Cannes 2008 : Deux amis (28/06/2008)

J'aime généralement les documentaires sur le cinéma. Pas toujours pour leurs qualités propres mais pour ce que j'en apprends et les envies qu'ils suscitent. Et puis, même au sein d'un documentaire médiocre, un extrait d'un film de John Ford reste du John Ford. No subtitles necessary : Lazlo and Vilmos de James Chressanthis était cette année présenté à Cannes Classic et retrace le parcours, l'art et l'amitié de Laszlo Kovacs et Vilmos Zsigmond. Les deux hommes sont hongrois, nés au début des années 30. Ils ont étudié le cinéma ensemble, filmé l'insurrection de Budapest en 1956, fuit le pays à l'entrée des chars russes avec leur pellicule et se sont réfugiés aux États Unis en 1957. Tous les deux sont devenus directeurs de la photographie, parmi les plus prestigieux, et leur travail a contribué, plus que tout autre, à la profonde évolution esthétique de l'image du cinéma américain des années 70. Tous les deux ont passé les années 60 dans le cinéma d'exploitation, travaillant entre autre pour Roger Corman. C'est ainsi que Kovacs rencontre Jack Nicholson sur Hells angels on wheels de Richard Rush, un film de motards de 1967 puis enchaîne sur Target, du débutant Peter Bogdanovich. Nicholson va penser à lui pour le film que prépare son ami Dennis Hooper, Easy Rider. Le reste comme on dit, c'est de l'histoire. Kovacs mettra le pied de son ami à l'étrier en le recommandant à Robert Altman pour McCabe and Mrs Miller (John McCabe) en 1971. La liberté donnée sur les petites productions leur aura permit de développer des styles originaux et hardis, en rupture avec le travail plus académique et plus figé des grandes productions du Hollywood des années 60. Ces deux hommes seront parfaitement complémentaires avec la nouvelle génération de cinéastes issue elle aussi des touts petits budgets indépendants : Coppola, DePalma, Bogdanovich, Rafelson...
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Vilmos Zsigmond

Laszlo Kovacs, c'est l'Amérique nostalgique de The last movie, Paper Moon (La barbe à papa), What's up doc (On s'fait la valise docteur ?) et Nickelodéon de Peter Bogdanovich. Ce sont les cabarets et le studio de New-York, New-York de Martin Scorcese. Ce sont les champs de pétrole de Five easy pieces de Bob Rafelson. C'est le visage de Jessica Lange dans Frances de Graeme Clifford.

Vilmos Zsigmond, c'est la rivière de Deliverance de John Boorman. Ce sont les paysages de Scarecrow (L'épouvantail) de Jerry Schatzberg. C'est Elliot Gould dans The long Goodbye (Le privé) de Robert Altman. Ce sont les pastels d'Obsession de Brian de Palma. Ce sont les extraordinaires photographies de deux films majeurs, The deer hunter (Voyage au bout de l'enfer) et Heaven's gate (La porte du paradis) de Michael Cimino. On a tendance à beaucoup parler du travail de Terrence Malik avec ses chefs opérateurs, particulièrement Nestor Almendros sur Days of Heaven (Les moissons du ciel – 1978), mais celui de Zsigmond sur le film de Cimino me semble un aboutissement, la somme de toute l'ambition et de toute la beauté du cinéma américain de cette décennie. Et puis Zsigmond, c'est pour moi le premier chef opérateur de Steven Spielberg, son collaborateur sur Sugarland express en 1974 puis surtout et de façon marquante, l'homme de Close encounters of the third kind (Rencontres du troisième type) en 1978. A ce que j'ai compris, ça ne s'est pas très bien passé sur le tournage même si au bout du compte Zsigmond aura l'oscar pour la photographie du film. Mais outre les qualités plastiques et novatrices de son travail, il me semble que le style de Zsigmond a profondément influencé l'imaginaire de Spielberg, portant sa marque jusqu'au milieu des années 90 et la collaboration avec Janusz Kaminski. Étonnante l'influence à nouveau déterminante de l'apport extérieur sur le cinéma américain.

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Lazlo Kovacs

Le film de Chressanthis parcours ces deux carrières magnifiques et parallèles. Bien construit, précis, et malgré quelques effets inutiles et agaçants, il se concentre sur les oeuvres. Les nombreux extraits donnent l'envie de la découverte et de la redécouverte. Je me suis rendu compte par exemple que je ne connaissais de l'oeuvre de Peter Bogdanovich, fordien émérite, que le très moyen Mask. Le noir et blanc et les plans en profondeur de Paper moon m'ont ravi et j'ai immédiatement comblé ce trou dans ma filmothèque. Le fil rouge du documentaire reste malgré tout cette belle histoire d'amitié. Les deux hommes n'ont cessé de s'estimer et de travailler ensemble, notamment sur la formation de jeunes chefs opérateurs en Hongrie après la chute du mur. Kovacs est mort en 2007. Zsigmond a continué de fêter son anniversaire.

Un entretien avec Vilmos Zsigmond

Photographies : Moviemaker et Einsiders

09:11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laszlo kovacs, vilmos zsigmond, documentaire, cannes 2008, james chressanthis |  Facebook |  Imprimer | |