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04/07/2005

L'enfance d'Ivan

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20/06/2005

La scène du téléphone

J'ai eu plus de mal à la trouver
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01:35 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

19/06/2005

Quelques couples de plus.

Cette idée me travaille. En continuant d'y penser, j'ai trouvé ces nouvelles propositions. Je pense aussi à Eyes Wide Shut de Kubrick et au Voyage en Italie de Rosselini, mais je les trouve trop évidents pour être honnêtes. Je peux me tromper.
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Et puis celui-ci, par pur plaisir, bien que je pense cette proposition critiquable dans le contexte. Mais je pense que c'est le film de Truffaut le proche de l'observation d'un couple en action.
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18:05 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

18/06/2005

Couples en images

J'illustre.
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Faire des blagues au téléphone
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Complices au travail
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Jardinage à deux
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Partager un même idéal
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Un moment de paix, seuls au monde
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Juste un regard

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17/06/2005

Histoires de couples

Ludocic Maubreuil écrit beaucoup et très bien sur Cinématique. L'autre jour, je suis tombé sur une note qui m'a donné à réfléchir : lien

 Louis: Tu es si belle. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

Marion: Pourtant hier, tu disais que c'était une joie.

Louis: C'est une joie et une souffrance.

Marion: Je vous aime.

Louis: Je te crois.

 
Le couple. Grand sujet de cinéma. Je me suis mis à réfléchir sur mes couples de cinéma, je veux dire ceux qui fonctionnent, qui sont dans le présent du film, qui nous montrent leur complicité, leur « confrontation réussie », leur fusion, si belle parfois que c'en est, au choix, douloureux ou exaltant. Question de couple. Question de cinéaste. Question d'expérience personnelle.

Vivian : Speaking of horses, I like to play them myself. But I like to see them work out a little first, see if they're front-runners or come from behind, find out what their whole card is, what makes them run.

Marlowe : Find out mine?

Vivian : I think so.

Marlowe :Go ahead.

Vivian : I'd say you don't like to be rated. You like to get out in front, open up a lead, take a little breather in the backstretch, and then come home free.

Marlowe : You don't like to be rated yourself.

Vivian : I haven't met anyone yet that can do it. Any suggestions?

Marlowe : Well, I can't tell till I've seen you over a distance of ground. You've got a touch of class, but I don't know how, how far you can go.

Vivian : A lot depends on who's in the saddle.

 
Est-ce que ces films sont si rares ? Je ne le crois pas. Moins nombreux sans doute parce qu'il est difficile, sans tomber dans le mélodrame, de montrer l'amour au travail, la fusion intense au quotidien. Voici donc quelques propositions de couples qui me semblent illustrer « l'échange radieux ».

James Stewart de Dona Reed dans La Vie est Belle de Franck Capra
John Wayne et Angie Dickinson dans Rio Bravo de Howard Hawks
Birger Malmsten et Eva Henning, La Fontaine d'Arethuse de Igmar Bergman
Maggie Cheung et Tony Leung dans In The Mood For Love de Wong Kar-Wai
Charlie Young et Nicky Wu The Lovers de Tsui Hark
Humphrey Bogart et Elizabeth Sellars dans La Comtesse aux pieds nus de Joseph L Mankiewicz.
John Wayne et Maureen O'Hara dans L'Homme Tranquille de John Ford
Charlie Chaplin et Paulette Goddard dans Les Temps Modernes de Charlie Chaplin
Alberto Sordi et Léa Massari dans Une Vie Difficile de Dino Risi
Cary Grant et Katharine Hepburn dans Indiscretions de Georges Cuckor

cinéma,blog,théorie

Feathers: I thought you were never going to say it.

John T. Chance: Say what ?

Feathers: That you love me.

John T. Chance: I said I'd arrest you.

Feathers: It means the same thing, you know that

15:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

10/06/2005

Balade ou Ballade sauvage ?

Marie soulève dans un commentaire fort pertinent, un problème sémantique fort intéressant. Badlands, le film de Terrence Malik, doit il être traduite par la Balade Sauvage (balade : promenade) ou part la Ballade Sauvage (ballade : forme poétique, destinée à être chantée). Je me suis amusé à chercher, et figurez vous que pour ce qui est du film, les affichistes n'ont pas tranché puisque l'on trouve les deux indifféremment :
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Etonnant non ? La forme promenade rapporte effectivement au "road movie", la forme poétique rapporte au côté mythe américain, proche en cela de la chanson avec deux "l" de Springsteen. De l'influence radicale de l'orthographe sur le sens.

13:10 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Terrence Malik |  Facebook |  Imprimer | |

08/06/2005

Malik, Springsteen et Hawks

I saw her standin' on her front lawn just twirlin' her baton
Me and her went for a ride sir and ten innocent people died


Ce sont, en version originale, les deux premières phrases de la chanson de Springsteen «Nebraska », de l’album éponyme de 1983. Ce pourrait être le résumé littéral de Badlands (la Ballade Sauvage) premier film tant admiré de Terrence Malik. Ce pourrait certainement l’être vu que Springsteen a toujours revendiqué l’influence de ce film sur son œuvre. Tous les deux ont pour base la cavale sanglante de ce couple de jeunes américains, Charles Starkweather et Caril Fugate à la fin des années 50.

La chanson, je l’écoute depuis des années, je crois même que c’est le tout premier CD que je me suis acheté. Le film, on m’en a beaucoup parlé, surtout à l’époque de La Ligne Rouge. Mais La Ligne Rouge, je n’aime pas tellement. Je n’aime pas la philosophie du film, ou plutôt le plaquage du discours philosophique sur le film dont la forme reste malgré tout si conventionnelle si on la compare à celles de Samuel Fuller, Raoul Walsh, Steven Spielberg ou Robert Aldrich (vous retrouverez sans peine les films auxquels je fais allusion).

J’ai donc pu découvrir La Ballade Sauvage ce week end, grâce à la programmation de Cinéma Sans Frontières, et je me suis retrouvé tout aussi perplexe que face à La Ligne Rouge. L’intéressant, c’est que le débat qui a suivi m’a permis de mieux comprendre ce qui me gênait. Sur la forme et, globalement sur l’interprétation, rien à dire. Malik est un grand cinéaste qui sait filmer la nature, la lumière, qui sait en donner une image lyrique, poétique, vivante et vibrante.

Sur le fond, j’ai bien l’impression que les deux films racontent la même histoire. De jeunes êtres humains (notre couple, les jeunes soldats) veulent « être » au monde et cherchent une sorte de paradis perdu en communion avec la nature (la cabane dans l’arbre, l’île paradisiaque). Mais, inadaptés comme tous les hommes, ils sont rattrapés par la violence et replongés de force dans la société humaine, celle de la guerre et du meurtre, sous le regard indifférent de la nature. Ils chercheront en vain à s’en sortir et trouvent le mort au bout du voyage (mort physique ou spirituelle). Morale, l’homme est une pièce rapportée dans la nature, inadapté il ne porte que la destruction en lui et ne peut atteindre au « divin ».

Bien. C’est une thèse. Mais j’ai du mal à la partager. Je me sens absolument plus proche de la vision d’un Renoir, d’un Ford ou d’un Hawks pour lesquels l’homme est capable de fusionner avec la nature, il s’y révèle et s’y épanouit, voire s’y transcende. Je pensais à des films comme la Captive aux Yeux Clairs ou Hatari !, qui représentent sans doute l’absolu hawksien en la matière et dans lesquels je me retrouve complètement.

C’est sans doute pour cela que je reconnais l’art de Malik mais qu’il me restera sans doute toujours un peu étranger. Curieusement, je n’ai pas ce problème avec Springsteen. Je l’ai toujours vu comme l’héritier rock de John Ford. Va savoir !

20/05/2005

Westerns all'dente

Je traverse une période westerns italiens. Un peu comme quand je décide de relire l’ensemble des albums d’Astérix ou de Tintin. Avec le plaisir de la découverte en plus. Outre ma passion habituelle pour tout le western, je trouve dans ces films italiens des années 60 une véritable fraicheur, un esprit de cinéma populaire qui me manque beaucoup aujourd’hui (voir mes réflexions sur Star Wars). Pour ceux qui comprennent suffisamment la langue de Dante, je recommande un coffret pas trop cher : Colt Collection avec deux films qui m’ont beaucoup impressionné : Le Mercenaire de Sergio Corbucci et Colorado de Sergio Sollima.
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Le Mercenaire avec Franco Nero, Tony Musante et Jack Palance, c’est le type même du film d’aventures révolutionnaires, assaisonné d’une réflexion politique, le tout emballé avec un humour et un sens de l’action qui arrive encore à me faire sautiller sur mon siège. Le mercenaire en question est un polonais, pas un plombier, mais un expert en armements qui se retrouve à aider un péon un peu libérateur, un peu truand et pas très doué. Le duo fonctionne sur un rapport de méfiance réciproque, d’admiration et de coups fourrés, préfigurant le duo John-Juan du Il était une fois la Révolution de Léone. Dans ces films (auxquels on peut ajouter Companeros, Tepepa et quelques autres) les réalisateurs italiens ont su trouver une façon originale et divertissante de parler des rapports nord-sud, rapports qu’ils vivaient d’une certaine façon au sein même de l’Europe de cette époque. Mais cette réflexion ne prend jamais le pas sur l’action (ah ! la charge en automobile), ni sur le baroque macabre de certaines images, comme l’arrivée de Franco Nero dans un bâtiment rempli de pendus. Musique avec sifflement inoubliable de Morricone.
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Colorado (la Resa Dei Conti en VO) est tout aussi excitant, peut être même encore mieux maîtrisé. Lee Van Cleef joue une nouvelle fois un chasseur de primes, lancé à la poursuite de Tomas Milian dans le rôle de Cuchillo, un péon accusé de viol et de meurtre. Peu à peu, l’impitoyable chasseur va se rendre compte qu’il y a un problème avec sa proie. Au rayon des mauvais : de gros propriétaires, l’armée, un conseiller autrichien à monocle, un fils à papa pédophile, bref, pas un pour racheter l’autre. Là encore, un discours politique marqué, pas asséné, et de grands moments de pur cinéma : outre le grand double duel final, la fuite éperdue de Cuchillo à travers les champs sur les chœurs de Morricone. Autre moment surréaliste, la longue séquence du ranch de la veuve, variation sur le mythe de Circé digne du cinéma fantastique. Van Cleef joue de subtiles variations à partir de son personnage monolithique et Tomas Milian ce personnage haut en couleurs, bavard, vantard, débrouillard, mais avec un fond idéaliste, dont il deviendra le spécialiste.

18/05/2005

Que la force, etc.

Difficile pour moi de faire l’impasse. Je suis loin d’avoir encore le soulèvement d’enthousiasme de l’époque mais il reste encore un petit quelque chose. Je me souviens parfaitement de la séance de L’Empire Contre Attaque en 1980. De l’attente qui avait précédé, de l’émission de Temps X, d’articles dans les revues et des photographies fabuleuses. Je me souviens aussi de la sortie du Retour du Jedi, en 83. J’avais séché les cours pour être de la première séance du mercredi après midi. C’était bizarre parce qu’il n’y avait pas tant de monde. J’y suis retourné le lundi suivant, avec des amis, là, on a bien fait une heure de queue. Mais on était contents. Et je me souviens du numéro spécial de Starfix. A l’époque, on a défendu le film bec et ongles comme on dit. Ce n’est qu’après que les Ewoks sont apparus pour ce qu’ils étaient : L’insupportable symbole de l’échec du film. Mais il y a encore de beaux moments.

Lucas a eu tort d’arrêter si longtemps pour reprendre si tard. Nous n’avons plus 15 ans et ce que nous acceptions alors, ça passe moins bien aujourd’hui. C’est sans doute pour avoir oublié ça qu’il s’est lourdement planté avec l’épisode I, que nous ne sommes plus aussi sincères dans l’attente des épisodes II et, aujourd’hui, de cette Revanche des Siths. Et que l’on ne me dise pas que nous avons vieillis. Enfin, si, on est plus vieux, mais quand je regarde King Kong, Rio Bravo ou Indiana Jones, je retrouve toujours mon « âme d’enfant ». Et quand je regarde les deux premiers épisodes, ceux historiques, je marche toujours. Parce qu’alors, Lucas , qui ne savait pas encore bien où il allait, était encore capable de partager son innocence avec nous. Parce que les effets spéciaux, un peu imparfaits, participaient de la naïveté de l’entreprise. Parce que Leight Brackett et Lawrence Kasdan avaient écrit le scénario de L’Empire Contre Attaque et qu’ils savaient écrire des films d’aventure et de science fiction.

Difficile aujourd’hui de regarder un des nouveaux Star Wars autrement que comme le nouveau « blockbuster ». Fini le temps du film exceptionnel qui repoussait les limites de l’imaginaire. Dès le Retour du Jedi, Lucas est devenu prisonnier de sa réussite. C’est un peu pathétique de le voir, aujourd’hui, essayer de raccrocher les wagons en élaborant à posteriori une philosophie globale pour les 6 épisodes. Dans la première trilogie, on riait pas mal avec les héros, des héros avec lesquels on pouvait s’identifier. Dans la seconde série, on ri peu, avec une créature virtuelle moche comme un pou, et le héros, censé nous ressembler, reste trop lisse. Ah ! Où sont la maladresse de Solo, les timidités de Luke, les crises d’autorité de Leia ?

Ce qui est amusant aussi, c’est tout le baratin que l’on fait sur le côté sombre et pessimiste qui dominerait la série. Comme si l’ensemble de la saga n’était pas d’un optimisme avéré. Lucas ne fait qu’appliquer les règles de bases de la dramaturgie : plus la chute est profonde, plus le mal est puissant, plus le mérite des héros est grand.

Il pourrait rester les films, mais non ! Même pas depuis que Tonton Georges a cru bon de les reprendre et de les tripoter. Ca, c’est vache. Retirer comme cela une part d’enfance à ses fans… Mais bon. Pas le choix. J’irais quand même voir la fin du début de l’histoire. Il parait que c’est pas mal. Avant, si j’ose dire, c’était merveilleux.

13/04/2005

Images lointaines

C’est fou ce que certaines images des films que nous voyons dans notre enfance peuvent nous rester. Au cours du festival du court métrage de Nice, je discutais avec un programmateur qui m’a demandé comment était venue mon « déclic cinéphile ». Quand je pense à ça, j’avance toujours le film de Howard Hawks, Rio Bravo. Mais il y a des images qui surgissent, que j’ai un peu de mal à dater, que j’ai l’impression d’avoir toujours connues et qui viennent de plus profond.
Il y a l’arrivée du train mitraillé dans Les Pirates du Rail de Christian Jaque avec ses cadavres pendant des portières. Il y a John Wayne marchant dans le désert entouré des fantômes de ses amis morts dans Three godfathers (Le Fils Du Désert) de Ford. Et il y a un film que je ne retrouve pas, une ambiance noir et blanc, une route exotique, dangereuse, un lien avec le vaudou et les morts qui marchent à la nuit tombée. Je me rends compte que ces images ont à voir avec la mort, j’étais impressionnable et je le suis resté longtemps.
Pour en revenir au film mystère, c’est peut être le Vaudou de Jacques Tourneur. Je me demande si ce n’est pas le White Zombie de Victor Halperin que j’ai revu hier soir. Il y a bien l’ambiance, la route, les morts vivants… mais je ne sais pas. Le film est beau, un peu lent, il y a de belles séquences mais l’ensemble est un peu daté. Si ces éléments évoquent quelque chose pour vous, faites moi signe.
Photographies : www.horrordvds.com

12/04/2005

Le Cauchemard de Darwin

Le cauchemar de Darwin, le documentaire de Hubert Sauper sera diffusé à l'initiative de l'ADN le jeudi 14 avril au cinéma RIALTO à Nice.


Il a reçu de nombreux prix : Grand Prix du Meilleur film au Festival de Copenhague, Prix du Meilleur documentaire au Festival de Montréal, Prix Europa Cinémas à la Mostra de Venise et Grand Prix Documentaire au Festival du film de l'environnement de Paris.

A travers l'histoire de l'introduction de la perche du Nil, un poisson introduit dans le lac Victoria (Tanzanie) il y a quelques dizaines d'années, le film est une dénonciation glaçante des ravages de la mondialisation et devrait vous inciter à changer de menu.

Pour plus de renseignements : le site ADN

03/04/2005

Eastwood, donc

La principale émotion que j'ai ressentie devant Million Dollar Baby est avant tout esthétique. Je me suis retrouvé devant le même choc visuel qu'à l'époque de Bird. Une façon de traiter l'écran comme une grande zone sombre avec de rares éclats de lumière. Une façon de sculpter les ténèbres, les visages et les corps réduits à des lignes lumineuses qui en appellent aux graphismes de Will Eisner ou de Franck Miller. Deux auteurs de bandes dessinées liées à l'univers du film noir.

Cet univers, Eastwood y est comme chez lui. Ce n'est certainement pas son intrigue et les péripéties de son entraîneur sur le retour qui décide de se mouiller une nouvelle fois en devenant le manger d'une jeune boxeuse qui innove. Non, on est en terrain connu, celui des salles de gym, des vestiaires minables, des combinaisons louches, l'univers déjà visité par Robert Wise, Stanley Kubrick ou Mark Robson. L'anecdote du poulain tocard qui va s'élever jusqu'aux sommets, c'est du classique aussi. Du classique au sens Fordien ou Hawksien. Quoique que pour le coup, nous sommes ici plus chez Ford (l'échec, les valeurs) que chez Hawks et son professionnalisme décontracté.

Mais à ce classicisme de la narration, on marche. On marche par c'est ce qui permet de mettre le spectateur dans le bain très vite et de l'emmener ailleurs. Un ailleurs de cinéma, du cinéma pur et du plus beau. Ce cinéma, c'est d'abord celui des acteurs, de l'émotion qui passe au niveau de cette relation de vieux couple entre Eastwood et Freeman, nouvelle variation de leur relation d'Impitoyable. Émotion du rapport entre l'entraîneur et sa boxeuse, Hillary Swank, terriblement attachante. D'ailleurs, et c'est sans doute un élément fondamental chez Eastwood, il reprend une nouvelle fois cette problématique de la relation père-enfant, souvent marquée par l'échec ou la mort, comme avec sa fille dans Jugé Coupable, le jeune soldat de Josey Wales ou le tueur débutant d'Impitoyable. Eastwood doit aimer ces personnages rongés de culpabilité, voyant leur échapper la transmission d'une génération à l'autre. C'est peut être ce qui agace certains dans son cinéma. Lui, le réalisateur comblé, lui l'interprète sûr de lui de Harry et autres héros de Léone, adore se mettre en scène en perdant, souvent, il faut le dire, magnifique.

Tout le monde est magnifique dans ce film et c'est cette justesse dans le jeu, cette apparente simplicité qui donne vie aux personnages et qui fait que l'on se passionne pour leur destin, même s'il est écrit d'avance, que l'on s'accroche à cette histoire comme si l'on vous la racontait pour la première fois.

Là où Eastwood va plus loin, là où il se révèle un grand metteur en scène, c'est dans sa démarche esthétique. Je suis resté cloué par la beauté de ses images comme devant celles, encore un fois de Ford ou de Hawks. Ce n'est pas une beauté virtuose, sophistiquée, mais au contraire, de cette simplicité qui ne s'obtient qu'avec la plus grande des rigueurs. Rigueur des cadres, rigueur des compositions, un exercice sur la lumière et les couleurs, ou plutôt sur un noir et blanc en couleurs, qui donne à son histoire une dimension quasi mystique. Le traitement du son appelle les mêmes éloges. La voix off dite par Freeman (pas de VF par pitié !) est l'une des plus belles que l'on ait entendue depuis longtemps. Musicale, comme un vieux blues, elle est autant sens dramatique que participante à l'atmosphère.

Bon, allez, je m'arrête, j'ai envie de faire des belles phrases pour vous parler de ce beau film. C'est idiot. Il se voit et il s'écoute. C'est du Cinéma.

23:40 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Clint Eastwood |  Facebook |  Imprimer | |

21/03/2005

Assaut, Rio, Bravo !

Si vous suivez attentivement le générique d’Assaut, le film de John Carpenter, vous verrez que le monteur se nomme John T Chance. Ce pseudonyme cache John Carpenter lui-même, sans doute un peu gêné de voir son nom si présent puisqu’il signe déjà la réalisation, le scénario, la production et la musique.

Chance, c’est surtout le nom du personnage joué par John Wayne dans le Rio Bravo de Howard Hawks. Ce pseudonyme, c’est un acte de filiation. On connaît l’admiration de Carpenter pour Hawks, et, au sein de son œuvre, pour ses thématiques, son sens de l’espace et le dispositif minimaliste qui élève Rio Bravo au rang des grandes tragédies classiques.

Ce qui est moins connu, c’est que la véritable inspiration d’Assaut, c’est un autre western, moins aboutit, plus ancien, réalisé en 1953 par John Sturges : Fort Bravo, dans lequel des nordistes avec leurs prisonniers sudistes sont coincés dans un trou en plein désert, assiégés par une horde d’indiens invisibles qui les bombardent dans un silence coupé de sifflements par une multitude de flèches. Si on prend la peine d’analyser les situations des trois films, on voit bien qu’Assaut a bien plus à voir avec le Fort qu’avec le Rio.

Alors, ça me fait un peu marrer, à l’occasion de la sortie du remake d’Assaut, d’entendre parler tout le monde de la filiation avec Rio Bravo. Du remake, rien à dire, je ne l’ai pas vu et puis j’irais pas. Comme pour L’Aube des Morts et Massacre à la Tronçonneuse, il s’agit de versions édulcorées, aseptisées, formatées, de grandes œuvres subversives des années 70. Roméro, Hooper et Carpenter faisaient de la vraie série B, des films engagés qui passaient par le fantastique et l’horreur pour s’attaquer violemment à la société de l’époque. Aujourd’hui, ils sont presque tous réduits au silence. Mais leur oeuvre est toujours très présente et le meilleur hommage que l’on puisse leur rendre, c’est de s’abstenir d’aller voir leur tristes clones qui seront oubliés dans deux ans.

13/03/2005

Les aventures maritimes de Steve Zissou

Steve Zissou a un joli bonnet rouge, un bateau d'exploration maritime et un très chouette bathyscaphe jaune canari. Il parcourt les sept mers et ramène des films tout à sa gloire. Oui, Steve Zissou est une version américaine et moderne de notre bon vieux commandant Cousteau.

Incarné par Bill Murray, Steve Zissou et son équipe sont les héros du nouveau film de Wes Anderson, réalisateur assez indépendant à qui l'on doit un premier film réalisé avec les frères Wilson : Bottle Rockett, inédit chez nous. En 1998, il se fait connaître avec l'original, Rushmore, histoire d'un étudiant atypique, avec déjà Bill Murray et La famille Tenenbaum avec, encore, Bill Murray au sein d'une distribution imposante.


Bill Murray donc, avec son air à la Jean Pierre Bacri, son flegme dépressif et son petit grain de folie douce, est cet explorateur sur le retour, dont le meilleur ami a été dévoré par un requin tigre, la femme (Angelica Huston) s'est éloignée, les finances sont dans le rouge, l'inspiration en berne et les subventions siphonnées par un rival rompu aux hautes technologies (Jeff Goldblum).

Néanmoins, sa dépression latente ne l'empêchera pas de repartir une nouvelle fois à l'aventure, déterminé comme Achab à se venger du monstre aquatique, entouré de son équipe à toute épreuve parmi laquelle on compte un second germanique (Willem Dafoe), un cameraman hindou (Waris Ahluwalia), un guitariste brésilien qui joue Bowie ( Seu Jorge), deux dauphins albinos idiots et une horde de stagiaires bénévoles corvéables à merci. Pour simplifier, il se greffe un pilote qui est peut être son fils (Owen Wilson) et une journaliste enceinte (Cate Blanchett).

On l'aura compris, le film est une comédie un peu complexe. Sa ligne dramatique principale linéaire est constamment parasitée par une foule d'intrigues secondaires basées sur les rapports entre les différents personnages, rapports marqués par des interrogations telles que le rapport de filiation, la réussite, l'échec, le couple, la mort...

Je n'ai personnellement pas été tout à fait convaincu que cet ambitieux programme fonctionne. Le film n'est pas aussi drôle que l'on pouvait s'y attendre. Il fonctionne plus sur un humour décalé, proche de la bande dessinée avec de nombreuses ellipses. Le film a des ruptures de rythme parfois brutales et semble parfois chercher sa direction, à l'image de son personnage principal. Parfois, le dérapage dans la folie tombe à plat comme lors de l'évacuation musclée des pirates par Zissou, seul contre tous. Mais souvent, il se dégage en contrepartie une poésie bienvenue, les intermèdes musicaux par exemple, ou les petits animaux farfelus dessinés par Henry Selik, complice de Tim Burton, ou encore les plans séquences virtuoses du bateau, en coupe, qui rappellent ceux de la pension de jeunes filles filmée par Jerry Lewis dans Le tombeur de ces dames.

Le film emporte quand même l'adhésion, si l'on accepte son ton original, parce que c'est tout sauf un film bateau (facile !), parce qu'il est ambitieux et volontaire, parce que Wes Anderson aime faire du cinéma et que ça se voit, et enfin par l'excellence de sa distribution, visiblement motivée par l'aventure, Murray en tête, dans une prestation digne de ses grands moments.

23:10 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Cinéma, Wes Anderson |  Facebook |  Imprimer | |

08/03/2005

Tire encore... si tu peux !

Lecteur internaute qui, intrigué par le titre sans doute, est entré dans cette chronique, laisse moi te parler à présent d’un film qui se mérite. Il ne s’agit pas d’une sortie récente (le film date de 1967), il ne s’agit pas d’un classique, il ne s’agit ni d’une sortie vidéo ni d’une sortie DVD et encore moins d’une reprise en salle. A ma connaissance, le seul à l’avoir passé ces dix dernières années, c’est Jean Pierre Dionnet dans son cinéma de quartier sur Canal +. En fait, Se sei vivo, spara (Tire encore si tu peux) est un Western spaghetti, un vrai, mais d’un style tout à fait particulier. Et celui qui aura la chance de tomber dessus va découvrir une petite perle rare qu’il n’aura de cesse de faire partager aux vrais connaisseurs.

Barney, un métis incarné avec beaucoup de charme par Thomas Millian, organise un hold up avec une bande moitié américaine, moitié mexicaine. Au moment du partage, les Américains, laissant ressortir leurs instincts racistes, exécutent les Mexicains et s’enfuient à travers le désert. Barney s’en sort miraculeusement. Il est recueilli par deux indiens qui rappellent étonnamment celui de Dead Man de Jim Jarmush, et qui acceptent de l’aider à se venger à condition qu’il leur raconte ce qu’il a vu « de l’autre côté », lui qui a été si proche de la mort. Entre temps, la bande américaine arrive dans un village à l’ambiance très étrange, ambiance que l’on retrouvera dans High plains drifter (L’homme des hautes plaines - 1973) de Clint Eastwood, une ambiance de corruption et de dépravation assez impressionnante. A partir de là, tout le film bascule. L’intrigue brasse nombre d’éléments classiques du western italien en les décalant systématiquement, mêle des réminiscences baroques et fantastiques, tant sur le fond que dans le style.

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Barney sera ainsi perçu comme un « mort vivant » par Hoaks, le chef de ses ex-associés, on trouve un personnage de pasteur dépravé vivant avec une jeune femme une relation fortement teintée de sado masochisme, un gros rancher mexicain entouré d’un troupe de jeunes hommes tous vêtus de cuir noir qui ne dépailleraient pas un film de Pier Paolo Pasolini et des situations que l’on verrait bien dans les films de la série Allan Edgar Poe de Roger Corman (l’incendie final, la fin du pasteur…).

Question de style, Se sei vivo, spara surprend tout d’abord par ses premières séquences. Le générique, porté par la musique superbe de Ivan Vandor, alterne les plans d’inspiration fantastique de Barney s’extirpant de la fosse ou l’ont jeté ses ex-associés, puis étant soigné par les deux indiens philosophes, avec des images de l’exécution, montées très rapidement (c’est carrément du Eisenstein !), contrastant par leur lumière blanche de désert à midi, avec celles du « ressuscité », nocturnes et bleutées.

Gulio Questi, le réalisateur, n’a guère fait de films, et celui-ci est son unique western. Il s’en donne à cœur joie, même si certaines scènes paraîtront un peu pâles (l’attaque du début), il se rattrape par un montage très original, jouant sur le temps (la construction en flash back du début, les ellipses radicales) et l’espace (l’exécution des Américains, la mise à mort du chef). Il excelle surtout dans l’établissement de son climat baroque, à base de jeu sur les couleurs (les ambiances du saloon, les costumes noirs et blancs des « ragazzi » et de compositions étonnantes, dans un esprit très proche du surréalisme ou de Bunuel (l’arrivée des truands américains dans la ville est typique d’étrangeté). Sans multiplier les exemples, Se sei vivo, spara est un film hypnotique, un peu déstabilisant mais toujours surprenant.

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Question de fond, enfin, le film est assez virulent et, comme Il grande silenzio (Le grand silence - 1968) de Sergio Corbucci, surprendra par son ton acide, un peu cynique et un peu amoral, aux antipodes de la « morale » des westerns américains. Ici pas de fin heureuse, ici, le massacre de innocents se déroule sous les yeux impuissants de l’anti-héros dégoûté. Ce n’est pourtant pas là que le film est le plus original, les meilleurs westerns italiens (Leone, Damiani, Corbucci…) se sont toujours fait une spécialité de transposer dans cet univers si spécial des préoccupations politiques et sociales très européennes et souvent très « à gauche » (exploitation du Tiers-Monde à travers les personnages de Mexicains, dénonciation du gros capitalisme à travers les américains, réflexions sur la guerre du Vietnam, critique de l’église…). Se sei vivo, spara ne déroge pas à la règle et Barney est un parfait héros libertaire, leader à la Che Guevara d’une bande de Péons trahis par l’Occident.

Cher lecteur internaute, si ces quelques lignes ont su t’intriguer, te séduire, te donner l’envie, à toi de partir à la recherche de Barney et de découvrir ce film… si tu peux !

04/03/2005

Guédiguian et Mitterrand

Il y a une scène particulièrement émouvante dans Le promeneur du champ de mars, le nouveau film de Robert Guédiguian. On y voit François Mitterrand prononcer son fameux discours de Liévin, au cœur d’une usine en ruine, devant ceux qu’il n’a pas su aider. Une dernière fois, il leur parle pourtant de partage des richesses, de justice sociale et de socialisme, ce socialisme qu’il a incarné pendant 14 ans. La beauté toute cinématographique de cette scène vient du décalage entre les paroles, le verbe mitterrandien comme on dit, prononcées au cœur d’un décor désolé qui pèse comme un lourd reproche, et le silence des auditeurs, joués par d’authentiques mineurs. Le silence de ceux que le président socialiste n’a pas su défendre. Il y a là une série de gros plans de visages bouleversante, car on sent en cet instant que ces gens, ces ouvriers, cette pas encore « France d’en bas », croit, malgré toutes les désillusions, aux paroles du vieil homme. Et lui ? Y croit-il encore ? Y a-t-il jamais cru ?

L’une des forces du film de Robert Guédiguian est de ne pas donner de réponse, ce dont je lui suis gré. Il donne des pistes, des éléments, mais son film n’est ni un portrait à charge, ni une absolution, ni un cours d’histoire, ni une étude politique. C’est une tentative d’approcher l’homme à un moment clef de sa vie.

Le premier signe important du projet cinématographique, c’est que Mitterrand n’est jamais nommé. Il est le président. Il est un vieil homme, mais un homme de pouvoir. Il est un homme malade, aussi, et qui sait qu’il va finir par perdre son dernier combat. Cette façon d’envisager un personnage historique est à la fois audacieuse et permet de dépasser la simple dimension historique.

Il y a dans ce film quelque chose de Fordien, quelque chose de Vers sa destinée ou Lincoln n’est pas seulement Lincoln président légendaire, mais un jeune avocat de province avec les soucis, les joies et les peines d’un jeune avocat de province. Ce qui n’empêche pas le film de participer à la légende mais il lui donne un intérêt humain de premier plan.

Le Mitterrand de Guédiguian est un vieil homme au seuil de la mort et il se pose les questions de tout homme dans sa condition. Sans doute la légende est présente comme en filigrane. Comme le dit un des personnages du film, « Tu es comme les autres, tu finis par l’aimer », Guédiguian, comme tant d’autres, cède à la fascination de François Mitterrand, « dernier des grands présidents ». Mais Guédiguian reste aussi le réalisateur de l’Estaque, l’ancien communiste qui s’est interrogé dans son œuvre, depuis 1980, sur les désillusions de la classe ouvrière et l'impuissance du socialisme à changer la vie.

Il arrive à faire de son personnage historique un archétype que je rattacherais encore à Ford, à celui de La dernière fanfare, un de ses derniers films avec Spencer Tracy dans le rôle d’un politicien qui s’engage dans sa dernière élection, un homme qui n’a pas pris la mesure des changements du monde et qui meurt, lui aussi, à la fin.

Il y a beaucoup de points communs avec ce film. A commencer par le fond politique. Car si le film de Guédiguian n’est effectivement pas une analyse ou une critique politique littérale, il fait passer avec beaucoup d’intelligence une idée forte sur l’échec du socialisme incarné par Mitterrand : celle du décalage avec son époque. Arrivé peut être trop tard, il aurait perdu prise avec les grands mouvements du monde moderne. On voit constamment dans le film que Mitterrand est un homme inscrit dans l’Histoire, connaisseur de l’Histoire, lettré citant Duras, Lamartine, De Gaulle et Blum, héritier d’une époque qui n’a plus rien à voir avec le présent. Et cela, c’est encore plus vrai aujourd’hui qu’en 1995.

Quand le journaliste lui parle de mondialisation, il répond que l’Europe est en paix depuis 14 ans. Mitterrand vient d’une Europe en guerre : guerre mondiale, guerre civile, guerres coloniales. Quelles sont ses réponses pour une génération, bientôt deux, qui n’ont connu que la guerre économique ? Il n’en a pas.

La force du film, c’est de donner une forme cinématographique à cette idée. Guédiguian met en place un dispositif, comme souvent inspiré de son goût pour théâtre, où Mitterrand est isolé entre le témoin qu’il s’est choisi, le jeune journaliste (bien plus jeune que son modèle réel, Georges-Marc Benamou, et donc encore plus lointain des références du président) et quelques silhouettes : secrétaire, docteur, chauffeur, garde du corps. Guédiguian se refuse à montrer et même à nommer les autres protagonistes de ces années : vous ne verrez ni Chirac, ni Rocard, ni Jospin, ni personne. Seule Mazarine, sans doute pour la dimension humaine et inclination pour la littérature, est citée.

Mitterrand est aussi constamment inscrit dans le paysage de la France « éternelle », parcourant villes et villages symboles de siècles d’histoire. Scène inaugurale dans la cathédrale de Chartres, scène proustienne où le président parcours les gisants de rois oubliés. Scène mélancolique entre les cartons pleins de souvenirs lors du départ de l’Elysée. Scène fordienne encore dans le petit cimetière puis, plus tard, scène ultime dans l’église où il s’allonge. Il est déjà un fantôme quand il monte l’escalier de pierre, déjà avec ses morts comme Truffaut dans La Chambre Verte.

Les livres enfin, irriguent tout le film. Mitterrand amoureux des livres, c’est le Mitterrand le plus sympathique. Les livres sont de (presque) tous les plans. Pas les livres produits à la chaîne d’aujourd’hui, écrits par ce que l’on ose appeler un écrivain (dont le journaliste fait partie, d’une certaine façon). Mais les livres avec un grand L. Cervantès, Duras, Lamartine, Hugo, Valéry, Lévi, j’en oublie sûrement. Des livres que l’on caresse comme des femmes, des livres que l’on possède, des livres compagnons, des livres qui sont, comme chez Truffaut, notre plus bel héritage.

L’attachement à cette culture de la littérature est un fossé de plus entre Mitterrand et les générations de l’image et de l’ordinateur. Elle est pourtant une ultime possibilité de communication : maladroite lors de l’épisode du livre choisi pour l’anniversaire, porteuse d’espoir lorsque le journaliste fait le rencontre d’une… bibliothécaire. On a là de nouveau un très beau motif de cinéma, enchâssé dans la trame du film et riche de signification.

Symboliquement, Guédiguian met en avant l’affaire Bousquet comme révélatrice de ce fossé. A l’indignation du jeune journaliste qui « n’avale » pas les relations ambiguës du président avec le régime de Vichy, répond l’obstination du vieil homme : « Vichy n’était pas la France », l’excuse de sa jeunesse et d’un contexte plus que troublé. Guédiguian ne tranche pas, n’accuse ni n’excuse, mais laisse plusieurs personnages (la vieille résistante, la jeune bibliothécaire) faire la part des choses.

Là encore, le personnage du journaliste, joué avec beaucoup de sobriété par Jalil Lespert, incarne les doutes et les questionnements des nouvelles générations. C’est sans doute pourquoi il éprouve le besoin d’aller visiter Vichy pour se rendre compte qu’il n’y a rien à voir, rien que puisse apprendre le Vichy de 1995 sur celui de la collaboration. Le « tu n’as rien vu à … » de Duras s’applique à tous ces lieux que nous avons chargés d’Histoire mais qui, par eux même sont incapables de nous parler aujourd’hui.

Je ne dirais rien sur le jeu de Michel Bouquet en Mitterrand. Même les détracteurs du film saluent sa performance et ils ont bien raison. Je crois plus nécessaire de souligner la qualité de la prestation de Jalil Lespert. Dans le dispositif de Guédiguian, il est le personnage principal qui porte les interrogations de l’auteur. Il doit, en même temps, faire valoir les qualités intellectuelles et de fascination de Mitterrand. Et c’est lui qui porte le poids de la partie purement fictionnelle, héritier en cela des personnages de Jean Pierre Darroussin dans Dieu Vomit les Tièdes ou le récent Mon Père est Ingénieur que l’on pourrait voir comme les versions mûries du jeune journaliste. Rude tâche dont Lespert s’acquitte avec la sobriété d’un James Stewart période Capra.

Pour terminer, la question qui s’est posée quand on a su que ce serait le cinéaste de l’Estaque qui porterait ce sujet à l’écran, c’est comment allait-il passer d’un cinéma du soleil à un cinéma de la grisaille. Réponse : en beauté. Beauté de l’image de Renato Berta revendiquée par une tirade pleine de chaleur de Bouquet-Mitterrand en forme d’ode au gris (entendre le noir et blanc cinématographique). Le film est une succession de noir et blanc en couleur, du sable des plages du nord aux ardoises des villages, des ors passés de l’Elysée au fameux manteau et chapeau présidentiels, des gris infinis de Paris aux gris illimités des champs de province.

En relevant le défi d’un sujet à priori anti-cinématographique et éloigné de son univers marseillais, Robert Guédiguian s’en sort avec talent et honneurs. Comme quoi il faut se méfier des a priori. Ce projet qui pouvait lui sembler si étranger, il en a fait, d’une certaine façon, l’un de ses films les plus personnels de part les réflexions qu’il développe, synthétisant et prolongeant celles de ses plus belles réussites ; et l’un de ses films les plus réussis de part sa grande maîtrise de son art : celui du cinéma.

Photographies : © Pathé Distribution
Le DVD 

21/02/2005

Assassination tango

C'est un film sortit cette année très, trop discrètement au cours de l'été. J'ai pu le découvrir la semaine dernière à la Cinémathèque de Nice : ASSASSINATION TANGO, seconde réalisation de Robert Duvall après l'excellent LE PREDICATEUR en 1998.

Il y joue un tueur à gage dont on ne saura jamais s'il travaille pour une agence occulte ou pour le crime organisé. Toujours est-il que c'est l'un de ces tueurs qui a une éthique de son métier (un peu comme le personnage d'Eastwood dans LA SANCTION). Il vit avec une femme qui a une petite fille. Le tueur et la fillette s'adorent. Le tueur est aussi danseur de salon.

Quand on l'envoie pour une mission à Buenos Aires, il ne manque pas de visiter les salles de danse et rencontre Manuela, superbe danseuse dont le tango le fascine. Bien sûr, il y a un grain de sable dans la mission et notre héros aura tout le temps de s'initier à la sensualité technique du tango argentin. Manuela ne le trouve pas trop vieux et elle a, elle aussi, une petite fille.

Outre la mission, notre tueur devra mettre ses sentiments à l'épreuve. Fidélité à la parole donnée à la fillette américaine, amour réel et envie de s'engager vis à vis de sa mère, désir d'une nouvelle histoire avec cette danseuse si belle et si fine... le film reste dans l'irrésolution jusqu'au bout, à l'image de ce personnage un peu fou, original mais attaché, comme d'autres personnages de Duvall, à une certaine forme de morale.

Je n'en dirais pas plus. Le film est d'une facture originale, d'un rytme inhabituel pour le cinéma américain moderne, sachant prendre son temps, mais soumis à de vives accélérations, un peu comme un morceau de tango, quoi. Et Luciana Pedraza est incroyablement belle.

Le DVD sort en mars, surveillez les bacs. 

09/01/2005

Paul Carpita à Nice

Les associations Cinéma sans Frontières et l'association Regard Indépendant (ex Coopérative du Cinéma et du Spectacle) ont unis leurs efforts pour proposer aux spectateurs niçois les trois longs métrages du réalisateur marseillais Paul CARPITA.

LE RENDEZ VOUS DES QUAIS (1954), SABLES MOUVANTS (1996) et MARCHE ET RÊVE (2002) seront présentés en présence de leur auteur les vendredi 21 et samedi 22 janvier 2005 au cinéma Mercury, place Garibaldi.

"Quand j'étais jeune, j'allais voir les films de Jean Gabin, de Fernandel (...) J'ai toujours été très libre par rapport aux modes, aux écoles. (...) Il est vrai que les films italiens néo-réalistes, ceux de Vittorio De Sica, Roberto Rossellini, Giuseppe de Santis, me touchaient beaucoup, mais si influence il y a eu sur moi, elle était inconsciente. Encore aujourd'hui, je fais les choses d'instinct, spontanément."

Cinéaste atypique issu d’un milieu ouvrier, Paul Carpita attrape très jeune le virus du cinéma. Après la seconde guerre mondiale au cours de laquelle il a rejoint les FTP (Francs Tireurs Partisans), il crée avec ses camarades de combat le groupe militant Cinepax, totalement autonome, dont l'objectif est la réalisation et la diffusion de documentaires politiques et sociaux. Car Paul Carpita est un homme engagé, impliqué dans la vie politique et sociale, adhèrent du Parti Communiste.

Au début des années 50, devenu instituteur, il se lance dans l’aventure d’un premier long métrage : LE RENDEZ VOUS DES QUAIS qui dépeint un violent mouvement de grève des dockers marseillais à l'arrivée des dépouilles et des soldats blessés d'Indochine sur le Vieux Port. Le film est réalisé complètement hors du « système » du cinéma français d’alors, avec une énergie, une humanité, une économie de moyen et un sens documentaire qui rappellent le néoréalisme italien comme ils annoncent la nouvelle vague.

Le film sort en 1955 mais est aussitôt censuré car s’il parle d’Indochine, il sous entend aussi l’Algérie que l’on appelle pas encore une guerre. Isolé artistiquement, peu soutenu politiquement, Paul Carpita voit avec déchirement son film saisi et interdit. Il ne sort finalement en salles qu'en 1991.

Mais Paul Carpita ne baisse pas les bras. Son désir de cinéma reste le plus fort et il va continuer, pendant plus de dix ans, à tourner des courts métrages. LA RECREATION, GRAINES AU VENT, DEMAIN L’AMOUR, ADIEU JESUS, tous portent la trace de la blessure de la censure du RENDEZ-VOUS DES QUAIS. Tous portent aussi le regard d’un cinéaste authentique.
En 1995, Paul Carpita signe enfin un second long métrage, LES SABLES MOUVANTS, présenté lors des 4e Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice. Drame poignant, le film est situé dans les années 50 et a comme toile de fond le destin de travailleurs clandestins exploités dans les rizières de Camargue.

En 2002, Paul Carpita change de registre avec une véritable comédie : MARCHE ET REVE ! (LES HOMARDS DE L'UTOPIE). Fim généreux, film sur l'amitié et les illusions perdues, film aussi qui parle de chômage, de licenciements, de mondialisation, MARCHE ET REVE ! suit l’itinéraire d’une bande de copains décidés à donner corps à leurs rêves.

"(J’ai eu) envie de ça, de cette bonne humeur, de cette faconde. J'ai trouvé le joint pour que les gens rient, avec cette histoire d'arnaque à l'assurance. Quand j'ai vu le film pour la première fois avec le public, j'avais honte, parce que les gens riaient tellement que j'étais entraîné et que je riais aussi. Ils m'avaient à chaque fois, ces couillon, les Russo, et le Souza !"

Plus qu’un grand réalisateur, Paul Carpita est un grand poète dans la lignée du réalisme poétique. Un cinéaste unique, à découvrir ou redécouvrir, qui prépare, à plus de 80 ans, son prochain long métrage avec l’enthousiasme et la foi d’un jeune homme.
 
Photographies : le site de paul Carpita
Les DVDs 

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08/12/2004

8 1/2 (2046)

fayewong.jpgLe débat de vendredi soir a nettement révélé combien les spectateurs manquaient de clefs pour comprendre et apprécier pleinement le 2046 de Won Kar-Wai. Si l’unanimité était (presque) de mise sur la beauté plastique du film et de ses interprètes, le fond laissait perplexe.

A Cannes, j’avais ressenti cela. Tous les éléments semblaient en place, mais il manquait un déclic, un petit quelque chose d’ineffable qui donnerait cohérence et valeur à l’œuvre. Quelque chose de l’ordre de la magie qui se dégage d’In the Mood For Love.

Vendredi soir, il m’est soudain venu à l’esprit que la clef de 2046 pouvait justement être cela : une interrogation sur la magie du film précédent. Comment dépasser In the Mood For Love ? Et un peu plus car 2046 convoque les souvenirs, les acteurs, les ambiances musicales et les situations de quasiment tous les films précédents.

Explorer cette piste est assez excitant. Wong Kar-Wai aurait-il réalisé son 8 ½ ? Un film sur la difficulté de faire un nouveau film, comme Fellini après La Dolce Vita.

Tony Leung joue bien l’alter ego du réalisateur qui, après sa passion absolue avec Maggie Cheung, multiplie les aventures en cherchant à combler cette perte tout en sachant que ce ne sera pas possible. D’ou son cynisme tendre, son refus de s’engager de nouveau et cette impression de forte mélancolie, celle du passé que l’on ne retrouve jamais. Mastroianni, lui aussi convoquait toutes ses femmes pour résoudre sa crise d’inspiration. D’ou cette métaphore de science fiction, comme la fusée de 8 ½, ce train qui file tout droit sans possibilité de retour. Métaphore d’une vie, métaphore d’une liaison et métaphore d’une carrière de réalisateur, un film après l’autre.

« Les films sont comme des trains qui filent dans la nuit » disait Truffaut, discrètement convoqué à travers un extrait musical de Vivement Dimanche. Truffaut qui s’est sans doute posé le même genre de question quand, dans L’Homme qui Aimait les Femmes, le personnage de Charles Denner entreprenait une thérapie par l’écriture d’un livre après un échec amoureux qui le bouleversait et évoquait, lui aussi, le souvenir de tant de femmes aimées.

On ne revient pas plus d’un grand amour qu’on ne revient sur un chef d’œuvre. On cherche autre chose ou l’on se perd dans le regret.

Oui, c’est bien de cela qu’est fait 2046 et Wong Kar Wai a fait de ses doutes un film question, un film somme, un film pour construire de nouveau.
Le DVD 

28/11/2004

2046

2046_2.jpgBon, j'en avais vraiment envie, je vais retourner voir le film, le pied de Zhang Ziyi, les trois plans avec Maggie Cheung (puisqu'elle avait disparu de la version cannoise) et tout le nouveau montage. Pour ceux qui sont dans la région, ce sera le vendredi 3 décembre à 20h45 au Cinéma Mercury, 16 place Garibaldi à Nice dans le cadre du ciné club de Cinémas Sans Frontière. Il y aura un débat et ça sera virulent, je vous le dit.
 
Et pour les mélomanes, j'ai acquis le CD de 2046. Lors de la vison du film, la bande musicale m'avait aussi laissé une impression de déception, une impression de redites. Et un coup de Nat King Cole, et un coup de violons déchirants... rien de neuf depuis les accords majeurs d'In The Mood For Love. Mais à l'écoute du CD, pas pareil. Au contraire, une impression de cohérence, un charme irrésistible et l'impression d'écouter quelque chose d'original. Pourtant Nat King Cole et les violons, mais ça fonctionne.. En plus, il y a un très beau livret.

Alors, à vendredi.