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16/09/2011

Moretti à Angers

11/06/2011

Cannes 2011 : humanisme

"Vous voulez parler à Dieu ? Allons Le voir ensemble, je n'ai rien de mieux à faire."

Il en est ainsi, encore et toujours, entre réalisateurs qui entreprennent de dialoguer avec des concepts à majuscule et ceux qui vont filmer à hauteur d'homme. L'un n'empêche pas l'autre, c'est juste une question de point de vue. Donc aussi une question d'esthétique. Et ma préférence, de plus en plus marquée, va aux seconds. Je ne vise personne, du moins pas en particulier, c'est juste question d'introduire deux de mes cinéastes fétiches.

Si l'idée de voir Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin en dockers CGTistes partager un pastis avec vue sur l'Estaque vous défrise, laissez tomber Les neiges du Kilimandjaro, le nouveau film de Robert Guédiguian. Si en revanche, vous vous réjouissez de l'occasion de cet apéro entre amis, c'est un film pour vous. Et pour moi. Après une décennie de projets ayant souvent ouvert son cinéma à de nouveaux horizons (film de genre, retour aux sources, brillantes évocations historiques), Guédiguian retourne sous le soleil de Marseille et de son quartier fétiche, retrouve son petit monde de prolos à l'ancienne pour une histoire inspirée d'un poème de Victor Hugo, Les pauvres gens, qui voit une famille de pêcheurs pauvres adopter deux orphelins. Les neiges du Kilimandjaro renoue avec l'esprit des contes populaires et politiques travaillée d'humour et de mélodrame que sont L'argent fait le bonheur (1993) ou Marius et Jeannette (1997).

Jean-Pierre Darroussin est donc Michel qui se retrouve en pré-retraite suite à une charrette de licenciements sur le port, charrette dont il a organisé sans illusion le tirage au sort. Sans illusions, mais avec éthique. Ariane Ascaride est sa femme Marie-Claire qui s'occupe de vieilles personnes à domicile. Ils ont des enfants grands et installés, des petits enfants, une maison simple mais qui pèse son poids d'histoire avec terrasse et vue sur les vieilles ruelles. Ils sont tranquilles. Leurs amis se cotisent pour leur offrir un voyage au Kilimandjaro parce que Marie-Claire aime la vieille rengaine chantée par Pascal Danel. Un soir, tapant le carton avec leurs amis (Gérard Meylan et Marilyne Canto), ils sont agressés et l'argent du voyage volé. Traumatisme. Guédiguian déploie alors sa dialectique. A l'origine du vol, il y a un collègue de boulot qui a fait partie de la charrette. Lui est jeune, vit en HLM, sans ressources, l'avenir bouché, élevant seul ses deux jeunes frères. On voit venir les développements, le dilemme moral qu'induit la situation. Guédiguian l'empoigne à bras le corps à travers son couple vieillissant et adorable. D'aucuns le taxeront de naïveté, mais il va au bout de son projet, en explorant les nuances via la galerie de personnages écrits avec la complicité renouvelée de Jean-Louis Milesi. Enfants, amis, policier désabusé, voisine amoureuse, chacun apporte son point de vue et évolue au cours de l'intrigue et en fonction de l'évolution du couple principal. S'appuyant sur l'empathie que l'on ressent pour ce petit théâtre humain, Guédiguian joue avec le manichéisme sans jamais y tomber, brassant ses thèmes de prédilection, affirmant une nouvelle fois, face à la perte du collectif et aux échecs du politique comme du syndical, la force de choix individuels et moraux reposant sur la solidarité. Avec un pastis bien frais, et quelques olives noires, cela passe plutôt bien. Si Robert Guédiguian a le chic pour filmer ses acteurs (portraits solaires d'Ariane Ascaride, visage de Jean-Pierre Darroussin sculpté dans la pénombre, photographie de Pierre Milon), l'art de nous immerger dans une scène de groupe et une certaine façon de faire monter la tension (belle scène au commissariat de la confrontation entre Michel et son voleur), j'ai regretté un recours assez systématique au champ-contrechamp dans les nombreuses scènes de dialogue et un curieux calage des plages musicales qui parasitent par endroit, justement, les dialogues. Par contre on retrouve son talent pour intégrer à sa troupe de nouveaux talents, ici Grégoire Leprince-Ringuet dans le rôle du jeune voleur un peu buté et Robinson Stevenin en flic sombre. Tous les deux arrivent du précédent L'armée du crime (2009). Beaucoup de plaisir aussi de revoir Julie-Marie Parmentier en voisine. Ils apportent un contraste avec la vieille garde filmée avec beaucoup de tendresse, illustrant le rapport entre génération cher à l'auteur. Bref, l'apéro, Robert, tu peux me remettre ça.

Nanni Moretti, cher Nanni, trop rare Moretti. Son cinéma est toujours un tel plaisir, humour, intensité, légèreté, intelligence, ma si, vraiment. Plus inspiré par son faux pape que par son presque vrai Berlusconi, il fait de Habemus papam une version ecclésiastique de son plus beau film, Palombella rossa (1989). Michel Piccoli incarne un cardinal qui est élu pape à l'issue d'un scrutin paradoxal où les participant prient tous pour ne pas être élus. Touché par le poids de sa nouvelle charge, le nouveau pape craque en direct sur le balcon dominant la place St Pierre de Rome comme autrefois l'élu communiste à la télévision. Envahi par le doute, en proie à la crise de foi, il va devoir plonger dans son passé pour se retrouver, retrouver l'homme et non la fonction. Non habemus papam, finalement. Là-dessus, Moretti écrit avec Francesco Piccolo et Federica Pontremoli une brillante comédie feutrée qui met en parallèle la recherche existentielle du presque pape avec le dilemme des cardinaux réunis en conclave et coincés au Vatican tant que le pape n'a pas béni la foule et, par ce geste, validé son élection. D'autant que le pape fugue, que les fidèles et les media du monde entier attendent avec ferveur. Alors ce pape, ça vient ? En dernier recours, le chargé de communication des mitrés préconise le recours à la psychanalyse. Le meilleur des spécialistes, athée et amusé, rejoint la noble assemblée. Incarné par Moretti soi-même, le cheveu un peu plus blanc et l'œil toujours aussi vif, il pose un regard gentiment ironique sur la pourpre et l'or. Et il finit par organiser, pour tromper l'attente, un tournoi de volley-ball dans les cours des anciens palais. Moretti réalisateur va là où on ne l'attendait pas forcément avec ce regard débonnaire et attendri, plus espiègle qu'ironique. Il débusque en une délicieuse série de portraits la part d'enfance de chacun. Il faut voir la savoureuse séquence du vote, filmée comme une interrogation écrite à l'école, avec les prélats suçant leur stylo, tirant la langue sur leur feuille, cherchant à copier sur leur voisin. Plus tôt, nous les avons vu, ballet des éminences, défiler dans les couloirs renaissance, dignes, raides, concentrés, longue procession rouge, blanc et or (superbe plastique des plans), marche solennelle à la façon des pingouins sous les plafonds Renaissance. C'est un sommet pictural de l'œuvre de Moretti, de sa veine fellinienne, renvoyant au ballet coloré du pâtissier trotskyste.

Cherchez l'enfant, vous trouverez l'homme. Comme Michele cherchait désespérément les goûters de son enfance, le presque pape remonte jusqu'à sa véritable vocation. Cette approche sans ironie facile et peut être attendue, rend plus poignante la quête de cet homme joué tout en douleur contenue par Piccoli. Donc le pape prend un café, une chambre en ville, rencontre des gens, (re)devient un homme comme les autres. Et de scène amusante (la visite à la femme psy du psy) en scène touchante (les souvenirs évoqués), c'est dans un théâtre que la quête trouvera son aboutissement, une belle salle ancienne, miroir des palais épiscopaux, progressivement envahie par les cardinaux venus en terre étrangère récupérer le fugueur. La construction du film est admirable, à la fois décontractée et rigoureuse, utilisant de façon habile des plans documentaires (la foule sur la place) et différents décors, bonheur des palais romains, qui donnent une illusion parfaite et plutôt spectaculaire du Vatican. La photographie de Alessandro Pesci est chaude, se régalant des multiples jeux de couleurs qu'autorise le sujet. Moretti renouvelle sa forme pour une nouvelle exploration, comme l'homme de l'Estaque, de ses obsessions favorites : le sport, les pâtisseries, les discussions, Rome... le tout sans grandiloquence ni envolée mystique. Et sans avoir besoin, élégance suprême avec un tel sujet, de faire intervenir l'oeil de Dieu. Car Dieu n'est rien face à un jeu de ballon. Mais je ne vise personne.

Je suis tenté de rattacher à ces deux films admirables celui de Takashi Miike, Ichimei, remake du Seppuku (Hara-kiri - 1962) de Masaki Kobayashi. Je connais mal l'œuvre prolifique de Miike et ce que j'en connais est plutôt éloigné de ce film carré et sensible quoiqu'un peu raide. Mes lecteurs savent mon peut d'appétence pour le remake, mais ici, ne connaissant pas l'œuvre originale, j'ai pu apprécier le film sans arrière pensée. Pourtant, je n'ai cessé d'avoir, durant la projection, le curieux sentiment, pas désagréable au demeurant, de voir un film japonais des années 60. Écran large, photographie contrastée façon Technicolor, jeu des acteurs, sobriété des effets, composition précise des cadres, Ichimei me semble respecter l'original (je vais bientôt vérifier), loin de l'aspect moderne d'un film comme Tabou (1999) de Nagisa Oshima par exemple et surtout loin des audaces et outrances de nombre de films de Miike. Il ressemble tellement à un film des années 60 que le relief non seulement n'apporte rien au travail sur la profondeur de champ mais fini par s'oublier. Presque. Même Ebizō Ichikawa dans le rôle de Hanshirō Tsugumo ressemble à s'y méprendre au grand Tatsuya Nakadai du film original dont il retrouve parfois le regard brûlant.

Loin de ses histoires provocantes, Miike donne à voir un conte à haute teneur morale. Un drame combinant le sens de l'honneur exacerbé des samouraïs avec la pauvreté pouvant sévir à l'époque Endo. Le jeune Motome a épousé la fille de Tsugumo et a eu un fils. Les deux hommes, suite à la disgrâce de leur clan sont des samouraïs pauvres. Suite à la maladie de la femme et de l'enfant, désespéré, Motome se rend chez un noble et feint de vouloir se suicider, espérant susciter de la compassion et se voir proposer un emploi ou de l'argent. Mais ce sont des temps impitoyables et le noble refuse. Piégé par la rigidité du code d'honneur des samouraïs, Motome accompli le suicide rituel de manière atroce. Miike fait de cette scène un grand moment intense, misant intelligemment sur la violence psychologique et sociale plutôt que sur une violence visuelle que l'on aurait pu craindre. Tout ceci est raconté en flashback par Tsugumo, venu à son tour chez le noble, feignant le désir de suicide mais cette fois pour apprendre la vérité sur le sort de son beau-fils. Ichimei est tragédie et parabole, condamnation des rigidités d'une société cruelle qui amène des hommes de valeur comme Tsugumo et Motome a être incapable de prendre soin des leurs, à privilégier le culte de la mort (le suicide rituel) à celui du savoir (les livres de Motome) et de la poésie (les ombrelles de Tsugumo). D'une grande beauté plastique, le film me semble un peu décalé par rapport à son époque, la notre, décalage qui vient peut être de son statut de remake, mais qui est aussi à sa façon, du même ordre que celui de Guédiguian filmant ses dockers CGTistes, une certaine façon de voir et de montrer la condition humaine. Un regard pour moi précieux.

02/06/2011

Cannes 2011 : femmes

Dans un art toujours très dominé par les hommes, les personnages féminins restent les vecteurs privilégiés pour parler du monde comme il va. Surtout comme il va mal. Comme au bon vieux temps des cinémas de genre, la femme est d'abord victime idéale et face à la démission des hommes, ses combats désespérés n'en sont que plus beaux et j'en ai vu quelques uns qui sont purs sanglots.

« We need to talk about Kevin » ne cesse de répéter Éva à son mari trop débonnaire. Kevin est leur fils et ce n'est pas un cadeau. Bébé braillard, il donne lieu à un excellent gag lorsque la mère stoppe le landau près d'un marteau piqueur en action pour souffler un moment. En grandissant, cela ne s'arrange pas et Kevin prend une place de choix dans la série des sales gosses, entre les adolescents de Gus Van Sant et la petite Regan de William Friedkin. Lynne Ramsay, réalisatrice anglaise jusqu'ici plutôt portée vers un registre délicat (Le court Gasman en 1998, Ratcatcher en 1999 et Morven Callar en 2002) propose une mise en scène très travaillée, brillante par moments avec une construction éclatée dans le temps (sur près de vingt ans), une photographie sophistiquée signée Seamus McGarvey (qui a fait la photographie magnifique de Love you more (2008) de Sam Taylor-Wood) et des cadrages très pensés. Trop peut être. L'ensemble est surtout très voyant et m'a plutôt évoqué le travail de Dario Argento (utilisation de la couleur rouge, grands espaces modernes et froids qui créent l'angoisse, utilisation du format Scope) et de Brian De Palma (Les scènes choc, la gestion du hors champ). Je n'attendais pas forcément Ramsay de ce côté. Mais si le film intrigue et fait illusion au début, son côté systématique et le manque de finesse des effets ne tiennent pas la distance. Très rapidement, le spectateur prend de l'avance sur le film. Par exemple quand la petite sœur reçoit un cochon d'Inde pour Noël, on devine de suite que la pauvre bestiole va mal finir. Toute à ses effets, Lynne Ramsay accumule les trous de scénario, incohérences et invraisemblances. Le traitement des personnages n'arrange rien. Sans nuance, le père est l'Absence, la fillette l'Innocence, Kevin le Mal. Souligné, surligné, nous avons compris. La mère, portée par la prestation habitée de Tilda Swinton est plus intéressante même si ses réactions sont difficilement compréhensibles. Pour des parents issus d'une classe aisée, leur incapacité à réagir dès la petite enfance aux étrangetés de leur progéniture est dure à avaler. Le jeu de l'actrice tient trop de la performance pour laisser place à une véritable émotion. Cela se voit trop. Cela ne se voyait pas chez Ellen Burstyn dans The exorcist (1973).

Tout aussi stylisé mais nettement plus réussi, Miss Bala du réalisateur mexicain Gerardo Naranjo nous plonge via son héroïne dans la terrifiante atmosphère de guerre des gangs du côté de Tijuana (on parle de 20 000 morts en 5 ans). Stéphanie Sigman joue Laura, jeune fille pauvre qui rêve de devenir reine de beauté d'un concours télévisé. Pas de chance, elle se retrouve prise dans une fusillade et tape dans l'œil du truand Lino Valdez (Noe Hernandez) qui la manipule pour la faire travailler dans son gang. Ballotée de passage d'armes à la frontière avec les USA en dépôt de cadavre, de torture en fusillades, elle est réduite à une chose dont on use et abuse, plongée dans un monde de cauchemar, absurde et violent, sans logique et sans espoir. La mise en scène de Naranjo, très pensée elle aussi, rend parfaitement ce sentiment d'impuissance en épousant au plus près le point de vue de Laura. Ce partit pris tenu de bout en bout lui permet de donner une certaine originalité à des scènes assez classiques (embuscades, fusillades), jouant sur le son et le hors champs. Quelques belles idées donnent de l'intensité et à chaque scène de l'originalité. C'est ainsi que le décor est plongé dans l'obscurité, que les balles se déchaînent autour d'une Laura couchée au fond de sa voiture, que la révélation finale passe par des paires de chaussures vues de dessous le lit où elle s'est réfugiée. Naranjo utilise aussi les cadrages pour donner à lire partiellement une action qui déborde sur les côtés ou dessous le cadre. Le réalisateur entretient habilement l'ambiguïté sur son couple principal. Laura, victime, n'en subit pas moins la fascination de son bourreau, sentiment mêlé de résignation. Lino laisse, lui, poindre un embryon de sentiment pour la jeune fille qui humanise un peu la bête. Mais comme le général chargé de le traquer, il abuse de Laura dans la même position plutôt avilissante. Bien qu'un peu systématique dans ses effets, Miss Bala ne manque ni de souffle, ni d'intensité, sans sacrifier à la réflexion sur un pays ravagé par la violence, réflexion toujours intégrée dans l'action (les échanges avec les USA, la corruption, le fonctionnement des gangs) sans la parasiter. Laura prend valeur de symbole et le jeu de Stéphanie Sigman en vaut bien d'autres plus acclamés.

Bonnes nouvelles en provenance d'Iran, les cinéastes Mohammad Rasoulof et Jafar Panahi tournent toujours en dépit de leur condamnation à ne plus exercer leur métier. Certes les films ont été faits en semi-clandestinité, c'est à dire qu'ils n'ont pas eu l'autorisation mais qu'on les a laissé faire, mais ils existent. Rasoulof a même été autorisé à se rendre à l'étranger et l'on a cru un moment qu'il viendrait à Cannes recevoir son prix de la mise en scène.

Bé omid e didar (Au revoir) a été présenté dans la sélection Un certain regard et s'il ne faut pas oublier le contexte ni les conditions de sa réalisation, il convient d'en parler en en faisant abstraction autant que possible. Et d'aborder l'œuvre en tant que telle. Bé omid e didar est le portrait d'une jeune avocate jouée par la talentueuse et belle Leyla Zareh (quelle robe elle avait lors de la présentation du film !). Spécialisée dans les affaires liées aux droits de l'homme, elle est enceinte. Son époux a été exilé dans le sud ou il travaille comme ouvrier sur un chantier après avoir été journaliste pour une publication interdite. Elle se voit retirer ses affaires. On l'empêche de travailler. Isolée socialement et professionnellement, elle jette l'éponge et veut partir. Quitter l'Iran. Elle entreprend alors une course d'obstacle pour se procurer un passeport et un ticket pour ailleurs. « N'importe où » dit-elle sans illusion. Visuellement, ce nouveau film tranche avec Jazireh ahani (La vie sur l'eau – 2004), au foisonnement des personnages répond la solitude de l'avocate tandis que le film décline toute une gamme de couleurs sombres et froides, un aspect renforcé par l'utilisation de la vidéo, qui se justifie par son côté pratique, bien sûr, mais aussi dans la description d'un quotidien bouché. Les intérieurs sont nombreux, bureaux, chambres d'hôtel et appartements, étroits et se ressemblants tous. Murs bleutés ou gris, mobilier impersonnel, pas de fantaisie. Pas de personnalité ou alors par toutes petites touches comme le vernis à ongles qu'il faudra enlever ou la petite tortue d'eau que l'avocate nourrit avec attention et qui finit, elle, par se faire la malle. La caméra de Rasoulof cadre avec rigueur les pièces où l'on ne peut rien cacher et les toits où son héroïne va griller une cigarette. Les mouvements sont rares et discrets, Rassoulof préférant jouer du montage et de plans séquence qui traduisent l'absence d'intimité et la sensation d'étouffement (la scène de la perquisition). Il s'attarde longuement sur les traits de Leyla Zareh tandis que le monstre étatique reste sans visage, comme cet étroit guichet où l'on fait passer les passeports pour les contrôler ou le bureau du responsable des faux passeports où l'on entre jamais. Kafka à Téhéran. Démarches toujours renouvelées, règne de l'arbitraire, violence feutrée, surveillance de tous les instants et toujours ce sentiment de danger qui ne quitte jamais et use les nerfs. Bé omid e didar est un film sur la difficulté qu'il y a à conserver l'espoir, exorcisme en forme de fiction des peurs et des angoisses présentes de son auteur. Il y a pourtant, de-ci, de-là, quelques touches humoristiques, cette légèreté que j'avais aimé dans Jazireh ahani. C'est un humour grinçant mais révélateur d'un regard porté sur les êtres. Ainsi l'employé qui vient retirer la parabole interdite de l'avocate, motif cher au cinéaste (voir son documentaire de 2008 Baad-e-daboor) ou le ballet inutile des policiers qui perquisitionnent. Mohammad Rasoulof nous livre un film sombre et carré, un autoportrait en avocate, il donne de ses nouvelles, inquiétantes en ce qui concerne l'homme, rassurantes en ce qui concerne son cinéma.

22/05/2011

Cannes jour 6 et fin

cannes 2011,nicolas winding refn

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Badpakje 46 de Wannes Destoop dans le programme des courts métrages (pas terribles et c'est un euphémisme) et Drive de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling, le sucesseur de Steve McQueen. S'il est palmé tout à l'heure, vous saurez que c'est ici que vous l'avez lu et que j'en suis bien heureux.

Photographie © Drive Film Holdings, LLC. All rights reserved.

21/05/2011

Cannes jour 5

cannes 2011, Takashi Miike

Ichimei (Hara-kiri : mort d’un samouraï) de Takashi Miike, remake du film de Masaki Kobyashi, en relief s'il vous plaît.

17/05/2011

Cannes jour 4

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Martha Marcy May Marlène de Sean Durkin. Un petit air d'Ornella Muti, non ?

16/05/2011

Cannes jour 3

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Bé omid e didar de Mohammad Rasoulof, Les neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian et Habemus papam de Nanni Moretti, belle journée.

15/05/2011

Cannes jour 2

cannes 2011

Miss Bala de Gerardo Naranjo

13/05/2011

Cannes jour 1

Cannes 2011, Lynne Ramsay

We nedd to talk about Kevin de Lynne Ramsay

14/11/2010

Les 12e Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice

Comme chaque année à l'automne, je suis plongé dans l'organisation des Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice. La manifestation phare de l'association Regard Indépendant ouvrira sa 12e édition le jeudi 18 novembre 2010 au Volume et se poursuivra jusqu'au dimanche 21 novembre au MUSEAAV et au cinéma Mercury, place Garibaldi.

Pendant ces quatre journées, la production régionale et indépendante sera mise à l'honneur à travers un format original qui fait un retour en force et dont je suis friand : le film super 8. Au programme, de nombreux courts métrages, des rencontres avec les auteurs, de la musique, des cartes blanches à des associations partenaires, et la désormais traditionnelle nuit du cinéma qui sera consacrée au péplum.

L’objectif de ce rendez-vous reste de permettre au public curieux de découvrir la production cinématographique régionale. Le public pourra ainsi découvrir les œuvres de Guillaume Levil, Loïc Nicoloff, Coralie Prosper, Philippe Cardillo, David Viellefon et bien d'autres encore. Nous accueillerons également Gérard Courant, cinéaste atypique et auteur d'une œuvre impressionnante, adepte du super 8 pour une carte blanche comprenant quelques-uns de ses fameux Cinématons, portraits filmés de gens illustres et moins illustres. Cette séance spéciale sera présentée par le bon Dr Orlof en civil qui a répondu très amicalement à cette seconde invitation.

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Au menu des réjouissances, l'association présentera sa nouvelle collection de super 8 tourné-montés réalisés sur le thème La première fois. Cette année, quatre réalisateurs allemands de Köln en Allemagne ont été invités à se joindre aux créateurs de la région. Treize films seront présentés en présence des réalisateurs. Oserais-je l'écrire, j'ai réalisé un petit quelque chose que j'ai soigneusement mis hors compétition. Car compétition il y aura, acharnée, impitoyable, bref, comme à Cannes. On trouvera aussi une sélection excitante des Straight 8 anglais et une carte blanche au festival tourné-monté de Strasbourg.

Création également avec les passerelles que nous jetons vers d'autres arts, la musique avec les groupes Outcrossed, Les arbres qui marchent et Veines pour trois concerts et l'intégration de nos images, le théâtre avec l'expérience menée par Luc Bonnifay d'improvisation à partir de courts métrages.

La nuit du cinéma assouvira nos pulsions cinéphiles avec les courts métrages proposés par Héliotrope et deux longs métrages mythiques, deux péplums, Jason and the argonauts (Jason et les argonautes - 1963) de Don Chaffey avec les créatures fantastiques de Ray Harryhausen et le délirant Monty Python's Life of Brian (La Vie de Brian - 1979), relecture décalée de la vie du Christ.

Pour en savoir plus, tarifs, adresses, programme détaillé, photographies et vidéo, une seule adresse : le site de Regard Indépendant.

Pour tous ceux qui sont dans le coin, voyageurs ou autochtones, vous y serez les très bienvenus.

Visuel : Illys PoulpFiction

25/05/2010

Cannes 2010 : De la buée sur les lèvres

Il y a une chose qui m'a marquée, et quelque peu choquée dans Hors-la-loi, le film de Rachid Bouchareb : dans les scènes d'hiver, les personnages n'exhalent aucune buée de la bouche. On voit Jamel Debbouze casser la glace d'un récipient pour se laver dans le bidonville, on voit les jolis effets de givre sur les voitures lors de la scène de l'attaque du commissariat, mais de buée, pas de trace. Je repensais à Franck Capra qui faisait jouer ses acteurs dans une chambre froide pour Lost Horizons (1937), au fait que le film de Bouchareb a quand même coûté la peau des fesses et qu'il use (plutôt bien) des effets numériques pour recréer la période, et je me disais que c'était dommage de ne pas penser à la buée et à ce qu'elle pouvait apporter de vie au film. D'une certaine façon, cet oubli est symptomatique des faiblesses du film. Il y a un gros travail de reconstitution qui ne fonctionne pas. Les voitures sortent des garages des collectionneurs, les costumes façon Melville des housses des costumiers, les radios d'époque des magasins des accessoiristes, mais ça se voit ou plutôt, pire, ça se ressent. Évidemment, là-dessus se greffe un scénario schématique où les personnages sont plus définis par ce qu'ils représentent que par ce qu'ils sont. Trois frères d'une famille chassée de sa terre en Algérie vivent les évènements conduisant à l'indépendance algérienne, des massacres de Sétif en 1945 à 1962. Chacun des frères incarne une façon d'agir : le cadre FLN rigide (Sami Bouajila ), l'ex-soldat français devenu combattant algérien (Roschdy Zem) et le petit truand démerdard (Jamel Debbouze). Ces trois héros s'en sortent plus ou moins bien grâce aux acteurs, Debbouze et Zem plutôt plus, Bouajila plutôt moins, mais pour les autres c'est dur, mis à part Bernard Blancan qui a un peu d'espace pour faire vivre son ex-résistant devenu policier impitoyable. Mais par exemple, le jeune boxeur n'existe pas au delà de ce qu'il représente comme enjeu pour l'histoire, la porteuse de valise, blonde de film noir, reste au niveau du cliché, même le personnage de la mère manque de l'authenticité. Que n'aurait pas fait John Ford avec une Jane Darwell algérienne !

Bref, Bouchareb est trop tétanisé par ses moyens et n'arrive pas à les transcender comme les modèles dont il se réclame, de David Lean à Francis Ford Coppola en passant par Sergio Leone et Jean-Pierre Melville. Il est plus proche du Jacques Deray de Borsalino (1970) ou du Alexandre Arcady du Grand Carnaval (1983). C'est intéressant de rapporter le film de Bouchareb à celui de Robert Guédiguian, L'armée du crime (2008) qui, avec moins de moyens, réussissait à nous plonger dans les années 40 de manière convaincante, et surtout faisait vivre une belle galerie collective, pleine de vie et de nuances, y compris sur le personnage du policier joué par Jean-Pierre Darroussin auquel celui joué par Blancan fait parfois penser. Dommage. Dommage parce que la première scène dans la montagne algérienne est belle dans le genre western, parce que les scènes d'action sont plutôt bien montées (le commissariat, la manifestation) et parce que l'ambition est là. Manque juste un peu plus de foi dans le cinéma.

De la buée sortant de la bouche par grand froid, il y en a dans Utomlyonnye solntsem 2 : Predstoyanie (Soleil tompeur 2 : l'exode) de Nikita Mikhalkov . Ah, Nikita, pour parler de son film, il faut commencer par faire l'effort de mettre de côté les côtés désagréables du bonhomme, sa prétention sans borne, ses déclarations provocantes sur ses collègues russes, sur le cinéma russe, et sa proximité avec le pouvoir. Ceci fait, on peut s'interroger sur cette étrange idée d'avoir donné une suite à son film de 1994 d'autant que, j'ai vérifié, il nous avait bien dit à la fin que son général Kotov avait été fusillé, que sa femme était morte en camp et que sa fille avait été détenue en prison. Là, nous apprenons que finalement non, Kotov est bien vivant, sa femme aux côtés de son rival Mytia et sa fille chez les pionniers. Admettons. Mais ce qui m'a quand même le plus surpris, c'est la fin. Enfin, l'absence de fin. N'étant pas toujours très attentif, j'ignorais que Mikhalkov avait prévu deux parties (plus encore pour la version télévisée paraît-il). Du coup, passé un moment, je me demandais vraiment où le film allait et comment il allait se résoudre quand toutacouptac, « Fin de la seconde partie » et générique. J'en ai ressenti une terrible frustration. Drôle d'idée d'avoir mis ce morceau de film en sélection. C'est comme présenter Lawrence d'Arabie jusqu'à l'entracte et donner rendez-vous à l'année prochaine. Au-delà de toute cette confusion, restent deux heures et demi assez intenses. Mikhalkov réussi les doigts dans le nez ce que Bouchareb peine à faire. Le film est bourré de morceaux de bravoure à la mise en scène ample et constamment inventive (L'attaque du pont ou l'assaut des panzers dans la neige par exemple), et regorge de personnages secondaires qui existent vraiment comme le lieutenant du bataillon disciplinaire, l'officier exécrable musicien cuisiné par Mytia ou le capitaine du navire hôpital. Chez Mikhalkov, ça bouge, ça braille, ça chante, ça vit. On le compare beaucoup à Emir Kusturica sur ces plans là. C'est un peu ça.

Pourtant, le film n'est pas très bon, en grande partie à cause de ses excès. Mikhalkov ne sait pas (plus) faire simple et il en rajoute dans la démesure, le grotesque, l'hyperbole et un humour qui parfois se fait lourdingue. Le film souffre en outre de sérieux problèmes de construction à vouloir trop jongler avec diverses couches de flashbacks, sans parler de la musique badaboum à faire passer Max Steiner pour un discret. Confusion enfin sur le fond, le film vaut mieux que les déclarations d'intentions de son auteur. A l'entendre, il s'agirait d'une grande saga à la gloire des sacrifices de l'armée rouge alors que l'on assiste à des scènes tragiques et absurdes où l'on se débat plus que l'on ne se bat, coincé entre l'envahisseur nazi et la terreur stalinienne. Cela sera peut être plus clair quand on aura vu toute l'histoire. D'ici là, je reste partagé entre l'irritation et le plaisir immédiat, feuilletonesque, que procure le film, nettement supérieur au pénible Sibirskiy tsiryulnik (Le barbier de Sibérie - 1998), mais si terriblement loin de la beauté du film original qui évoquait de grandes heures de la littérature et du théâtre russe.

24/05/2010

Cannes jour 8 (et fin)

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Lee Chang-dong et son actrice Yun Jughee (source Ion cinéma) sur le tournage de Poetry. Pour ce qui est du petit jeu en cours, ce serait in-extremis mon choix pour la plame 2010. Les résultats sont tombés et ce n'est pas le cas, mais le film d'Apichatpong Weerasethakul était mon autre choix. A partir de demain, des chroniques et sans photographies.

23/05/2010

Cannes jour 7

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Photographie : Site du Festival de Cannes

22/05/2010

Cannes jour 6

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Photographies : site du Festival de Cannes

21/05/2010

Cannes jour 5

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Photographies : Site du Festival de Cannes

19/05/2010

Cannes jour 4

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Photographie : Carlotta Films

Petit message rapide : pendant qu'y en a des qui vivent ce qu'il faut bien appeler l'enfer cannois, y'en a d'autres, ici, et par exemple, qui s'amusent à revisiter les palmes depuis l'aube des temps... euh, du festival. Où va t'on ? Promis, dès la fin de cette rude semaine, j'y vais aussi.

18/05/2010

Cannes jour 3

17/05/2010

Cannes jour 2

Quand la loi n'est pas juste, la justice passe avant la loi

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Photographie : © Wild Bunch

16/05/2010

Cannes jour 1

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Photographie : Cinéludo

14/04/2010

Les dix ans d'Un festival c'est trop court

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Du 20 au 25 avril se tiendra dans la bonne ville de Nice la dixième édition d'Un festival c'est trop court. Au programme, du court métrage (On pourra voir une fois encore le Montparnasse de Mickael Hers !), des tas de programmes spéciaux et de rétrospectives.  Cerise sur le gateau, il y aura une programation régionale à laquelle l'association que je préside, Regard Indépendant, a participé. Et puis j'aurais le plaisir  d'animer une table ronde et de présenter un certain nombre de programmes dont la première niçoise du film d'Eric Quéméré, Aux Ponchettes. Un film à la longue histoire que je vous raconterais peut être dans ces colonnes un de ces jours. Bref, comme disait Pépin, si vous êtes dans le coin, passez voir.
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