Clermont 2008 – partie 1 (12/02/2008)
Clermont, c'est aussi l'occasion de prendre la température d'un petit monde, celui du court métrage en France. Monde de réalisateurs, d'associatifs, d'organisateurs de festivals, de petits producteurs, d'éditeurs. Un petit monde fragile dont l'inquiétude était palpable. Il faut dire qu'il y a de quoi avec les récentes coupes au sabre clair dans les budgets des DRAC (Directions Régionales des Affaires Culturelles), les bras du soutient de l'état dans les régions. Cette politique qui met en avant l'évaluation, la rentabilité, les indicateurs, l'étude de risque pour en prendre le minimum avec deux aspirines, a braqué tout ce petit monde contre elle. Manifestation le 11 janvier dernier, réflexions tout azimut pour une riposte appropriée. Hélas ce milieu de feignants gauchistes est le dernier des soucis de la merveilleuse ministre la culture, bien cadrée par une lettre présidentielle. Des résultats, c'est tout ce que l'on vous demande. « Lesquels ? » insistent les feignants gauchistes naïvement. Ca me rappelle les échanges à la fin du premier film de la série Indiana Jones. Silence distant sur toute la ligne. Du coup, j'ai trouvé l'ambiance un rien crispée cette année.
Clermont, ce sont donc les films, oui, les films. Des courts métrages uniquement, malgré la sélection de plusieurs films approchant de l'heure. J'ai vu 14 programmes, 8 français et 3 internationaux, 2 de l'excellente rétrospective consacrée aux prix du public (quel bon goût, ce public), et 1 de la carte blanche à Château Rouge productions dont je ne dirais rien par charité. Il paraît que l'autre est mieux. Vu l'impressionnante quantité de films présentés, c'est un peu court pour en tirer des généralités, d'autant que l'équipe de Clermont, qui fêtait cette année les 30 ans du festival, essaye toujours de balayer un large spectre de la création du moment. Cela conduit parfois à des sélections déroutantes ou étonnantes.
Deux-trois choses, pourtant, qui m'ont frappé.
La présence de la cigarette dans les films. Je ne sais pas si cela était dû aux récentes interdictions, on fume beaucoup dans le cinéma, mais il semble que les scénaristes ont du mal à faire faire autre chose à leurs personnages que s'en griller une. Deux films en font même leur sujet principal dont le joli L'idole aux mille reproches, film d'animation de Jérémie Gruneau. Une sorte d'Alice au pays de la nicotine bourré de trouvailles visuelles. Même Alain Cavalier, réalisant avec Lieux saints un documentaire inattendu sur les toilettes, le termine par un morceau de philosophie inspiré par un mégot au fond d'un urinoir. Scénaristes, un effort !
Le monde ouvrier. Je ne comptais plus les personnages de soudeur, docker, manoeuvre, employé d'abattoir ou de la confection. Il y a une véritable fascination pour ces métiers souvent virils et pas faciles, associé à une vision sombre, sombre, de notre beau pays aujourd'hui. Il y a pourtant des occupations autrement plus exaltantes pour égayer un film comme trader à la Société générale, archéologue aventurier, révolutionnaire au Mexique ou candidat aux municipales. Une jolie exception, même si le film termine en queue de poisson, Le silence des machines de Paul Calori et Kostia Testut avec sa tentative de comédie musicale en usine. Scénaristes, encore un effort !
Le retour à la terre. J'y vois l'influence (réelle ?) de l'importance des régions dans le financement du court métrage. On a suffisamment critiqué le côté parisien de nombre de films pour je n'ironise pas sur les papiers peints d'époque, les fermes pas finies, les meubles qui craquent, les sous bois humides et la lourde terre des champs. Scénaristes, enfin, voyez l'utilisation intelligente du « no man's land » entre campagne et zone commerciale dans Nationale de Alix Barbey et, par pitié, assez de stations services. Elles ne sont définitivement plus des substituts aux relais de diligences de nos chers westerns.
Côté sujet, le rapport père-fils tient la corde, suivit par le rapport père-fille et le rapport mère-fils (Grand prix cette année). Non-dits, temps du bilan, remises en questions, incommunicabilité, lourd secret de famille sont les moteurs de ces fictions et parfois de documentaires en forme de journal intime. Parfois, ça marche, tout est une question d'angle comme dans Lisa de Lorenzo Reccio. Mais souvent, oui souvent...
Côté mise en scène, le plan des trois quart dos sur la nuque et l'oreille du personnage au volant de sa voiture gagne haut la main le prix du poncif. Avec ou sans cigarette. J'imagine que ce n'est pas facile de trouver un bon angle dans une voiture, mais l'oreille n'est pas un organe très expressif, sauf dans Tony Zoreil, la charmante comédie de Valentin Potier (sans d'ailleurs aucun plan dans une voiture). J'ai l'air de plaisanter comme ça mais il y a des impressions tenaces.
(à suivre)
Photographies : L'idole aux mille reproches : le Cohlporteur et Nationale © Michael Crotto
11:55 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Clermont Ferrand, court métrage | Facebook | Imprimer | |
Commentaires
Je manque peut-être de souplesse, mais c'est la première fois qu'on me traite de "dur".
Écrit par : Joachim | 13/02/2008
Sur Inisfree, tout est possible :)
J'admire la rapidité et le côté synthétique de ton compte rendu clermontois. Je suis hélas bien moins rapide et je vais étaler mes modestes impression sur quelques jours. En tout cas, c'est vraiment intéressant, cette année, de confronter nos différents points de vue sur le court métrage dont on parle finalement peu.
Écrit par : Vincent | 13/02/2008
Charité vis-à-vis de qui ? N'hésitez pas... Que vous aimiez ou non, nous, nous les aimons et les aimerons encore, ces 4 films du programme 1... (et je crois que les réalisateurs en question, notamment EM, JS et FB, sont assez résistants pour encaisser les critiques...)...
Écrit par : IU | 13/02/2008
Que d'initiales ! D'une façon générale, je préfère prendre du temps pour parler des films que j'aime plutôt que de ceux qui ne m'ont pas plu. M'occupant d'un festival, je sais aussi que l'on encaisse pas toujours si bien que ça.
Sur ce programme 1, j'ai en fait apprécié le premier film tchèque bien que je m'en souvienne déjà plus beaucoup. J'ai trouvé les deux suivants pénibles à regarder, physiquement même.
"Black melody" est interminable et c'est une tarte à la crème de dire que l'on peut faire des films sur l'ennui sans le provoquer chez ses spectateurs. J'ai trouvé les acteurs mous (la scène de la salle de bain) et la photographie assez laide pour voir que le film a été fait dans ma région. Je suppose que c'est de la vidéo kinescopée.
Le gros problème de "Sur la piste", c'est le son. Outre que celui des mini motos est aussi agréable que celui d'une fraise de dentiste, je comprenais très mal ce que disaient les personnages. Je ne suis pas familier avec leur façon de parler, j'étais obligé de lire les sous titres en anglais pour comprendre de quoi ils parlaient. J'ai décroché à la moitié.
Le dernier, j'ai tenu deux chansons. Le dispositif en vaut un autre. Quelqu'un avait écrit qu'on pourrait filmer Lino Ventura de dos pendant une heure et que ça serait passionnant. J'en doute. Et le garçon du film n'est pas Lino même filmé de face. Je n'ai pas trouvé dans la façon de filmer et l'image, encore une fois assez moche en vidéo, la fascination amoureuse que l'on pouvait attendre. Même si je ne suis pas très bien placé pour l'apprécier. Je ne crois pas qu'il suffise d'être amoureux de quelqu'un pour bien le filmer, même si cela a aidé certains.
Et puisque j'y suis, je trouve "Monstre (2)" plutôt raté. Le début est intéressant, assez fascinant même, mais le film n'explique pas, ou alors j'ai raté quelque chose, le décuplement des besoins en sang du vampire. Il y a des règles dans le cinéma de genre. Un film comme "I love Sarah Jane" est vraiment réussi. Là, du coup, la fin ne fonctionne pas et la photographie est vraiment trop sombre. Ca m'a surtout donné envie de revoir le "Martin" de Romero.
Mais le programme 2 avait vraiment l'air plus excitant (j'avais vu les deux premiers films). J'aurais peut être du revoir "French Kiss".
Écrit par : Vincent | 13/02/2008