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01/09/2007
Mood critique
J'avoue avoir été un peu surpris devant certaines réactions plutôt négatives sur le nouveau film de Claude Chabrol, La fille coupée en deux. Les goûts ne se discutent pas et toutes les opinions un tant soit peu argumentées sont recevables. Néanmoins, quand on se mêle d'écrire sur le cinéma, on a envie de faire partager ses enthousiasmes, de convaincre, de donner envie, et l'on reste souvent ennuyé devant les critiques, les réticences, les rejets. Avec le temps, je sépare les films dont je parle en deux catégories :
Il y a ceux dont je sais par quel angle ils peuvent déplaire, dont je comprends et accepte par avance les opinions contraires. Celles-ci me stimulent et je mets d'autant plus de coeur à défendre le film que je sais comment il sera attaqué. Je comprends que l'on soit hermétique au western italien et récemment, je m'attendais à ce que Ne touchez pas la hache de Jacques Rivette n'enthousiasme que peu de monde. C'est la vie.
Et il y a ceux pour lesquels j'ai l'impression (naïve peut être) qu'ils sont susceptibles d'emporter un large consensus par leurs qualités propres mais aussi par un pouvoir de séduction que je pense détecter, apte à toucher des personnes très diverses. Je reste ainsi des plus perplexe quand je tombe sur une critique négative du Rio Bravo de Hawks (au hasard !). Là, je renâcle un peu. Je me dis que le gars est passé à côté du film ou alors, c'est moi qui perseverare diabolicum. Dans le cas de Rio Bravo, je me suis exonéré depuis longtemps, dans d'autres cas, ça m'amène à cogiter, voir et revoir le film pour éventuellement procéder à une révision déchirante.
Dans le cas du nouveau Chabrol, je situerais le film plutôt dans la seconde catégorie. Chabrol a une carrière conséquente avec des hauts et des bas mais il m'a semblé évident que La fille coupée en deux faisait partie des plus hauts. J'ai donc découvert avec surprise des critiques que j'aurais pu partager sur d'autres films comme Merci pour le chocolat ou La fleur du mal. Je dois donc me méfier de mes évidences.
Pourtant, l'un des articles qui m'a le plus déplu, c'est la critique de Alexandra Schwartzbrod pour Libération (lien), qui parle de tout sauf du film et surtout pas de sa mise en scène, enfile quelques lieux communs et adopte un ton condescendant pénible. Chabrol fait un nouveau film dans le milieu des puissants de province ? Et alors ? Combien de westerns Ford a-t'il fait à Monument Valley ? Ce genre d'argument me rappelle toujours ma grand-mère qui n'aimait pas les westerns avec cette forte maxime : « C'est toujours la même chose, ils ont des chapeaux et des chevaux ». Paix à son âme. J'étais parti pour faire un long commentaire de texte sur cette critique mais comme j'ai attrapé une tendinite du clavier, ça sera pour une autre fois. Ceci posé, que Ed Sissi ne prenne pas ce qui précède pour lui. Son commentaire et ses réserves (intéressant le rapport à Lynch) sont à cent lieues des poncifs critiques de madame Schwartzbrod. Je profite donc de l'occasion pour lier son blog Nightswimming et vous en recommander la lecture.
10:31 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : critique, blog | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Il est parfois de bon ton pour une certaine intelligentsia de casser l'image d'un réalisateur populaire, comme il est aussi très courant de voir certains papiers à la mode plus préoccupés d'exercice de style - à trouver la petite phrase qui tue, par ex. - que de fond. Il me semble que Marthe Richard, la spécialiste de kafka, a écrit un très beau sujet là-dessus. A vérifier. Et pour ce qui est de ces articles, boycottez-les d'urgence, comme je le fais moi-même !
Écrit par : karamzin | 02/09/2007
Après vérification, l'auteur s'appelle Marthe Robert (et non Richard!!!!) et son livre s'intitule la tyrannie de l'imprimé (et n'a finalement que très peu à voir avec la critique) - désolé, ma mémoire me joue des tours...
Écrit par : karamzin | 03/09/2007
C'est sans doute le souvenir de la "maison" du film de Chabrol qui vous aura inspiré ce lapsus ! Je sais ce que c'est, je fais souvent ce genre de coq-à-l'âne. Merci pour la référence, j'ai lu "Le chateau" il y a peu, j'ai encore Kafka en tête.
Écrit par : Vincent | 03/09/2007
Important, ce que vous écrivez là. Je crois pour ma part que si Chabrol déçoit, c’est pour la banalité de ses sujets de films et le prosaïsme des situations qu’il met en scène. J’ai déjà eu l’occasion de le dire sur « Notre musique » : ses films ne font pas plus rêver qu’ils n’offrent d’occasion de juger les personnages ; ils entortillent, enchevêtrent des destins, se concentrant avant tout sur le potentiel de violence que cet enchevêtrement provoque, et tentent de trouver un équilibre entre la justesse des scènes (à ne pas confondre avec leur « véracité » au sens documentaire) et le point de vue éthique sans lequel toutes ces turpitudes ne vaudraient pas la peine d’être évoquées. Mais les critiques, ne voyant pas, pour la plupart, en quoi consiste la recherche chabrolienne, rejettent ce qu’ils croient comprendre et cerner, et qui n’est qu’un aspect secondaire de ses films (la « sociologie » par exemple, cf. ici : http://ruinescirculaires.free.fr/index.php?2007/08/20/392-xxx). Chabrol ne les convainc, semble-t-il, que lorsque il fait bien sentir qu’un sens, même obscur, accompagne son mouvement de caméra (d’où le petit succès de « Merci pour le chocolat » et sa fameuse toile) ou quand la sauvagerie de la conclusion fait oublier la banalité du fait divers (« La Cérémonie ») ; sinon, on lui reprochera toujours ces personnages secondaires un tantinet grotesques, la trivialité des rapports humains qu’il évoque, la petitesse des milieux qu’il décrit, etc. sans chercher à voir à quel équilibre (musical aussi bien que moral) son film tend.
Écrit par : Hyppogriffe | 03/09/2007
Sinon, sur Chabrol et la critique, déjà : http://notremusique.blogspot.com/2006/02/masques.html
Écrit par : Hyppogriffe | 03/09/2007
Tiens, c'est amusant : je n'avais pas lu ta note avant d'écrire la mienne et je suis aussi revenu sur les critiques négatives qu'a reçu le film de Chabrol et qui m'ont, moi aussi, chagriné.
"Equilibre (musical aussi bien que moral)" : je crois qu'Hyppogriffe a parfaitement saisi les enjeux de "la fille coupée en deux" et en revoyant "Que la bête meure", j'ai réalisé à quel point Chabrol n'usait de la "caricature" (le personnage qu'incarne Jean Yanne est très chargé) que pour parvenir à cet équilibre, à dépasser la dimension "sociologique" de ses sujets pour mettre en lumière la complexité de la nature humaine et des liens qui se tissent entre les individus.
Écrit par : Dr Orlof | 03/09/2007
Hyppogriffe : Sur le point très précis de l'industrie pharmaceutique, travaillant dedans, je peux dire que Tlon a tort, même si le mouvement est à la concentration. Pour le reste... Le reproche qui me hérisse le plus sur Chabrol est celui de "faire du télévisuel" comme vous le citez dans votre note de 2006. Ca ne veut rien dire parce que, d'une part Chabrol a fait de la télévision (Fantomas, les séries noires...) et c'était de la très bonne télévision, ensuite parce que s'il ne fait pas de cinéma, je me demande qui en fait. Ce n'est étayé sur rien et surtout pas sur des considérations de mise en scène. On pourra y revenir. Comme l'écrit Pierrot dessous, vous avez les mots justes.
Sur votre dernier paragraphe, ça me fait penser aussi que Chabrol est un des seuls réalisateurs français a avoir fait du véritable cinéma de genre : ses films d'aventure des année 60, Fabio Testi tout droit sortit d'un western italien, la passion pour la série noire... c'est peut être ce genre de "grotesque" (au sens de von Stroheim, de Browning ou de Corbucci) que nos cinéphiles tièdes ont du mal à accepter.
Pierrot, je t'ai mis un message chez toi, je ne vais pas me répéter. C'est effectivement amusant. Je suis heureux que l'on se retrouve pour défendre ce film.
Écrit par : Vincent | 03/09/2007
Un film ne se résume pas à sa seule mise en scène ce prisme unique est réducteur et est une spécialité de la critique française. Un film pour le parlant c'est aussi des dialogues et ceux du dernier Chabrol sont aussi improbables que fades mais la faiblesse du film est une énorme erreur de casting Magimel n'est absolument pas crédible en fils de grand bourgeois tant tout de lui montre qu'il n'est pas de cette extraction, même si Chabrol pousse son personnage vers la caricature en l'afublant d'un costume Paul Smith deux taille en dessous de celle de Magimel
Écrit par : Bernard Alapetite | 25/09/2007
Je ne partage pas votre avis. Le cinéma est né muet et il reste pour moi un art visuel, un art de l'image, du temps, du rythme. Le sentiment que l'on fait passer par l'expression d'un visage, par l'émotion d'un geste, reste pour moi l'essence de l'Art cinématographique. Je pourrais vous retourner l'argument des dialogues qui reste quand même une spécialité française de Pagnol et Guitry jusqu'à Audiard. On se souvient du landeau de Potemkine, de la diligence de Stagecoach, de la bataille finale des 7 samouraïs... Et des bonnes répliques des Tontons flingueurs.
"improbables", "fades", je ne sais, pas, je ne suis pas de ce milieu, mais à moi, simple spectateur, elles m'ont semblé justes. "Pas crédible" le personnage de Magimel ? Doit-il être crédible ou juste ? Dans le cadre du film, il est juste, comme l'était le personnage de Jean Yanne dans "Que la bête meure". Comme Bouquet qui ne voit pas la beauté de Stéphane Audran. Avec leurs excès et leurs riducules. Avec leur humanité; Il est limite, je vous l'accorde, mais moi je le vois du bon côté.
Écrit par : Vincent | 25/09/2007
Je maintiens que ce film est raté (ce film ci de Chabrol...il y a longtemps que je ne suis plus défenseur de la politique des auteurs)
Pour avoir du grotesque faut-il encore partir "d'une réalité" que l'on doit tordre.
Avez vous vu La vengeance dans la peau ? Film dont on ne sait, dont je ne sais, s'il se contente de coller au monde tel qu'il est ou si tout en y collant il le critique de manière radicale. C'est autrement plus passionant que le dernier Chabrol !
Écrit par : Tlön | 27/09/2007
Je ne pense pas que l'on arrivera à se convaincre mutuellement. Je ne pense pas non plus que Chabrol ait ici cherché le grotesque, même dans le personnage de Magimel. Je crois même que, compte tenu de mes goûts, c'est la dimension humaine de ce film qui m'a le plus emballé. Si je vous ai bien suivi, vous lui reprochez de ne plus être en phase avec la réalité d'aujourd'hui. Personnellement, je n'ai pas eu l'impression d'un décalage et je m'y retrouve bien. Bon.
Sur la théorie des auteurs, la seule chose que j'en ai retenu c'est que c'est le réalisateur le responsable de son film, à quelques cas près. C'est valable pour Ford et pour Corbucci, mais ça n'empêche ni l'un, ni l'autre de se louper.
Les aventures de Jason Bourne (c'est bien ça ?), c'est marrant que vous le citiez, parce que l'autre jour, voyant unextrait à la télévision, je me disais que je devrais peut être aller jeter un oeil. mais quand le premier est sortit, je me suis dit que cette histoire, je l'avais déjà vue dans "Au revoir, à jamais" et déjà lue dans les aventures de XIII. Je peux me tromper et ça peut être bien, mais j'ai beaucoup plus de mal depuis que je suis devenu jeune père. Merci en tout cas de votre visite.
Écrit par : Vincent | 29/09/2007
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