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17/07/2025

Jean-Pierre Putters (1946-2025)

Je viens d'apprendre avec tristesse la disparition de Jean-Pierre Putters. Il était le créateur de la revue Mad Movies, un fanzine à l'ancienne démarré en 1972, qui passe professionnel avec diffusion en kiosques en 1982. C'est à cette époque que j'ai acheté mon premier exemplaire (sans doute le numéro 29, mais j'en ai récupéré quelques-uns d'avant). En lisant les nombreux hommages qui se sont succédé, j'ai envie de revenir que ce que cette revue m'a apporté parce que je me rend compte de l'importance qu'elle a pu avoir pour toute une génération, la mienne. 

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En dédicace, photographie DR. 

Au début des années 80, le cinéma se transforme en profondeur. La période du Nouvel Hollywood s'achève et le cinéma américain ouvre les portes de nouveaux imaginaires en s'appuyant sur des genres (le fantastique, la science fiction, l'aventure) le plus souvent méprisés. Il n'y a pas que les américains, c'est aussi l'émergence du cinéma australien de Mad Max puis celle du cinéma de Hong-Kong. Mais je ne veux pas entrer dans les détails plus avant. A l'époque, je cherchais une revue qui accompagne mes désirs cinéphiles. J'ai essayé Première et les Cahiers du Cinéma, mais d'un coup, j'ai découvert Mad Movies et Starfix et c'était formidable. Mad Movies était axé sur le fantastique et la science fiction. Mais Jean-Pierre Putters ne se contentait pas de l'actualité, il revenait sur les grandes heures du genre à travers des dossiers passionnants qui donnaient envie de voir. Je me souviens encore de ceux sur les Dracula de la Hammer ou sur le cinéma de Lucio Fulci, qui m'ont littéralement servis de guides pour de nombreuses années. Dans un entretien, JPP (je me permets), se voyait comme le continuateur des pionniers des années 50 et 60, l'équipe de Midi-Minuit Fantastique par exemple, un passeur qui, à son tour, transmettait une histoire, des noms, des titres, une certaine idée du cinéma. Et avec humour et modestie, ce qui le rendait très agréable à lire et créait une proximité avec lui. Je n'ai jamais rencontré JPP, je suis juste passé une ou deux fois à sa librairie Movies 2000, hélas, c'était fermé. Mais cette proximité faisait qu'on pouvait se sentir intime, du moins dans ces échanges écrits, renouvelés chaque mois. C'est le même sentiment que j'ai eu avec des gens comme Patrick Brion, Claude Jean-Philippe, Pierre Tchernia ou les plumes de Starfix. Passé une époque, l'évolution de la revue, mais aussi du cinéma qu'elle défendait m'en a éloigné. Ce n'est pas grave, ce qui compte c'est ce qu'elle m'a apporté à une époque où j'en avais besoin. 

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Poster du numéro 100, source Le Fanzinophile (cliquer pour le lien)

Un aspect particulier de ma relation avec Mad Movies, quelque chose qui était propre à cette revue, c'était le côté pratique. Non seulement JPP donnait envie de voir, mais aussi dans les années 80, de faire. Il y a eu toute une période où la revue parlait de Super 8, de comment réaliser des effets spéciaux, faire voler des vaisseaux spatiaux ou créer des « matte-paintings », peintures sur verre de paysages fantastiques. Il y a eu aussi des conseils pour créer des maquillages, par Benoît Lestang si je me souviens bien. Tout ceci m'excitait beaucoup. Je m'étais équipé en Super 8 en 1983, avec la paye de mon premier job d'été. Si je me suis lancé avec quelques amis dans un premier court métrage (inspiré de Lovecraft !), c'est bien grâce à ces articles. JPP a créé dans la foulée le festival du super 8 fantastique en 1984 (6 éditions). Nous en avons eu une déclinaison sur Nice et j'y avais présenté cette œuvre impérissable. A l'époque, il y avait beaucoup de choses qui se fabriquaient, parfois étonnantes et si, aujourd'hui, je m’occupe toujours de Super 8, je le dois à cet activisme de JPP.

Enfin, s'il se voyait comme un passeur, je pense (j'espère !) qu'il a du être heureux de voir sa parole transmise (il utilise dans le même entretien le mot de liturgie). Le désir de transmettre à mon tour tout ce que j'avais appris à travers Mad Movies est resté très fort. Je crois qu'avec l'arrivée d'Internet puis la création des blogs tels que nous sommes plusieurs à l'avoir pratiqué, a permit de prolonger cet esprit fanzine. Il suffit de lire actuellement le voyage du bon Dr. Orlof dans les tréfonds du cinéma italien pour s'en persuader. Si je me suis aussi lancé dans des ouvrages autour de Sergio Corbucci ou Sergio Sollima, c'est dans la même continuité. Et l'aventure Abordages était un hommage aux grandes heures des fanzines des années 70. Aujourd'hui, cet esprit me semble plus vivace que jamais, prenant d'autres formes sur les réseaux sociaux, je pense aux émission sur Youtube ou aux webradios. Alors oui, pour tout cela, merci, merci, merci, JPP.

24/01/2015

Lâchez les monstres !

Ze craignos monsters (le retour du fils de la vengeance) de Jean Pierre Putters (Éditions vent d'Ouest)

Texte pour les Fiches du Cinéma

C'est sûr que Noël est passé et bien passé, et si je n’étais pas une grosse feignasse, je vous aurais fait ces quelques lignes pour que vous puissiez découvrir sous le sapin le superbe Ze craignos monsters signé Jean Pierre Putters le grand, sous titré Le retour du fils de la vengeance, et édité aux magnifiques éditions Vent d'Ouest. Si on vous l'avait offert, vous en auriez eu les yeux humides de reconnaissance. Si vous l'aviez offert, vous eussiez passé pour l'homme de goût que vous êtes. Mais trêve de regrets et de subjonctif. Le début d'année n'ayant pas pas incité à la gaudriole, vous avez peut être conservé des bons cadeaux ou le besoin d’échanger le dernier Houellebecq ou le Goncourt que vous n'ouvrirez pas. Ces quelques lignes tombent finalement à pic.

jean-pierre putters

Jean-Pierre Putters, l’auteur, il convient de lui rendre le vibrant hommage qui lui est dû. Né à Paris en 1956 pour situer, il est l'un des plus ardents défenseurs et passeurs du cinéma fantastique. C'est à dire celui du merveilleux et de l'horreur, des voyages dans l'espace et le temps, des fins du monde et des cryptes hantées, des mondes perdus et des continents oubliés. Il a surtout une prédilection pour les monstres, pas les cons trop réels, les vrais, les pas beaux terrifiants et émouvants, les vampires, morts-vivants, robots, scientifiques exaltés, savants fous, singes géants lubriques, loups garous, bestioles en tout genre, genre fantastique. Ils naissent dans et peuplent nos rêves et cauchemars. Ils nous parlent de nos aspirations et désirs les plus inavouables, de nos terribles peurs pour mieux les affronter dans le monde réel. Parfois, ils font rire. Jean-Pierre Putters vit avec eux depuis toujours et leur voue un amour contagieux. Cette passion, il a su, avec quelques autres, la transmettre.

Il crée en 1972 la revue Mad Movies, simple fanzine qui prend un peu le relais de Midi-Minuit Fantastique, proposant une alternative à l’Écran Fantastique quand il passe professionnel en 1982. La revue est toujours dans les kiosque avec succès, Putters ayant passé le relais à l'orée de l'an 2000 à une équipe qui n'a cessé de se renouveler. Mad Movies aura accompagné l'explosion du genre et la montée en puissance de la nouvelle génération des années soixante dix, les John Carpenter, Tobe Hopper, Dario Argento, George Romero, Lucio Fulci... puis de leurs héritiers directs, de Blade runner à Gravity, de Zombie à Hostel. Plus encore, Jean-Pierre Putters n'aura cessé de faire le lien avec les riches heures du passé, les monstres de la Toho, les créatures de la Hammer Films, les francs tireurs comme Jean Rollin ou Jesús Franco. Mieux, il aura encouragé la création elle-même et je me souviens non sans émotion des festivals du super 8 fantastique et des articles qui expliquaient comment réaliser un maquillage de zombie dans son salon et refaire Star wars dans sa salle de bain. Ou le contraire.

jean-pierre putters

Joli jeté d'épaule, It terror from beyond space (1958) de Edward L. Cahn

Avant de passer à autre chose du côté de Métaluna, Jean-Pierre Putters aura laissé dans sa revue un abécédaire monumental du cinéma fantastique et les Craignos Monsters. C'est une longue série de portraits des créatures les plus improbables qui aient hanté les écrans, allant plonger dans les tréfonds des séries Z, voire au-delà, et dans toutes les cinématographies, du Brésil à la Turquie, du Japon à l'Italie. Cette œuvre indispensable et hilarante a été regroupée dans les années quatre vingt dix dans trois beaux albums. Et nous voici, après des mémoires ébouriffantes, Mad... ma vie !, (éditions Rouge profond, 2012), à ce livre, là, ici et maintenant, avec un quatrième volume des Craignos Monsters un peu particulier. C'est un livre très libre, une somme, un voyage dans le panthéon personnel de l'auteur, un peu comme celui de Martin Scorcese mais dans un autre genre. C'est un poème d'amour à un cinéma qui ose tout, parfois le pire, où les images sont aussi importantes que les mots. Les robots en fer-blanc, zombies décomposés et aliens hallucinés peuplent ses pages, et Jean-Pierre Putters revisite, guidé par son goût très sûr et son érudition impressionnante, les grands mythes du fantastique.

Dans les salles de ce musée imaginaire, il y a les singes géants amoureux de jolies femmes en satin, les momies en folie, les hommes invisibles, les vampires, les créatures mutantes et les animaux dégénérés. Il y a aussi des cinéastes. Dans la multitude de noms qui pourraient venir à l'esprit, Putter en sélectionne quelques uns, pour leur valeur emblématique. Nous croisons ainsi Jack Arnold, le réalisateur de Tarantula et de Creature from the black Lagoon (L'étrange créature du lac noir), H G Lewis, l'inventeur du gore avec Blood feast, Roger Corman que l'on ne présente plus (si ?), Bert I. Gordon, l'obsédé du gigantisme, et Edward L. Cahn, obscur mais typique artisan de la série B américaine des années cinquante. Au centre du livre, comme un manifeste, un long chapitre consacré à notre cher Jesús Franco disparu en 2013. Putters parcourt son exubérante carrière et ses icônes féminines dévêtues, agrémenté de quelques extraits d'entretiens avec le créateur du Dr Orloff. « Dans ma filmographie, il y a beaucoup de mauvais titres, mais je les revendique presque tous, car ils symbolisent ma liberté ». Tout est dit. Tant de choses restent à voir.

jean-pierre putters

Bon sang ne saurait dormir, Count Dracula (Les nuits de Dracula - 1970) de Jesús Franco

Photographies et affiches de ce monument de papier sont éloquentes et généreusement dispensées. Les textes de Jean-Pierre Putters se font tour à tour drôles où lyriques quand il parle de la carrière Fay Wray, l'inoubliable fiancée du King Kong de 1933 « .. immortelle, désirable, toujours fascinante, telle qu'elle reste encore vivante dans nos mémoires ». Il reste plus que jamais fidèle à son style décontracté et précis, créant une intimité avec le lecteur qu'il interpelle, quand ce n'est pas le correcteur ou l'éditeur, et se régale de jeux de mots à la René Goscinny (parlant de Tom Pouce : « Enfant le petit poussait »). Il garde du coup toujours la bonne distance pour parler des films les plus improbables, des créatures les plus exotiques, comme des réussites intemporelles et des véritables chefs d’œuvres. Ce Craignos Monsters nouvel épisode est un régal constant, le genre de livre que l'on se fera un plaisir d'ouvrir régulièrement avec gourmandise et qui nous donne des pistes, des désirs de films pour de longues années.

jean-pierre putters

L'horreur, l'horreur, Fay Wray, l'immortelle.