dans The magic sword, cette fixation se traduit par le dragon et un cyclope hargneux, ainsi que de façon inversée par des personnages miniaturisés par l'enchanteur et qui aideront le héros le moment venu.
S'inspirant de légendes du moyen-âge, notamment celle de St Georges et du dragon, le scénario de Bernard C. Schoenfeld (auteur de celui du remarquable film noir Phantom lady en 1944 avec la sublime Ella Raines) joue à fond la carte de l'émerveillement sans renoncer au fantastique, avec une pointe gore à l'occasion (petite pointe, nous sommes en 1961), tout en conservant un humour qui ne tombe jamais dans le clin d’œil de celui-à-qui-on-ne-la-fait-pas. The magic swordse présente comme un véritable livre d'images animées puisant sans doute du côté de la bande dessinée de Hal Foster, Prince Vaillant. La photographie de Paul Vogel privilégie les couleurs vives et les éclairages irréels. Il noie de brume le marais pestilentiel, inonde de soleil la campagne paisible, fait rougeoyer les salles du château de Lodac à la façon d'un Mario Bava. Le montage déroule le récit sans à-coups, palliant par sa vivacité les limites des effets spéciaux ce qui est souvent la meilleure façon de faire. La sincérité et le soin apporté à l'ensemble emportent l'adhésion et le côté artisanal de cette série B de luxe convient bien à la naïveté de l'histoire.
Si le film ne se hisse pourtant pas à la hauteur des grands classiques du genre, c'est surtout pour cause de manque de rigueur dans le récit. Paradoxalement, le film va un peu trop vite. Du coup, on passe abruptement de la nuit brumeuse au jour ensoleillé, de collines pelées à des forêts verdoyantes. La bande de chevaliers a parfois des comportements incohérents, même dans le cadre d'une fantaisie. Nous les verrons ainsi s'endormir paisiblement comme s'ils étaient en pique-nique, sans même mettre un homme de garde. La rencontre entre le chevalier français et une trop belle paysanne est franchement parodique. Ces chevaliers, parlons-en. Si le schématisme des personnages principaux est attendu (Le Héros, la Princesse, le Traitre...), les six compagnons de Georges manquent singulièrement de caractérisation. Malheureusement, ce ne sont pas les sept samouraïs. Leurs disparitions, parfois très rapides, ne nous touchent pas alors que nous devrions être émus de leur sens du sacrifice. Bert I. Gordon donne l'impression de mal exploiter certains de ses éléments. Mister BIG a peut être vu un peu grand.
Mais globalement, le film fonctionne des plus agréablement. Garry Lockwood, que l'on reverra en astronaute chez Stanley Kubrick, est un héros juvénile parfait. Basil Rathbone, inoubliable Sherlock Holmes, est tout aussi parfait en méchant, jouant les mains et des manches en maître. La plus réjouissante est Estelle Winwood, actrice du théâtre anglais, qui s'amuse beaucoup avec son personnage de Sybile, le seul qui soit vraiment original. Quand à la princesse Hélène jouée par la jolie Anne Helm, elle a une bien jolie scène de bain dans un étang privé qui apporte une pointe d'érotisme bienvenu achevant de faire de The magic sword une réussite mineure à découvrir dans l'édition de chez Artus Films, le film ayant eu en son temps une distribution des plus réduite en salles.
Photographies : DR source Frenetics arts
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31/08/2013
Un train pour Durango
Un treno per Durango (Un train pour Durango). Un film de Mario Caiano (1968)
C'est la rentrée pour Inisfree. Pour se remettre en jambe, voici quelques textes publiés pour Les Fiches du Cinéma, à commencer par un western all'italianna savoureux.
Caramba ! Le western italien a encore d'aimables surprises en réserve. C'est au tour des édition Artus, fortes de leur expérience dans les recoins les plus obscurs du cinéma de genre de se lancer dans la sortie de quelques titres rares. Un treno per Durango (Un train pour Durango) est une comédie d'aventures à la sauce mexicaine que réalise Mario Caiano sous le pseudonyme de William Hawkins en 1968. De par son ton et sa structure, une histoire de chasse au trésor entre trois héros disparates et quelques bandes d'affreux pittoresques, le film s’arpente à la lignée légère du succès d'Enzo G.Castellari Vado... l'ammazzo e torno (Je vais, je tire et je reviens) réalisé l'année précédente. Enlevé, drôle, raisonnablement violent, coloré, c'est un pur spectacle qui ne s'encombre pas des ambitions stylistiques ou de profondeur du film matrice de Sergio Leone Il buono, il brutto, il cattivo (Le bon, la brute et le truand – 1966). Le budget confortable permet à Caiano de mettre les moyens sur l'écran large illuminé de la photographie soignée d'Enzo Barboni, chef opérateur doué pour Sergio Corbucci ou Ferdinando Baldi. Caiano ne recule pas devant des cadres très amples, exploitant au mieux ces extérieurs espagnols que l'on connaît trop bien. C'est parfois joli comme lors du duel final. La musique de Carlo Rustichelli enveloppe l'ensemble de ses accents trépidants, franchement italianisants, sachant aussi pasticher à l'occasion le maestro Morricone.
La mise en scène fait un beau travail d'illustration et surtout communique un authentique plaisir de filmer son matériau, ce qui est souvent la base pour un film de genre réussi. Le fameux train, s'il n'atteindra jamais Durango, est détaillé sous toutes les coutures, plongées et contre plongées admiratives, mécanique en action, sifflets et fumées. C'est un gros jouet rutilant que l'on se délecte à manipuler. Il y a ce même plaisir à filmer la voiture du mystérieux Brown, superbe tacot 1910 impeccable malgré l'environnement hostile, se déplaçant avec une aisance surnaturelle dans les sierras pierreuses. Avec cette voiture sans un grain de poussière, Brown, toujours tiré à quatre épingles, peut, deus ex-machina, surgir au moment opportun pour tirer d’affaire le duo vedette. Il est constitué de Gringo, le grand américain brun dont l'habileté au revolver est tempérée ici d'une naïveté impressionnante, et de Lucas, le mexicain, bandido minable et joyeux comme on les aime, débrouillard et pragmatique. Son inévitable vénalité est tempérée par une fidélité en amitié à toute épreuve, et des épreuves, il y en a. Car quoiqu'il en dise, c'est d'abord pour les beaux yeux de la belle Helen que Gringo va se mettre dans les situations les plus impossibles. Il faut bien un prétexte ou il n'y aurait pas de film.
Gringo se sent un peu las.
Gringo est joué par Antonio De Teffe plus connu sous son pseudonyme d'Anthony Steffen. Acteur au jeu limité qui trimbale son expression quasi unique de Droopy grognon de péplums en westerns avant de passer au Giallo. Des westerns, il en aura fait beaucoup, et certains sont plutôt bien. Caiano tire habilement partie du décalage entre cette fameuse expression et la tonalité de comédie de l'ensemble, laissant envisager chez l'acteur un relatif second degré. Peut être aussi que Steffen, lassé de jouer les beaux ténébreux, a décidé de se laisser aller pour ce film. Enrico Maria Salerno joue un cran au dessus, même s'il n'est guère crédible en mexicain, lui qui fait si italien. Mais il s'en sort par son aisance dans la comédie et son indéniable charisme. Le duo fonctionne donc bien et se régale des situations sans cesse mouvantes comme des dialogues vifs et souvent drôles. Mark Damon aussi s'amuse des manières raffinées de son personnage, le Brown au tacot dans lequel il trimbale tout un arsenal. Autour d'eux, c'est un festival de visages aimés du genre. Le film propose rien moins que la rencontre de José Bódalo, l'excellent général mexicain du Django (1966) de Sergio Corbucci, avec Roberto Camardiel, le flamboyant ranchero de Se sei vivo spara (Tire encore... si tu peux– 1967) de Giulio Questi. Rencontre au sommet qui fait des étincelles de cabotinage et réjouit l'amateur. Pour faire bonne mesure, Aldo Sambrell joue un capitaine mexicain un peu idiot et complètement savoureux. Deux mots pour finir sur l'élément féminin de cette histoire, Dominique Boschero est une française partie tenter sa chance en Italie mais qui ne décrochera que rarement des rôles de premier plan. C'est la cas ici et elle arrive à se faire une place au milieu de tous ces machos, distillant un érotisme bon enfant et bienvenu, jouant en professionnelle de son décolleté pigeonnant.
Gringo est un tendre.
Un treno per Durango déploie un programme attendu dans ses grandes lignes mais réjouissant dans ses détails. Attaque du train, coffre à faire sauter, double jeu, triple jeu, renversements d'alliances, supplices locaux, fusillades et mitraillages. Le réalisateur tire le maximum des situations. Par exemple, le passage où la bande de Camardiel tente d'ouvrir le coffre massif en faisait appel à un vieil artilleur de Pancho Villa, tire le film vers la comédie italienne classique, se souvenant de l'équipe de bras-cassés de I soliti ignoti (Le pigeon – 1958) de Mario Monicelli. Mario Caiano est particulièrement habile à mener de front l'humour et l'action. On se tue beaucoup dans ce film, mais sans que cela prête à conséquence. Lors de l'attaque du train, Bódalo entre dans un wagon. Un soldat lève son fusil en criant « Viva la revolucion ! ». Surpris, Bódalo l'abat à bout portant. « Mais il a crié : « Viva la révolucion ! », chef » objecte un homme. « Comment veux-tu que j'entende quelque chose dans tout ce bordel ? ». Imparable.
Photographies : A fistul of pasta et blog Hombre.
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03/08/2013
Concentrée
Diana Rigg plongée dans la lecture du journal entre deux prises sur le plateau de On her majesty's secret service (Au service secret de sa majesté - 1969) de Peter Hunt. Photographie © Robert Penn
19:23 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : diana rigg | Facebook | Imprimer | |
02/08/2013
Le temps des vacances !
Le taulier d'Inisfree part se mettre au vert et au frais pour une bonne quinzaine. Lecteurs chéris, mes amours, à très bientôt. Photographie DR.
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29/07/2013
1956 en 10 (autres) films
En attendant 1957 et 1958 au plus fort de la chaleur estivale, Zoom Arrière vous propose un retour sur l'année 1956 avec quelques titres indispensables signés John Ford, Charles Laughton, Orson Welles, Fritz Lang ou Robert Bresson. Mais sur Inisfree, j'aime descendre un peu plus bas dans le classement pour rappeler que 1956, c'était aussi Shirley McLaine aérienne dans l'un des sommets du tandem Lewis-Martin, Coleen Miller étreignant Rory Calhoun sous la pluie, Simone Signoret en robe du soir dans la jungle pour Bunuel, Robert Taylor dans un de ses rôles les plus sombres, Lucia Bosè et ses copines sur la Piazza di Spagna, la somptueuse Eva Dahlbeck chez Bergman, la sublime Jane Russel chez Walsh, le bain inoubliable d'Elsa Martinelli en princesse indienne, monsieur Jambier au 45 rue Poliveau et le plus charmant des films du maître du suspense avec, encore, une adorable Shirley McLaine.
23:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franck tashlin, ingmar bergman, alfred hitchcock, raoul walsh, richard brooks, luis bunuel, claude autant lara, richard carlson, luciano emmer | Facebook | Imprimer | |