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18/12/2007

Une étude en jaune (partie 1)

La série noire en Italie est jaune. « Giallo » est devenu le nom familier de ces romans de gare édités avec la couverture jaune pâle des éditions Mondadori puis, par extension, le qualificatif d'un sous genre cinématographique typiquement transalpin. Le giallo trouve son inspiration dans le succès du Psycho (1960) d'Alfred Hitchcock, dans le fantastique anglais mêlant enquête policière et agissement de psychopathe comme Peeping Tom (Le voyeur – 1960) de Michael Powell ou Circus of horrors (Le cirque des horreurs – 1960) de Sidney Hayers, et dans une série de films bien oubliés, tirés par les allemands des romans d'Edgar Wallace et souvent réalisés par Harald Reinl. Films noirs à l'ambiance fantastique, jolies filles dénudées autant que le permettent les mœurs du temps, tueurs impitoyables à l'imagination macabre sans limite, le genre trouve sa matrice avec deux films fondateurs de Mario Bava : la ragazza che sapeva troppo (La fille qui en savait trop – 1962) et surtout Sei donne per l'assassino (Six femmes pour l'assassin – 1964). Comme dans le western de l'époque, le giallo est avant tout un superbe terrain de jeu cinématographique. Il permet toutes les audaces de style : cadrages baroques, éclairages psychédéliques, effets type split screen et morceaux de bravoure exaltant l'art du suspense. Si ni le jeu des acteurs, ni la rigueur des scénarios ne sont le fort du giallo, le genre dessine pourtant en creux un portrait aujourd'hui fascinant de l'Italie d'alors, saisissant pour les meilleurs d'entre eux quelque chose de l'air de ce temps. Parmi les plus illustres illustrateurs, on trouve aux côtés de Mario Bava, Dario Argento qui repoussera le genre dans ses limites (A la façon de Sergio Léone pour le western), Antonio Margheriti, Lucio Fulci, Sergio Martino où encore Umberto Lenzi. Liste non exhaustive.

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Una sull'altra, réalisé en 1969 et sortit discrètement en France sous le titre subtil de Perversion story, est ma nouvelle plongée dans l'oeuvre de Lucio Fulci. Le film est surprenant, à la fois dans le genre et dans la filmographie de son auteur. Presque pas de meurtres, pas de rasoir, pas de gore ni de tueur ganté de noir. Una sull'altra est le récit d'une machination puisant sa source dans Vertigo de Hitchcock et Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot. Il y a de pires références. Jerome Dumurrier, jeune, beau, médecin patron d'une riche clinique, perd sa femme Susan et, bien qu'il l'ait trompée avec la belle Jane, photographe à la mode, il est plus que troublé quand il rencontre Monica, une strip-teaseuse qui ressemble à la défunte de façon troublante. Que ce point de départ vous suffise. Lucio Fulci et ses scénaristes Roberto Gianviti et José Luis Martinez Molla ont travaillé en profondeur cette histoire, une année paraît-il. Elle devait initialement se dérouler en France, mais le retournement final les a amené à la déplacer à St Francisco. Vertigo toujours. Il reste la consonance française des patronymes et que cela n'empêche pas le scénario de receler quelques trous habituels au genre comme la mise à l'écart de Jane dans les vingt dernières minutes. Autre point plutôt faible, Jean Sorel, vu dans Belle de jour de Luis Bunuel, compose un Jérôme assez lisse, loin du Scottie de James Stewart. Mais finalement, son air un peu ahuri renforce le côté implacable de la machination. Plus intéressant est Alberto de Mendoza que j'avais déjà vu en déserteur chantonnant dans Quei dispérati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre despéradosde Julio Busch) et en moine halluciné façon Raspoutine dans l'amusant Horror express (Terreur dans le Shanghai express) de Eugénio Martin. Il est ici impeccable dans le rôle de Henri, le frère. A noter la présence de John Ireland, acteur de Howard Hawks qui faisait alors une seconde carrière en Italie.

 

Mais Una sull'altra, comme son titre l'indique, ce sont les femmes. Elsa Martinelli, piquante chez Hawks dans Hatari ! aux côtés de John Wayne est superbe en photographe spécialisée dans l'érotique de luxe. Et que dire de Marisa Mell, la Eva du Diabolik de Mario Bava ? Sculpturale, mélange détonnant d'érotisme et de vulgarité, son strip-tease à moto et la scène de séduction avec Jane sont deux sommets du film magnifiés par la caméra inventive de Fulci que je vois filmer pour la première fois avec sensualité ses héroïnes. Motivé par la création de séquences torrides, il compose des scènes contrastées à l'aide la photographie violemment colorée d'Alejandro Ulloa et de la partition musicale obsédante de Riz Ortolani qui mêle des accents romantiques aux cordes et un jazz syncopé parfois strident. Ainsi, après une première scène tranquillement étrange entre Jérôme et sa femme, Fulci nous entraîne dans le lit où s'ébattent Jérôme et Jane, plaçant sa caméra sous le drap, mêlant au plus près notre regard aux corps noyés dans une lumière rouge-rosée. Effets de distorsion, cadrages, le passage est quasi expérimental. Et l'on peut multiplier les exemples. Si le strip-tease de Marisa Mell est en situation dans la boite de nuit, il n'en est pas moins inventif sur une musique jazzy langoureuse et, chose rare, plein d'humour. Il y a chez nombre de cinéastes italiens de l'époque une façon désarmante de filmer la vulgarité (façon qu'ils perdront par la suite pour filmer vulgairement). Fulci fait avec la séance de photographie et de séduction entre ses deux héroïnes un autre morceau de bravoure, pleinement intégré au scénario. Antonioni avec son Blow-up est enfoncé. Motivation et retournement final en plus. La caméra est là encore très proche des corps, caressant les visages, magnifiant le grain des peaux, la texture des yeux (Grande obsession fulcienne), le fin duvet féminin. Dieu qu'elles sont belles !

Effets de contraste encore, Fulci situe la fin de son film dans la prison de St Quentin (San Quentin, I hate every inch of you), pénétrant dans l'authentique chambre à gaz, détaillant avec son côté morbide parfois gênant les détails du mécanisme du meurtre d'état. Sagesse des cadrages ici, précision du découpage et couleurs froides du pénitencier. Une scène intense d'un autre genre où vont se dénouer les fils d'une intrigue tordue.

Sur le happy end un peu plaqué, reste comme en écho à la musique de Bernard Herrmann, les accents tourmentés de Riz Ortolani pour clore une perle originale, atypique du genre.

Sur coffee, coffee and more coffee (en anglais)

Sur Psychovision

Sur Cinédelica par Kimberly Lindbergs (de Cinebeats, en anglais aussi)

Sur Shocking images (en anglais toujours) 

La musique de Riz Ortolani (cd

07:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lucio fulci |  Facebook |  Imprimer | |

11/12/2007

Le travail rend libre (et ta soeur)

Inisfree a bien plus vocation à commenter les éventuels mérites de Georges Hilton ou de Marisa Mell que l’actualité. La cinématographique comme les autres. Pourtant ma journée est plombée par ce sondage qui m’affirme et me confirme que je suis entouré d’une très large majorité de compatriotes prêts à travailler plus. Prêts à sacrifier leur temps libre pour gagner plus de quoi se rendre dans les magasins désormais ouverts le dimanche pour se payer les gadgets technologiques à la mode leur permettant de voir des films idiots et d’écouter de la musique immonde. Et je veux citer personne. Pourtant, mes amis, mes frères, bande d’emplâtres, le temps n’a pas de prix (croyais-je naïvement). Ainsi, aux « salisseurs de mémoire », je me permets de rappeler, comme je le fis voici quelques mois, les sages paroles des grands maîtres : 

La liberté, c'est toute l'existence,
Mais les humains ont créé les prisons,
Les règlements, les lois, les convenances
Et les travaux, les bureaux, les maisons.
Ai-je raison?
Alors disons:
Mon vieux copain, la vie est belle,
Quand on connaît la liberté,
N'attendons plus, partons vers elle,
L'air pur est bon pour la santé.
Partout, si l'on en croit l'histoire,

Partout on peut rire et chanter,
Partout on peut aimer et boire,
A nous, à nous la liberté!

A nous la liberté (René Clair - 1931)

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Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié.

L’envie a empoisonné l’esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes. Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent dans l’insatisfaction. Notre savoir nous a fait devenir cyniques. Nous sommes inhumains à force d’intelligence, nous ne ressentons pas assez et nous pensons beaucoup trop. Nous sommes trop mécanisés et nous manquons d’humanité.

Nous sommes trop cultivés et nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités humaines, la vie n’est plus que violence et tout est perdu.

 

The great dictator (Le dictateur - Charlie Chaplin – 1940)

 

Photographie : Wikipedia 

20/11/2007

John Ford au Mercury

Ce n'est pas sans un mélange de fierté et d'angoisse que je me prépare à présenter, ce vendredi 23 novembre 2007 20h30, au cinéma Mercury, à Nice, le reprise du film de John Ford, Sergeant Rutledge (Le sergent noir) dont je vous avait parlé ICI. John Ford en salle, c'est toujours le bonheur. La soirée est co-organisée par l'association dont je suis président, Regard Indépendant, et Cinéma Sans Frontières qui anime le ciné-club de cette salle. Si vous passez par là...
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12/11/2007

Faisons un rêve

Suite des listes improbables et futiles lancées par Pierrot avec quelques films dont je rêve. Dans la majorité des réponses, il a été question d'adaptations d'écrits, romans et pièces. Afin de faire mon intéressant, je vais privilégier des idées de film ne reposant pas, à priori sur de l'existant.

 

Je rêve d'un film sur la Commune, un peu dans l'esprit du film de Peter Watkins (ce qui tombe bien parce que ça ressort) mais avec de gros moyens genre Alamo version John Wayne. Quelque chose qui brasse les histoires individuelles et l'Histoire, comme dans les bandes dessinées de Tardi. Quelque chose d'épique et de déchirant avec Jeanne Balibar en Louise Michel, vareuse noire, poudre sur les mains et regard de feu. Qui pour faire ça ? Philippe Lioret survitaminé.

Je rêve que Steven Spielberg se décide à faire enfin un western. Un vrai, pas un de ces films avec cheveux longs et gras, cache-poussière « à la manière de » et gros flingues. Non, un film avec de grands espaces, des jeunes femmes en robes de coton frémissantes au vent sous les porches. Et puis des indiens et de la porcelaine bleue.

Je me suis toujours posé la question de savoir pourquoi les américain avec leurs deux cent ans d'histoire bien tassés ont nourri un cinéma si riche alors que notre bonne vieille France est infoutue de faire quelque choses de vingt siècles d'images mythiques. Par exemple Bonaparte au pont d'Arcole, illustré ci-dessous par Vernet. Ne me dites pas que ça ne vaut pas un plan de Walsh ou de Vidor. Alors pourquoi n'y a t'il, sauf erreur de ma part, aucun film sur la campagne d'Italie ? Gance s'est arrêté avant. Quelle histoire pourtant, quels personnages. De l'action, de la politique, de l'ambition, le rêve révolutionnaire et la trahison de l'idéal, du sexe puisqu'il paraît que l'amour entre Bonaparte et Joséphine était flamboyant, une époque de fièvre. Et ça ne ferait pas un film bandant ?

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Je rêve qu'Enzo G. Castellari retrouve Franco Nero pour l'histoire d'un pistoléro vieillissant mais à l'oeil encore sûr. Il retrouverait ses anciens compagnons dont Giuliano Gemma et Gianni Garko pour une ultime chevauchée. Pas de fantaisie dans le scénario : une histoire carrée avec retour, vengeance, vieille histoire familiale. Et du style, beaucoup de style.

Je rêve d'un nouveau film de Quentin Tarantino sur un tueur à gage italien trotskiste joué par Nanni Moretti. En vespa, le tueur, avec quelque chose de Suzuki dans l'esprit du film. Il faudrait aussi une héroïne belle et mystérieuse, assez classe dans le genre Téa Léoni ou Maggie Cheung.

Je rêve d'un film de Wong Kar-wai qui serait un film sur l'histoire d'un tournage. Si possible un tournage de film d'aventures dans lequel il montrerait toutes les ficelles du genre, lui qui en a bavé sur Les cendres du temps. J'imagine une histoire d'amour avec des dialogues entre elle et lui suspendus à des câbles au dessus du plateau. Ce pourrait être beau et très drôle.

J'aimerais bien que Terry Gilliam puisse enfin reprendre son Don Quichotte et le finir.

Je rêve aussi d'une comédie musicale et politique sur une musique de Noir Désir et qui ne s'agenouillerait pas devant les reliques de Demy. Quelque chose comme Dieu seul me voit en rock.

Deux adaptations, quand même, pour boucler, une des bandes dessinées de Joe Matt et La femme renard d'Abraham Merritt. Avec le bon metteur en scène, ça pourrait donner le Cat people moderne.

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23/10/2007

Des voies différentes

Contribution au Double bill blog-a-thon

Si l'on considère les filmographies de l'ensemble des réalisateurs italiens qui ont œuvré dans le cinéma de genre, on constate une similitude dans leurs passages successifs par le genre dominant du moment. Sur la trentaine d'années fastes de la fin des années 50 à l'orée des années 80, on peut découper des périodes assez précises durant lesquelles ont régné tour à tour la comédie, le western, le péplum, le film d'espionnage, le giallo, le film policier, le film coquin, le film politique, le film d'horreur et l'anticipation. Bon gré, mal gré, aucun réalisateur n'y a échappé. Un réalisateur du calibre de Sergio Léone a commencé par le péplum avant de se révéler dans le western pour finir producteur de deux westerns parodiques post-Trinita (on mettra de côté son ultime opus qui sort du cadre de notre champ d'étude).

On voit les limites d'un système qui amène un homme du talent de Enzo G. Castellari à commettre I nuovi barbari (Les nouveaux barbares – 1982). D'un autre côté, ce mouvement permet aux plus doués de se révéler au sein d'un genre, après un échec dans un autre, et de rendre éventuellement passionnantes leurs incursions dans des genres voisins. En évitant le cloisonnement, on ouvre des possibilités qui parfois se transforment, et parfois non. C'est la vie.

Illustration avec deux approches du western par deux réalisateurs passés à la postérité à travers leurs films fantastiques et horrifiques : Mario Bava et Lucio Fulci.

Directeur de la photographie à l'origine, Mario Bava a eu une influence majeure sur le cinéma fantastique, en matière d'éclairages, d'érotisme et de tueurs en gants noirs. Son utilisation de la couleur de façon inédite et baroque, son goût du macabre, sa façon de faire naître la peur, ont marqué durablement le genre et ont définit des règles suivies par Dario Argento, Antonio Margheriti et... Lucio Fulci. Ses incursions dans le peplum et la comédie psychédélique d'espionnage ont donné de belles réussites.

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Son ultime western, Roy Colt e Winchester Jack est un joli navet bien rond. Il paraît que Bava avait trouvé le script de Mario Di Nardo mauvais et qu'il avait espéré sauver le film en le tirant vers la parodie. A l'impossible, nul n'est tenu. Roy Colt e Winchester Jack lorgne à la fois sur Butch Cassidy and the Sundance Kid sortit l'année d'avant avec succès par Georges Roy Hill (Une femme, deux hommes et une musique entraînante) et sur Il buono, il brutto, il cattivo (Le bon, la brute et le truand) de Léone dont il démarque la structure autour d'une chasse au trésor. Hélas, le film de Bava enchaîne mollement les péripéties téléphonées, les gags lourdement étirés et laisse cabotiner sans retenue ses acteurs. Les deux héros, Brett Halsey et Charles Southwood rivalisent d'inexpressivité et se tapent dessus régulièrement comme deux collégiens. Le plus redoutable, terrible à en être fascinant, c'est Teodoro Corrà dans le rôle du méchant révérend, un russe socialiste, toujours enrhumé et adepte de la dynamite. Il est tellement caricatural que l'on croirait qu'il sort de l'album de Lucky Luke Le grand duc.

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L'ensemble manque terriblement de conviction et en comparaison, les films de la série Trinita sont nettement plus soignés et plus efficaces. Surnagent à ce naufrage la partition gentiment allègre de Pièro Umiliani, les allusions aux films de Léone avec le tueur à la grimace et le paralytique, quelques éclairages et effets où l'on retrouve la patte du maître (la grotte, l'utilisation des branches au premier plan, l'ambiance de la première scène avec ses jolis contre-jour) et puis surtout la pétulance et le regard de braise de la belle Marilù Tolo en indienne sexy qui semble porter sur ses partenaires (et le film) un regard amusé et ironique. Elle force l'un des héros à prendre un bain, tire juste et embobine tout le monde à la fin. Elle a bien raison.

Je suis souvent assez dur avec Lucio Fulci. Je trouve sa série de films horrifiques qui lui ont valu admirateurs et reconnaissance assez surfaits. Complaisants dans la violence graphique (ce n'est rien de l'écrire), ils sont souvent mal construits et Fulci dirige approximativement des comédiens médiocres. Le réalisateur compense ses manques par des scènes choc sadiques, que l'on peut juger gratuites et artificielles à froid. A chaud, elles font leur effet et Fulci a le sens du cadre et de l'ambiance. Une grande partie de son oeuvre est mal connue, occultée par cette période sanglante de 1979 à 1981. Pourtant, il tourne depuis 1959 et compte une soixantaine de réalisations dont plusieurs incursions dans le western. Si I quattro dell'apocalisse (Quatre de l'apocalypse- 1975) n'a pas été fait pour réviser mon jugement (scénario à trous, complaisance dans la violence, viol racoleur pénible), j'avoue mon enthousiasme pour Le colt cantarono la morte et fu... Tempo di massacro (Le temps du massacre), réalisé en 1966, son premier essai dans le genre.

La séquence d'introduction avec son mélange de cavaliers aristocratiques bien mis et de discrets cow-boys a quelque chose de bunuellien. La lumière et les chants d'oiseaux rappellent la première séquences de Belle de Jour. Et son soudain dérapage dans le sadisme. Un homme est sortit d'une cage et les chiens sont lâchés. La chasse commence. La suite comprend une belle idée de mise en scène : l'homme meurt déchiré par les chiens dans le lit d'une rivière et l'on suit son sang emporté par le courant. Celui-ci devient torrent dont le flux accélère et bouillonne aux accents de la chanson de Sergio Endrigo avant de rejoindre un groupe de chercheurs d'or parmi lesquels Tom Corbett joué par Franco Nero. Cette image aquatique permet de relier habilement Corbett à son antagoniste, Jason Scott joué par Nino Castelnuovo (oui, l'amoureux de Deneuve dans Les parapluies de Cherbourg). Par un lien de sang. La force du courant image le caractère irrésistible et violent de la vengeance que va exercer Corbett. Car vengeance il y a, l'un des thèmes piliers du western à l'italienne. Corbett revient au pays pour le retrouver sous la coupe de Scott père, gros propriétaire, tandis que son fiston fait régner la terreur. La famille Corbett a été dépossédée et le frère de Tom, Jeff, joué par Georges Hilton dans un registre qui rappelle le Dude de Dean Martin dans le Rio Bravo de Howard Hawks, s'est abîmé dans l'alcool et l'ironie. Comme on peut s'y attendre, Tom Corbett va remettre tout cela d'aplomb.

 

Le film ressemble beaucoup à Texas Addio, tourné par Ferdinando Baldi juste avant avec le même Nero. Même thématique de la vengeance, même culture méditerranéenne à base d'histoires familiales (pères indignes, fraternité, bâtards) et de réminiscence des tragédies antiques. Même personnage déterminé et quasi invincible, d'une rigidité d'esprit qui se traduit par son allure. Ici, Tom Corbett porte une veste en peau retournée qui lui fait comme une carapace. Mais le film de Fulci est supérieur en tout point à celui de Baldi qui était déjà pas mal. Il le doit en partie au scénario de Fernando Di Léo, tendu à l'extrême, sans temps morts, jouant habilement sur les deux images du frère : le « mauvais » psychopathe Jason et le « bon » ivrogne Jeff. Tous les deux ont une véritable épaisseur et surprennent tout au long du récit. Quoique sérieusement imbibé, Jeff saura montrer (aux limites du crédible) qu'il n'a rien perdu de son agilité de pistoléro.

Le film ménage aussi un aspect conte avec ce ranch baroque et luxueux (tourné dans la villa Mussolini) que tout le monde connaît mais que nul ne sait trouver, le voyage initiatique avec épreuves, les chasses à l'homme et ces personnages aristocratiques plus proches de Perrault que de Ford. Dernier atout déterminant, le traitement assez radical de la violence. C'est peut être le premier film où Lucio Fulci laisse éclater son goût pour le sadisme et les situations extrêmes. Non que le film soit plus violent au fond que certains Corbucci où Léone, mais il y met une froideur, une distance dans la mise en scène qui font ressortir la cruauté des actes. Le film est célèbre pour la scène quasi surréaliste où Tom, arrivé au ranch des Scott, est fouetté par Jason. Au-delà du motif de la lacération que Fulci reprendra maintes fois, il y a ces spectateurs en costumes blancs, ces chants d'oiseau, les sifflements du fouet et le temps qui se dilate. Tout contribue à rendre la scène glaçante. Mais il faut voir aussi la façon dont Corbett accomplit sa vengeance, tirant dans le dos, tirant à bout portant, impassible, impitoyable, tout aussi glaçant parfois que son bourreau. Il y a chez Fulci fascination maladive de la violence, mais dans ce film encore, il sait garder ses démons à distance.

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Et puis, c'est jusqu'ici le film le mieux dirigé de Fulci que j'ai vu. Nero est impeccable, Castelnuovo effrayant à souhait et Georges Hilton... Je commence à bien l'aimer, George Hilton (une opinion contraire ici). Urugayen élevé en Angleterre, il n'est pas terriblement expressif, mais décontracté, il a fait merveille en Sartana, Alleluja, Tresette et en pistoléro quasi parodique pour le premier western d'Enzo G. Castellari, Vado, l'ammazzo e torno(Je vais, je tire et je reviens) en 1967. Il s'est essayé à un registre plus dramatique dans Quei disperati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre despérados) en 1969 dont je vous avait entretenu ici, avec force louanges. Dans le film qui nous intéresse, il contraste parfaitement avec Franco Nero et je ne peux que le féliciter de s'être mis dans les pas de Dean Martin. Il y a de plus mauvaises références.

Si Mario Bava n'était visiblement pas motivé par ses incursions dans le western, il semble que Lucio Fulci y ait trouvé un terrain pour exprimer enfin des choses en lui profondes. Tempo di massacro est un jalon essentiel du genre et pour moi, si peu sensible à la tripe, son plus beau film.

Roy Colt e Winchester Jack

Le DVD

Sur DVDmaniacs

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Tempo di massacro

Photographie : Cinéma strike back

Le film sur le forum western movies

Le film sur Psychovision

Musique, affiche et images sur Spaghettiwestern

Le film sur Shobary's

Le film sur Syu-wa (affiches japonaises et superbes photographies)

05/10/2007

Cavaliers noirs et blancs

« La plupart des films sur lesquels j’écris très souvent, je ne les ai jamais revus depuis plus de vingt ans. » (Louis Skorecki dans un entretien aux Inrocks)

 

Je vais dons tenter l'expérience d'une nouvelle plongée dans mes souvenirs pour deux films de John Ford opportunément ressortis en salle en cette année faste pour les admirateurs du merveilleux barde borgne.

 

Je n'ai jamais revu Sergeant Rutledge (Le sergent noir) depuis une lointaine soirée familiale et télévisuelle. Largement plus de vint ans. Je dirais si l'on me pose la question que j'ai un bon souvenir de ce film. Mais de quoi me souviens-je ? Il faudrait déjà faire la part entre le souvenir réel de cette soirée et les éléments qui se sont ajoutés au fil des années, les photographies, les articles lus, les discussions. En essayant d'être le plus honnête possible, je ne me souviens de presque rien de ce film. Si je me rappelais qu'il était question d'un soldat noir accusé de viol, je ne me souvenais même plus que le film était construit autour d'un procès. Deux images, presque des sensations : un combat des « buffalo soldiers », ces unités de cavalerie composées de soldats noirs, avec les indiens, des chevaux, de la poussière qui tourbillonne, ces fameuses chutes très dynamiques des films de Ford. Ensuite, la scène de la gare. La jeune femme qui attend sur le quai dans une ambiance quasi fantastique, la nuit, la brume, et puis la silhouette du sergent joué par Woody Strode, immense et effrayant. Mais pourtant bienveillant. Et cette photographie du programme TV de l'époque (si vous avez aimé celle de mes héros chabroliens). C'est comme cela que l'on se crée des mythes. Et puis si je me force, me vient l'image de vieilles rombières fordiennes, Billie Burke et Mae Marsh sont de la partie. C'est tout. Ah ! Et la chanson du film, je me souviens d'un air, celui de la légende du Captain Buffalo. Ma mémoire l'a peut être déformé, je saurais ça quand je l'entendrais de nouveau.

« ...With a whoop and a holler and ring-tang-toe, Hup Two Three Four, Captain Buffalo, Captain Buffalo »

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Quand Ford réalise ce film, en 1960, entre deux superproductions à grandes stars, il fait l'un de ses « petits films » qui lui tiennent à coeur et estime sans doute n'avoir rien à prouver. Il aborde un sujet sensible en cette période de la lutte pour les droits civiques d'une façon à la fois personnelle et déroutante, traduisant bien ses propres contradictions dans la représentation des noirs au sein de son oeuvre. Pourtant, avec le recul, il donne à Woody Strode, ce magnifique acteur, ce splendide être humain, un rôle qui va bien au delà de ce qui se pratiquait alors chez des cinéastes « progressistes » comme Stanley Kramer ou Martin Ritt. Il fait de son sergent noir un héros authentique. Ce n'est pas la thèse qui l'intéresse mais le portrait d'un homme. « Il m'a filmé comme John Wayne, sur fond de Monument Valley » disait Strode. Chez Ford, la dignité n'est pas dans ce qui est dit mais dans ce qui est montré, dans la façon dont sont montrés même les plus humbles. C'est Muley dans Grapes of Warth (Les raisins de la colère), c'est le chef Poney-qui-marche dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque), c'est Cochise dans Fort Apache et c'est le sergent Braxton Rutledge.

Ce dernier paragraphe est bien sur issu de réflexions beaucoup plus récentes. Il reste à vérifier pour moi le vendredi 23 novembre puisque j'aurais l'honneur de présenter le film à Nice. Je vous en reparlerais.

 

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The horse soldiers(Les cavaliers), c'est une autre histoire. C'est le film juste avant Sergeant Rutledge, grosse production chère avec John Wayne et William Holden. Le film a mauvaise réputation. La fin du tournage s'est endeuillée de la mort du cascadeur Fred Kennedy, vieil ami de Ford, lors d'une chute de cheval à priori banale. Démoralisé, Ford arrêta le tournage et le film fut complété plus tard. Il est considéré comme une commande mineure. Le film est pourtant très fordien. C'est le récit d'un raid de cavalerie nordiste loin dans les lignes sudistes pendant la guerre de sécession. On y trouve les thèmes du nord et du sud, le devoir, le sentiment d'échec, l'histoire d'une nation déchirée mais réconciliable, et la relativité de l'héroïsme. Le colonel joué par Wayne passe son temps, comme le capitaine de She wore a yellow ribbon, à chercher à éviter le combat au maximum. Ce film je l'ai revu plusieurs fois récemment. L'autre jour, c'était après avoir écouté l'émission de France Culture que m'avait envoyé 4roses (que je remercie encore) et où l'on disait son admiration pour le film, chose peu commune. J'ai été frappé à cette nouvelle vision de voir comment les plans du film étaient organisés autour des arbres. La photographie superbe de William Clothier est une succession de paysages dont le calme et la sérénité contrastent avec l'agitation des hommes. Pas un plan en extérieur qui ne mette en valeur arbres et branches, ces mille tonalités de vert si reposant, un sentiment d'éternité.

J'ai vu ce film très jeune. A l'époque, il suffisait qu'il y ait des cavaliers bleus dans un film pour que je m'enthousiasme. Les arbres, à l'époque, ne m'avaient pas marqué je pense. Le sentiment d'éternité non plus. Je me souvenais surtout de la scène du début que j'ai longtemps confondue avec la première scène de The undefeated(Les géants de l'ouest), un western de Andrew McLaglen, fils de son père Victor. A y repenser, ce n'est pas étonnant puisque McLaglen a tout (mal) pompé sur Ford. Je me souvenais aussi de la séquence de la charge des cadets. A un moment, pour retarder l'avance des nordistes, une troupe d'enfants de 12 à 16 ans s'avance en rang bien ordonné et charge. Wayne, bien sûr, ne fait pas tirer dessus et la scène finit par une dispersion bouffonne bien dans le ton humoristique de Ford. Je suppose que je m'identifiais un peu aux cadets. Je me souvenais enfin de l'amputation, vers la fin, d'un soldat. J'ai toujours été sensible aux scènes d'amputation dans les films. Ford et Hawks ont réussi de belles choses sur ce motif. C'est tout. Mais comme pour le film précédent, cela a suffit pour que ces films restent gravés en bonne place dans ma mémoire encombrée de cinéphile.

D'autres peuvent à nouveau les graver, puisque les deux films ressortent en salle, ô bonheur, et je signale un charmant article sur le sujet par Pierre Berthomieu dans le dernier numéro de Positif.

Affiche : Carteles 

Sergeant Rutledge par Skorecki 

The horse soldiers par Tepepa 

30/09/2007

Luis Bunuel, une galerie

Bunuel Blog-a-thon 

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Source : l'indispensable Carteles 

01/09/2007

Mood critique

J'avoue avoir été un peu surpris devant certaines réactions plutôt négatives sur le nouveau film de Claude Chabrol, La fille coupée en deux. Les goûts ne se discutent pas et toutes les opinions un tant soit peu argumentées sont recevables. Néanmoins, quand on se mêle d'écrire sur le cinéma, on a envie de faire partager ses enthousiasmes, de convaincre, de donner envie, et l'on reste souvent ennuyé devant les critiques, les réticences, les rejets. Avec le temps, je sépare les films dont je parle en deux catégories :

Il y a ceux dont je sais par quel angle ils peuvent déplaire, dont je comprends et accepte par avance les opinions contraires. Celles-ci me stimulent et je mets d'autant plus de coeur à défendre le film que je sais comment il sera attaqué. Je comprends que l'on soit hermétique au western italien et récemment, je m'attendais à ce que Ne touchez pas la hache de Jacques Rivette n'enthousiasme que peu de monde. C'est la vie.

Et il y a ceux pour lesquels j'ai l'impression (naïve peut être) qu'ils sont susceptibles d'emporter un large consensus par leurs qualités propres mais aussi par un pouvoir de séduction que je pense détecter, apte à toucher des personnes très diverses. Je reste ainsi des plus perplexe quand je tombe sur une critique négative du Rio Bravo de Hawks (au hasard !). Là, je renâcle un peu. Je me dis que le gars est passé à côté du film ou alors, c'est moi qui perseverare diabolicum. Dans le cas de Rio Bravo, je me suis exonéré depuis longtemps, dans d'autres cas, ça m'amène à cogiter, voir et revoir le film pour éventuellement procéder à une révision déchirante.

Dans le cas du nouveau Chabrol, je situerais le film plutôt dans la seconde catégorie. Chabrol a une carrière conséquente avec des hauts et des bas mais il m'a semblé évident que La fille coupée en deux faisait partie des plus hauts. J'ai donc découvert avec surprise des critiques que j'aurais pu partager sur d'autres films comme Merci pour le chocolat ou La fleur du mal. Je dois donc me méfier de mes évidences.

Pourtant, l'un des articles qui m'a le plus déplu, c'est la critique de Alexandra Schwartzbrod pour Libération (lien), qui parle de tout sauf du film et surtout pas de sa mise en scène, enfile quelques lieux communs et adopte un ton condescendant pénible. Chabrol fait un nouveau film dans le milieu des puissants de province ? Et alors ? Combien de westerns Ford a-t'il fait à Monument Valley ? Ce genre d'argument me rappelle toujours ma grand-mère qui n'aimait pas les westerns avec cette forte maxime : « C'est toujours la même chose, ils ont des chapeaux et des chevaux ». Paix à son âme. J'étais parti pour faire un long commentaire de texte sur cette critique mais comme j'ai attrapé une tendinite du clavier, ça sera pour une autre fois. Ceci posé, que Ed Sissi ne prenne pas ce qui précède pour lui. Son commentaire et ses réserves (intéressant le rapport à Lynch) sont à cent lieues des poncifs critiques de madame Schwartzbrod. Je profite donc de l'occasion pour lier son blog Nightswimming et vous en recommander la lecture.

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09/08/2007

Cactus et estivales

C'est en pleine chaleur du mois d'août que mon ami Philippe Serve s'est décidé à ouvrir son blog : A l'ombre du cactus flottant. Philippe est une figure majeure des cinéphiles niçois. Animateur notamment du ciné club de l'association Cinéma Sans Frontières qui a ses quartiers dans le cinéma Mercury. Passionné et passionnant, c'est une encyclopédie vivante avec une prédilection pour le cinéma asiatique. Je me souviendrais toujours de sa présentation de la carrière d'Akira Kurosawa avant la projection de Ran. Pas une note et pas une hésitation pour évoquer l'intégrale de la filmographie du maitre. Il réservait jusqu'ici ses textes pour son site Écrans pour une nuit blanche et pour le site de CSF. Avec lui, c'est un critique émérite qui se met au blog, commençant par rendre hommage à Bergman, Serrault et Antonioni.

 

Antonioni, puisque l'on en parle, j'avoue n'avoir pas trop su quoi en dire. Historiquement, on peut en dire la même chose que de Bergman, il représentait une façon de faire du cinéma qui aujourd'hui est devenue trop rare. Mais d'un point de vue personnel, il fait partie de ces quelques grands metteurs en scène auxquels je suis resté hermétique. Presque. Ni l'Avventura, ni l'Eclisse ne m'ont touché et je m'y suis ennuyé ferme. J'étais resté assez perplexe devant Zabriskie point, d'autant que je cherchais le passage dans lequel apparaissait Harrison Ford avant d'apprendre que sa prestation dans une cabine téléphonique avait été coupée au montage. Reste le fait curieux que j'ai programmé en ouverture des Premières Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice en 1999 la version restaurée de son premier film, Cronica di un amore, tourné en 1949 dans les studios de la FERT de Turin. J'ai le souvenir d'un magnifique noir et blanc et d'un film qui m'avait captivé alors que, organisateur, je n'étais absolument pas réceptif. J'espère revoir ce film un jour. L'an dernier, j'ai également découvert, enfin, l'indispensable Blow up. Conquis, je me dis que l'essentiel de l'oeuvre de ce cinéaste me reste à explorer.

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Kurosawa, puisque l'on en parle, sera l'objet d'un blog-a-thon le 15 novembre 2007 proposé par Squish, ce qui nous laisse du temps pour cogiter. J'ai loupé celui autour de John Huston, je serais sur le pont pour celui-ci.

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Machiavelli, Nicoletta de son prénom, puisque l'on en parle sur Dollari Rosso, est l'une des plus belles actrices du western italien. Elle est entre autres Maya, la mystérieuse héroïne de Una lunga fila di croci (Une longue file de croix – 1969) réalisé par Sergio Garrone et apparait chez Corbucci, Valerii et Sollima. Elle a également une jolie carrière en France chez Zulawski, Lelouch et Lautner. Un lien en italien pour une vue plus complète.
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Un dernier lien puisque l'on en parle pas. Un article du New York Observer : « I'm hard to get, John T. » de Peter Bogdanovich sur le film des films, Rio Bravo. Le texte m'a rempli d'une telle excitation que le soir même je revoyais le film dans un total état d'extase et je me suis promis de finir, enfin, un long texte commencé il y a au moins deux ans et toujours en chantier.

Photographies : Ciné-club de Caen et capture DVD Minerva

30/07/2007

Tristesses

 

29/07/2007

Jeux de mains

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Se sei vivo, spara (Tire encore si tu peux - 1967) de Giulio Questi
Capture DVD Seven 7
Le DVD
 

26/07/2007

Un plus un

En hommage à Edward Yang récemment disparu, j'ai retrouvé ce texte écrit à l'époque de la sortie du film, pour l'émission de radio que j'animais alors :

Yi, ça veut dire «1» en taïwanais. Et Yi-yi veut dire « individuellement » ou «1 + 1». Beaucoup de choses dans le film d'Edward Yang, qui a reçu le prix de la mise en scène à Cannes, renvoient à ce motif de la répétition. Les personnages s'appellent Ting-ting, Min-min, Yang-yang ou Yum-yum. Ne riez pas, il y en a bien qui s'appellent Roger. Vous me direz : « Quel est le rapport ? », je n'en sais rien.

Yi-yi est un film taïwanais et le quatrième de son auteur. Mais les trois précédents sont plutôt mal sortis quand ils ne sont pas restés complètement inédits chez nous. C'est fort dommage à découvrir Yi-Yi, une œuvre ample, près de trois heures de film et des dizaines de personnages, et forte.

C'est l'histoire d'une famille, ou plutôt de chacun des membres d'une famille sur une période d'environ six mois. C'est surtout une réflexion sur la vie et ses différents âges : enfance, adolescence, âge mûr et vieillesse. Une réflexion qui débouche sur un constat plutôt amer. NJ, le père, a l'occasion de revivre l'amour de sa jeunesse et peut être de tout recommencer. Pourtant, il l'avouera peu après à sa femme, il ne saisira pas cette seconde chance et poursuivra sa vie ordinaire. « Pourquoi je refais toujours les mêmes erreurs » dit un personnage. Visiblement, ce que l'on apprend avec ce que l'on appelle l'expérience, c'est que l'on apprend rien. Encore plus, on est bien incapable de transmettre cette connaissance ténue. Je parlais de motifs de répétition, de parallélismes dans le film. Au moment ou NJ s'offre une escapade japonaise avec son premier amour, sa fille, adolescente timide, vit une expérience similaire avec un jeune garçon quelque peu perturbé, et qui s'achèvera sur le même échec.
Le constat d'une vie où l'on fait ce que l'on peut, la femme de NJ lui expliquera dans une scène émouvante, mais il sera même incapable de la réconforter. Il devait, à son tour, faire sa propre expérience.

Si j'ai été sensible à ce thème, ce n'est pas le seul et ce n'est pas la seule tonalité du film. Le fils de NJ, c'est Yang-yang, un petit garçon joué de façon assez extraordinaire par Jonathan Chang. NJ veut intéresser son fils à la photographie et l'enfant décide de s'en servir pour montrer aux gens ce qu'ils ne peuvent pas voir. Métaphore du cinéma certes, Yang-yang va donc photographier les nuques des gens pour leur révéler leur face cachée. Et ainsi, il leur rend leur unicité. Face visible / Face cachée, 1 + 1. Le pouvoir de l'image et du cinéma, encore une belle idée. Et puis le film est drôle. Pas toujours, le premier déclencheur est quand même la grand-mère qui fait une attaque et reste dans le coma. Mais le film possède l'humour du quotidien que l'on trouve chez des réalisateurs comme Ozu ou Kitano. Les scènes de l'école par exemple sont franchement hilarantes, comme le personnage du beau-frère (enfin, jusqu'à sa tentative de suicide !). Le rire, les larmes, l'amour, la mort, le mariage, les compromis, les rêves, la spiritualité, Yi-yi est un grand film sur l'humanité, une tranche de vie à Taïwan en 2000 qui touche à l'universel. Une tranche de vie, que Hitchcock m'excuse, qui vaut bien des tranches de gâteaux.

Le site du film 

Belle critique sur le site de Philippe Serve 

Le DVD 

19:00 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : edward yang |  Facebook |  Imprimer | |

09/07/2007

Finale

John Ford Blog-a-thon

Ici s'achève ce John Ford Blog-a-thon. J'avais prévu de terminer par un article sur l'héritage fordien, notamment dans le cinéma de Steven Spielberg, une idée que j'avais déjà abordée lors de la sortie de Munich (voir ICI), mais je n'ai pu aboutir à un texte satisfaisant aussi je reporte la publication ces considérations essentielles (forcément). Je tiens à remercier ceux qui ont participé :

Blogart (la comtesse)

Le Ciné-club de Caen

Le bon Dr Orlof

Cinébeats

Sonic Eric

Peter Nellhaus du blog  Coffee, coffee and more coffee

Et les deux petits bonus sur l'Hispaniola et Cher Nanni 

Et sur le fil, comme la cavalerie qui arrive juste à temps, Tepepa sur l'immense Stagecoach. Les autres notes sur les westerns de Ford méritent aussi le détour.

Je rappelle le lien sur la Rétrospective Ford du festival de La Rochelle qui s'achève aujourd'hui. Et je vous annonce la ressortie début septembre de Sergeant Rutledge (Le sergent Noir – 1960) par Bisrepetita.

Je remercie aussi et surtout les lecteurs et commentateurs, en particulier 4roses dont les analyses pointues et passionnées ont été un grand plaisir tout au long de ces dix journées. Il est temps pour moi de souffler un peu et de vous laisser souffler aussi de risque de lasser. Mais je reviendrais sur Ford, j'y reviens toujours.

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08/07/2007

Motif : lazy line

John Ford blog-a-thon

 

La « lazy line » désigne dans la culture des indiens Navajos, une erreur volontaire dans la trame des tapis pour casser la continuité trop parfaite du tissage. Cette rupture signifie l'impossibilité de la perfection dans une oeuvre humaine. Ford, la légende le dit, était chef honoraire des Navajos qui ont maintes fois joué pour lui dans les ocres de Monument Valley. Cette philosophie de la « lazy line » ne pouvait manquer de séduire celui qui savait si bien changer de ton d'une scène à l'autre. Le motif parcours l'ensemble de The Searchers (La prisonnière du désert en 1956). Motifs visuels, irruptions dans le champ, cadrages, symboles (le chef comanche s'appelle Scar, cicatrice, en écho à la cicatrice intérieure d'Ethan Edwards), mais aussi brusques ruptures dans la narration, comme la blessure aux fesses du révérend après le sommet d'émotion du geste d'Ethan envers Debbie, et le contraste entre les somptueux extérieurs et les décors de studio revendiqués tels. (Je n'ai pas trouvé ça tout seul, il y eu un livre très précis sur le sujet : La Prisonnière du désert, une tapisserie navajo de Jean Louis Leutrat).

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Photographies : capture DVD Warner 

 

 

07/07/2007

Impetuous ! Homeric ! - Partie 2

Le moteur érotique de The quiet man, c'est l'interaction entre ces deux corps. Quelle phrase. Mais cela prend en compte la diversité de ces interactions, en particulier la douce violence au sein du couple. Il l'attrape au vol, elle tente de le gifler plusieurs fois, il lui donne une tape sur les fesses (Fais comme si c'était pas grave dira Jason Robards à Claudia Cardinale chez Léone), elle le menace d'un fouet, Il la lance sur le lit et, pour finir, il y aura la longue et anthologique scène où il la ramène de la gare à son frère avec au passage un coup de pied aux fesses qui aura fait grincer bien des dents. Il faut noter qu'aucun de ces gestes ne se résout en tragédie (Les gifles sont contrées, il accepte de dormir dans le salon), que quand on se bat chez Ford c'est souvent entre amis et que cette violence est partagée dans le sens qu'il ne s'agit pas d'exercer une domination. Elle n'est pas différente de celle de la bagarre finale qui n'est qu'une forme de réconciliation (virile, certes) entre Thornton et Dananher frère. Bien sûr que c'est irréaliste, dans la vraie vie on se bat rarement pour rire, en couple ou entre amis sauf les enfants. Mais nous sommes au cinéma, alors cela se pratique entre armée et marine, entre cavaliers, entre irlandais, entre mari et femme. Question de tempérament. Question de comédie aussi, la référence du film, c'est La mégère apprivoisée de William Shakespeare.

Dans le cas présent, on comprend vite qu'il ne s'agit que d'une autre façon de s'étreindre et le premier échange d'horions se transforme vite en baiser passionné. Comme à l'issue de la « promenade de santé », Mary Kate peut accepter le compromis avec Sean et lui ouvrir la porte de la chaudière dans laquelle il balance l'argent de la dot. Et puis repartir, fière, le regard une nouvelle fois plein de désir, s'étant affirmée comme femme et épouse au vu de tous après que lui se soit affirmé comme homme et mari respectueux de ce que cela signifie à Innisfree. Le dernier plan du film, après que l'ensemble des acteurs ait salué comme à la scène, montre nos deux époux devant leur cottage. Mary Kate murmure quelques mots à l'oreille de Sean qui prend un air étonné comme seul Wayne en était capable. La légende veut que Maureen O'Hara n'ait dit qu'à John Ford ce que serait sa réplique, sans doute à la hauteur de son franc parlé. Les deux John ayant disparu, la rousse sublime ayant décidé d'emporter le secret dans la tombe, nous sommes libres d'imaginer de quelle façon Mary Kate entraîne Sean vers White O'morn' pour y rattraper le temps perdu.

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De gauche à droite: Francis Ford, John Wayne, Victor McLagen, John Ford et Barry Fitzgerald (assis)

Si la dimension de comédie érotique est essentielle, il ne faudrait pas qu'elle masque les autres richesses du film. Comme dans plusieurs de ses oeuvres de la même période, John Ford exprime dans The quiet man un idéal de vie. Celui de la petite communauté comme les mormons de Wagonmaster ou la petite ville de The sun shine bright. Des communautés avec leurs préjugés mais finalement ouvertes, une ambiance 1900, dans lequel la voiture est rare, la grande ville et l'industrie lointaines, la vie harmonieuse et où le temps s'écoule avec douceur. Une utopie. Caractéristique est le traitement de la religion dans ce film. Ford, on le sait était un catholique bon teint. Dans un pays où la question religieuse est si sensible, il se paie le luxe de montrer des communautés apaisées et vivant en bonne entente. Prêtre (Ward Bond) et pasteur (Arthur Shields) complotent ensemble à réunir les amants. Et au final les nombreux catholiques se feront passer pour des protestants pour conserver son poste au pasteur. Et Ford va plus loin. A ces religions modernes et monothéistes, il mêle de nombreux signes de croyances anciennes et d'esprits naturels. Ainsi comme on l'a noté, la façon dont les éléments interviennent aux côtés des personnages : la tempête aux moments de passion, la pluie sombre lors de la tentative de demande en mariage, le vent lors de la course de chevaux, le feu au coeur du foyer. Et puis il y a ce vieux saumon traqué par le père Lonergan, véritable esprit de la rivière. Et la réplique de Michaleen Oge Flynn « Homéric ! » abusé par l'état du lit nuptial. Et cette façon d'évoquer la moderne Amérique et les aciéries de Pittsburg (Dans une fournaise si chaude que l'homme en oublie sa crainte du feu éternel). Cet ensemble de croyances cohabite sans heurt, harmonieuses au sein d'une nature irlandaise puissante et bienveillante. Innisfree est bien une terre de conte de fée, si proche et si lointaine.

Ford en accentue le côté irréel avec la narration assurée de façon intermittente par Ward Bond, le contraste entre les somptueux extérieurs irlandais et les décors de studio travaillés de façon expressionniste (le cottage, le cimetière, le ring) et qui ne cherchent pas à cacher ce qu'ils sont ; la mise en scène qui travaille le côté théâtral des situations (la course de chevaux, la bagarre finale, le mariage) avec le décor envisagé comme une scène, les figurants comme spectateurs de l'action et ses rituels quand Flynn met en scène la demande en mariage, la cours ou la bagarre finale. Il faut aussi mentionner l'utilisation de la musique, partition enlevée de Victor Young basée sur des airs traditionnels, qui est alternativement extérieure et intégrée à l'action. Pour Ford, enfin, ce retour sur la terre ancestrale se traduit par un retour au cinéma des origines, le muet. A plusieurs reprises le son est délaissé pour la pure expression visuelle comme dans la scène du tandem. On y voit Wayne parler, mais on ne l'entend déjà plus. Seul compte alors l'attitude de Maureen O'Hara qui l'entraîne dans la course poursuite au milieu des champs où l'image est reine.

Cette philosophie de vie, c'était celle que Ford recherchait dans l'exercice de son métier et la clef de sa conception du cinéma. Le tournage de The quiet man a été une histoire familiale et de belles vacances d'été. Son frère Francis Ford, qui le fit venir à Hollywood au milieu des années 10, joue le truculent Dan Tobin, le patriarche ressuscité par la « réconciliation » finale ; Maureen O'Hara y joue avec ses deux frères Charles Fitzsimons et James O'Hara ; John Wayne était venu en famille et quatre de ses enfants sont dans le film (autour de O'Hara lors de la scène de la course). On retrouve évidemment l'essentiel de la troupe à Ford : Ward Bond et ses cannes à pêche, Ken Curtis avec son accordéon, Mae Marsh, Arthur Shields et son jeu de puce, Mildred Natwick vieille fille comme bientôt chez Hitchcock, Sam Harris en général sourd ; et l'immense Victor McLaglen. La touche locale au film est achevée par les prestations de plusieurs acteurs de la fameuse troupe des Players from the Abbey Theatre Company en personnel des chemins de fer, piliers de bar et petites gens d'Innisfree. Barry Fitzgerald en est le plus illustre représentant dans l'inoubliable rôle de Michaleen Oge Flynn. Comme il le dit : «la nuit est claire et fraîche, j'ai envie d'aller rejoindre mes amis et discuter politique ». Il est sur un petit pont de pierre avec Wayne, non loin du cottage. On entend la rivière en dessous et le vent du soir. C'est un moment doux et précieux.

Pistes

le DVD

Un magnifique article en anglais par William C. Dowling

Un article sur DVDclassik

La fiche sur le Ciné-club de Caen

Un article en anglais sur Speakeasy.org

Un article en anglais sur filmsite

Un article en anglais sur Reel Classics

Le Quiet man movie club

Le site du village de Cong (à visiter un jour)

Photographie : © Connacht Tribune Group

06/07/2007

Motif : comédie musicale

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Source : captures DVD Montparnasse

05/07/2007

Impetuous ! Homeric ! - Partie 1

Ford aimait à décrire The quiet man (L'homme tranquille) comme « Une histoire d'amour entre adultes ». Le cinéma de Ford a de nombreuses qualités et sa sensibilité vibre pour de nombreux aspects de la vie humaine. Mais il est bien difficile de le reconnaître comme un cinéaste à l'érotisme exacerbé malgré de notables efforts avec Joanne Dru ou Ava Gardner. Ses films regorgent de femmes sublimes, mères courageuses, épouses dévouées, jeune filles en fleur, prostituées au grand coeur, institutrices, bonnes soeur, aristocrate sudiste et même doctoresse dans l'ultime et féminin Seven Women (Frontière chinoise en 1966). Mais au contraire de ses pairs, disons Hawks ou Hitchcock, Ford ne leur permet pas de dégager beaucoup de sensualité. L'exception, c'est bien sur le film qui nous intéresse et qui constitue, dans son oeuvre, un cas. Le cas typique du film atypique, de ce projet aux résonances intimes que l'on porte des années et qui se fait enfin, envers et contre tout et qui, miracle renouvelé du cinéma, rencontre le public, les honneurs (oscar à la clef) et finit par marquer durablement une carrière. Le genre de film qui permet, quand on en connaît l'histoire, de se dire qu'il y a une justice en ce bas monde.

Ce n'est peut être pas un hasard si Ford s'intéresse à l'histoire de Maurice Walsh, The quiet man (parue dans le Saturday Evening Post en 1933) en 1936, alors qu'il est, dit-on, très amoureux de Katharine Hepburn qu'il dirige dans Mary of Scotland. Il en achète les droits et tente de monter le projet. Malgré son statut et sa statue (l'oscar pour The informer), il échoue à intéresser un studio à ce qu'ils appellent (les cons !) « Une stupide petite histoire irlandaise ». Le temps passe, la guerre survient, Ford ne désarme pas et convainc dès 1945 Maureen O'Hara qu'il a dirigé dans How green was my valley (Qu'elle était verte ma vallée en 1941) et John Wayne se s'engager dans le projet. O'Hara racontera volontiers à quel point elle sera impliquée dans la conception du film, tapant elle-même à la machine les différentes version du scénario de Franck S. Nugent sur le yacht de Ford, l'Araner. Les studios restant difficiles à convaincre, O'Hara plaisantait le réalisateur en lui disant qu'au train ou allaient les choses ils seraient, elle et Wayne, bientôt trop vieux pour le jouer. En fin stratège, Ford, au vu du succès de ses deux premiers westerns autour de la cavalerie américaine, finit par convaincre Herbert J. Yates de la petite Republic Pictures de faire le film en échange d'un autre western. Ce sera Rio Grandeen 1950, dont Ford se sert pour tester son couple vedette (voir ICI). Le test étant concluant côté sensualité au-delà de ses espérances, il prépare activement le tournage qui a lieu l'été 1951 autour du village de Cong (près de Galway) en Irlande même, pour une sortie en 1952 et un succès public comme critique, oscars à la clef pour Ford et son fidèle chef opérateur Winton C. Hoch.

The quiet man est un conte de fée merveilleux, sensuel et unique. Le voir en 2007 est presque douloureux tellement il ressemble à l'évocation d'un paradis perdu. Sergio Léone, qui a dit parfois des conneries, rejetait le film pour son irréalisme politique. Comment parler d'Irlande sans parler d'IRA ? Mauvaise version italienne ou distraction ? Le film est bourré d'allusions (le grand père déporté en Australie, certaines chanson, les deux ex-officiers, le toast...) et il y même une citation littérale de l'IRA (le Sinn Féin en VF). Mais tout cela n'est pas très important, Sergio. L'Irlande de Ford est un territoire de cinéma, comme Monument Valley, dans lequel le réalisateur a mis beaucoup de lui même, de ses origines, de sa propre légende. L'Irlande de Ford est un territoire de la sensualité et son film, le seul de sa longue carrière, est l'un des plus érotiquement émouvant qui soit.

Qu'est-ce que The quiet man ? L'histoire de Sean (John) Thornton qui débarque de Pittsburg (Massachusetts, USA) dans son village natal d'Innisfree pour y refaire sa vie sur la terre de ses ancêtres. Il y croise Mary (prénom de la mère de Ford) Kate (Hepburn) Danaher qui porte un jupon rouge et garde ses moutons. Ils tombent raides amoureux l'un de l'autre au premier regard. Mary Kate est rousse et attachée aux traditions. Elle doit obtenir l'accord de son frère pour se marier mais celui-ci a un mauvais premier contact avec l'américain. D'où problèmes, complot, mensonges, drame et comédie, mais vous connaissez le film aussi bien que moi.

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The quiet man, c'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui ont une envie irrésistible de coucher ensemble mais qui doivent pour ce faire lutter, lui contre un lourd passé, elle contre une lourde éducation. Plus complexe, fordien, ils doivent concilier harmonieusement leur pulsion sexuelle avec leur être profond. Sean n'entend pas renoncer à son mépris de l'argent (Vous connaissez combien de films où l'on brûle de l'argent avec tant de naturel ?) et doit accepter ce qu'il est profondément, un homme dont le métier est de se battre (Boxeur pour ceux qui ont le bonheur d'avoir encore à découvrir le film). Mary Kate n'entend pas renoncer au respect des traditions irlandaises, notamment en matière de dot, car elle sait que c'est à travers cela qu'elle peut s'affirmer comme femme et s'épanouir pleinement comme épouse. Elle a des mots magnifiques pour exprimer ce que cela représente pour elle, ce qu'elle porte de rêve et d'espoir. Et son regard lorsqu'elle chante « Innisfre » est une merveilleuse expression de féminité. Leur problème, le moteur du film, c'est qu'ils doivent s'apprivoiser. Apprendre à se respecter et à s'accepter. Et le faire sans se laisser déborder par leurs sens. Rarement dans un film le désir a été aussi clairement montré. Dès qu'ils sont face à face, Sean et Mary Kate déchaînent les éléments (la tempête dans le cottage, l'orage dans le cimetière). John Wayne et Maureen O'Hara dégagent une sensualité d'autant plus forte qu'elle est soigneusement enchâssée dans la vison poétique de Ford. Celui-ci s'est véritablement investit dans son histoire au point de violenter sa nature. Harry Carey Jr raconte comment, sur Rio Grande, il avait repoussé jusqu'au dernier moment la scène du baiser entre Wayne et O'Hara. Wayne pestait : « Il déteste diriger les scènes d'amour ». Dans The quiet man, j'en suis à me demander comment certaines choses ont pu passer la censure de l'époque. En finesse.

Dès le premier regard, c'est le coup de foudre. Sean découvre Mary Kate en fille sauvage, gambadant au milieu de ses moutons. Ford donne le ton avec ce jupon rouge vif et ce premier regard explicite de la jeune femme. Les regards de Maureen O'Hara dans ce film sont tous aussi suggestifs les uns que les autres. Elle donne l'impression de dévorer Wayne des yeux et Ford, comme Hawks plus tard, utilise le contraste entre la franchise sexuelle de son actrice avec le côté ingénu de l'acteur. Il est toujours réjouissant de voir Wayne embarrassé par une femme. L'autre élément déterminant, c'est le lien qui est fait entre les sentiments et la nature somptueuse. La passion obéit ici à un ordre naturel supérieur à celui de la société, religion ou tradition.

La seconde rencontre, Ford s'amuse justement à la situer à l'église pour bien indiquer que cette passion ne respectera rien. La scène la plus torride ce sera donc dans le cimetière. Le coup du bénitier, ou Sean transgresse ingénument les règles en présentant l'eau bénite à Mary Kate qui accepte la transgression avec l'eau, est explicite. La force du film est de montrer ce geste comme s'ils s'étaient roulé un patin en public. Pour le passage à l'acte, il en faudra plus. La première étreinte, c'est la fameuse scène du cottage, devenue une icône du cinéma. Elle est filmée comme une scène de cinéma fantastique (et ressemble beaucoup à l'arrivée de Claudette Colbert dans la ferme de Henry Fonda dans Drums along the Mohawks tourné en 1939). Le vent souffle en tempête, les volets battent, la lumière est crépusculaire, caverneuse, primitive. Ford déchaîne le monde qui se met au diapason des corps. Et ces corps sont filmés comme dans une comédie musicale, forme qui a brillé à exprimer la sensualité. Et toutes les scènes entre les deux amants, bientôt époux, sont ainsi très précisément travaillées au niveau des gestes et des déplacements. Et la grâce de Wayne, son fameux balancement des hanches, fait merveille. Il la fait surgir de sa cachette, elle tente de sortir, il la rattrape par le bras et l'attire vers d'un mouvement aussi ample qu'irréaliste. Est-ce que ce n'est pas une figure vue avec Fred Astaire et Ginger Rogers ? Comme la scène de la cours officielle. Leur façon de marcher ensemble puis de s'enfuir brutalement pour s'emparer du tandem rappelle la scène de Central Park entre Astaire et Cyd Charisse dans The band Wagon (Tous en scène – 1953 de Vincente Minelli). Le couple s'harmonise avant de se libérer à travers la course / la danse. Plus loin, il y a ce plan magnifique où elle retire ses bas qui valent bien les gants de Rita Hayworth, puis ils ont une façon de se courir après toujours très chorégraphique. Tout comme la façon dont ils retirent, l'un après l'autre, leurs chapeaux.

Le grand moment érotique, c'est bien sûr cette scène du cimetière. Là ils sont enfin seuls. La tension est à son comble car nous savons que l'on peut s'attendre à tout de la part d'un couple aussi amoureux (enfin dans les limites hollywoodiennes, hein). Après un échange verbal brillant dans la tradition de la comédie sophistiquée, Ford ramène son cinéma à l'expression originelle du muet et de la pure expression corporelle. Le premier baiser déchaîne à nouveau le vent et l'orage dans ce cimetière irréel surgit d'un profond passé. Les corps sont à nouveau dirigés au millimètre pour un moment de pure magie qui montre le désir de Mary Kate et la candeur solide de Sean. Ce qui est très fort, très osé quand on y pense, c'est que l'érotisme passe plus par le corps de l'homme que par celui de la femme. Combien de réalisateurs on plus ou moins savamment déshabillé leurs actrices ? Combien ont utilisé plus ou moins élégamment l'érotisme de l'eau en mouillant leurs chemisiers ? Ford, lui choisit de mouiller la chemise de Wayne, ce qui est dans la logique de la scène (il lui a donné sa veste pour la protéger de la pluie) et permet de mettre l'accent sur le désir féminin d'une façon assez inédite. On notera que c'est par ailleurs la femme qui dirige la chorégraphie du sentiment et que l'homme la découvre, l'accepte et y répond. « Et c'est à travers ces lourdes gouttes d'eau que battent les coeurs ».

(à suivre)

Photographie de l'affiche : collection personnelle.

04/07/2007

Jeunes années

John Ford Blog-a-thon

 

Quel bonheur ! La plupart des films courts de Ford sont perdus ou difficilement visibles. Celui-ci, signé Jack Ford, date de 1919 pour la Universal. By indian Post, aussi connu sous le titre The love letter a été édité dans les excellentes compilations Retour de flamme (volume 5). Mis en ligne par un cinéphile espagnol.

 

03/07/2007

Souvenirs

John Ford blog-a-thon

 

La compagnie des héros

par Harry Carey Jr

Edition des Riaux

Il n'est pas forcément facile de mettre immédiatement un visage sur le nom de Harry Carey Jr. Mais que l'on voit ce visage et l'on se rappelle l'avoir croisé plus d'une fois aux côtés de John Wayne sur les pistes de Monument Valley. Harry Carey Jr a fait partie de la « John Ford'stock company », cette troupe de comédiens fidèles qui a campé les nombreux personnages de l'univers du grand réalisateur et que l'on identifie au premier coup d'oeil : Le cocher de L'homme tranquille, la mère des Raisins de la colère, le sergent bourru et dévoué de La charge héroïque, le médecin de La chevauchée fantastique... Harry Carey Jr est avec Maureen O'Hara le dernier survivant de la bande. Son père, Harry Carey, avait aidé Ford à débuter à la fin des années 10. Les deux hommes firent des dizaines de westerns de série, les Cheyenne Harry, dont la plupart sont malheureusement perdus. Puis ils se brouillèrent professionnellement. Mais juste après la guerre, Ford proposa à Carey junior l'un des rôles principaux de sa nouvelle version de Three godfathers, (Le fils du désert) que Carey senior avait tourné avec Ford au temps du muet. Le père venait de mourir et Ford de perdre l'un de ses amis les plus chers. Et c'est ainsi que « Dobe » Carey intégra la troupe après un tournage-initiation des plus rude. Rappelez-vous, ce jeune homme mince, rouquin, un peu fragile. Il a été le kid d'Abilène dans Le fils du désert, le prétentieux lieutenant Pennell qui veut emmener Joan Dru en pique-nique dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque), la flegmatique recrue Boone avec son brin de paille à la bouche dans Rio Grande, Sandy, l'un des wagonmasters du Convoi des bravesaux côtés de son ami Ben Johnson, le malheureux soupirant de Lucy, enlevée et assassinée par les comanches de The searchers (La prisonnière du désert), huit films jusqu'à retrouver l'uniforme bleu et Ben Johnson dans Cheyennes autumn (Les cheyennes), l'adieu au western et à Monument Valley du maître.

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Harry Carey Jr a donc raconté en 1994 ses souvenirs dans un épais livre, La compagnie des héros. Ce n'est certes pas de la grande littérature mais un document de premier ordre sur les tournages de Ford. Car Carey Jr, littéralement fasciné, visiblement toujours très ému d'avoir fait partie de cette épopée cinématographique, s'en tient rigoureusement à ses expériences avec le réalisateur, expédiant sa propre biographie et ne mentionnant qu'à peine le reste de sa longue carrière qui démarre avec Red River (La rivière rouge) de Howard Hawks en 1946 jusqu'au Tombstone de Georges Pan Cosmatos en 1993 En passant par le second volet des Trinita avec Bud Spencer et Terence Hill. C'est donc John Ford au travail, au quotidien de ses tournages, dans la poussière rouge de Monument Valley, un Ford à la fois craint, aimé, détesté et admiré sans mesure. Carey décrit avec détails (quelle mémoire, cet homme) ce qu'il vit de la préparation des films, l'importance du choix d'un chapeau, par exemple, la construction des personnages, le quotidien des prises de vues, la façon de diriger les acteurs, de travailler avec les techniciens. Ce qui frappe, c'est qu'on a l'impression d'y être et que l'on comprend que l'on y est pas. C'est à dire que l'on approche que de très loin qui faisait l'art de Ford, que celui-ci ne se livrait pas plus, ne s'exprimait pas plus sur son travail, qu'il ne le faisait dans d'autres circonstances. Ford procédait par petites touches : un détail (une façon de nouer un foulard), une réplique (« C'est un setter irlandais »), une idée qui fait discrètement son chemin (La monte romaine dans Rio grande), beaucoup de choses qui ne semblent pas si importantes sur le coup mais prennent sens à la vision du film terminé. Une vision d'ensemble que Ford ne semblait pas disposé à partager avec quiconque. Même quand il rend hommage au père du jeune acteur en filmant son cheval, il n'en dit sur le coup et écarte Carey Jr du plateau. Comme ceux qui travaillaient avec Ford, on sort de ce livre avec le sentiment d'avoir compris quelque chose d'important, tout en sachant que le mystère reste entier. Harry Carey Jr précise néanmoins quelques fameux morceaux de la légende : Winton C. Hoch n'a pas refusé de filmer la scène d'orage dans La charge héroïque, Ford lui-même a hésité. C'est Wayne qui a eu l'idée du geste final du bras dans La prisonnière du désert pour rendre hommage à Carey Sr. Le tournage des Deux cavaliers a débuté dans une ambiance plutôt favorable avant de basculer à l'annonce de la mort de Ward Bond. Des choses comme cela. Les pages les plus émouvantes sont celles consacrées au tournage des Cheyennes en 1964. Carey Jr et le complice Ben Johnson y jouent sans être crédités deux cavaliers aux côtés de Richard Widmark. On sent que c'est pour tous l'ultime tour de piste avec « papa » dans la chère Monument Valley. Et Ford de faire durer le tournage tant qu'il pu, suspendre un moment le temps.

 

Pistes :

Le livre

Une critique sur Écran Noir

Un article de Georges Malassenet dans l'Humanité 

Le site de Harry Carey Jr 

Photographie source SCVhistory.com 

02/07/2007

Motif : chevauchée

John Ford Blog-a-thon
 
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 De haut en bas : Stagecoach, Three Godfathers, Fort Apache et She whore a yellow ribbon. travellings latéraux à pleine vitesse, ivresse du mouvement. (capture DVD Montparnasse et Warner).