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08/06/2005

Malik, Springsteen et Hawks

I saw her standin' on her front lawn just twirlin' her baton
Me and her went for a ride sir and ten innocent people died


Ce sont, en version originale, les deux premières phrases de la chanson de Springsteen «Nebraska », de l’album éponyme de 1983. Ce pourrait être le résumé littéral de Badlands (la Ballade Sauvage) premier film tant admiré de Terrence Malik. Ce pourrait certainement l’être vu que Springsteen a toujours revendiqué l’influence de ce film sur son œuvre. Tous les deux ont pour base la cavale sanglante de ce couple de jeunes américains, Charles Starkweather et Caril Fugate à la fin des années 50.

La chanson, je l’écoute depuis des années, je crois même que c’est le tout premier CD que je me suis acheté. Le film, on m’en a beaucoup parlé, surtout à l’époque de La Ligne Rouge. Mais La Ligne Rouge, je n’aime pas tellement. Je n’aime pas la philosophie du film, ou plutôt le plaquage du discours philosophique sur le film dont la forme reste malgré tout si conventionnelle si on la compare à celles de Samuel Fuller, Raoul Walsh, Steven Spielberg ou Robert Aldrich (vous retrouverez sans peine les films auxquels je fais allusion).

J’ai donc pu découvrir La Ballade Sauvage ce week end, grâce à la programmation de Cinéma Sans Frontières, et je me suis retrouvé tout aussi perplexe que face à La Ligne Rouge. L’intéressant, c’est que le débat qui a suivi m’a permis de mieux comprendre ce qui me gênait. Sur la forme et, globalement sur l’interprétation, rien à dire. Malik est un grand cinéaste qui sait filmer la nature, la lumière, qui sait en donner une image lyrique, poétique, vivante et vibrante.

Sur le fond, j’ai bien l’impression que les deux films racontent la même histoire. De jeunes êtres humains (notre couple, les jeunes soldats) veulent « être » au monde et cherchent une sorte de paradis perdu en communion avec la nature (la cabane dans l’arbre, l’île paradisiaque). Mais, inadaptés comme tous les hommes, ils sont rattrapés par la violence et replongés de force dans la société humaine, celle de la guerre et du meurtre, sous le regard indifférent de la nature. Ils chercheront en vain à s’en sortir et trouvent le mort au bout du voyage (mort physique ou spirituelle). Morale, l’homme est une pièce rapportée dans la nature, inadapté il ne porte que la destruction en lui et ne peut atteindre au « divin ».

Bien. C’est une thèse. Mais j’ai du mal à la partager. Je me sens absolument plus proche de la vision d’un Renoir, d’un Ford ou d’un Hawks pour lesquels l’homme est capable de fusionner avec la nature, il s’y révèle et s’y épanouit, voire s’y transcende. Je pensais à des films comme la Captive aux Yeux Clairs ou Hatari !, qui représentent sans doute l’absolu hawksien en la matière et dans lesquels je me retrouve complètement.

C’est sans doute pour cela que je reconnais l’art de Malik mais qu’il me restera sans doute toujours un peu étranger. Curieusement, je n’ai pas ce problème avec Springsteen. Je l’ai toujours vu comme l’héritier rock de John Ford. Va savoir !

Commentaires

À un niveau plus prosaïque, je ne comprends pas pourquoi le titre a été traduit par "La Ballade sauvage". Il semble que "La Balade sauvage" est plus approprié, non ?

Écrit par : Marie | 10/06/2005

pour comprendre malik, la justesse de ses investigations
- as tu déjà été confronté à la vraie souffrance, la guerre, la faim? à la violence de la mort aujourd'hui? l'as tu vu déjà vue? qu'est ce qui fait que tu es un homme? aujourd'hui, les occidentaux, dans leur grand majorité, ne se sont jamais battus pour leur survie, ils n'ont jamais été dans une posture à la fois héroîque et poétique face au réel, ce qui faisait un homme à l'époque, sa capacité de se transcender, pour le pire le plus souvent.
les hommes de malik tuent, explorent, ils s'éloignent de la nature,en même temps ils s'en rapprochent. ce sont ces instants poignants de la vie d'un homme - que sommes nous aujourd'hui? - que malik filme avec une magistrale sensibilité. en ce sens pour moi, the thin red line est un chef d'oeuvre, un film éternel que nos contemporains analyseront comme de l'épaisse matière historique

Écrit par : krunchy | 22/02/2006

Je serais assez d'accord sur ce que vous écrivez, mais je puis vous retourner la question et vous demander ce que vous même en connaissez. Je puis aussi me poser la question de savoir ce que Malik en sait lui même. Il n'est ni Ford, ni Fuller qui pataugèrent à Omaha Beach, ni Huston engagé sur le front Pacifique.
Ceci dit, je ne pense pas que le fait de vivre directement une expérience soit une obligation pour créér une oeuvre, ça aide mais cela n'engendre aucun automatisme.
Malik a sa vision du monde, il est certainement un réalisateur doué et sensible, mais sa vision me laisse perplexe parce que je n'y reconnait pas le monde d'aujourd'hui ni une réflexion qui m'aiderait à le comprendre et je ne crois pas, je peux me tromper, que ses films aideront les générations futures sur ces plans.
Enfin, Malik et la Nature, je veux bien, mais avez vous vu Kurosawa, Laughton, Vidor où l'admirable Mais Qui a Tué Harry de Hitchcock ?

Écrit par : vincent | 26/02/2006

(avec un peu de retard)
merci pour votre réponse, et votre analyse, somme toute pertinente; je tiens donc à vous répondre, et même si je n'ai sans doute pas une aussi large culture cinématographique que semble être la votre - j'ai quand même vu et apprécié un certain nombre de kurusawa et d'hitchock entre autres - je tiens à défendre mon point de vue, notemment sur l'aspect contemporain des fims de malick.
les rapports qui sont décrits dans thin red line et le nouveau monde sont une réflexion profonde sur le choc des cultures entre elles, entre la culture et la nature. ces rapports sont fondamentaux pour juger de l'évolution d'une civilisation, et il semble bien que nos sociétés mondialisées perdent de plus en plus, le contact avec l'autre, et avec la nature. qu'est ce qu'un touriste aujourd'hui qui se vautre dans un hotel en tunisie sinon un autre explorateur anglais, un militaire américain parti à la conquête d'un territoire. cette rencontre avec l'autre est toujours aussi brutale et violente, elle n'est fondée sur aucun échange véritable. elle est le fruit d'un déséquilibre toujours plus hallucinant entre des dominants et des dominés. et le monde est comme ça, que vous alliez en thailande, au maroc ou ailleurs, la guerre économique conditionne et alimente ce genre de rapports.
et puis cette vision de l'homme blanc, destructeur et arrogant, bien décrite dans ses films correspond tout à fait aujourd"hui à la boulimie de bénéfice de toutes nos multinationales - au mépris de toutes les populations locales et de leur environnement.
vous trouverez peut être ce discours trop à gauche...mais il me semble que ces comparaisons sont essentielles pour comprendre notre cher malick.

Écrit par : krunchy | 25/04/2006

(avec le temps de la réflexion)
Je me trouve assez globalement d'accord avec votre analyse politique, comme je ne remets pas en cause le fond du discours de Malik (ce n'est pas trop à gauche pour moi). Je suis aussi conscient de ce paradoxe chez moi qui me fait me trouver plus en phase avec des cinéastes éloignés politiquement de mes positions (Hawks typiquement) mais dans lesquels je trouve quelque chose qui me parle.
Malik ne me parle pas tant que ça. Je n'ai pas pu voir "Le nouveau monde" (je viens d'avoir une petite fille et c'est prenant !) mais j'y serais allé volontiers. Néanmoins de ce que j'ai pu en voir et lire, je sens bien que je vais y retrouver ce qui génait dans les autres films, au-delà d'un discours auquel je suis quand même sensible : une sorte de naiveté dans la représentation (le côté paradis perdu comme l'île de "Thin red Line", l'allure de Colin Farrell, le choix même de cette histoire de Pocahontas...) et un manque dans l'approche des rapports entre humains. Jetez un oeil si vous le souhaitez, sur ce que j'ai écris sur "The big Sky", sur ce que Pierrot à écrit dessus, voilà un film qui me parle plus sur cette thématique.

Écrit par : vincent | 11/05/2006

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