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05/02/2009

De retour

Le temps passe toujours très vite en bonne compagnie. Le festival de Clermont Ferrand n'est pas encore achevé, mais je suis déjà rentré. Le temps de me remettre les esprits en ordre après cinq journées intensément cinématographiques et autant de nuits trop courtes puis je vous raconte tout. En attendant, deux, trois photographies. Il faisait bon, il y a eu de la neige (j'adore), j'ai vu 71 films, je me suis payé un bouquin sur Spielberg et les mémoires de Louise Brooks, j'ai eu de longues conversations avec des gens très agréables, j'ai mangé à n'importe quelle heure, j'ai bu pas mal mais sans excès, bref, c'était un bon festival.

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31/01/2009

Clermont 2009

Comme chaque année, je m'offre une escapade au pays des courts-métrages et du jambon sec. Je serais donc du 30 janvier au 3 février au festival de Clermont-Ferrand pour la 31e édition. Vous pouvez cliquer sur l'affiche pour en savoir plus. Bien entendu je vous raconterais ça dès mon retour mais je vous ai laissé deux bricoles pour patienter. Joachim, si tu passes, donne moi un coup de fil.

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27/09/2008

10e Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice

Mes lecteurs les plus réguliers savent que je risque de me faire plus rare le mois à venir. Comme chaque année, l'association Regard Indépendant que je préside organise les Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice. Et cette année, ce sont les 10e. « J'ai dix ans... » comme chantait l'autre. Nous allons donc essayer de nous surpasser, même si je n'ai guère le goût des chiffres ronds. La manifestation est axée sur la création indépendante et régionale. Il y aura donc beaucoup de films d'illustres inconnus, ce qui ne signifie pas qu'ils ne soient pas pour autant remarquables. Les spectateurs curieux y découvriront les nouvelles oeuvres de Cédric Romain, Stéphane Coda, Catherine Savy, Cédric Coppola, Jérémie Lenoir entre autres. Le samedi 25, il y aura une grande soirée consacrée au super8 avec des films que notre association a produit sur le thème « Insomnie », une sélection des Straight8 anglais et une autre du festival de Strasbourg. Dimanche sera consacré, façon de parler, à l'expérimental et à la vidéo d'art avec une série de cartes blanches. Entre les deux journées, une nuit du cinéma constituera le point culminant de la manifestation avec une série de courts métrages, Primrose hill de Michael Hers dont je vous avait parlé lors du festival de Clermont Ferrand, et deux films assez peu ordinaires : Quand l'embryon part braconner du japonais Koji Wakamatsu, film « pink » c'est à dire érotique mais aussi politique ; et King boxer (La main de fer), un classique du film de kung-fu hong-kongais qui date de 1972 et que l'on doit à Cheng Chang-Ho avec une distribution de classe constitués de Lo Lieh, Wang Chin-Feng, Wang Ping, Hsiung Chiao et Lin Tung.

Dimanche soir verra la diffusion du documentaire de Denys Piningre, L'assiette sale. Lundi soir, nous recevrons Gérald pour son étonnant long métrage Paulo Anarkao produit complètement en marge et qui bénéficie d'un très joli bouche à oreille. Nous clôturerons cette édition pour laquelle nous croisons les doigts et serrons les fesses avec En haut des marches de Paul Vecchiali.

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Il est temps de vous parler d'un événement qui me tient particulièrement à coeur et qui devrait intéresser les lecteurs d'Inisfree. Cela fait quelques temps que je caresse l'idée de réunir quelques-uns des blogueurs avec lesquels nous échangeons régulièrement depuis quelques années. Après consultation, j'ai inclus dans ces 10e Rencontres une séance un peu spéciale qui réunira rien moins que le bon Dr Orlof, Edisdead de Nightswimming, Joachim de 365 jours ouvrables et votre serviteur. J'ai également invité à ce rendez vous Philippe Serve de Cinéma Sans Frontières, le ciné-club niçois et Daniel Fimbel du Ciné-Café tout aussi niçois. Nous projetterons le film de Luc Moullet, Les sièges de l'Alcazar, puis nous débattrons des nouvelles formes de la cinéphile, qu'elle s'exprime sur Internet ou qu'elle retrouve des formes plus classiques. Je ne vous cacherais pas que j'attends ce moment avec impatience, même si nous devons nous retrouver autour d'un bon verre pour échanger. Mais je ne doute pas qu'un public nombreux et impatient de prendre la parole nous rejoindra ce samedi 25 orctobre à 16h00 au Théâtre Trimages. Je tiens d'ores et déjà à remercier mes camarades d'avoir accepté mon invitation et vous invite, pour en savoir plus à lire les entretiens que nous avons réalisé :

Avec le Dr Orlof (lien)

Avec Edisdead de Nightswimming (lien)

Avec Joachim de 365 jours ouvrables (lien le 29 septembre)

 

28/06/2008

Cannes 2008 : Deux amis

J'aime généralement les documentaires sur le cinéma. Pas toujours pour leurs qualités propres mais pour ce que j'en apprends et les envies qu'ils suscitent. Et puis, même au sein d'un documentaire médiocre, un extrait d'un film de John Ford reste du John Ford. No subtitles necessary : Lazlo and Vilmos de James Chressanthis était cette année présenté à Cannes Classic et retrace le parcours, l'art et l'amitié de Laszlo Kovacs et Vilmos Zsigmond. Les deux hommes sont hongrois, nés au début des années 30. Ils ont étudié le cinéma ensemble, filmé l'insurrection de Budapest en 1956, fuit le pays à l'entrée des chars russes avec leur pellicule et se sont réfugiés aux États Unis en 1957. Tous les deux sont devenus directeurs de la photographie, parmi les plus prestigieux, et leur travail a contribué, plus que tout autre, à la profonde évolution esthétique de l'image du cinéma américain des années 70. Tous les deux ont passé les années 60 dans le cinéma d'exploitation, travaillant entre autre pour Roger Corman. C'est ainsi que Kovacs rencontre Jack Nicholson sur Hells angels on wheels de Richard Rush, un film de motards de 1967 puis enchaîne sur Target, du débutant Peter Bogdanovich. Nicholson va penser à lui pour le film que prépare son ami Dennis Hooper, Easy Rider. Le reste comme on dit, c'est de l'histoire. Kovacs mettra le pied de son ami à l'étrier en le recommandant à Robert Altman pour McCabe and Mrs Miller (John McCabe) en 1971. La liberté donnée sur les petites productions leur aura permit de développer des styles originaux et hardis, en rupture avec le travail plus académique et plus figé des grandes productions du Hollywood des années 60. Ces deux hommes seront parfaitement complémentaires avec la nouvelle génération de cinéastes issue elle aussi des touts petits budgets indépendants : Coppola, DePalma, Bogdanovich, Rafelson...
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Vilmos Zsigmond

Laszlo Kovacs, c'est l'Amérique nostalgique de The last movie, Paper Moon (La barbe à papa), What's up doc (On s'fait la valise docteur ?) et Nickelodéon de Peter Bogdanovich. Ce sont les cabarets et le studio de New-York, New-York de Martin Scorcese. Ce sont les champs de pétrole de Five easy pieces de Bob Rafelson. C'est le visage de Jessica Lange dans Frances de Graeme Clifford.

Vilmos Zsigmond, c'est la rivière de Deliverance de John Boorman. Ce sont les paysages de Scarecrow (L'épouvantail) de Jerry Schatzberg. C'est Elliot Gould dans The long Goodbye (Le privé) de Robert Altman. Ce sont les pastels d'Obsession de Brian de Palma. Ce sont les extraordinaires photographies de deux films majeurs, The deer hunter (Voyage au bout de l'enfer) et Heaven's gate (La porte du paradis) de Michael Cimino. On a tendance à beaucoup parler du travail de Terrence Malik avec ses chefs opérateurs, particulièrement Nestor Almendros sur Days of Heaven (Les moissons du ciel – 1978), mais celui de Zsigmond sur le film de Cimino me semble un aboutissement, la somme de toute l'ambition et de toute la beauté du cinéma américain de cette décennie. Et puis Zsigmond, c'est pour moi le premier chef opérateur de Steven Spielberg, son collaborateur sur Sugarland express en 1974 puis surtout et de façon marquante, l'homme de Close encounters of the third kind (Rencontres du troisième type) en 1978. A ce que j'ai compris, ça ne s'est pas très bien passé sur le tournage même si au bout du compte Zsigmond aura l'oscar pour la photographie du film. Mais outre les qualités plastiques et novatrices de son travail, il me semble que le style de Zsigmond a profondément influencé l'imaginaire de Spielberg, portant sa marque jusqu'au milieu des années 90 et la collaboration avec Janusz Kaminski. Étonnante l'influence à nouveau déterminante de l'apport extérieur sur le cinéma américain.

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Lazlo Kovacs

Le film de Chressanthis parcours ces deux carrières magnifiques et parallèles. Bien construit, précis, et malgré quelques effets inutiles et agaçants, il se concentre sur les oeuvres. Les nombreux extraits donnent l'envie de la découverte et de la redécouverte. Je me suis rendu compte par exemple que je ne connaissais de l'oeuvre de Peter Bogdanovich, fordien émérite, que le très moyen Mask. Le noir et blanc et les plans en profondeur de Paper moon m'ont ravi et j'ai immédiatement comblé ce trou dans ma filmothèque. Le fil rouge du documentaire reste malgré tout cette belle histoire d'amitié. Les deux hommes n'ont cessé de s'estimer et de travailler ensemble, notamment sur la formation de jeunes chefs opérateurs en Hongrie après la chute du mur. Kovacs est mort en 2007. Zsigmond a continué de fêter son anniversaire.

Un entretien avec Vilmos Zsigmond

Photographies : Moviemaker et Einsiders

22/06/2008

Cannes 2008 : Love you more

En ce lendemain de la fête de la musique, le choix de Love you more de Sam Taylor-Wood me semble approprié pour poursuivre mes chroniques cannoises, bien que cela n'ai pas été prémédité. J'ai simplement beaucoup de retard. Je vous ai parlé il y a peu du sentiment d'exaltation ressentit à la sortie du premier volet des aventures d'Indiana Jones, au temps de mon adolescence. Le sentiment procuré par ce court métrage en compétition est du même ordre. Si je voulais faire le malin, je dirais que c'est le meilleur film que j'ai vu cette année à Cannes. Ce serait injuste mais c'est pourtant celui qui me laisse l'impression la plus forte. Je soupçonne un peu, je l'ai déjà aussi écrit, que le plaisir a été renforcé par la médiocrité globale du reste du programme. Il faudra le revoir.

Love you more se situe très précisément en juillet 1978, date de sortie du single Love you more des Buzzcocks groupe punk formé à Manchester dans le même mouvement que les Sex Pistols. Nous sommes dans un lycée londonien où l'on porte encore l'uniforme, blazer à écusson, jupe et cravate. Peter, d'apparence bien sage avec sa jolie frange façon Beatles lorgne sur la belle Georgia aux mèches plus rebelles. Bien sûr, elle semble l'ignorer. Mais Peter n'est pas le dernier des imbéciles et pour la séduire, la grille chez le disquaire du coin en embarquant l'unique exemplaire du tout nouveau 45 tours des Buzzcocks à la belle pochette rose. Georgia se mord les lèvres. « Tu aimes les Buzzcocks ? » s'étonne-elle. Il joue les affranchis de façon touchante et elle lui propose de venir l'écouter chez elle. Et devinez ce qui arriva.

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Love you more est une histoire de premières fois. Première écoute, premier amour, première étreinte, première dépose du saphir sur le sillon, premières notes, première sortie. C'est une histoire de découvertes. Découverte de la musique, d'un groupe, de l'autre, du sexe, du plaisir. J'ai trouvé les autres courts métrages pénibles parce qu'ils reposent sur des choses assez ténues, anecdotes qui ne se subliment pas en quelque chose que, faute d'autre mot, je qualifierais de poésie. Sam Taylor-Wood opère la sublimation. Son film donne à voir, à entendre et à ressentir les sentiments qui animent ses deux jeunes héros. Il y a une symbiose étonnante entre la musique, cette énergie juvénile du punk originel, la beauté des images, l'énergie des acteurs et leur sensualité qui se libère. Le coeur du film c'est cette première étreinte du couple, sa formation. Elle est à la fois directe, magnifiée et, chose rare, pleine d'humour. Elle est proche de celle de Primrose Hill de Mickaël Hers, sans ce côté frontal qui m'avait (un peu) gêné. La façon de tourner de Taylor-Wood donne un équivalent à la musique des Buzzcocks : linéaire, évidente, ébouriffée. Mais nous ne sommes jamais dans une idée de clip, plutôt dans une idée de comédie musicale. C'est très beau et l'humour désamorce, comme dans la vie, la gravité de la situation.

Peut être que Sam Taylor-Wood fait si bien passer l'essence d'un sentiment, d'un moment, parce qu'elle ne vient pas d'un univers purement cinématographique. Cette jeune femme est une plasticienne et photographe, artiste vidéo renommée dont le travail est axé justement sur le sentiment et sa difficulté à l'exprimer. Love you more n'est pas son coup d'essai de cinéma pour autant, elle a participé au projet Destricted, avec l'histoire Death Valley, assez pénible, à peu prés tout ce que Love you more n'est pas, mis à par cette façon directe de filmer le sexe. A noter que le film a été produit par Anthony Minghella, récemment décédé et auquel il est dédié.

Le couple est formé. Elle le raccompagne chez lui. Ils ont un dernier regard plein de promesses. « On a pas écouté la face B » remarque-t'il.

20/06/2008

Cannes 2008 : Défense du conte

Y a-t'il beaucoup d'italiens d'origine albanaise dans les films de Nanni Moretti ? Et de français d'origine africaine dans ceux de François Truffaut ? De Berrichons chez Robert Guédiguian ? Alors pourquoi cherche-t'on des poux dans la tête du cinéma d'Arnaud Desplechin ?

Comme Ed de Nightswimming, je sentais qui me serait difficile d'écrire sur Un conte de Noël, son dernier opus. Complexe, brillant, riche de forme comme de fond, peut être un peu trop comme le souligne le bon Dr Orlof. Ce n'est pas un film facile à aborder, surtout pour le défendre avec la sale image que se trimballe son réalisateur. Parce que l'on peut parler de la mise en scène, virtuose, usant d'un langage cinématographique varié, souvent ludique avec ses ouvertures et fermetures à l'iris, les split screen, les adresses à la caméra, le théâtre d'ombre, les voix off, les ellipses, les mouvements sophistiqués, l'unité de temps disloquée à plaisir. On peut parler de la photographie chaude d'Éric Gautier, de l'ambiance familiale dorée et bourgeoise, de cette atmosphère de Noël sur Roubaix, la ville dont Desplechin est originaire. On peut citer si, comme moi, on pense que le cinéma a été inventé pour filmer les femmes, les portraits de Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni, Emmanuelle Devos et Anne Consigny. On peut parler aussi de la musique de Grégoire Hetzel, dans la lignée des partitions de Georges Delerue, et de l'utilisation de musiques diégétiques mêlant une grande culture, du jazz au style électro. La culture, parlons-en. Elle s'étale ici ostensiblement : théâtre, marionnettes, littérature, philosophie, cinéma, religion, peinture, métaphore mythologique, tout l'ensemble d'un cinéaste à l'intellectualisme revendiqué. On pourra terminer par les acteurs, tous excellents dans des registres attendus (Amalric, Devos) ou moins (Deneuve au superlatif, Consigny, Mastroianni). Et puis cette façon de faire jouer les enfants, et puis ces dialogues si travaillés, et puis ce ton qui mêle le drame au badinage. « Je ne t'ai jamais aimé / Mais moi non plus ». Ah, ça en a énervé plus d'un. Et enfin cet art difficile de nous immerger dans un groupe vivant, oui, vivant, et de nous donner le plaisir de les suivre comme si l'on faisait partie de la famille, du groupe comme dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle).

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Il est joli, ton pull, très intello-bourgeois de Roubaix.

Une fois écrit tout cela, on peut pourtant avoir au bout du clavier un « mais ». Un « mais » insistant que l'on cherche à creuser et qui occulte petit à petit tout le reste. Mais quoi ? Suis-je donc tellement baigné dans l'air du temps qui se plaît à flageller notre cinéma national ? N'y a-t'il pas moyen de s'enthousiasmer sans arrière pensée pour un film français, sans être sur la défensive ? Sans chercher à l'excuser ? D'accord, Desplechin n'est pas le plus mal loti et ses films sont plutôt bien accueillis. Mais ils déclenchent des attaques violentes en forme de coups de pied de l'âne, d'autant plus redoutables et marquantes qu'elles se drapent dans la vertu outragée : réactionnaire, machiste, conservateur, bourgeois (argh : horreur absolue), autiste au monde d'aujourd'hui, raciste ou peu s'en faut. On retrouve tout ceci concentré dans une tribune du Monde signée Emmanuelle Retaillaud-Bajac, historienne. Alors moi, ni une, ni deux, je monte au créneau sur mes grands chevaux, ce qui est un peu casse-gueule, mais qu'importe, taïau !

Madame, Arnaud Desplechin est un cinéaste et à ce titre un artiste libre de parler de ce qui l'intéresse et d'ignorer avec superbe ce qui se passe dans les jardins d'à côté. Chaque cinéaste cultive son jardin et libre à vous de n'en pas manger les légumes.

Madame, vous nous parlez de la diversité de notre société pour vous plaindre qu'elle n'apparaît pas dans Un conte de Noël. Vous oubliez un peu vite que si cette diversité est une réalité, elle est loin d'être homogène. Si vous alliez faire un tour chez mes beaux-parents, vous seriez surprise de son absence, sans doute du même ordre que celle dans la bourgeoisie de Roubaix ou dans le Paris rêvé de Jean-Pierre Jeunet.

Madame, les films américains avec leurs quotas de noirs, d'hispaniques et d'hawaïens du sud-est sont ridicules et hypocrites. Ils ont conduit au personnage de Morgan Freeman dans l'histoire de Robin des bois. Le scandale, ce n'est pas l'absence de noirs dans les films, mais le fait que les nègres ne puissent réaliser, produire et distribuer leurs films. La diversité, c'est quand un cinéaste comme Quentin Tarantino, blanc, film une icône de la blaxploitation, Pam Grier, noire, comme Joseph Von Sternberg filmait Marlène Diétrich, avec amour. Sinon, c'est de la bonne conscience écoeurante associée à du ratissage commercial.

Madame, je crains que vous ne vous soyez endormie pendant le film, parce que les personnages de Catherine Deneuve, Emmanuelle Devos et Chiara Mastroianni manient le verbe hautement et la dernière a l'initiative sexuelle. La scène est par ailleurs très érotique pour un mâle pâle, hétérosexuel comme je le suis, et bien que cela m'ennuie de vous donner des arguments.

Madame, la famille décrite par Desplechin est socialement typée, certes, mais c'est le propre des bons scénarios d'être justes sur ce dont ils parlent. Est-elle minoritaire ? Je pourrais répondre : Et alors ? Mais je préfère vous retourner cette question : Par qui croyez vous que Nicolas Sarkozy a été élu ? Une minorité ?

Madame, votre diatribe est finalement assez méprisante pour le cinéma en général et  Desplechin en particulier.  J'ai surtout l'impression que vous lui reprochez ce qu'il est et de ne pas faire les films d'autres. Le genre d'argument qui me faisait déjà bondir appliqué à Robert Guédiguian. A vous lire, je me dit que nous ne sommes pas sortis de l'auberge.

Madame, j'aime, moi, Un conte de Noël. Je ne sais pas si c'est un chef d'oeuvre, je manie ce mot avec parcimonie pour ne pas le dévaloriser. Mais je pense que c'est le film le plus réussi d'Arnaud Desplechin, le plus rond, le plus léger, le plus clair. Une belle synthèse de ce dont son auteur est capable et un bel objet plein, généreusement, de cinéma.

Photographie : © JC Lother / Why Not Productions

Un autre avis sur Balloonatic

Une autre charge de Pascale Bodet sur Chronic'art

Une autre contre-attaque de Laurent Delmas

19/06/2008

Cannes 2008 : si loin, si proche

"La neige ne tombe pas pour couvrir la colline, mais pour que chaque animal laisse une trace de son passage."

Il y a un plan du même ordre que celui de Gomorra à la fin de Snow, premier film de la bosniaque Aida Begic. Un plan qui exprime un sentiment opposé. On y découvre enfin, magnifiques et boisées, les terres tant convoitées du village de ces femmes que l'on a vu lutter pour les conserver. Un morceau de pure beauté. Le début du film m'a un peu inquiété. Une jeune femme voilée, des bondieuseries, une caméra portée, des effets de mise au point : confusion. Heureusement, ça s'arrange assez vite et les choses, les gens, le propos et la mise en scène se mettent en place. Soit donc une communauté rurale en Bosnie, Slavno, réduite à six femmes de tous âges. L'année : 1997. Fils, pères et maris ont été emmenés par les milices serbes puis sans doute exécutés. Ne sont restés qu'un vieillard résigné et un garçon taciturne. Le village a été partiellement détruit mais ces femmes s'y accrochent. Chacune survit à sa façon, par le travail, la religion, l'espérance d'un exil, le souvenir. Mais elles n'ont pu faire leur deuil et se raccrochent à l'espoir d'un survivant, d'un retour. Si la paix est revenue, les serbes aussi, sous une autre forme. Mandatés par des groupes internationaux, vaguement maffieux, ils veulent racheter l'endroit pour en faire un complexe de vacances. La fable est limpide, jolie et morale. C'est la nature elle-même, à la faveur d'une tempête, qui se rebiffe et expulse les intrus. Le voisin serbe, dévoré de remords, révèle l'endroit de l'exécution et permet le deuil. Avec l'aide d'un survivant venu d'un autre village, la reconstruction pourra avoir lieu, et la vie continuer. Attachant au sens le plus fort que l'on puisse donner à ce mot, Snow a cette qualité que j'apprécie entre toutes, la faculté de faire partager de l'intérieur la vie et les sentiments d'une communauté qui semble si loin de moi. Une porte ouverte sur un ailleurs rendu tout proche. J'aimerais assez m'installer au soleil dans l'arrrière cour de Slavno pour déguster les confitures.

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Le cinéma iranien a bien des qualités mais pas forcément celle de faire rire. D'accord, il y a de l'humour chez Kiarostami et Makhmalbaf, mais ce ne sont pas Blake Edwards. Il faudra désormais compter avec Saman Salour et son film Taraneh Tanhayie Tehran(Le chant solitaire de Téhéran) présenté à la Quinzaine des réalisateurs. En Iran, il est interdit d'avoir une antenne parabolique, des fois que cela permettrait de capter des chaînes de télévision sataniques. Néanmoins, comme le raconte Marjane Satrapi dans Persépolis, les iraniens déploient des trésors d'ingéniosité pour accéder aux plaisirs interdits. Hamid et Behrouz sont deux cousins qui installent clandestinement ces antennes, prenant tous les risques. Le film est le récit picaresque de leurs aventures et de leur relation. Je suis bien conscient du paradoxe qu'il y a chez moi à m'enthousiasmer pour un film qui prône comme conquête de la liberté l'accès à la télévision. Mais c'est très drôle et assez inédit. Hamid est un sacré personnage, joué par Hamid Habibifar, une sorte de Woody Allen première manière, tout petit et quelque peu malingre, mythomane, hâbleur, beau parleur, baratineur, touchante boule de nerfs qui parle avec un débit de mitraillette. Behrouz est un colosse taiseux et emprunté, pas très loin de Bud Spencer, maladroit et pathétique. Il dit avoir fait la guerre dans les transmission et avoir été blessé. C'est lui qui le dit. Un couple pas très loin de celui de Steinbeck, Georges et Lennie dans Des souris et des hommes. Un couple qui fonctionne. Le film est parfois un peu maladroit, des cadrages tordus, une image vidéo pas toujours excitante (mais de jolies atmosphères nocturnes), un poil de mélodrame. Mais il fonctionne parfaitement sur les incessantes chamailleries des deux héros, très bien écrites et mises en valeur à travers une intrigue linéaire et classique, tout ce qu'il faut pour une bonne comédie. Saman Salour nous embarque dans un Iran inhabituel, un Téhéran banal, plutôt triste et assez angoissant peuplée d'hommes et de femmes finalement très proches, une ville très, trop moderne où la pénurie d'essence n'empêche pas les voitures de tourner sans cesse.

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Photographie : Snow © Mamafilm et Taraneh Tanhayie Tehran : DreamLab films

16/06/2008

Cannes 2008 : Voir Naple et mourir

Gomorra de Matteo Garrone est ce film italien adapté du livre de Roberto Saviano, jeune journaliste tout aussi italien. Le livre a fait un carton en son pays et son auteur est depuis lors sous étroite surveillance policière. La camorra, variante napolitaine de la maffia, n'a guère apprécié le portrait à charge qui a été fait de ses activités. Drogue, racket, meurtres à tous les étages, gestion des déchets peu compatible avec les normes européennes, corruption, concussion, collusion et pognon, pognon, pognon. Le film adapte l'ensemble avec fidélité et ne devrait pas contribuer à calmer les portraiturés.
 
A Cannes, il a été abordé par les commentateurs sous l'angle de l'opposition, détestable manie critique. Gomorra a été successivement été qualifié d'anti-Spielberg (pas d'aventurier au fouet dans la campagne napolitaine), d'anti-Scorcese (Pas de De Niro dans la zone napolitaine) et d'anti-Moretti ( Pas de pâtissier trotskyste dans la banlieue napolitaine). Je trouve plus intéressant de noter que le film puise sa structure dans les premiers films-enquête de Francesco Rosi comme Salvatore Giuliano (1961) ou Le mani sulla città (Main basse sur la ville - 1963) ; dans l'Accatone de Pier Paolo Pasolini et le dyptique Mery per sempre (1989) / Ragazzi fuori (1990) de Marco Risi pour la description d'un monde petites frappes adolescentes et la destruction de l'innocence ; et dans la tradition du polar à l'italienne, récemment illustré avec brio par Romanzo criminale de Michele Placido, pour le style, la caméra très mobile proche des personnages et le rythme haletant pour créer une tension parfois insoutenable. Il serait alors dommage de réduire Gomorra a sa dimension documentaire. A titre d'exemple, la scène qui conclut l'histoire du « caissier » est remarquablement pensée. La violence est d'abord entendue hors champ avant de faire irruption dans le cadre et au plus près du personnage. Le silence se fait après la panique et la caméra sort avec l'homme pour révéler le massacre en un moment qui rappelle de belles choses venues du western italien.

Il y a aussi un plan saisissant à un tiers du film. De jeunes adolescents jouent dans une piscine. La cadre s'élargit en un plan d'ensemble qui englobe toute la cité où se déroule une majeure partie du film. On découvre comme un immense vaisseau de béton, futuriste et hideux, un cauchemard d'architecte dément. La piscine y est réduite à une toute petite incrustation comme dans les space-opera hollywoodiens. Image terrible de ce que notre civilisation a pu produire de plus monstrueux pour abîmer les hommes.

Et les Cahiers du Cinéma qui trouvent que le cinéma italien ne va pas fort. Misère.

 

12/06/2008

Petits déplaisirs cannois

Le Festival de Cannes est quand même un peu schizophrène au sens courant du terme, c'est à dire bourré de contradictions. Il y a le fait qu'au sommet du tapis rouge sont projetés des films qui nous parlent, main sur le coeur, de toute la misère du monde pour un public sur son trente-et-un, sortant de sa suite du Carlton ou de son yacht mouillé dans la baie sous la lune pâle. L'écart est si grand entre le défilé des soirées en grande tenue et disons l'univers de la Camorra de Mattéo Garrone ou la révolution de Philippe Garrel que c'en est presque touchant. Les grands idéaux débattus sur l'écran n'empêchent pas les pensées de se tourner vers le lieu de la soirée « à ne pas manquer ce soir » ou les « invitations à retirer chez chose demain ». C'est généralement amusant mais par bouffées, comme un renvoi soudain, c'est insupportable. Le pire, c'est quand je me rends compte que cela nourrit le mépris nuancé de haine de ceux pour qui le cinéma, c'est « un truc de branleurs et un ramassis de feignasses ». C'est de mémoire la teneur des commentaires entendus dans une haie de CRS occupés à garantir la sécurité des joyeux festivaliers il y a trois ans. J'étais reparti le soir même, complètement écoeuré.

Ayant trouvé le personnel d'accueil charmant cette année, je ne dirais rien du déploiement sécuritaire qui d'ordinaire m'insupporte au plus haut point. Il parait néanmoins que l'on a fait évacuer tout un secteur pour que Clint Eastwood puisse présenter Dirty Harry au cinéma de la plage. Heureusement que l'omniprésident n'est pas cinéphile.

Dans un autre registre, mais là je m'y suis habitué, il y a l'attitude d'une partie des journalistes. Lors des séances du matin, si vous entendez claquer les sièges dès la première demi-heure, c'est sans doute un critique consciencieux qui se dépêche de sortir pour pondre le papier dans lequel il dira tout le bien ou tout le mal du film entrevu, grandement aidé par le superbe dossier de presse. J'ai compris cela le jour où un ami journaliste à la radio m'avait demandé comment se terminait tel film (La tregua de Rosi je crois) car son émission, à 13 h 00, ne lui permettait pas de rester aux deux heures du film. D'où une certaine méfiance désormais sur les critiques à chaud et une meilleure compréhension de l'écart qu'il y a parfois entre les avis exprimés sur la croisette et ceux qui le sont lors de la sortie des films à l'automne et à Paris.

Il a fait moche quasiment tous les jours.

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Ah, Cannes, Impetuous ! Homeric !

Dernier grand écart cannois, l'attitude envers les cinéphiles. De plus en plus axé sur l'aspect « professionnel de la profession » de la manifestation, le festival écarte de plus en plus les gens qui aiment les films et payent le reste de l'année pour les voir. Le public averti quoi, les cinéphiles si l'on peut encore écrire ce mot sans arrière-pensée. Cette année, par exemple, les séances de rattrapage du dernier dimanche qui permettait jusque là d'accéder aux films de la compétition, ont été interdites aux badges cinéphiles. Il faut expliquer à ceux qui ne sont pas familiers de la chose, qu'il y a différents badges à Cannes, chacun formant autant de castes avec des droits bien distincts. Les badges cinéphiles représentent le bas de l'échelle, les intouchables de la manifestation. Moi, je suis monté dans l'échelle sociale, mais je reste sensible au sort du lumpenprolétariat cannois. C'est d'autant plus dommage que ce sont ces spectateurs qui créent le bouche à oreille sur un film et peuvent l'aider efficacement. Les grands média sont toujours coincés entre la double exigence de l'actualité et du spectaculaire et ainsi, on plus parlé du Maradona de Kusturica et du Spielberg que de Gomorra de Garrone et pas du tout ou si peu de la restauration de Gamperaliya de Lester James Peries, ou du court métrage magnifique de Sam Taylor-Wood Love you more. Vous m'objecterez que c'est la pratique courante, mais justement, dans le cadre d'un festival qui affiche une ligne exigeante, c'est dommage qu'ils n'arrivent pas à mieux équilibrer la tendance. Les locomotives nécessaires (et pas forcément mauvaises) occultent une partie des films que la manifestation veut mettre en avant. Et le public de base ne peut jouer l'éventuel contre-pouvoir. Dommage par exemple pour un film comme Chealsea on the rocks d'Abel Ferrara diffusé en une unique séance spéciale et qui aurait sans doute bien besoin d'un coup de main.

La programmation de courts métrages en compétition était douloureuse, je me suis endormi quatre fois de suite aux quatre premiers films. Je ne comprends pas comment ils font leur sélection. En mémoire de sa prestation chez Philippe Lioret, je m'abstiendrai de vous dire à quel point le film de Mélanie Laurent est à pleurer d'insignifiance. A zut, je l'ai dit.

J'ai l'air de rouspéter comme ça, mais je serais là l'année prochaine. Je crois.

Photographie Republic Pictures of Belgium (800, rue Royale) pour The Quiet man de John Ford, autre acquisition cannoise de cette année. Pas pu résister.

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08/06/2008

Petits bonheurs cannois

Plaisir des retrouvailles. Je n'avais pas imaginé que Wong Kar-wai serait là pour la présentation de la version « redux » de Ashes of time (Les cendres du temps), nouvelle version de son film de chevalerie datant de 1994. C'est un film qui a eu des tas de problèmes et, à priori, Wong Kar-wai n'était pas satisfait du résultat. Quand Thierry Frémeaux a appelé le chef opérateur Christopher Doyle, je me suis dit qu'il était là en représentant. Puis son montés les acteurs Carina Lau, l'un des Tony Leung et Charlie Young qui semble peu connue du public bien qu'elle ai été l'héroïne de l'inégalable The lovers de Tsui Hark. J'ai commencé à comprendre qu'il était là. Wong Kar-wai est arrivé sous les ovations comme une rock star, costume noir, lunettes noires, impassible et décontracté. Il faut vous dire qu'en 1989, pour mon second festival de Cannes, j'étais allé voir sur les recommandations de Starfix un premier film venu de Hong-Kong, intitulé As tears goes by qui était présenté à la semaine de la critique. Son metteur en scène était venu à la fin de la projection, un peu raide, un peu timide, jeune, un costume bien sage. Et je m'étais demandé comment un gars aussi banal avait pu réaliser un film comme celui que je venais de voir, violent et passionné. Réponse, Wong Kar-wai n'est pas un gars banal.

Plaisir du soulagement avec le court métrage My rabitt Hoppy de Anthony Lucas après quatre ou cinq autres courts terriblement pénibles.

Plaisir des retrouvailles (bis). Réjouissant le segment du film Tokyo réalisé par Léos Carax, bien qu'il soit présenté comme « un film de merde ». Pour ceux qui aiment le cinéaste et se désolent, comme moi, qu'il ne tourne pas plus souvent, le retrouver avec une oeuvre aussi libre et drôle fait plaisir. Quand on voit Denis Lavant sortir d'un égoût, un oeil blanc, une barbiche rousse mal taillée, les ongles démesurés, dépenaillé, hirsute, semblable à l'Opale de Jean Renoir ; quand on le voit déambuler dans une grande artère de Tokyo sur la musique de Akira Ifukube pour Godzilla, le film fondateur d'Ishiro Honda et terroriser la population en balançant les béquilles d'un handicapé ou léchant l'aisselle d'une jeune fille, on ne peut qu'être aux anges.

Je n'ai jamais été spatialement aussi près de Steven Spielberg. Environ 300 mètres.

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Tu m'emmènes à Cannes l'an prochain / Heu... 

Plaisir de cinéphile. Le film le plus rare du festival, et l'un des plus beaux, ce fut la restauration sous l'égide de Pierre Rissient de Gamperaliya (Changements au village), un film Sri-lankais de 1965 réalisé par Lester James Peries. Mon premier film du Sri-Lanka. Rissient pour le présenter a eu des accents lyriques : « C'est comme découvrir Griffith ». De fait, le film est une splendeur visuelle, fresque à la fois historique, sociale et humaine et une oeuvre d'une grande délicatesse. Gamperaliya nous entraîne dans un monde qui semble très lointain, un sentiment de dépaysement du même ordre que celui dégagé par les films de Kurosawa ou Mizoguchi. En même temps, il dégage un parfum d'humanité très proche. La scène finale est un grand moment de la représentation du couple au cinéma et j'essayerais de revenir là dessus. A la fin du film, les yeux encore humides, je me suis rendu comte que j'étais assis juste devant l'équipe de Positif avec Michel Ciment, N.T. Bihn et Claire Vassé, je crois. Je suis rentré chez moi tout guilleret.

Le geste de Harrison Ford pour mettre ses lunettes juste avant le début de la projection. Souvenir de celui de John Wayne dans She wore a yellow ribbon.

Plaisir de parler de cinéma toute la journée avec des amis, des inconnus dans les files d'attente et Joachim que je rencontrais pour la seconde fois après Clermont Ferrand. Le dernier samedi, dans le décor déserté déjà du village de tentes de l'esplanade Pantiéro, nous finissions la clairette de Die du Conseil Général tout en passant en revue les films du festival avec deux amis chers. Douce et profonde fatigue, décontraction, soulagement d'arriver à la fin, regret d'achever une période de joyeuse désorganisation de vies assez réglées. Promesse de remettre ça bientôt. Nous nous sommes empoignés sur certains films, nous sommes défoulés sur quelques valeurs sures (Dumont, Egoyan, Van Sant, Haneke encore). Mes amis ont fait leurs pronostics et je les ai écoutés sagement car je n'avais vu de la compétition que Gomorra de Mattéo Garrone. Puis sous un ciel sombre, je suis partit voir Indiana Jones dans une salle « normale ».

Plaisir de fouiller une heure dans les affiches et les photographies des vendeurs spécialisés.

Plaisir de rentrer chez soi quand c'est marre. Et puis plaisir du coup de fil d'un ami qui a des places pour la séance de 22h00. Vous en reprendrez bien encore un peu ? J'aurais donc terminé l'édition 2008 avec The good, the bad, the weird (Le bon, la brute et le cinglé) de Kim Jee-Woon, hommage coréen à qui vous imaginez, sorte de bouffonnerie virtuose, un poil trop longue mais assez défoulatoire.

Plaisir le dimanche de filer au festival du Cinéma Brut de Mouans-Sartoux.

Photographie : collection personnelle, l'un de mes achats de cette année. Tall in the saddle (L'amazone aux yeux verts– 1944) de Edwin L. Marin avec John Wayne et la belle Ella Raines (c'est pour elle que j'ai acheté cette photographie).

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16/02/2008

Clermont 2008 – partie 4

Côté international, j'ai vu beaucoup moins de choses. J'ai surtout été séduit par Kilka prostych slow (Quelques mots simples), film polonais de la catégorie rapport mère/fille. Comme quoi c'est vraiment un problème de point de vue. L'histoire n'a rien de renversant. La mère jouée par Agata Kulesza a la quarantaine vigoureuse, bien dans son corps sinon dans sa tête, elle défend farouchement son autonomie, vendant en porte à porte des brosses qui massent la tête. Sa fille, jouée par la délicieuse Marlena Kazmierczak, chante admirablement mais est très introvertie, la tête sur les épaules, trop adulte déjà, quelque peu désolée de suivre les frasques de sa mère. Mais elle suit. Et sa mère, plantant ses loyers impayés, l'embarque pour une audition. Accident. La mère tombe sur un ex qui la dépanne et il a visiblement toujours quelque chose pour elle. D'où comédie et mélodrame. Pour la comédie il faut du rythme et la réalisatrice, Anna Kazejak n'en manque pas. Le film est construit avec rigueur et vivacité. Les deux héroïnes sont attachantes et on accepte volontiers, j'ai accepté volontiers, de jouer le jeu car, si je ne vous raconte pas la fin, vous pouvez la deviner sans peine. Pour le mélodrame, il faut de l'empathie. Ce qui fonctionne, c'est la délicatesse des portraits, l'épaisseur des personnages qui savent pourtant conserver une véritable légèreté. Le film est souvent drôle. Nous sommes loin du pathos de bien des films trop sages. Ce mélange d'humour et de drame agrémenté de sensualité et de dérision est assez caractéristique pour ce que j'en connais, de la comédie des pays de l'est. J'entends Jiri Menzl ? J'entends Milos Forman ? Oui c'est un (petit) peu cela.

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Je ne pouvais pas rater I love Sarah Jane (J'aime sarah Jane), le film de genre de la sélection réalisé par Spencer Susser. Du joli travail, très anglo-saxon. Dans un monde où les zombies se multiplient (miam), un jeune adolescent est amoureux d'une jeune fille à peine plus âgée. Joachim l'a très justement écrit, c'est le croisement de Georges Romero avec Larry Clark. Mais pas trop sexe quand même. Un groupe d'enfants comme dans la chanson L'empereur Tomato Ketchup vit en toute liberté. Ce sont les cow-boys et les zombies et tous les coups sont permis. Ils détiennent un père zombifié et résolvent le complexe d'oedipe de façon radicale. L'humour macabre est roi comme dans les fameux comics d'horreur. C'est gore. C'est à la fois carré et inventif, complètement, j'ose le mot, jouissif. Raison de plus pour regretter les ratages de la sélection française en la matière. Abattoir de Didier Blasco lorgne vers Lynch, Monstre (2) vers le vampirisme moderne mais ça ne marche pas.

Pour mémoire : Kolam (Piscine) de Chris Chan Fui Chnong, documentaire malais assez beau sur les enfants d'Aceh qui apprennent à vaincre leur peur de l'eau suite au tsunami. Giganti de Fabio Mollo, très italien, un peu trop convenu sur un portrait d'adolescent (soleil, mer, mafia). Waterfront Villa bonita, un film taiwanais de Yi-an Lou, étrange, parfois drôle mais un peu confus. Et puis Shake off, tour de force de Hans Beehakker autour d'une chorégraphie du danseur Prince Credell, impeccable.

Je reviendrais à l'occasion sur les sélections des prix du public, programmes qui m'ont donné l'occasion et voir ou revoir quelques bijoux du court métrage. Quel bon goût, ce public, ai-je écrit en préliminaire. Je confirme. Et je vous laisse avec ces quelques liens, si vous voulez partir en exploration sur la toile.

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Le site du festival

Voir L'idole aux mille reproches

Voir Tong (animation, sélection française)

Le site d'Alix Barbey

Un site sur Shake off

La bande annonce de I love Sarah Jane

Voir Procrastination (sélection internationale) chez Joachim

Des éléments du scénario de Irinka et Sandrinka

Photographies source : Filmpolski

14/02/2008

Clermont 2008 – partie 3

Lisa est sans doute le film le plus rond que j'ai vu cette année. Réalisé par Lorenzo Recio, déjà auteur d'un très beau L'âne, l'infante et l'architecte en animation, monté par Jean-Gareil Periot dont j'ai revu le 200 000 fantômes (j'y reviendrais), photographié par Dylan Doyle, c'est un bel objet. Cette histoire d'une petite fille défiant l'autorité d'un père violent est traité comme un conte fantastique. Noir et blanc de grande classe, absence de dialogues, plans très travaillés (ce qui ennuie certains) illustrant les visions poétiques et terrifiantes de la fillette. Autour de la vaste demeure isolée dans d'improbables années 50, nous sommes entre Alice au pays des merveilles et La nuit du chasseur. Impossible de ne pas y penser quand la fillette se réfugie au fond d'un terrier en compagnie de lapins blancs occupant le premier plan. Il y a des idées de cinéma et une très belle idée sur le cinéma à la fin. C'est très aboutit, maîtrisé, impeccable et en écrivant cela j'ai l'impression de desservir le film. Ne me croyez pas, c'est superbe.

Dans les films carrés, C'est dimanche ! De Samir Guesmi possède les même qualités que Viande de ta mère de Laurent Sénéchal que j'avais aimé l'an passé sur une thématique proche : sensibilité, humanisme et humour. Un jeune adolescent est viré de son collège et orienté en filière technologique. Son père, un travailleur immigré, se méprend sur le sens de la lettre qui annonce la nouvelle et croît à une bonne nouvelle. Fier, il va vouloir fêter ça et honorer son fils juste au moment ou le garçon vient d'obtenir de sa pulpeuse amie quelle lui montre ses seins « s'il fait beau dimanche ». Il fait beau dimanche et une implacable mécanique se met en marche. C'est très bien écrit, jouant sur deux ressorts de la comédie qui ont fait leurs preuves : la méprise et le suspense sentimental. C'est traité avec finesse, faisant affleurer des choses plus graves (l'éducation, l'entrée en adolescence, le rapport père-fils, tout ça) sans jamais sacrifier au plaisir du récit. Le film est surtout remarquable dans sa peinture des différents personnages secondaires comme celui du tailleur joué par Simon Abkarian ou la jeune femme joué avec intelligence par Elise Oppong. Ils ont un véritable espace pour exister. « Je n'ai pas l'air comme ça mais pour moi aussi c'est la première fois » dit-elle, révélant ses beautés. Film généreux, C'est dimanche ! est aussi un premier film.

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Très carré également, Nationale d'Alix Barbey. Trois personnages et un chien errent pour des motifs divers dans l'une de ces abominables zones commerciales qui bouffent la vraie campagne. C'est la veille de Noël et les quatre trajectoires vont se rencontrer dans un abri-bus battu par la pluie pour quelques minutes où vont se jouer l'illusion d'une famille. Un groupe dont la simple beauté va transcender la laideur de l'environnement. « C'est si simple l'amour » disait Garance. Douce ironie sans pathos. Le côté exercice de style empêche le film de surprendre vraiment, mais c'est de la belle ouvrage et Alix Barbey sait laisser suffisamment de choses dans l'ombre pour que l'on s'intrigue et que l'on entre dans son jeu.

Dans un registre plus inattendu, j'ai été sensible à Boulevard l'océan de Céline Novel. C'est une tentative plutôt réussie de comédie dans l'esprit de Tati et, comme je dis souvent, il y a de pires références. Une jeune femme en vacances au bord de la mer. Rituels d'une vie solitaire mais, pour une fois, pas désespérée. Assumée. Elle essaye vaillamment de faire décoller un sorte de cerf volant sophistiqué (si quelqu'un connaît le nom exact). Les dialogues sont réduits au minimum, la mise en scène rigoureuse et les cadres larges. Le montage inventif traduit les efforts de l'héroïne qui va attirer plus ou moins consciemment l'attention d'un touriste placide. Il y a de jolies choses comme le jeu sur les lumières de la résidence estivale. Céline Novel joue le rôle principal avec ce qu'il faut de retenue, de regard candide et d'expression lunaire. Mais déterminée.

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Irina et Sandrinka de Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Fink est une alliance assez excitante d'animation et de documentaire familial. Sur un entretien réalisé avec la grand mère de Sandrine Stoïanov, Irina (Russie, tsars, révolution, exil...), les réalisateurs composent un kaléidoscope mêlant diverses formes d'animation , une esthétique inspirée des graphistes soviétiques et l'incrustation d'images d'archives. J'ai cru reconnaître Octobre d'Eiseinstein. Il y a beaucoup d'idées dans l'animation et assez de rigueur dans le récit pour que cela dépasse l'anecdote ou l'exercice.

Alain Cavalier, le filmeur du Plein de super était en compétition avec Lieux saints, un documentaire étonnant sinon alléchant consacré aux toilettes, WC, gogues, cabinets, ouatères, chiottes, lieux d'aisance (parfois), bref aux petits coins si intimes même s'ils sont publics. Peut-on juger de la qualité d'une civilisation à la façon dont elle évacue les sécrétions naturelles ? Armé d'une petite caméra numérique, Cavalier explore avec méthode les cuvettes de ses amis, de bars et de restaurants, d'hôtels, errant sur les murs, s'attardant sur tel ou tel détail, allant jusqu'à faire un portrait très précis d'une simple vis. Sa voix chaude porte un commentaire plein d'humour. On sent son excitation à aborder ce sujet, le plaisir ludique à composer un film avec un matériau si réduit, la peur d'être découvert. Il arrive à jouer la contemplation, le suspense, la nostalgie et maintient l'intérêt pendant une bonne demi-heure. Vers la fin, le film prend une autre direction quand Cavalier nous fait visiter les toilettes de la maison de retraite de sa mère au moment de son décès. Le ton se fait grave et il passe quelque chose de poignant quand il cherche à retrouver, à se fondre dans le regard de la disparue. L'urgence à filmer la frise courant sur le mur est une interrogation muette. « Objets inanimé, avez vous donc une âme ? ». Mais Cavalier pirouette à la façon de Devos avec son peigne et enchaîne comme je l'ai écrit plus tôt sur un joli moment de philosophie existentialiste autour d'un mégot au fond d'un urinoir. Vanité de toutes choses.

En passant en revue mon programme, je me dis que c'était finalement pas mal. Éclectique en tout cas. Sans avoir trouvé véritablement un film qui me fasse monter aux rideaux, il y avait beaucoup de choses intéressantes. Comme chante Brassens, « chacune a son petit mérite » malgré les maladresses. Comme on ne nous montre pas facilement les courts métrages, guettez leur passage à la télévision où dans les festivals près de chez vous. Guettez Le vacant de Julien Guetta avec un beau rôle pour François Stevenin, Les illusions de James Thierrée, documentaire original sur les derniers jours du spectacle La symphonie du hanneton, Pourville de Juliette Baily et Les secrets de Tony Quéméré deux films de famille dans des registres différents, Tony Zoreil de Valentin Potier, comédie pour vulcains, et puis encore Comme tout le monde de Franco Lolli, un peu trop léger pour un grand prix mais bien fichu dans la catégorie rapport mère-fils. Et puis ceux que j'ai raté et ceux que je n'ai pas aimé. Je vais vous donner des liens.

(à suivre)

Photographie : C'est dimanche ! site france 3 et Boulevard l'océan site les 400 coups

13/02/2008

Clermont 2008 - Primrose Hill

Avec le recul, c'est Primrose Hill de Mikhaël Hers qui s'impose à moi comme le film le plus fascinant de cette édition. Il a pourtant à la base bien des éléments peu enthousiasmant : quatre jeunes musiciens dans le vent parisien, sur le fil de question existentielles, un filmage en lents travellings façon Gus van Sant, voix off et plans séquences. Et puis cette scène essentielle du dernier tiers qui me pose problème.

Primrose Hill est une colline du côté de Regent Park, à Londres, dont l'image est liée à l'oeuvre de nombreux artistes, des musiciens notamment comme les groupes Madness, Blur ou Oasis. C'est également là que se termine le roman de H.G.Wells, War of the world. Bref, cette colline est parcourue un jour d'été par cinq amis, unis par leur amour de la musique pop (anglaise évidemment) et de rêves communs comme monter un groupe et déchaîner les foules. Quand le film commence, quelques années ont passé et ils ne sont plus que quatre à déambuler sur la colline du parc de St Cloud. C'est l'hiver. La musique est toujours là, mais l'énergie a disparu qui devait porter les rêves. Dans l'un des premiers plans, nous les voyons ranger leurs instruments. Tout est dit.

Primrose Hill est construit de lignes qui suivent des trajectoires parallèles. Les amis marchent côte à côte, deux par deux. Il y a Londres et Paris, l'été et l'hiver, la voix off de l'absente venue du passé, aux phrases ciselées, et les dialogues du présent, denses et directs. Le film a beau être bavard, il laisse tout l'espace nécessaire à ce qui se joue entre les personnages : l'inexprimé de leurs sentiments, perte, amitié, amour, rage, impuissance, espoir. Ces sentiments trouvent leur expression dans la remarquable ambiance hivernale qui baigne le film. Le parc est baigné d'une superbe lumière douce et triste, on sent le froid et l'humidité. La photographie est de Sébastien Buchmann. La mise en scène les enveloppe de longs mouvements élégants, de larges cadres, et laisse les plans durer. Et ainsi ils vont, résolument, un rien butés, tout en donnant l'impression que leur périple les fait tourner en rond.

A un noeud de leur existence, ils croisent différents possibles. C'est la jeune mère de famille et la vie rangée, c'est le jeu de ballon et le maintient dans l'enfance, c'est la scène de l'hôpital et la dérive. C'est la tentation de la résignation. Ou de la fuite comme Sonia, jouée par Jeanne Candel, qui joue en province (Marseille ?) avec un groupe appelé les Gavroches Plutonium. C'est une pragmatique. Dans le groupe, le plus acharné à préserver le rêve, c'est Stéphane, joué par Hubert Benhamdine, le frère de la disparue qui accepte d'autant moins un nouveau déchirement. Thibaud Vinçon joue Xavier, celui qui malgré son allure de breton costaud, est sans doute le plus faible, déjà désabusé. Il montre à travers ses réflexions sur ses clients (il est disquaire) qu'il rejette ce qu'il a été. Joëlle est la plus lucide, l'interprétation tout en finesse et en charme de Stéphanie Daub-Laurent vient de lui valoir un prix d'interprétation. C'est elle qui va pouvoir proposer à Stéphane une porte de sortie.

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Le film va se résoudre quand les lignes vont enfin se croiser. Joëlle et Stéphane vont se retrouver dans une petite chambre et va se jouer une très belle scène problématique. Il leur faut beaucoup d'énergie pour vaincre la pesanteur de leurs corps et rompre la force d'inertie qui les tient à distance. Ils se touchent enfin, au terme d'un suspense sentimental filmé avec tendresse et grâce. Je me serais presque cru chez Capra du côté du téléphone. Ils s'embrassent. Hers joue alors de petites touches de comédie. Elle met un disque. Il en change. « Tu veux me faire une sélection ? » ironise-t'elle. Ils se déshabillent puis s'étreignent. Et là, j'aurais aimé que la caméra se retire sur la pointe des pieds, avec délicatesse. Mais non, elle reste pour le plan séquence. On pourra argumenter que c'est en cohérence avec le style du film mais ça m'a gêné. Je trouve ce genre de scène inutilement risquée. A partir du moment ou l'idée est passé, et de belle façon, je commence à m'éloigner des personnages pour retrouver deux acteurs gigoter de leur mieux. En plan large, ce n'est vraiment pas évident. En général, c'est ennuyeux et/ou ridicule. Sauf pour les films érotiques, mais ce n'est plus le même objectif. Dans ce cas précis, j'ai trouvé que ça cassait un peu la magie des préliminaires. La scène a ses ardents défenseurs.

Suit une belle séquence familiale un peu dans le ton du dernier film de Philippe Lioret, un autre film sensible sur la perte, le deuil et le devenir adulte. Le film s'achève sur un dernier retour sur la colline de St Cloud qui se fond enfin, par la grâce des fantômes apaisés, avec Primrose Hill. Et la vie continue, comme on dit.

Il serait gonflé de parler de Primrose Hill sans mentionner sa bande sonore. Il faut avouer que, tout en aimant le style, je ne suis pas un grand connaisseur de la pop anglaise. Je considère aussi que la grande force du film est de ne pas rendre les chansons de Martin Newell, The Adventure Babies, The Little Rabbits (eux je connais) et autres Felt, trop envahissantes. Ils baignent le film qui, d'une certaine façon, est lui-même construit comme un de ces morceaux pop. Son atmosphère, son charme mélancolique, est celui de ces chansons que l'on a aimé et qui passent l'usure du temps. Ceci achève de faire de Primrose Hill une oeuvre attachante, littéralement remarquable.

 And after all this time

To find we're just like all the rest

A lire chez Joachim, Pop News, Indie-boy traqueur et Ed Sissi.

Photographie empruntée chez Joachim.

22:28 Publié dans Festival | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mikhael hers |  Facebook |  Imprimer | |

12/02/2008

Clermont 2008 – partie 1

De retour depuis mercredi soir et ça me semble déjà loin. J'ai eu beau temps et, le dernier soir, j'ai mangé une délicieuse tartiflette avec un feuilleté aux myrtilles au St Vincent, juste dessous la cathédrale. Retenez l'adresse. J'ai vu des amis, nous avons parlé cinéma, rien que cinéma, je ne savais même pas que notre président s'était marié. J'ai rencontré Joachim du blog 365 jours ouvrables. De tous ceux que je lis et avec lesquels j'échange régulièrement depuis trois ans, il est le premier que je rencontre « en dur ».

Clermont, c'est aussi l'occasion de prendre la température d'un petit monde, celui du court métrage en France. Monde de réalisateurs, d'associatifs, d'organisateurs de festivals, de petits producteurs, d'éditeurs. Un petit monde fragile dont l'inquiétude était palpable. Il faut dire qu'il y a de quoi avec les récentes coupes au sabre clair dans les budgets des DRAC (Directions Régionales des Affaires Culturelles), les bras du soutient de l'état dans les régions. Cette politique qui met en avant l'évaluation, la rentabilité, les indicateurs, l'étude de risque pour en prendre le minimum avec deux aspirines, a braqué tout ce petit monde contre elle. Manifestation le 11 janvier dernier, réflexions tout azimut pour une riposte appropriée. Hélas ce milieu de feignants gauchistes est le dernier des soucis de la merveilleuse ministre la culture, bien cadrée par une lettre présidentielle. Des résultats, c'est tout ce que l'on vous demande. « Lesquels ? » insistent les feignants gauchistes naïvement. Ca me rappelle les échanges à la fin du premier film de la série Indiana Jones. Silence distant sur toute la ligne. Du coup, j'ai trouvé l'ambiance un rien crispée cette année.

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Clermont, ce sont donc les films, oui, les films. Des courts métrages uniquement, malgré la sélection de plusieurs films approchant de l'heure. J'ai vu 14 programmes, 8 français et 3 internationaux, 2 de l'excellente rétrospective consacrée aux prix du public (quel bon goût, ce public), et 1 de la carte blanche à Château Rouge productions dont je ne dirais rien par charité. Il paraît que l'autre est mieux. Vu l'impressionnante quantité de films présentés, c'est un peu court pour en tirer des généralités, d'autant que l'équipe de Clermont, qui fêtait cette année les 30 ans du festival, essaye toujours de balayer un large spectre de la création du moment. Cela conduit parfois à des sélections déroutantes ou étonnantes.

Deux-trois choses, pourtant, qui m'ont frappé.

La présence de la cigarette dans les films. Je ne sais pas si cela était dû aux récentes interdictions, on fume beaucoup dans le cinéma, mais il semble que les scénaristes ont du mal à faire faire autre chose à leurs personnages que s'en griller une. Deux films en font même leur sujet principal dont le joli L'idole aux mille reproches, film d'animation de Jérémie Gruneau. Une sorte d'Alice au pays de la nicotine bourré de trouvailles visuelles. Même Alain Cavalier, réalisant avec Lieux saints un documentaire inattendu sur les toilettes, le termine par un morceau de philosophie inspiré par un mégot au fond d'un urinoir. Scénaristes, un effort !

Le monde ouvrier. Je ne comptais plus les personnages de soudeur, docker, manoeuvre, employé d'abattoir ou de la confection. Il y a une véritable fascination pour ces métiers souvent virils et pas faciles, associé à une vision sombre, sombre, de notre beau pays aujourd'hui. Il y a pourtant des occupations autrement plus exaltantes pour égayer un film comme trader à la Société générale, archéologue aventurier, révolutionnaire au Mexique ou candidat aux municipales. Une jolie exception, même si le film termine en queue de poisson, Le silence des machines de Paul Calori et Kostia Testut avec sa tentative de comédie musicale en usine. Scénaristes, encore un effort !

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Le retour à la terre. J'y vois l'influence (réelle ?) de l'importance des régions dans le financement du court métrage. On a suffisamment critiqué le côté parisien de nombre de films pour je n'ironise pas sur les papiers peints d'époque, les fermes pas finies, les meubles qui craquent, les sous bois humides et la lourde terre des champs. Scénaristes, enfin, voyez l'utilisation intelligente du « no man's land » entre campagne et zone commerciale dans Nationale de Alix Barbey et, par pitié, assez de stations services. Elles ne sont définitivement plus des substituts aux relais de diligences de nos chers westerns.

Côté sujet, le rapport père-fils tient la corde, suivit par le rapport père-fille et le rapport mère-fils (Grand prix cette année). Non-dits, temps du bilan, remises en questions, incommunicabilité, lourd secret de famille sont les moteurs de ces fictions et parfois de documentaires en forme de journal intime. Parfois, ça marche, tout est une question d'angle comme dans Lisa de Lorenzo Reccio. Mais souvent, oui souvent...

Côté mise en scène, le plan des trois quart dos sur la nuque et l'oreille du personnage au volant de sa voiture gagne haut la main le prix du poncif. Avec ou sans cigarette. J'imagine que ce n'est pas facile de trouver un bon angle dans une voiture, mais l'oreille n'est pas un organe très expressif, sauf dans Tony Zoreil, la charmante comédie de Valentin Potier (sans d'ailleurs aucun plan dans une voiture). J'ai l'air de plaisanter comme ça mais il y a des impressions tenaces.

(à suivre)

Photographies : L'idole aux mille reproches : le Cohlporteur et Nationale © Michael Crotto

02/02/2008

Rituel

Comme chaque année, je pars quelques jours au festival du court métrage de Clermont Ferrand. On va voir des films, boire des coups et claquer des dents et puis voir encore des films. Je vous raconte quand je reviens. J'aime beaucoup leur affiche cette année, les couleurs surtout. Cliquez dessus pour découvrir le site du festival.
 
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02/09/2007

Ford à l'Institut Lumière

L'année John Ford se poursuit avec la rétrospective qui lui est consacrée à l'Institut Lumière de Lyon. Elle s'est ouverte le 31 août et se poursuivra tout l'automne. Je vous recommande la visite de leur site, en particulier le téléchargement gratuit de leur revue Rue du film avec le programme complet, plein de photographies superbes (voyez John Wayne page 13 et défaillez de bonheur), ainsi que des reproductions d'affiches qui illustrent l'exposition que les heureux visiteurs de la cité des Gaulles pourront aller visiter. Pour ce qui est de la sortie du livre de Bogdanovich, je ronge mon frein mais elle est encore repoussée. Du moins, le livre n'a pas atteint les librairies niçoises.

Je profite de l'occasion pour remercier chaleureusement 4roses pour ses liens audio, je vous laisse celui-ci (France Culture) encore actif. Et pour célébrer tout ceci dignement, une petite galerie d'affiches (source : l'indispensable site Carteles).

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30/08/2007

Festivals all'dente

Signalée par mes correspondants espagnols, Rodicio et Gelmirez, la belle Orchidea De Santis est une figure caractéristique du cinéma de genre italien. Blonde vaporeuse et sexy, elle a traversé de 1965 à l'orée des années 80 la plupart des genres emblématiques : Peplum, débutant avec Gli tre invicibili de Gianfranco Parolini, Giallo et film policier avec Michele Lupo et Sergio Sollima, western, polissoneries à base de doctoresses et d'infirmières mais aussi variations érotiques d'après la « trilogie de la vie » de Pier Paolo Pasolini. La belle est toujours très belle et aujourd'hui toujours très active. Dévouée à la cause du cinéma de genre, elle organise à Rome depuis 2005 un festival, Italia (de) genere qui s'est tenu cette année du 20 au 26 août et qui a présenté des oeuvres aussi essentielles que Quien Sabe ? (El Chuncho) de Damiano Damiani ou Non si sevizia un paperino (La longue nuit de l'exorcisme) de Lucio Fulci. Cette année, j'assistais au nombreuses découvertes de ma fille, mais c'est une destination estivale à retenir pour les années à venir.
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Plus prestigieux, c'est aussi le plus vieux festival de cinéma du monde. La 64e Mostra de Venise s'est ouverte hier soir. Loin de moi l'idée de vous en présenter les grandes lignes, les invités à paillettes et les oeuvres tant attendues. Je voudrais simplement, et plus particulièrement pour mes amis Breccio et Tepepa, signaler une imposante rétrospective consacrée au western italien : Storia segreta del cinema italiano 4 parrainée par Quentin Tarantino soi-même et qui propose pendant le festival 32 titres dont une version « uncut » de Django (Caisse à dire ?), des grands classiques (Sollima, Corbucci...) et des raretés (Guerrierei, Canevari...) à découvrir sur leur site. Emouvant.

 

Technorati Profile

07/04/2007

Court métrage à Nice

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23/03/2007

Manifestation

19/02/2007

Clermont 2007 seconde partie

La jeune actrice Sophie Quinton était dans le jury national de cette édition et je suppose que c'est l'une des raisons qui ont fait que son dernier film, Dire à Lou que je l'aime réalisé par Hedi Sassi, a été présenté dans un programme régional. J'ai bien espéré la croiser tout au long de ces quatre jours, mais en vain. Le soir de la clôture, comme nous étions au balcon, je ne l'ai vue que de très loin, comme vous pouvez le constater sur la photographie de la note précédente. La petite forme blanche au milieu, c'est elle. Bon, ceci dit, je suis très content d'avoir pu compléter ma filmographie de l'actrice, et je suis ravi qu'elle continue de s'investir dans le court métrage. Avec Hedi Sassi, elle avait déjà fait Mitterrand est mort en 2003 et les deux films sont assez proches, des films de taiseux, avec un rythme lent, les mêmes défauts et les mêmes qualités au premier rang desquelles il faut mettre la capacité de Sophie Quinton à faire immédiatement vivre un personnage. Il y a quelque chose chez elle qui me fait penser à Sandrine Bonnaire, quelque chose qui la rend proche, naturelle et passionnante dans les plus simples des gestes. Ici, elle est une jeune femme qui passe Noël avec son père et se rend compte, petite à petit, que celui-ci est atteint de la maladie du « sieur Alzeimer ». Comme le précédent film de Hedi Sassi, c'est la description d'un rapport difficile entre un homme agé et une jeune femme, entre deux générations. C'est aussi un cinéma un peu trop sage, très classique dans sa forme, qui repose surtout sur les regards et les attitudes des personnages. Un cinéma qui manque un peu d'ambition purement cinématographique.

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Tout le contraire du film suédois qui a été primé cette année, Le dernier chien du Rwanda (Den sista hunden i Rwanda) de Jens Assur. J'aime beaucoup cette phrase de je-ne-sais-plus-qui (Godard peut être) qui dit que le court métrage sera véritablement considéré le jour ou on ira voir un film de dix minutes comme on va voir un film de deux heures. Même si je remarque que dès l'origine les courts métrages ont été regroupés en programmes pour le public, il y a encore trop de personnes (voir les commentaires de la note précédente) qui considèrent le court comme un genre en soi, qui disent « je vais voir des courts » comme je dis « je vais voir des westerns ». Le film de Jens Assur est un parfait contre exemple dans la mesure ou il réussi sur trente minutes là ou Hôtel Rwanda de Terry Georges ou Shooting dogs de Michael Caton-Jones échouent en deux heures sur l'écueil de la bonne conscience et de l'indignation convenue. Le dernier chien du Rwanda met en scène un photographe de guerre, David, qui a choisi ce métier par fascination pour la guerre et la violence. Une fascination qui remonte à l'enfance. Comme il le dit en introduction, sa guerre préférée, c'est celle du Rwanda, préférée comme on le dit d'un restaurant. A travers ce personnage hautement antipathique, c'est toute une attitude de l'occident qui est explorée. Il n'y a ni grand discours indigné, ni tentative de vulgarisation, le film se suffit de suivre David qui se ballade avec un gilet pare-balle par plus de trente degrés et, dans un petit passage emblématique, évite discrètement de boire dans une bouteille utilisée par un rwandais. La violence sèche du film est autant dans la lourdeur de l'atmosphère (tournage en Afrique du Sud) que dans les comportements. C'est un premier film et la maîtrise de Jens Assur est impressionnante : construction en flash-back, ellipses hardies, humour sarcastique et une façon de se situer par rapport aux scènes violentes qui glace. La portée du film dépasse son strict cadre historique pour faire le portrait de l'arrogance ordinaire.

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Une chose qui me frappe toujours dans la sélection internationale, c'est la qualité de certaines interprétations. Il y a peut être un effet du au langage, le fait que l'on a le meilleur des films de chaque pays, mais le fait est là. Il y a en international des performances extraordinaires. Jonas Karlsson dans Le dernier chien du Rwanda est un bel exemple, mais je citerais volontiers les actrices de Pluie saisonnière (Temporal) réalisé par Paz Fabrega : Sara Fischel et Annette Aguilar. Elles jouent deux jeunes filles du Costa Rica qui voient partir leurs amis pour l'université et la grande ville. Partir, rester, c'est un peu Américan graffiti ! Le film est très sensuel et les deux actrices jouent de physiques singuliers pour camper les deux adolescentes. Sara Fischel en particulier, avec une petite voix rauque et un corps menu, semble à peine sortie de l'enfance. Dans un tout autre registre, il y a le Vanya de Hannes Kaljujärv dans Vanya sait (Vanya Vet) du suédois Fredrik Edfeldt, un personnage haut en couleurs, mythomane de grande classe, immigré ukrainien en charge d'une sorte de halte garderie et dont l'histoire, l'histoire officielle, douloureuse et secrète, comme les nombreuses histoires à base de vantardise, de poésie et de sexe qu'il passe son temps à raconter, forment le récit d'un jeune garçon devenu écrivain. Il y a encore le duo Peto Menahem et Juan Carrasco, le vétérinaire et son client singulier dans Le perroquet (El Loro) de Pablo Solarz, comédie argentine casse-gueule puisque l'un des personnages est atteint de troubles neurologiques. Mais ça fonctionne. Même dans des films plus moyens, péchant soit par la mise en scène, soit par les moyens engagés (le problème de la vidéo dont je parlais plus haut), les interprétations sont souvent de très bon niveau.

Je terminerais avec quelque chose que j'aime beaucoup dans ce festival, c'est la part du hasard. Pour moi, il fait bien les choses. Ainsi, quelques heures avant la clôture, nous nous sommes retrouvés dans l'un des programmes hommages aux réalisateurs polonais Piotr Kamler et Zbigniew Rybczinski. Nous étions partis sur l'idée de voir le fameux Chronopolis réalisé par le premier en 1982 et de nous éclipser discrètement pour rejoindre le grand auditorium avant L'orchestre du second. Je dois avouer que Chronopolis a beau être visuellement superbe, je m'y suis ennuyé ferme. Je ne sais pourquoi, au moment de se lever, j'ai eu la flemme, et nous sommes restés. Coup de bol, ce fut une splendeur ! L'orchestre est un très grand film, une oeuvre musicale et expérimentale comme un grand tourbillon, un immense mouvement qui emporte, le mouvement de la vie et de l'Histoire, plein de grâce et de musique, de danse et de belles femmes, de politique et de philosophie, d'humour et de magie. Magie, oui, c'est le mot, la magie du cinéma.


Quelques films de Cette édition 2007 :


Volatiles (Birds) de Pleix de Prix du public, catégorie labo

Tygre (Tiger) de Guilherma Marcondes, prix de la presse


Photographie Temporal : Silvia Villalta/Max Myers

Photographie Le dernier chien du Rwanda : Kamerabild