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12/02/2018

The misfits

Vendredi 16 février à 20h30, j'aurais le plaisir de présenter The misfits (Les désaxés - 1961), le beau film de John Huston dans le cadre du 16eme festival de l'association Cinéma Sans Frontières, au cinéma Mercury (16 place Garibaldi 06300 à Nice). Cette séance clôturera l'évènement dont la thématique de cette année est « Mythologies ». Quelle plus belle façon de terminer la semaine en compagnie des mythes que furent, et restent, Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Thelma Ritter, Eli Wallach et Kevin McCarthy.

cinéma sans frontières,john huston

The misfits, c'est d'abord le cadeau du dramaturge Arthur Miller à l'actrice Marilyn Monroe, une nouvelle qu'il écrit en 1956 alors qu'il divorce pour l'épouser. Une nouvelle qu'il adapte pour le cinéma en 1960 au moment où ils vont se séparer. C'est John Huston qui s'empare du scénario pour réaliser son 18ème long métrage et s'intéresser une nouvelle fois après le lyrique The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) aux mythes fondateurs de l'Amérique à travers les formes du western. Mais The misfits (les mal-fichus littéralement) est cette fois un western contemporain qui suit la trajectoire de quatre personnages, une jeune divorcée (Roslyn), un cow-boy vieillissant (Gay), un chauffeur de camion (Guido) et un cavalier de rodéo (Perce), dans un pays qui n'est plus que l'ombre de son rêve. Les trois hommes vont être attirés par Roslyn, mais elle est séduite par la figure paternelle et rassurante incarnée par Gay. Le petit groupe fait route dans le désert du Nevada pour capturer des chevaux sauvages et tenter de préserver un mode de vie qui leur est propre. Comme nous sommes chez John Huston, cet idéal se heurte au rude principe de réalité et le rêve se dissipe en illusion ironique. Reste, comme le réalisateur l'avait défini, le seul plaisir de l'aventure dont on ne retire que la satisfaction d'en être sorti vivant.

Au tournant des années soixante, pour Hollywood comme pour les États-Unis, The misfits est un film emblématique, entre tradition et modernité. Un film de stars avec Clark Gable, Marilyn Monroe et Montgomery Clift, une production de prestige signée d'un réalisateur oscarisé, avec la photographie de Russel Metty qui vient lui aussi d'être honoré pour son travail sur le Spartacus de Stanley Kubrick. A côté de cela, la musique est signée d'Alex North, collaborateur d'Elia Kazan, qui incarne un nouveau style de bande originale et qui vient lui aussi de travailler sur Spartacus. Surtout, Arthur Miller incarne depuis une décennie une nouvelle façon d'aborder le théâtre. En situant son récit dans un contexte contemporain, il donne à Huston une riche matière pour dresser un portait de l'époque et de ses valeurs, une méditation sur le temps qui passe et la fragilité des mythes qui s'évaporent comme la poussière d'or à la fin de Treasure of the sierra Madre (Le trésor de la sierra Madre – 1948).

cinéma sans frontières,john huston

Sa prestigieuse distribution permet à Huston de faire vivre ces thèmes sur le corps et le visage de ses acteurs donnant à son film un étrange ton funèbre. Clark Gable, le roi de Hollywood, est ici au terme de d'une carrière unique, vieilli mais toujours digne, la moustache grisonnante mais toujours élégante. Il est l'homme au bout de la piste. Monroe et Clift sont deux icônes de la génération suivante, celle nourrie aux techniques de l'Actor Studio. Mais ils sont tous deux des comédiens écartelés entre leurs aspirations et les contraintes d'un système qui tend à imposer une image d’eux superficielle. Deux personnalités compliquées en proie à de redoutables démons. Miller a écrit le rôle de Roslyn pour Monroe, du sur mesure pour la femme et l’actrice dont il connaît les tourments. Huston utilise de même ce que chacun connaît de Gable et de Clift pour nourrir les personnages de Gay et de Perce. Il tempère son trio d'exception par deux formidables seconds rôles qui apportent l'humour et l'ironie typiques du réalisateur. Eli Wallach alors débutant incarne le camionneur Guido, et Thelma Ritter, inoubliable infirmière de James Stewart dans Rear Window (Fenêtre sur cour – 1954) d'Alfred Hitchcock, est l'amie de Roslyn. Ces choix de distribution donnent à The misfits une dimension particulière, parfois mal interprétée, où la fiction et le réel s'interpénètrent, ou la légende supplante la réalité.

The misfits est un film unique, à l'émotion suspendue sur le fil, souvent passionnant, parfois pour des raisons qui dépassent l’œuvre elle-même. Se greffent à cette fresque des héros déchus des motifs chers à Huston, le goût de l'action physique, le plaisir de l'alcool, la beauté sauvage de la nature régulièrement violée par la cupidité et la bêtise humaine, la lucidité des femmes qui tentent par leur douceur de tempérer la folie un peu bornée des hommes courant après leurs chimères.

Photographie : United Artists  /MGM

17/12/2015

1984 en neuf (autres) réalisateurs

Orwell me chatouille, 1984, c'est maintenant sur Zoom Arrière, avec la consécration de Sergio Leone pour son film fleuve, suivi de près par Eric Rohmer et ses nuits branchées, les pilotes de Philip Kaufman, et quelques autres estimables bandes dont un étonnant cochon en super 8. Mais il y a un peu plus bas dans le classement des réalisateurs admirables qui ont fait alors ma joie, et ma joie demeure. Rétrospective en neuf photographies de tournage. Photographies DR. 

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13/09/2014

Et le vent apporta la violence

The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) Un film de John Huston

Texte pour Les Fiches du Cinéma

Patrick Brion et François Guérif reviennent dans un entretien croisé pour les bonus du DVD de l’édition Opening sur les conditions difficiles du tournage de The unforgiven (Le vent de la plaine), western à grand spectacle que John Huston tourne en 1960. Le cinéaste fait de chacun de ses films une aventure et cette aventure, humaine, physique, semble pour lui aussi capitale que le film lui-même. Pour paraphraser Martin Scorcese, il est le cinéaste aventurier par excellence. The unforgiven est ainsi tourné au Mexique dans la région de Durango, un endroit difficile et aride, balayé de vents de sable et territoire de gangs qui se rajoutent à la corruption officielle. Pour aplanir les difficultés et se livrer à sa passion plus ou moins légale des antiquités pré-colombiennes, Huston fera appel, comme plus tard Sam Peckinpah, à Emilio Fernandez, acteur et réalisateur qui connaît tout le monde. Avec sa distribution de grand style, Huston doit naviguer entre les angoisses d'Audie Murphy, l'ego de Burt Lancaster qui vient de passer à la réalisation et a ses idées sur la question, qui est en outre l'un des co-producteurs du film, les problèmes de santé d'Audrey Hepburn suite à une chute de cheval, et la nostalgie envahissante de Lilian Gish qui regrette le bon temps de Dark W. Grifffith. The unforgiven est un rêve de western, un rêve de poussière et d'opéra, de chaleur et de tragédie. Mais avec tout cela, Huston file dès la fin du tournage et la production va tailler dans le montage et sabrer le rêve. Le réalisateur va renier en bloc son seul vrai western, classique et audacieux, qui ne trouvera que de rares défenseurs.

john huston

De tout cela, le film porte la trace. Dans ses scènes magnifiques, dans ses manques inexplicables, dans ses accès sauvages et ses pauses poétiques, dans ses paysages aussi hostiles que grandioses, dans l'hétérogénéité de interprétation, dans les accents au lyrisme classique de la partition de Dimitri Tiomkin et dans ce qui affleure chez les personnages comme les implications incestueuse de la relation entre Rachel et Ben, le couple vedette. The unfogiven est un film de sauvages et sur ce qu'ils portent en eux de fanatisme, d'intolérance et de racisme. La famille Zachary élève du bétail au Texas. Elle est bouleversée par les révélations autour de la cadette, Rachel, adoptée toute petite et qu'une tribu Kiowa vient réclamer pour l'une de leurs. Le récit est inspiré du second roman d'Alan le May, qui fut scénariste pour Cecil B. DeMille. Le May était déjà l'auteur de The searchers (La prisonnière du désert) que John Ford venait de porter à l'écran, et avec quel talent, en 1956. Les deux histoires sont proches, deux faces d'une même pièce qui se regardent en miroir. A la jeune blanche enlevée et élevée par les indiens répond l'indienne enlevée et élevée par la famille Zachary. Au massacre de la famille Edwards répond celui de la tribu Kiowa. On retrouve le même personnage d'errant un peu cinglé, Moses Harper chez Ford, Abe Kelsey chez Huston. On retrouve aussi chez le personnage masculin principal (joué par John Wayne ici, Burt Lancaster là) la même force physique, la même autorité morale, la même détermination, la même violence, les mêmes névroses, et la même capacité à une soudaine tendresse. Et puis il y a la famille, pivot indispensable, cellule de base qui doit être protégée à tout prix et dont les liens passent avant tout le reste. Sans doute que pour Ford, cette thématique est plus sensible et lui permet d'ouvrir sur sa vision de la communauté, alors que chez Huston, plus franc-tireur, la famille reste en vase clos et la communauté extérieure est aussi hostile que le reste. Toujours est-il que ces liens affectifs sont seuls capables de briser les préjugés, la haine et les sentiments de vengeance. Mais à quel prix ?

john huston

{The unforgiven} montre la violence qui secoue la famille Zachary comme les vents brûlants du désert. Elle vient de l'extérieur, des Kiowas qui viennent mettre le siège devant le ranch, de l'énigmatique et inquiétant Kelsey, mais aussi de la communauté qui n'accepte pas l'idée que l'une des leurs puisse être une indienne. Elle vient aussi de l'intérieur avec la haine viscérale de Cash, l'un des frères, qui rejette son propre sang, avec les pulsions de la mère qui tue pour protéger sa fille, de Ben le frère aîné et de Rachel. Tous portent en eux la violence originelle des pionniers, une violence du même ordre que celle des indiens qu'ils ont combattu sans pitié. Comme chez Shakespeare ou les légendes anciennes, cette violence est annoncée par un fantôme venu du passé, ici Kelsey, cavalier de l'apocalypse, clochard de la prairie et ancien sudiste (comme l'était Ethan Edwards). John Huston ouvre son film par une image étonnante. Une vache qui broute sur ce qui se révèle être le toit du ranch Zachary. C'est une demeure enfoncée dans la terre, un terrier, un fortin primitif et sombre, enserrant des secrets innommables et des pulsions inavouables. Deux ans plus tard, Huston réalise Freud. C'est de là que les Zachary assiégés tireront comme à la foire les indiens à l'attaque. C'est là que se cristallisera le combat féroce pour la survie et les révélations qui engagent le passé (l'origine de Rachel) comme l'avenir (le liaison entre Ben et Rachel, le choix de Cash).

john huston

Audrey Hepburn et John Huston sur le tournage

Huston bâtit son film en trois mouvements. La première partie montre autour du ranch de vastes espaces extérieurs, filmés avec souffle, parfois élégiaques, parfois hostiles comme lors de la superbe scène de la tempête de sable. Suit une longue scène nocturne aux lueurs des torches qui s'achève par la pendaison de Kelsey provoquée par la mère, et la rupture des Zachary avec la communauté. Arrive ensuite la séquence du siège où Huston enferme ses personnages dans leur refuge et resserre les cadres jusqu'à plonger dans les visages (Rachel devant son miroir). Espace réduit et bas de plafond, ambiance claustrophobe où se débattent les personnages coincés dans le cadre, menacés par le feu et la fumée. La séquence finale verra la caméra reprendre de la hauteur sur un paysage désolé et jonché de cadavres. Mais de ce chaos naît un espoir. Libéré du mensonge et de la haine, la couple Rachel/Ben peut enfin s'épanouir et Cash est libéré de sa pulsion de mort.

Le récit a quelques lacunes qui déséquilibrent le film, ayant sans doute souffert des coupes. C'est flagrant avec le personnage de Johnny Portugal (joué par l'excellent John Saxon), métis amoureux de Rachel qui disparaît sans explication dans le dernier tiers. Mais Huston réussit de nombreuses belles scènes intenses, magnifiées par la photographie de Franz Planer qui a travaillé sur des westerns à grand spectacle pour William Wyler ou Edward Dmytryk. La scène de la tempête est un morceau de bravoure aux lisières du fantastique où les Zachary traquent Kelsey dans un déchaînement de tourbillons de sable et de poussière où hommes et chevaux errent comme des spectres. La scène du lynchage adopte un dispositif un peu théâtral avec un découpage en blocs des différents groupes autour de Kelsey attaché sur son cheval. Il y a un côté Marc Antoine sur le Forum. Très réussi aussi les jeux de regards entre Lancaster et Hepburn qui expriment la complexité de leurs rapports. Et puis, emblématique du film, il y a cette scène d'un genre que l'on ne trouve que chez Huston, autour du piano à queue ramené par Ben à sa mère, symbole d'une autre civilisation quand celle-ci se met à jouer du Mozart sur la prairie. Lors du siège, la famille sortira pour un dernier concert, une lutte musicale avec les indiens qui chantent au même moment pour honorer leurs morts. Étrange et fascinant duel culturel nocturne.

john huston

Il y a donc très largement de quoi justifier de ne pas passer à côté de ce film superbe et il ne sert à rien de regretter ce qu'il aurait pu être. Tel qu'il reste, The unforgiven avec ses excès, ses élans, ses manques est un rare exemple de western alliant classique et baroque, l'une des dernières œuvres majeures de l'âge d'or du genre, portant la marque de l'élégance et de la fougue de son auteur.

Photographies : capture DVD Opening / For cinephiles by a cinefille / United Artists

A lire sur DVD Classik

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19:02 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john huston |  Facebook |  Imprimer | |

03/06/2010

Trois sublimes canailles

Difficile de passer à côté de cette incroyable photographie récupérée sur Twitpic après l'avoir découverte sur la page facebook d'un ami réalisateur et tout aussi fan que moi du grand John. De ce que j'ai pu apprendre, elle a été prise en 1971 à Palm Spring par Victor Skrebneski à l'occasion d'une visite impromptue de Dennis Hopper et John Huston (le premier envoyé prendre en photo le second) à John Ford alors malade et passant la plus grande partie de son temps au lit.

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07/01/2009

Et l'éléphant est passé à ça !

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John Huston et Richard Burton sur le plateau de Night of the Iguana en 1963. Photographie de Gjon Mili, source Life.