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28/01/2006

Comment être Spielberguien ?

En écho à la célèbre question posée à propos d'Hitchcock et Hawks, je désespère de trouver le duo critique Rohmer-Chabrol qui saurait exprimer la pleine mesure du cinéma de Steven Spielberg. Hélas, hélas, entre les attaques prévisibles, les laudateurs béats, les contresens, les approximations, ceux qui n'osent pas et ceux qui osent n'importe quoi, il y a bien un problème à parler de son oeuvre. Moi-même, homme de peu de foi, j'ai fini par douter. C'est qu'à entendre nombre de voix très sérieuses, le cas semble indéfendable. Grosso modo, on lui a reproché pendant quinze ans d'avoir fait du cinéma adolescent pour lui conseiller ensuite, à partir de La Liste de Schindler, de revenir plutôt à du cinéma pour adolescent. Aujourd'hui encore, la tendance pour ce qui est de Munich est à : « mais de quoi se mêle-t'il ? Que n'en reste-il pas à ses dinosaures ! ». et puis, il n'a pas de chance. Steven Spielberg, grâce à la fidélité du public et son sens des affaires et de l'organisation , s'est construit un système qui lui permet de faire ce qu'il veut et, surtout, de tourner très régulièrement dans de confortables conditions économiques. Pour parler clair, il peut se consacrer pleinement à son art avec le maximum d'indépendance possible. Il n'est donc pas un brillant rebelle obligé de s'épuiser des années pour monter un projet (Cimino, Coppola, Friedkin...), ni un non moins brillant rebelle obligé de passer sous les fourches caudines des studios, ni un farouche indépendant, ni un artiste maudit. Serait-il donc possible qu'il ait du talent ? Une vision ? Un cinéma ?
 

Entre 1939 et 1940, John Ford, devenu producteur et aussi à l'aise que possible dans le système des studios hollywodiens enchaîne Vers Sa destinée, La Chevauchée Fantastique, Sur La Piste des Mohawks, Les Raisins de la Colère et The Long Voyage Home. On retrouve le même genre de périodes fastes chez Hawks, Kurosawa, Truffaut ou Fellini. Avoir du talent et les moyens de l'exprimer permet d'atteindre la plénitude de son art. Ce n'est pas un absolu mais il n'y a rien de pire pour un cinéaste que de ne pas tourner. Or Spielberg tourne, très régulièrement, et depuis dix ans multiplie les projets audacieux, construisant une oeuvre qui explore son pays, son histoire et quelque chose de son humanité. A Cette oeuvre aujourd'hui, cette oeuvre encore inachevée, il me semble n'y avoir qu'une seule comparaison possible, celle de John Ford.

 

Je cherchais un signe et Munich me l'a donné. Lorsque le poète palestinien, celui du premier assassinat, est filé à Rome, il entre dans une crémerie acheter du lait. Il y a une télévision au mur et elle diffuse L'Homme Qui Tua Liberty Valance. Il ne pouvait y avoir de message plus clair. Ce film de Ford est un film sur le mensonge et le meurtre comme principes fondateurs d'un pays. C'est aussi le film d'un homme rongé de culpabilité pour y avoir recouru dans le but de faire accepter ses idées, un film sur l'amertume et la stérilité qui en ont découlé. C'est un film sombre, une ambiance de film noir et une façon de mettre en perspective la violence de Valance (Lee Marvin à la limite de la caricature) et celle de Tom Doniphon, joué par John Wayne, que celui-ci exerce tout en se rendant compte qu'elle va le détruire.

 

Que nous montre Spielberg dans Munich ? Des terroristes palestiniens abattant des otages israéliens, oui, mais pas seulement. Il nous montre l'équipe de tueurs israéliens traquant et éliminant les responsables de la prise d'otage à coup de bombes et de fusillades, une tueuse éliminant l'un des membres de l'équipe de tueurs, les mêmes retrouvant sa trace et l'éliminant d'une sale façon, des raids de représailles, des lettres piégées, des agents doubles et triples, de la raison d'état et un état généralisé de déraison. Je n'ai pas encore lu que l'on ait relevé combien le raid israélien au Liban ressemblait à la reconstitution de la prise d'otages. Et pourtant, ce sont les mêmes arrivées furtives, les mêmes armes que l'on épaule, les mêmes portes que l'on enfonce, les mêmes visages d'hommes tirés de leur lit et abattus sur place, la même sale guerre sans prisonniers, les mêmes justifications. Spielberg filme la peur, les visages ravagés d'angoisse et de haine. « C'est ma terre », « il faut le faire », « j'ai pris ma décision », « tue-les », « tuez-les ». Il montre les mêmes certitudes d'avoir raison, les mêmes fronts butés, la même absence de scrupules, les mêmes moyens pour une même fin. Il filme ce qui tue le Proche Orient depuis le commencement, les cadavres que l'on se renvoie à la figure et qui justifient toujours de nouveaux cadavres. Le refus de l'autre. Et à travers le personnage d'Avner joué par Eric Bana, il pointe la seule possibilité de sortir de cette spirale sans fin : douter. Il pointe aussi, ce qui fait de Munich un film assez sombre, l'effet destructeur de cette spirale sur l'homme : la paranoïa totale. Très belle scène d'Avner qui rentre dans sa chambre, la pense forcée et démoli son mobilier, se souvenant de tous les pièges dont il s'est servi sur d'autres, pour finir par dormir, halluciné, dans son placard. Munich poursuit ici le discours initié dans Minority Report, discours sur une société tellement obsédé par le crime qu'elle abdique toute liberté individuelle pour un traçage de l'individu jusqu'à condamner à la vie végétative ceux qui commettrons un crime dans le futur. Car bien sûr Spielberg s'adresse en priorité aux américains. La traque vengeresse du groupe israélien renvoie à la « croisade du Bien » initiée par G.W.Bush. Son inanité est signifiée par l'ultime plan sur les tours du World Trade Center. Aux discours plein de certitudes du supérieur d'Avner, Spielberg rappelle que, plus de vingt ans après, rien n'a été réglé. Que c'est encore pire. Parce que dans les années 70, New-York est encore un refuge.

 

Revenons à Ford. Les deux films ont en commun de réfléchir sur les rapports entre une nation, son affirmation (ou son existence), et la violence qui est nécessaire à cette affirmation. Réflexion également sur l'effet de cette violence sur les individus et le besoin absolu de dépasser cette violence pour construire un futur. Cette image du futur se décline chez Spielberg par les nombreuses présences d'enfants, israéliens, américains, palestiniens, français. Des enfants hélas déjà prêts à la guerre mais qui peuvent espérer la paix. Chez Ford, mais c'est un homme d'avant le Vietnam, ce futur, ce sont la mise en place des dispositifs démocratiques, de la civilisation qui balaie la violence du vieil ouest. L'oeuvre de Ford, c'est l'épopée de l'Amérique avec, de plus en plus aiguës avec le temps, les contradictions qui vont avec. Et un fondamental : la communauté. L'oeuvre de Spielberg, c'est la communication entre les êtres avec, de plus en plus aiguës avec le temps, les difficultés qui vont avec. Et un fondamental : la famille. Et celle-ci, dès Duel, est souvent en crise ou dispersée. L'armée, la police, les scientifiques, les corps constitués sont le plus souvent des menaces. Spielberg a un petit fond anar. C'est un cinéaste d'après le Vietnam (et Kennedy, Matin Luther King, le Watergate, le Chili...) pour lequel les contradictions que Ford essaye de résoudre sont intenables.

 

Comme lui, Spielberg a exploré les différentes époques de la courte histoire de son pays. Comme Ford, il convoque les pères fondateurs (le discours de Lincoln dans Saving Private Ryan par exemple). Il cherche dans le passé une façon de lire le présent et des pistes pour le futur. Il y a le même désir, le même enthousiasme, la même fièvre à embrasser cette histoire courte et intense pour en faire la matière vive de leurs films et tenter de lire le monde. Spielberg n'est pas un historien, pas un documentariste, Munich est « inspiré de faits réels » comme Le Massacre de Fort Apache est inspiré de Little Big Horn. Munich est un thriller comme La Chevauchée Fantastique est un western mais ce sont tous les deux des portraits de l'Amérique au moment de leur tournage. Ce ne sont pas des films politiques mais ils sont éminemment politiques. Ce ne sont pas des films idéologiques, mais qui portent un regard sur une idéologie, ils sont profondément humanistes. Et si certains trouvent Munich trop basique, il faut rappeler que les Palestiniens viennent de voter pour le Hamas après que les américains aient réélu Bush et que les israéliens aient élu Sharon, qu'un diplomate israélien a critiqué le film au motif que les agents du Mossad n'avaient pas d'états d'âme tandis que le dernier survivant du commando palestinien de Munich disait ne rien regretter. Le doute, ce n'est pas gagné.

 

Un dernier point concernant les critiques, très localisées, sur le côté folklorique de la vision «à la Spielberg» de la France. Il suffit de revoir L'Affaire Ben Barka de Serge le Péron ou cet excellent téléfilm sur le SAC pour voir ce dont nous avons été capables en matière de groupes parallèles, coups tordus et manipulations en tout genre. Malgré le plan insistant sur la tour Eiffel, le Paris 70' de Spielberg est cent fois plus convainquant que celui 60' de le Peron.

30/07/2005

Enfances

Pour prolonger la discussion

Le Voleur de Bicyclette

Empire du Soleil

Les Cow-Boys

L'Eté de Kikjujiro

Shining

17/07/2005

John, Sean et Juan

Il est toujours excitant de donner une nouvelle perspective à un film que l'on aime et que l'on croit bien connaître. Une autre façon de le voir, une façon de le redécouvrir. C'est ce qui vient de m'arriver avec Il Était une Fois, la Révolution de Sergio Léone. C'est un film que j'ai vu pour la première fois vers dix ans et ça marque.

A l'occasion de la sortie en DVD de la version intégrale (par MGM, je reviendrais dessus pour gueuler un coup), un petit documentaire explore les différentes version et donne une vision originale du personnage de Sean-John joué par James Coburn, qui approfondit aussi sa relation avec le bandit mexicain Juan joué par Rod Steiger. Tout est basé sur les prénoms.

Il y a un jeu là dessus dans le film entre les deux hommes. Quand Juan demande à l'irlandais comment il se nomme, celui ci répond doucement « Sean ». Juan ne saisit pas et l'autre reprend « John ». Dans ce prénom, Juan voit un signe du destin qui lie les deux hommes. C'est à partir de là qu'il refuse de le quitter et veut à toute force travailler avec lui. C'est le déclencheur de toute leur histoire.

Jusqu'ici, je pensais que « Sean » était bien le prénom du personnage de Coburn, et que, quand il dit « John », c'est pour donner une traduction anglaise à Juan, d'autant qu'il n'a pas trop envie de discuter avec lui. Mais ce que que fait remarquer Glenn Erickson dans le documentaire, c'est que tout le monde appelle l'irlandais « John » dans le film, y compris le journal anglais qui le présente comme un terroriste. De fait, mis à part la réplique de Coburn, « Sean » n'est jamais entendu dans le film, à l'exception notable de la chanson de Morricone, cette incantation obsédante « Sean, Sean, Sean... ». Alors, si John est bien John, qui est Sean ? Réponse : l'ami irlandais (joué par David Warbeck). Celui qui a trahi et que John finit par tuer dans le pub. Et là, ça change pas mal de choses. Cet air entêtant n'est pas seulement le signe de la nostalgie de l'Irlande et de la Révolution, c'est le fantôme de l'ami, le fantôme de la culpabilité que John s'est trimballé au Mexique. Quand John dit « Sean » à Juan, c'est qu'il l'assimile déjà, inconsciemment à un ami. C'est aussi une façon d'incarner son ami pour racheter sa perte.
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Là, Erickson va encore plus loin. En analysant le fameux flash-back final, où l'on découvre que les deux hommes étaient non seulement liés d'amitié mais aussi partageaient la même femme (elle même symbole de la Révolution qu'ils ont tout les deux embrassée), on remarque que la musique de Morricone sépare la séquence en deux parties. La première avec le thème « Sean, Sean... » qui montre John avec la Femme, puis, rupture et émergence d'un thème plus sombre entendu lors des scènes dans le pub, lorsque celle-ci se jette dans les bras de Sean et l'embrasse. A ce moment, John est « sortit » du cadre et on termine sur son visage qui devient flou, souriant. D'où l'idée que, dans ce sourire, dans cette « exclusion » du plan, il pourrait y avoir de la jalousie et que, c'est peut être John qui a donné Sean aux anglais pour éliminer un rival en amour, avant que celui-ci, torturé, ne donne John à son tour dans le pub.

Voilà qui redonne de la perspective, non seulement au personnage de John, à sa culpabilité, qui va au-delà de la nostalgie ou du discours politique sur le Révolution, mais aussi à sa relation avec Juan, plus profonde que ce que l'on en voit, marquée pour John par le désir de se racheter. Il voit dans sa relation avec Juan une sorte de seconde chance en amitié. Cette interprétation donne aussi plus de poids aux rapports entre John et Villega (Romolo Valli), le bourgeois révolutionnaire qui a lui aussi été torturé pour livrer ses camarades de combat.

Cela peut sembler un peu tiré par les cheveux, mais il n'y a rien, chez un cinéaste comme Léone, qui est laissé au hasard. Si l'on repense à Il Était Une Fois en Amérique et à son thème central, la trahison, il y a des chances que cette vision touche juste.

Une étude en italien qui développe la même théorie.
 
Le DVD 

16/07/2005

Spielberg, cinéaste B ?!

A l'occasion de l'une des nombreuses discussions autour de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg, je suis tombé sur une réflexion du style : « une idée par plan, un plan par idée. C'est la série B ». Cela se voulait sans doute un compliment, mais cela illustre bien l'incapacité ou la gène, qu'il y a à parler de Spielberg comme cinéaste majeur.Petite démonstration à partir du plan de la fillette qui, s'éloignant pour satisfaire un besoin naturel, se retrouve au bord d'une rivière où elle découvre un, puis plusieurs cadavres emportés par le courant.

Ce plan me semble avoir au moins quatre niveaux de lecture :
Une idée dramatique, classique, liée à un concept d'ensemble. En voulant se soustraire au regard de son père où d'un éventuel inconnu, elle subit un traumatisme du regard bien plus intense en découvrant un scène qui lui révèle l'horreur de la situation. Cette notion de regard, autour de laquelle est construit tout le film a été abondamment explorée.
Une idée de cinéma, ensuite, avec la découverte progressive des cadavres, pour elle comme pour le spectateur. Utilisation de l'espace et du temps pour produire un effet signifiant. Beauté du plan en lui-même. Subtilité de la bande son, douceur du bruit de l'eau en opposition à la violence de l'image.
Une idée de cinéphile, par dessus. Impossible de ne pas penser à La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, film référence des enfants, du mal et des rivières. Possible aussi de penser, comme certains l'on fait, à la séquence des Oiseaux D'Alfred Hitchcock, où la progression jusqu'à la panique est amenée de la même façon : un oiseau, des oiseaux, plein d'oiseaux, une multitude d'oiseaux. Une idée, enfin, que je qualifierai de politique, à défaut d'un autre mot, un rappel du réel avec un lien qui m'a semblé évident avec les images de massacres bien actuels, images des corps charriés par les fleuves africains du Rwanda, images des corps flottants lors du Tsunami. Une idée qui ramène à la violence de l'homme sur l'homme et qui n'est sans doute pas innocente. Rien chez Spielberg, et depuis le début, n'est innocent.

Un peu loin de la série B, non ?

Quand on pense à cette image, à sa construction et sa signification, on ne peut pas se satisfaire de l'image de Spielberg cinéaste de divertissement. Il est l'un des grands créateurs modernes. D'autant plus qu'il est aussi divertissant, c'est à dire qu'il a le pouvoir de ceux qui ont un public assez large pour leur donner la liberté de faire ce qu'ils veulent. Comme Ford, Hitchcock, Hawks, Capra, Léone... Il a la même capacité à nous donner des oeuvres lisibles à plusieurs niveaux. Et il est l'un des derniers aux États-Unis à pouvoir et savoir le faire avec Martin Scorcese. Contrairement à Coppola, Friedkin et Cimino qui ont été broyés par le système, contrairement à Dante, Carpenter et de Palma qui doivent composer avec des contraintes économiques drastiques, contrairement à Lucas qui est resté infantile (mais amusant), Spielberg continue à construire son oeuvre, tournant beaucoup et capable, sur un thème classique, de nous donner une variation de grand style.

20/06/2005

La scène du téléphone

J'ai eu plus de mal à la trouver
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01:35 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

19/06/2005

Quelques couples de plus.

Cette idée me travaille. En continuant d'y penser, j'ai trouvé ces nouvelles propositions. Je pense aussi à Eyes Wide Shut de Kubrick et au Voyage en Italie de Rosselini, mais je les trouve trop évidents pour être honnêtes. Je peux me tromper.
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Et puis celui-ci, par pur plaisir, bien que je pense cette proposition critiquable dans le contexte. Mais je pense que c'est le film de Truffaut le proche de l'observation d'un couple en action.
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18:05 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

18/06/2005

Couples en images

J'illustre.
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Faire des blagues au téléphone
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Complices au travail
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Jardinage à deux
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Partager un même idéal
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Un moment de paix, seuls au monde
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Juste un regard

13:55 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

17/06/2005

Histoires de couples

Ludocic Maubreuil écrit beaucoup et très bien sur Cinématique. L'autre jour, je suis tombé sur une note qui m'a donné à réfléchir : lien

 Louis: Tu es si belle. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

Marion: Pourtant hier, tu disais que c'était une joie.

Louis: C'est une joie et une souffrance.

Marion: Je vous aime.

Louis: Je te crois.

 
Le couple. Grand sujet de cinéma. Je me suis mis à réfléchir sur mes couples de cinéma, je veux dire ceux qui fonctionnent, qui sont dans le présent du film, qui nous montrent leur complicité, leur « confrontation réussie », leur fusion, si belle parfois que c'en est, au choix, douloureux ou exaltant. Question de couple. Question de cinéaste. Question d'expérience personnelle.

Vivian : Speaking of horses, I like to play them myself. But I like to see them work out a little first, see if they're front-runners or come from behind, find out what their whole card is, what makes them run.

Marlowe : Find out mine?

Vivian : I think so.

Marlowe :Go ahead.

Vivian : I'd say you don't like to be rated. You like to get out in front, open up a lead, take a little breather in the backstretch, and then come home free.

Marlowe : You don't like to be rated yourself.

Vivian : I haven't met anyone yet that can do it. Any suggestions?

Marlowe : Well, I can't tell till I've seen you over a distance of ground. You've got a touch of class, but I don't know how, how far you can go.

Vivian : A lot depends on who's in the saddle.

 
Est-ce que ces films sont si rares ? Je ne le crois pas. Moins nombreux sans doute parce qu'il est difficile, sans tomber dans le mélodrame, de montrer l'amour au travail, la fusion intense au quotidien. Voici donc quelques propositions de couples qui me semblent illustrer « l'échange radieux ».

James Stewart de Dona Reed dans La Vie est Belle de Franck Capra
John Wayne et Angie Dickinson dans Rio Bravo de Howard Hawks
Birger Malmsten et Eva Henning, La Fontaine d'Arethuse de Igmar Bergman
Maggie Cheung et Tony Leung dans In The Mood For Love de Wong Kar-Wai
Charlie Young et Nicky Wu The Lovers de Tsui Hark
Humphrey Bogart et Elizabeth Sellars dans La Comtesse aux pieds nus de Joseph L Mankiewicz.
John Wayne et Maureen O'Hara dans L'Homme Tranquille de John Ford
Charlie Chaplin et Paulette Goddard dans Les Temps Modernes de Charlie Chaplin
Alberto Sordi et Léa Massari dans Une Vie Difficile de Dino Risi
Cary Grant et Katharine Hepburn dans Indiscretions de Georges Cuckor

cinéma,blog,théorie

Feathers: I thought you were never going to say it.

John T. Chance: Say what ?

Feathers: That you love me.

John T. Chance: I said I'd arrest you.

Feathers: It means the same thing, you know that

15:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, blog, théorie |  Facebook |  Imprimer | |

08/06/2005

Malik, Springsteen et Hawks

I saw her standin' on her front lawn just twirlin' her baton
Me and her went for a ride sir and ten innocent people died


Ce sont, en version originale, les deux premières phrases de la chanson de Springsteen «Nebraska », de l’album éponyme de 1983. Ce pourrait être le résumé littéral de Badlands (la Ballade Sauvage) premier film tant admiré de Terrence Malik. Ce pourrait certainement l’être vu que Springsteen a toujours revendiqué l’influence de ce film sur son œuvre. Tous les deux ont pour base la cavale sanglante de ce couple de jeunes américains, Charles Starkweather et Caril Fugate à la fin des années 50.

La chanson, je l’écoute depuis des années, je crois même que c’est le tout premier CD que je me suis acheté. Le film, on m’en a beaucoup parlé, surtout à l’époque de La Ligne Rouge. Mais La Ligne Rouge, je n’aime pas tellement. Je n’aime pas la philosophie du film, ou plutôt le plaquage du discours philosophique sur le film dont la forme reste malgré tout si conventionnelle si on la compare à celles de Samuel Fuller, Raoul Walsh, Steven Spielberg ou Robert Aldrich (vous retrouverez sans peine les films auxquels je fais allusion).

J’ai donc pu découvrir La Ballade Sauvage ce week end, grâce à la programmation de Cinéma Sans Frontières, et je me suis retrouvé tout aussi perplexe que face à La Ligne Rouge. L’intéressant, c’est que le débat qui a suivi m’a permis de mieux comprendre ce qui me gênait. Sur la forme et, globalement sur l’interprétation, rien à dire. Malik est un grand cinéaste qui sait filmer la nature, la lumière, qui sait en donner une image lyrique, poétique, vivante et vibrante.

Sur le fond, j’ai bien l’impression que les deux films racontent la même histoire. De jeunes êtres humains (notre couple, les jeunes soldats) veulent « être » au monde et cherchent une sorte de paradis perdu en communion avec la nature (la cabane dans l’arbre, l’île paradisiaque). Mais, inadaptés comme tous les hommes, ils sont rattrapés par la violence et replongés de force dans la société humaine, celle de la guerre et du meurtre, sous le regard indifférent de la nature. Ils chercheront en vain à s’en sortir et trouvent le mort au bout du voyage (mort physique ou spirituelle). Morale, l’homme est une pièce rapportée dans la nature, inadapté il ne porte que la destruction en lui et ne peut atteindre au « divin ».

Bien. C’est une thèse. Mais j’ai du mal à la partager. Je me sens absolument plus proche de la vision d’un Renoir, d’un Ford ou d’un Hawks pour lesquels l’homme est capable de fusionner avec la nature, il s’y révèle et s’y épanouit, voire s’y transcende. Je pensais à des films comme la Captive aux Yeux Clairs ou Hatari !, qui représentent sans doute l’absolu hawksien en la matière et dans lesquels je me retrouve complètement.

C’est sans doute pour cela que je reconnais l’art de Malik mais qu’il me restera sans doute toujours un peu étranger. Curieusement, je n’ai pas ce problème avec Springsteen. Je l’ai toujours vu comme l’héritier rock de John Ford. Va savoir !