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12/03/2008

Toutes les couleurs de l'obscurité

Le bon Dr Orlof ayant courageusement entrepris d'explorer son œuvre dans la comédie italienne polissonne des années 70, je ne peux faire moins que de poursuivre dans l'éloge de ses prestations dans le giallo (Mais de qui parle-t'il ?). D'Edwige Fenech bien sûr !

Tutti i colori del buio date de 1972 et est connu en France sous le titre L'alliance invisible. Tourné par Sergio Martino et produit par son frère Luciano, il réunit autour de la belle aux yeux de chatte l'équipe rodée de Il strano vizio della signora Wardh (L'étrange vice de Mme Wardh) et de La coda dello scorpione (La queue du scorpion) réalisés l'année précédente. On retrouve ainsi Bruno Nicolai à la musique, ici une partition avec chœurs qui ne dépareillerai pas chez Dario Argento ; Eugenio Alabiso au montage toujours partant pour des formes expérimentales ; l'habile spécialiste Ernesto Gastaldi au scénario ; et une solide distribution à commencer par le suave, le beau, l'élégant George Hilton aux bras protecteurs dans une composition ici plus intense et plus sobre mais moins centrale. A ses côtés Ivan Rassimov continue d'inquiéter avec ses yeux si bleus et j'ai retrouvé avec plaisir Nieves Navarro (sous le pseudonyme de Susan Scott) qui a tenu quelques rôles mémorables chez Tessari dans les deux Ringo avec Giuliano Gemma et chez Sollima où elle jouait la sinistre veuve de La resa Dei conti (Colorado).

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Edwige est Jane, jeune femme vivant à Londres et qui se remet difficilement d'un accident de voiture qui lui a fait perdre l'enfant qu'elle attendait de Richard. En proie a des cauchemars terrifiants, elle consulte sur les conseils de sa sœur un psychiatre. Mais l'homme qui la poursuit dans ses rêves semble bien réel. Au bord de la folie, Jane va tomber sous la coupe d'une étrange secte satanique. Haha !

Tutti i colori del buio est visiblement très inspiré du Rosemary's baby de Roman Polanski et nourri de la réalité des sectes meurtrières comme celle de Charles Manson. Le film est avant tout une plongée en profondeur dans l'âme d'une femme fragile, une âme en équilibre précaire, à deux doigts de sombrer. Les premières minutes sont saisissantes. Un long plan bucolique d'un lac sur lequel tombe la nuit. Les bruits de la nature qui s'élèvent jusqu'à provoquer une angoisse diffuse. C'est la plongée dans le « buio », là où « le sommeil de la raison engendre des monstres ». La scène suivante est un cauchemar lynchien avant la lettre. Une caméra comme ivre, un chant enfantin, une vieille femme hideuse vêtue comme une poupée, une autre, bouffie, enceinte, et une troisième nue sur un lit. Une paire d'yeux bleus intenses, une main qui brandit un couteau. La femme nue est sauvagement poignardée. Edwige se réveille. Cette ouverture donne le ton du film, un contraste permanent entre le calme des décors anglais dont l'apparence ordonnée se fissure pour laisser passer les figures du mal, de l'angoisse et de la folie. Le tueur mystérieux peut apparaître dans une rame de métro, derrière un pan de mur du confortable appartement, derrière chaque arbre du parc tranquille. Le charmant manoir dissimule les rites sanglants et sexuels de la secte. Et que dissimule le regard rassurant de Richard ? L'esprit de Jane est aspiré par ces fissures du réel, elle bascule, attirée irrésistiblement, offerte et fascinée.

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Fascinée et fascinante. Tout le film est construit autour d'elle, plus que dans les précédents encore, et nous dansons cette valse folle avec Edwige. Elle n'est peut être pas une grande actrice, mais elle est mieux que cela. Parce qu'elle dégage un naturel et un abandon au film finalement assez rare. Sa beauté très italienne (même si Edwige est française !) est faite d'un mélange de rondeur et de finesse. Il y a du solaire et du félin, de la souplesse et de la langueur. Il y a la sophistication de la ligne de ses cils et un éclair sensuel sauvage dans l’œil. Il y a la plénitude de ses seins et leur élan aérien. Plongée dans l'artificialité des situations de ce cinéma de genre, elle ne donne jamais l'impression de jouer. Elle est, elle vit, elle y croit et nous la suivons. C'est un sentiment assez déroutant qui explique sans doute son extraordinaire popularité durant les années 70 dans tant de films médiocres voire indignes. Mais elle y est toujours toute entière, s'offrant corps et âme dans toutes ces comédies avec un éclat de rire désarmant.

J'aimerais assez qu'elle rencontre un réalisateur qui fasse pour elle ce que Tarantino a fait pour Pam Grier. Un rêve passe.

Intellectuellement, il est quand même plus satisfaisant de la découvrir dans ses gialli, entourée de gens au métier solide, capables de soigner l'écrin, voire même de faire preuve de talent. Tutti i colori del buio est une réussite à l'ambiance fantastique soignée, aux rebondissements nombreux, jouant avec les codes du genre (tueur à l'arme blanche, jolies femmes, traumatisme...)plus qu'il ne les transgresse. La scène de la messe noire est caractéristique avec le gourou aux ongles démesurés, la musique obsédante, le sacrifice animal, les adeptes hallucinés, la caméra très mobile et au milieu de tout cela, Edwige à peine apeurée, s'abandonnant aux étreintes de la foule maladroite et brutale, image ironique de son public sous le charme.

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Captures DVD Alan Young (qui se trouve facilement en Italie)

Critique sur Série Bis

Critique sur Psychovision

Critique sur Giallo fever

Critique sur DevilDead

20/12/2007

Une étude en jaune (partie 2)

 Au contraire du film de Lucio Fulci, Lo stano vizio della signora Wardh (L'étrange vice de Mme Wardh) réalisé par Sergio Martino en 1970 est une sorte de mètre étalon du genre. Madame Wardh, c'est Edwige Fenech et Edwige, vous permettez que je vous appelle Edwige ? c'est quelqu'un. Reine de la comédie polissonne italienne des années 70, elle a également participé à quelques fleurons du genre qui nous occupe ici. Edwige a une plastique superbe que vous pouvez aller admirer sur cette page du site de la Cinémathèque française qui lui a rendu hommage, l'espace d'une nuit, le 7 décembre. Très brune, très italienne (Quoique française, sa mère était sicilienne), elle a le physique félin des Barbara Steele et Sandra Milo. Elle est surtout très à l'aise avec son corps. La scène où elle se déshabille dans sa salle de bains au carrelage psychédélique (demain la photographie) dégage un mélange de sensualité et de naturel tout à fait excitant. Dans ce registre comme dans celui de l'angoisse, Edwige est ici excellente. Je n'en tirerais toutefois aucune généralité car c'est le premier film que je vois avec elle. Il faut un début à tout et pour ceux qui seraient dans mon cas, je ne saurais trop vous conseiller de commencer par cet excellent giallo, le premier de Sergio Martino qui se révélera très doué et deviendra rapidement un spécialiste.

Le partenaire masculin d'Edwige, sonnez trompettes et buccins, n'est autre que George Hilton. Oui, le beau George n'a pas fait que des westerns. Je ne crois pourtant pas que sa prestation puisse le faire remonter dans l'estime de mon ami Tepepa. Il faut le voir, lors de sa première apparition, beau disais-je, costaud, bronzé, vêtu de ces abominables fringues masculines des années 70, col pelle à tarte, chemise largement ouverte sur un poitrail viril orné d'une chaîne en or. Ne reculant devant aucun sacrifice, vous aurez une photographie demain. Je ne saurais réduire son rôle à cette caricature, mais j'avoue que Hilton m'a plutôt fait sourire dans la première partie du film avec sa prestation de bellâtre. D'autant qu'il est, lui, beaucoup moins à l'aise dans les scènes érotiques. A noter que nos deux héros feront d'autres gialli ensemble et j'ai sur ma table Tutti i colori del buio, qu'ils ont tourné avec Sergio Martino toujours, en 1972. J'ai hâte.

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A leurs côtés, une nouvelle fois Alberto De Mendoza, une nouvelle fois plus intéressant en mari occupé et délaissant sa belle épouse (Ça, c'est un rôle de composition !) Et puis Ivan Rassimov en amant psychopathe, pas trop sobre. Et encore, la délicieuse Conchita Airoldi, pétillante dans le rôle de l'amie Carol. Une distribution solide pour un film qui ne l'est pas moins. Mais, et l'histoire ? L'histoire... C'est la nuit. La ville a peur. Nous sommes à Vienne. Les filles sont superbes, dénudées et fragiles. Des proies pour le rasoir étincelant dans les mains gantées de noir de l'assassin qui rôde. Madame Wardh, qui eu d'étranges pulsions masochistes illustrées par de charmants flash-backs, se retrouve au centre d'une série de meurtres qui masquent en fait une sombre machination.

Sergio Martino est ce que l'on appelle un solide artisan. Il n'a pas les fulgurances d'un Castellari ou d'un Fulci, ni les élans d'un Corbucci ou d'un Sollima. Mais il aime ce qu'il fait et le fait avec goût. On lui doit entre autres Manaja, western tardif et boueux, Milano trema, la polizia vuole giustizia avec Luc Merenda en flic fasciste jusqu'à l'exubérance, et deux films d'aventures exotiques : L'isola degli uomini pesche (Le continent des hommes poissons – 1979) avec la belle Barbara Bach et La montagna del dio cannibale (La montagne du dieu cannibale – 1978) avec la belle Ursula Andress qui se livre à une séance mémorable de body art primitif.

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Pour ses premiers pas dans le genre, produit par son frère Luciano et avec l'aide du spécialiste Ernesto Gastaldi au scénario, Martino montre qu'il connaît sur le bout des doigts son Bava illustré et son Hitchcock sans peine. Ambiances. Il y a un joli meurtre sous la douche et un autre au gaz de ville dont le traitement froid, son et montage (c'est Eugenio Alabiso, monteur de Léone et de Corbucci), rappelle le fameux homicide de Torn curtain (Le rideau déchiré – 1966). Lo stano vizio della signora Wardh est un pur objet de plaisir, un peu pervers, un peu limite quand il s'attarde sur une bagarre entre filles dénudées, un peu fleur bleue le temps d'une promenade à moto entre le beau George et la merveilleuse Edwige. Mais il recèle quelques moments forts, très travaillés. Les retours en arrière lors des souvenirs de Mme Wardh jouent sur les ralentis, les distorsions sonores et une stylisation poussée des éclairages. Le tout renforcé par la partition aux accents étranges de Nora Orlandi avec chœurs suggestifs et orgue. Je dois d'ailleurs préciser que c'est cette musique qui m'a fasciné en premier lieu et m'a incité à découvrir ce film. L'étrangeté de ces scènes fonctionne à défaut qu'elles soient véritablement dérangeantes pour le spectateur actuel qui en a vu bien d'autres. L'attaque dans le parking est un joli moment de tension, jouant habilement sur l'espace sombre et confiné avec la seule lueur de la cage d'ascenseur. Et puis il y a le grand moment de la scène du parc. Martino prend son temps pour faire naître la peur de l'importance du champ qu'il dévoile. En plein jour, le personnage de Carol est réduit à un point dans le vert frémissant. L'angoisse est d'autant plus forte que l'espace est vaste. Un procédé que Dario Argento utilisera dans Suspiria (Le meurtre de l'aveugle sur la place, de nuit) et Ténèbres (le meurtre de l'éditeur sur la place, ensoleillée). Là encore, j'ai été séduit par la musicalité de la scène. Les feuillages bruissent, les graviers crissent, la respiration, le vent léger. L'élégante photographie de Floriano Trenker et Emilio Foriscot assure la réussite de ces ambiances, le rendu des couleurs pop dans les intérieurs branchés et la perfection des scènes nocturnes. Le reste n'est que littérature. L'intrigue progresse au rythme de rebondissements qui s'accélèrent à mesure que s'approche la fin forcément surprenante. Et si j'ai déjà oublié les explications finales, j'ai gravé en moi le regard d'Edwige et sa lèvre tremblante de peur et de plaisir.

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Le DVD

Sur Psychovision

Sergio Martino à la Cinémathèque

Sur Giallo shots (en anglais)

Sur DVDtimes (en anglais)

Sur Wicked-Vision (en allemand) 

Photographies : capture DVD NoShame

23/10/2007

Des voies différentes

Contribution au Double bill blog-a-thon

Si l'on considère les filmographies de l'ensemble des réalisateurs italiens qui ont œuvré dans le cinéma de genre, on constate une similitude dans leurs passages successifs par le genre dominant du moment. Sur la trentaine d'années fastes de la fin des années 50 à l'orée des années 80, on peut découper des périodes assez précises durant lesquelles ont régné tour à tour la comédie, le western, le péplum, le film d'espionnage, le giallo, le film policier, le film coquin, le film politique, le film d'horreur et l'anticipation. Bon gré, mal gré, aucun réalisateur n'y a échappé. Un réalisateur du calibre de Sergio Léone a commencé par le péplum avant de se révéler dans le western pour finir producteur de deux westerns parodiques post-Trinita (on mettra de côté son ultime opus qui sort du cadre de notre champ d'étude).

On voit les limites d'un système qui amène un homme du talent de Enzo G. Castellari à commettre I nuovi barbari (Les nouveaux barbares – 1982). D'un autre côté, ce mouvement permet aux plus doués de se révéler au sein d'un genre, après un échec dans un autre, et de rendre éventuellement passionnantes leurs incursions dans des genres voisins. En évitant le cloisonnement, on ouvre des possibilités qui parfois se transforment, et parfois non. C'est la vie.

Illustration avec deux approches du western par deux réalisateurs passés à la postérité à travers leurs films fantastiques et horrifiques : Mario Bava et Lucio Fulci.

Directeur de la photographie à l'origine, Mario Bava a eu une influence majeure sur le cinéma fantastique, en matière d'éclairages, d'érotisme et de tueurs en gants noirs. Son utilisation de la couleur de façon inédite et baroque, son goût du macabre, sa façon de faire naître la peur, ont marqué durablement le genre et ont définit des règles suivies par Dario Argento, Antonio Margheriti et... Lucio Fulci. Ses incursions dans le peplum et la comédie psychédélique d'espionnage ont donné de belles réussites.

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Son ultime western, Roy Colt e Winchester Jack est un joli navet bien rond. Il paraît que Bava avait trouvé le script de Mario Di Nardo mauvais et qu'il avait espéré sauver le film en le tirant vers la parodie. A l'impossible, nul n'est tenu. Roy Colt e Winchester Jack lorgne à la fois sur Butch Cassidy and the Sundance Kid sortit l'année d'avant avec succès par Georges Roy Hill (Une femme, deux hommes et une musique entraînante) et sur Il buono, il brutto, il cattivo (Le bon, la brute et le truand) de Léone dont il démarque la structure autour d'une chasse au trésor. Hélas, le film de Bava enchaîne mollement les péripéties téléphonées, les gags lourdement étirés et laisse cabotiner sans retenue ses acteurs. Les deux héros, Brett Halsey et Charles Southwood rivalisent d'inexpressivité et se tapent dessus régulièrement comme deux collégiens. Le plus redoutable, terrible à en être fascinant, c'est Teodoro Corrà dans le rôle du méchant révérend, un russe socialiste, toujours enrhumé et adepte de la dynamite. Il est tellement caricatural que l'on croirait qu'il sort de l'album de Lucky Luke Le grand duc.

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L'ensemble manque terriblement de conviction et en comparaison, les films de la série Trinita sont nettement plus soignés et plus efficaces. Surnagent à ce naufrage la partition gentiment allègre de Pièro Umiliani, les allusions aux films de Léone avec le tueur à la grimace et le paralytique, quelques éclairages et effets où l'on retrouve la patte du maître (la grotte, l'utilisation des branches au premier plan, l'ambiance de la première scène avec ses jolis contre-jour) et puis surtout la pétulance et le regard de braise de la belle Marilù Tolo en indienne sexy qui semble porter sur ses partenaires (et le film) un regard amusé et ironique. Elle force l'un des héros à prendre un bain, tire juste et embobine tout le monde à la fin. Elle a bien raison.

Je suis souvent assez dur avec Lucio Fulci. Je trouve sa série de films horrifiques qui lui ont valu admirateurs et reconnaissance assez surfaits. Complaisants dans la violence graphique (ce n'est rien de l'écrire), ils sont souvent mal construits et Fulci dirige approximativement des comédiens médiocres. Le réalisateur compense ses manques par des scènes choc sadiques, que l'on peut juger gratuites et artificielles à froid. A chaud, elles font leur effet et Fulci a le sens du cadre et de l'ambiance. Une grande partie de son oeuvre est mal connue, occultée par cette période sanglante de 1979 à 1981. Pourtant, il tourne depuis 1959 et compte une soixantaine de réalisations dont plusieurs incursions dans le western. Si I quattro dell'apocalisse (Quatre de l'apocalypse- 1975) n'a pas été fait pour réviser mon jugement (scénario à trous, complaisance dans la violence, viol racoleur pénible), j'avoue mon enthousiasme pour Le colt cantarono la morte et fu... Tempo di massacro (Le temps du massacre), réalisé en 1966, son premier essai dans le genre.

La séquence d'introduction avec son mélange de cavaliers aristocratiques bien mis et de discrets cow-boys a quelque chose de bunuellien. La lumière et les chants d'oiseaux rappellent la première séquences de Belle de Jour. Et son soudain dérapage dans le sadisme. Un homme est sortit d'une cage et les chiens sont lâchés. La chasse commence. La suite comprend une belle idée de mise en scène : l'homme meurt déchiré par les chiens dans le lit d'une rivière et l'on suit son sang emporté par le courant. Celui-ci devient torrent dont le flux accélère et bouillonne aux accents de la chanson de Sergio Endrigo avant de rejoindre un groupe de chercheurs d'or parmi lesquels Tom Corbett joué par Franco Nero. Cette image aquatique permet de relier habilement Corbett à son antagoniste, Jason Scott joué par Nino Castelnuovo (oui, l'amoureux de Deneuve dans Les parapluies de Cherbourg). Par un lien de sang. La force du courant image le caractère irrésistible et violent de la vengeance que va exercer Corbett. Car vengeance il y a, l'un des thèmes piliers du western à l'italienne. Corbett revient au pays pour le retrouver sous la coupe de Scott père, gros propriétaire, tandis que son fiston fait régner la terreur. La famille Corbett a été dépossédée et le frère de Tom, Jeff, joué par Georges Hilton dans un registre qui rappelle le Dude de Dean Martin dans le Rio Bravo de Howard Hawks, s'est abîmé dans l'alcool et l'ironie. Comme on peut s'y attendre, Tom Corbett va remettre tout cela d'aplomb.

 

Le film ressemble beaucoup à Texas Addio, tourné par Ferdinando Baldi juste avant avec le même Nero. Même thématique de la vengeance, même culture méditerranéenne à base d'histoires familiales (pères indignes, fraternité, bâtards) et de réminiscence des tragédies antiques. Même personnage déterminé et quasi invincible, d'une rigidité d'esprit qui se traduit par son allure. Ici, Tom Corbett porte une veste en peau retournée qui lui fait comme une carapace. Mais le film de Fulci est supérieur en tout point à celui de Baldi qui était déjà pas mal. Il le doit en partie au scénario de Fernando Di Léo, tendu à l'extrême, sans temps morts, jouant habilement sur les deux images du frère : le « mauvais » psychopathe Jason et le « bon » ivrogne Jeff. Tous les deux ont une véritable épaisseur et surprennent tout au long du récit. Quoique sérieusement imbibé, Jeff saura montrer (aux limites du crédible) qu'il n'a rien perdu de son agilité de pistoléro.

Le film ménage aussi un aspect conte avec ce ranch baroque et luxueux (tourné dans la villa Mussolini) que tout le monde connaît mais que nul ne sait trouver, le voyage initiatique avec épreuves, les chasses à l'homme et ces personnages aristocratiques plus proches de Perrault que de Ford. Dernier atout déterminant, le traitement assez radical de la violence. C'est peut être le premier film où Lucio Fulci laisse éclater son goût pour le sadisme et les situations extrêmes. Non que le film soit plus violent au fond que certains Corbucci où Léone, mais il y met une froideur, une distance dans la mise en scène qui font ressortir la cruauté des actes. Le film est célèbre pour la scène quasi surréaliste où Tom, arrivé au ranch des Scott, est fouetté par Jason. Au-delà du motif de la lacération que Fulci reprendra maintes fois, il y a ces spectateurs en costumes blancs, ces chants d'oiseau, les sifflements du fouet et le temps qui se dilate. Tout contribue à rendre la scène glaçante. Mais il faut voir aussi la façon dont Corbett accomplit sa vengeance, tirant dans le dos, tirant à bout portant, impassible, impitoyable, tout aussi glaçant parfois que son bourreau. Il y a chez Fulci fascination maladive de la violence, mais dans ce film encore, il sait garder ses démons à distance.

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Et puis, c'est jusqu'ici le film le mieux dirigé de Fulci que j'ai vu. Nero est impeccable, Castelnuovo effrayant à souhait et Georges Hilton... Je commence à bien l'aimer, George Hilton (une opinion contraire ici). Urugayen élevé en Angleterre, il n'est pas terriblement expressif, mais décontracté, il a fait merveille en Sartana, Alleluja, Tresette et en pistoléro quasi parodique pour le premier western d'Enzo G. Castellari, Vado, l'ammazzo e torno(Je vais, je tire et je reviens) en 1967. Il s'est essayé à un registre plus dramatique dans Quei disperati che puzzano di sudore e di morte (Les quatre despérados) en 1969 dont je vous avait entretenu ici, avec force louanges. Dans le film qui nous intéresse, il contraste parfaitement avec Franco Nero et je ne peux que le féliciter de s'être mis dans les pas de Dean Martin. Il y a de plus mauvaises références.

Si Mario Bava n'était visiblement pas motivé par ses incursions dans le western, il semble que Lucio Fulci y ait trouvé un terrain pour exprimer enfin des choses en lui profondes. Tempo di massacro est un jalon essentiel du genre et pour moi, si peu sensible à la tripe, son plus beau film.

Roy Colt e Winchester Jack

Le DVD

Sur DVDmaniacs

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Tempo di massacro

Photographie : Cinéma strike back

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