Cannes 2008 : Love you more (22/06/2008)

En ce lendemain de la fête de la musique, le choix de Love you more de Sam Taylor-Wood me semble approprié pour poursuivre mes chroniques cannoises, bien que cela n'ai pas été prémédité. J'ai simplement beaucoup de retard. Je vous ai parlé il y a peu du sentiment d'exaltation ressentit à la sortie du premier volet des aventures d'Indiana Jones, au temps de mon adolescence. Le sentiment procuré par ce court métrage en compétition est du même ordre. Si je voulais faire le malin, je dirais que c'est le meilleur film que j'ai vu cette année à Cannes. Ce serait injuste mais c'est pourtant celui qui me laisse l'impression la plus forte. Je soupçonne un peu, je l'ai déjà aussi écrit, que le plaisir a été renforcé par la médiocrité globale du reste du programme. Il faudra le revoir.

Love you more se situe très précisément en juillet 1978, date de sortie du single Love you more des Buzzcocks groupe punk formé à Manchester dans le même mouvement que les Sex Pistols. Nous sommes dans un lycée londonien où l'on porte encore l'uniforme, blazer à écusson, jupe et cravate. Peter, d'apparence bien sage avec sa jolie frange façon Beatles lorgne sur la belle Georgia aux mèches plus rebelles. Bien sûr, elle semble l'ignorer. Mais Peter n'est pas le dernier des imbéciles et pour la séduire, la grille chez le disquaire du coin en embarquant l'unique exemplaire du tout nouveau 45 tours des Buzzcocks à la belle pochette rose. Georgia se mord les lèvres. « Tu aimes les Buzzcocks ? » s'étonne-elle. Il joue les affranchis de façon touchante et elle lui propose de venir l'écouter chez elle. Et devinez ce qui arriva.

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Love you more est une histoire de premières fois. Première écoute, premier amour, première étreinte, première dépose du saphir sur le sillon, premières notes, première sortie. C'est une histoire de découvertes. Découverte de la musique, d'un groupe, de l'autre, du sexe, du plaisir. J'ai trouvé les autres courts métrages pénibles parce qu'ils reposent sur des choses assez ténues, anecdotes qui ne se subliment pas en quelque chose que, faute d'autre mot, je qualifierais de poésie. Sam Taylor-Wood opère la sublimation. Son film donne à voir, à entendre et à ressentir les sentiments qui animent ses deux jeunes héros. Il y a une symbiose étonnante entre la musique, cette énergie juvénile du punk originel, la beauté des images, l'énergie des acteurs et leur sensualité qui se libère. Le coeur du film c'est cette première étreinte du couple, sa formation. Elle est à la fois directe, magnifiée et, chose rare, pleine d'humour. Elle est proche de celle de Primrose Hill de Mickaël Hers, sans ce côté frontal qui m'avait (un peu) gêné. La façon de tourner de Taylor-Wood donne un équivalent à la musique des Buzzcocks : linéaire, évidente, ébouriffée. Mais nous ne sommes jamais dans une idée de clip, plutôt dans une idée de comédie musicale. C'est très beau et l'humour désamorce, comme dans la vie, la gravité de la situation.

Peut être que Sam Taylor-Wood fait si bien passer l'essence d'un sentiment, d'un moment, parce qu'elle ne vient pas d'un univers purement cinématographique. Cette jeune femme est une plasticienne et photographe, artiste vidéo renommée dont le travail est axé justement sur le sentiment et sa difficulté à l'exprimer. Love you more n'est pas son coup d'essai de cinéma pour autant, elle a participé au projet Destricted, avec l'histoire Death Valley, assez pénible, à peu prés tout ce que Love you more n'est pas, mis à par cette façon directe de filmer le sexe. A noter que le film a été produit par Anthony Minghella, récemment décédé et auquel il est dédié.

Le couple est formé. Elle le raccompagne chez lui. Ils ont un dernier regard plein de promesses. « On a pas écouté la face B » remarque-t'il.

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