22/04/2014
Les joies du bain : la vasque des Borgia
Cela faisait un moment que je cherchais une bonne photographie de cette scène de Lucrèce Borgia, film réalisé par Christian-Jaque en 1953 et, comme à cette époque, tout à la gloire de l beauté de sa femme Martine Carol. Merci à Gérard Courant de m'en avoir trouvé une. Il faut dire que la mise en scène est d'un kitsch délicieux, que ce soit la baignoire, si l'on peut dire, le lévrier, le décor et la pose de la belle Martine.
23:29 Publié dans Les joies du bain | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian-jaque, martine carol | Facebook | Imprimer | |
21/07/2013
Si tous les gars du monde...
Coup de zoom avant sur l'un des films de Zoom arrière pour l'année 1956. J'ai été assez surpris de constater que j'étais le seul à avoir vu Si tous les gars du monde, film signé Christian-Jaque, que je n'ai moi-même découvert que cette année. Le réalisateur n'est ni maudit, ni oublié, et le film en son temps fut un joli succès, se plaçant dans le box-office de 1956 juste au dessous de Et Dieu créa la femme de Roger Vadim. Alors ? Alors tout simplement le film est devenu difficile à voir et ce qu'il avait saisi de l'air de son temps est aujourd'hui obsolète. Pourtant, comme pour certains autres films, c'est ce qu'il a enregistré de côté qui peut lui donner un nouvel intérêt. Photographies © Gaumont
Christian-Jaque a un statut un peu à part. Prolifique et commercial, il a réalisé près de 70 films entre 1932 et 1977. Là-dedans, il est facile de trouver une demi-douzaine de titres provoquant une moue attristée, comme une demi-douzaine faisant naître regard admiratif. Tournant dans tous les genres avec un mélange d'aisance et de désinvolture parfois fatale au film, il est difficile à cerner. Il prend pourtant des risques qui se révèlent payants et se montre souvent remarquablement doué avec le langage cinématographique. Je suis toujours épaté par la sophistication des mouvements de caméra dans un film comme François 1er (1937). Avec tout cela, il a été moins attaqué que certains de sa génération, mais on a peu abordé son œuvre et il a été simplement mis de côté. Ses films, Fanfan la Tulipe (1952) exemplairement, ont fait leur vie et assis leur réputation tout seuls.
Si tous les gars du monde est un film autour du phénomène des radioamateurs en pleine expansion depuis la fin de la guerre. Un message de détresse est capté en provenance d'un chalutier et va déclencher une chaîne de solidarité autour du monde pour faire parvenir un médicament indispensable. Le film aura une forte influence sur cette pratique, comme plus tard la bande dessinée de Franquin QRN sur Bretzelburg pour les aventures de Spirou dont le film partage l'esprit. Au scénario, rien moins que Henri-George Clouzot, dont la présence étonne pour cette histoire qui exalte des sentiments très positifs. Comme quoi...
L'équipage du Lutèce est victime d'une intoxication alimentaire. L'un des aspects les plus remarquables du film est le réalisme des scènes maritimes. Toutes les scènes de pêche au début sonnent juste, sans recours à des maquettes. L'océan est rendu dans sa majesté redoutable. Christian-Jaque déploie tout son talent pour faire vivre l'équipage et rendre leur espace resserré, isolé au sein de l'immensité.
Jean-Louis Trintignant trouve ici un de ses premiers grands rôles. Même s'il a gardé un souvenir amusé de la direction d'acteur du réalisateur, il y est nettement meilleur que dans le film de Vadim qui sort au même moment. On peut voir dans cet acteur un des ponts entre le nouveau cinéma à venir et le cinéma dominant du moment. La distribution est habilement conçue, sans tête d'affiche, mais homogène dans sa variété. On y croise Georges Poujouly, Hélène Perdrière, Andrex ou Roger Dumas tout jeune.
A travers la pratique radioamateur, ce qui intéresse Christian-Jaque, c'est une réflexion sur la solidarité et l’entraide. Il introduit dans son récit son contraire, non pas dans le mécanisme des péripéties de la chaîne, mais à l'intérieur même du groupe en péril : le poison de la défiance, la peur de l'autre. L'un des matelots est arabe et comme on suspecte l’intoxication d'être venue d'un jambon, il est vite soupçonné par une partie de l'équipage. Ce choix, en 1956, est plutôt audacieux et conserve une certaine force aujourd'hui. Joué avec finesse par Doudou Babet, le personnage de Mohammed permet d'expliciter l'un des thèmes sous-jacents du film sans parasiter l'action principale, déjà bien assez compliquée.
La scène du chat ! Le morceau de bravoure du film où un test est réalisé sur le chaton du bord. Question découpage et intensité, nous ne sommes pas très loin d'un autre test fameux mis en scène par John Carpenter dans The thing en 1982.
Avec le recul une partie du film trouve son intérêt dans la description du monde (l'Europe essentiellement) en 1956. Tourné en différents endroits, Si tous les gars du monde nous montre la porte Brandebourg et les deux secteurs emblématiques de la guerre froide à Berlin avec l’illusion (l'espoir ?) que la solidarité peut se frayer un chemin. En 1956, c'est une relative détente. Le mur sera construit en 1961.
Dans le même état d'esprit, le monde de 1956 est encore ouvert, où l'on circule dans les aéroports sans les interminables processus de sécurité actuels. Découvrant le film aujourd'hui, on se rend compte de ce qui ne serait plus possible. Non que les solidarités aient reculé, mais les conditions de leur réalisation se sont considérablement durcies. Les choix individuels de plusieurs personnages se heurteraient aujourd'hui à un monde qui, s'il communique incroyablement plus vite, s'est crispé et refermé sur lui-même.
Au réalisme des scènes maritimes répondent de belles scènes en extérieurs nocturnes à Paris. Là encore, avant que la Nouvelle Vague ne le théorise, certains metteurs en scène étaient capables de saisir l’atmosphère d'une ville et la façon dont elle était parcourue. Avec le personnage de Trintignant, nous passons du Gaumont Palace, place Clichy, au terminal Air France des Invalides puis aux aéroports d'Orly et du Bourget. Autant de lieux gravés ici pour l'éternité. Le Gaumont Palace, « le plus grand cinéma du monde », a été détruit en 1973. Il brille ici de toute sa façade.
Néanmoins, comme nous sommes chez Christian-Jaque, il y a toujours un petit quelque chose qui coince. La caricature grossière des allemands dans Boule de suif (1945), Maupi en chinois « avé l'assent » dans Les pirates du rail (1937). Cette fois, au milieu de ce gros travail de réalisme, il y a la séquence africaine. Tournée à Nice entre palmiers et oliviers, elle diffuse le parfum renfermé des films coloniaux des années trente, shorts blanc, indigènes nonchalants, casques typiques, italien d'opérette. On peut prendre le partit d'en rire. Mais quand même c'est dommage, le film passe à côté du chef-d’œuvre.
19:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian-jaque | Facebook | Imprimer | |
29/03/2009
Les pirates du rail
Je suis toujours étonné de la façon dont les premiers films que j'ai vus sont restés en moi au-delà de ce que j'ai pu voir ou apprendre depuis. Prenons Christian-Jaque par exemple. Pas tout à fait le type du metteur en scène que l'on va chercher à réhabiliter. Le type « chefs d'œuvres méconnus ». Plutôt du genre de ceux qui se sont fait piétiner allègrement par la Nouvelle Vague, non parfois sans raisons. Plutôt du genre populaire, à succès et récompenses, sans grande ambition formelle apparente, progressivement dépassé par l'évolution du cinéma français dans les années 50 puis 60. Pourtant, pourtant, si je prends le temps de la réflexion, certains films de Christian-Jaque sont liés à mes premiers souvenirs de cinéma, des souvenirs que je lie avec mes lectures d'enfance, de Jules Verne à Conan Doyle en passant par Enid Blyton et Mark Twain. Ce sont le squelette Martin et la société secrète des Chiche-Capons (Les disparus de St Agil – 1938), le bondissant Fanfan la Tulipe (1952) avec Gérard Philippe (Le décolleté de Gina Lollobrigida, ça sera pour plus tard), les bolides improbables de Raphaël le tatoué (1938), la chèvre et le Larousse de Fernandel dans François 1er (1937). Quand je retombe sur l'un de ces films aujourd'hui, je trouve que certains ont plutôt bien tenu le coup. J'ai même été surpris de découvrir une œuvre comme Le repas des fauves (1964) un huis clos dans lequel, pendant l'occupation, un groupe d'amis est obligé de désigner l'un d'entre eux comme otage par les allemands. Un film amer et d'une rigueur de mise en scène irréprochable. Pour peu que l'on s'y attache, on trouve dans le cinéma de Christian-Jaque de bien belles choses : sa façon de filmer les couloirs déserts dans le pensionnat de St Agil, son sens du rythme, ses effets de montage et ses scènes à suspense, des gros plans saisissants. Et puis il possède une certaine fraicheur du cinéma des origines, un souffle pour l'aventure et une décontraction non feinte qui se perdront, il est vrai dans les dernières années d'une longue carrière.
Parmi tout ces films qui m'ont marqué, l'un de mes tout premiers souvenirs est lié aux Pirates du rail, un film réalisé en 1937. Ça se passe en Chine sur une ligne de chemin de fer construite et gérée par des français, en butte aux raids de seigneurs de la guerre pour lesquels elle est devenue un enjeu. La compagnie est dirigée par la main de fer de l'ingénieur Pierson, joué par Charles Vanel qui va se retrouver au cœur d'un conflit entre deux généraux, Tchou King et Tsai (Erich Von Stroheim et Lucas Gridoux) et un chef de bande, Wang (Valéry Inkijinoff), dont il est frère de sang.
Dès les premières scènes, nous sommes plongés dans une sorte de western à l'Est avec bandes de cavaliers cavalcadant dans les montagnes, attaque de ville, messages alarmants transmis par télégraphe et téléphone sur la situation de la ligne. Deux trains sont engagés, arriveront-ils à temps ? Il y a très peu de dialogues, surtout des noms exotiques qui aident au dépaysement. Cette première partie est très réussie. Après un superbe panoramique sur une cité chinoise, Christian-Jaque filme une première attaque avec un montage très vif, brisant allègrement la règle des 180°, traduisant le mouvement frénétique de l'assaut. Ce montage lui permet aussi de ne pas s'attarder sur la figuration. J'ai appris bien plus tard que ce film avait été tourné dans les Alpes-Maritimes, dans les studios de la Victorine et sur les lignes de chemin de fer de Cannes-Grasse et de Nice-Digne. Pour qui connait la région, c'est assez amusant. Les gares typiques sont ornées de jolis panneaux en chinois et l'on a fait appel à tous les extras asiatiques du département. Cela n'a sans doute pas suffit puisque l'on peut sans peine reconnaître des physionomies bien méridionales dans les fameux pirates. Mais ce n'est pas pire que bien des indiens dans les westerns d'outre Atlantique.
Mon ancien souvenir est lié à une scène qui a conservé son potentiel de beauté macabre. Le second train est attaqué, de nuit sous l'orage, et mitraillé sans pitié. Un peu plus tard, il arrive en gare, lentement sous une pluie battante. Pierson et ses hommes, déjà bien angoissés, voient s'avancer le convoi sombre, sifflant lugubrement (bande son impeccable sans recours à une musique pléonastique). Le train s'arrête doucement, défilant devant les hommes sur le quai et révélant les cadavres qui pendent aux portières. Le chauffeur blessé s'écroule dans un ultime effort. J'en ai rêvé pendant des années.
Un autre passage m'avait marqué par son étrangeté. La femme de l'ingénieur se rend chez un général pour demander son aide. Elle est introduite dans un palais par un officier étrangement souriant. Elle passe devant des sentinelles raides comme des statues, dans un silence de mausolée. Dans une vaste pièce, elle s'avance vers le général en question, assis à son bureau. Celui-ci s'affaisse d'un coup, mort. Entre derrière elle la silhouette raide et massive d'Erich Von Stroheim. En revoyant cette scène admirable de tension silencieuse et d'esprit feuilletonesque, je me disais que l'on était proche de l'esthétique d'un Von Stenberg. Proche seulement.
Aujourd'hui, Les pirates du rail garde pour moi un charme entêtant. Il alterne les scènes fortes (celles déjà citées, l'attaque d'un couple sur la ligne et la femme qui devient progressivement folle, les moments avec Von Stroheim), avec des passages plus faibles qui doivent surtout à un scenario mal ficelé et à une certaine désinvolture quand à la crédibilité de certains personnages. Si la première partie est rigoureusement construite, la fin enchaîne les invraisemblances (Tchou King perd d'un coup son armée) et nous transporte dans un monastère certes esthétique mais complètement incongru. Reste que Von Stroheim, tout à fait savoureux en émule asiatique de son personnage de La grande illusion, ressemble autant à un seigneur de la guerre chinois que moi à Bruce Willis. Enfin le film dégage une bonne conscience coloniale bien de son époque, entre Tintin au Congo, les Tarzan MGM et les aventures de Buck Danny. Avec un minimum de recul, ça passe tout seul. Cela peut même prendre un tour exceptionnel avec le duo Doumel (Les rois du Sport, César, Ignace) et Maupi (inoubliable visage pagnolesque, c'est lui le chauffeur de la trilogie). Le premier est Morganti un marseillais sans nuance qui a sa propre méthode de « civilisation ». Maupi joue un indigène surnommé Titin, premier résultat de cette méthode. Résultat : il sert le pastis, rêve d'un bateau sur le port de Marseille, peste contre ses compatriotes et s'exprime avec l'accent du vieux port. A un français admiratif « Il a même l'accent ! », Morganti répond « Qué accent ? ». Si ce n'est pas de la comédie.
Au crédit du film, la musique de Henri Verdun tranche agréablement avec les partitions ronflantes et stridentes de l'époque. Utilisée judicieusement, elle développe quelques thèmes héroïques tout à fait acceptables. La photographie signé de Marcel Lucien, André Germain et Pierre Lebon est souvent réussie, plus dans les séquences d'intérieur et de nuit (l'arrivée du train encore) que dans les extérieurs qui manquent un peu de puissance. Mais certains gros plans (Stroheim, Suzy Prim) sont expressionnistes à souhait et frappent l'imagination. Le film possède enfin une belle distribution. Charles Vanel est un peu raide, comme le veut son rôle mais sans trop de nuance. Simone Renan joue sa femme avec élégance, Suzy Prim y devient folle de façon convaincante. Von Stroheim, Inkijinoff et Lucas Gridoux s'amusent avec leurs personnages chinois. En support, on retrouve avec plaisir Dalio, Maupi, Doumel et le visage inquiétant de Héléna Manson (Le corbeau de H.G. Clouzot).
Les pirates du rail auraient pu être une sorte de Only angels have wings (Seuls les anges ont des ailes – 1939) de Howard Hawks, version ferroviaire. S'il vaut la peine d'être découvert, il n'en est malheureusement pas du même niveau. Il reste le témoin d'un cinéma d'aventure naïf et mouvementé et de la fantaisie de son auteur.
Photographie : Première.fr
Affiche : Moviecovers.com
17:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : christian-jaque | Facebook | Imprimer | |
13/04/2005
Images lointaines
12:15 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : souvenirs, christian-jaque, john ford, jacques tourneur, victor halperin | Facebook | Imprimer | |