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29/09/2008

Quelle est belle la France...

Répondant avec plaisir à l'invitation de Ludovic de l'excellent Cinématique, je vous propose une liste de dix films français qui ont compté pour moi depuis 1988. Le cinéma français, on en discute avec acharnement, le plus souvent pour déplorer, malgré une production toujours dynamique, un manque d'imagination, d'audace sur le fond comme sur la forme, d'ambition, de renouvellement. Une poignée de thèmes qui tournent en boucle, de formules parfois à succès qui ne prennent jamais le risque de s'écarter du droit chemin menant à la première partie de soirée sur les chaînes de télévision, l'invasion de modèles, de vedettes et d'humour venu de cette même télévision, la caricature du cinéma de la Nouvelle Vague, l'imitation inutile de modèles américains, semblent constituer tout notre horizon. Toutes ces critiques sont justifiées, mais ne résument pas tout notre cinéma. Du moins je le crois. Ces formes sont dominantes, mais je me pose souvent la question de savoir si, que ce soit dans les années 30 de Renoir, Carné, Pagnol, Grémillon, Vigo et Guitry, ou dans les années 60 de Godard, Truffaut, Demy, Rivette, Mocky et Tati, ce cinéma qui est aujourd'hui notre histoire, était alors dominant. L'année de la sortie de Playtime, c'était le film de Jean Girault, Les grandes vacances avec Louis De Funes, qui cassait la baraque.

Peut être manquons nous de recul sur notre période. Peut être le cinéma n'a-t'il plus la même importance, ou le même impact qu'à la grande période ou pouvaient encore séduire un large public des auteurs comme Fellini, Bergman, Kurosawa, Hawks, Bunuel, qui tiraient sans doute la critique, le public et les « professionnels de la profession » vers le haut. Toujours est-il qu'il y a des choses. Que si je regarde les vingt années passées, il y a des films qui ont compté, que je défendrais pour de bonnes et parfois mauvaises raisons. Cette liste, contrairement à ce que je craignais, a été difficile à faire parce que j'avais trop de candidats. J'aurais pu proposer trois listes entièrement différentes sans trop de problème. Je me suis donc fixé quelques règles : rester sur des premières impressions fortes, éliminer les films d'auteurs étrangers comme Ruiz, Watkins ou Iosseliani (ce qui a été dur), donner la priorité aux auteurs plus récents, ce qui m'a fait mettre de côté quelques grands anciens comme Godard, Resnais, Sautet ou Rappeneau (Bon voyage, c'était quelque chose) et puis essayer d'équilibrer les différentes formes : l'animation, le court, et le documentaire ont donné de belles réussites. Alors voilà, ça donne ceci, avec quelques mots d'explication :

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Un bon film français... Attendez, ça va me revenir.

Dieu seul me voit (Bruno Podalydès)

Mon film fétiche parce que je trouve qu'il me ressemble. La confirmation après Versaille rive gauche du ton particulier de Podalydès brassant un héritage cinématographique (Tati, Truffaut, Prévert), littéraire et populaire (les hommages à Hergé). Podalydès a le sens du gag, ce qui est rare. C'est le film qui m'a rendu définitivement amoureux de Jeanne Balibar, mais toute la distribution est excellente.

La chatte andalouse (Gérald Eustache-Mathieu )

Sophie Quinton en nonne poursuivant l'oeuvre d'une artiste sur le point de mourir. Un des plus beaux moyens métrages que j'ai vu, l'un des plus prometteurs. Avril, le premier long de Eustache-Mathieu, toujours avec Quinton, toujours en nonne, était intéressant sans retrouver la force de ce film.

Le vent de la nuit (Philippe Garrel)

Deneuve. La voiture rouge et la musique de John Cale.

Un monde sans pitié (Éric Rochant)

Présenté comme le film d'une génération, ce qui pouvait pour une fois se défendre, ça reste la plus belle réussite de Rochant, avec des images magnifiques de Paris et Mireille Perrier.

Va savoir (Jacques Rivette)

Ma première incursion chez Rivette. Jeanne Balibar encore, mais aussi Hélène de Fougerolles dont j'adore le grain de beauté. Le film m'avait mis dans état de joie profonde. Brillant, jubilatoire comme on dit chez Télérama.

La fille coupée en deux (Claude Chabrol)

Encore un grand ancien. Les vingt dernières années sont une belle période de son cinéma. J'aurais pu citer Au coeur du mensonge ou La cérémonie, mais celui-ci a été moins apprécié alors que j'y vois la quintessence de son style. Les femmes y sont sublimes, les hommes veules, j'adore.

La ville est tranquille (Robert Guédiguian)

J'ai un faible pour Le promeneur du champ de Mars, mais ce film-ci me semble plus représentatif de la singularité de Guédiguian. C'est un peu son film somme d'une période, l'un des plus sombre, mais une façon de conclure un cycle de vingt ans avant de se lancer dans des projets plus atypiques.

L'équipier (Philippe Lioret)

Le grand film romanesque que j'espérais. Grégori Derangère, Sandrine Bonnaire, la musique de Nicola Piovani, la mer et la tempête. S'il faut chercher un héritier à Grémillon et Gréville, en voici un. Le film suivant est plus habile que réussi mais le précédent, Mademoiselle avec Bonnaire encore et Gamblin était une très belle comédie.

No pasaran, Album souvenir (Henri François Imbert)

Documentaire intimiste et implacable, Imbert comme pour ses films précédents part d'un élément personnel pour s'ouvrir au Monde. Ici, à partir de quelques cartes postales, il nous raconte l'histoire du siècle à travers celle des camps : camps de réfugiés, camps de concentration, camps de rétentions. De sa voix calme et claire, il interroge autant les images que les gens.

Alberto express (Arthur Joffé)

Un des grands gâchis de la période avec Léos Carax. Joffé a de l'imagination, de l'ambition et le sens du cinéma mais tous ses films se sont ramassés. Ca reste un souvenir très fort, l'histoire d'un homme embarqué dans un voyage délirant en train pour payer, littéralement, sa dette à son père. Avec Sergio Castellito qui n'est pas exactement un manchot.

 

Juste derrière : La beauté du monde (Yves Caumont), Les triplettes de Belleville (Sylvain Chomet), On connaît la chanson (Alain Resnais), Pork and Milk (Valérie Mrejen), Pas de repos pour les braves (Alain Giraudie), Nelly et Mr Arnaud (Claude Sautet), Ester Kahn (Arnaud Depleschin), Histoire(s) du cinéma (Jean-Luc Godard)...

17/08/2007

Chabrol !

Après Jacques Rivette, c'est au tour de Claude Chabrol de nous offrir cette année un grand film et un beau personnage féminin. Hyppogriffe l'avait annoncé non sans gourmandise, La fille coupée en deux est l'un de ses meilleurs films et peut être bien l'un des sommets de son oeuvre, une quintessence et une synthèse. Soit donc une histoire de passion, d'érotisme, de pouvoir, de mensonges, d'amour, de folie, une histoire de cinéma. Soit un écrivain célèbre, caustique et talentueux, amateur de belles femmes et de beaux livres, marié, qui s'éprend d'une jeune présentatrice de télévision. La jeune femme est ambitieuse et belle, elle est aussi encore naïve, innocente et prête à aimer totalement. Soit le rejeton d'une noble famille de barons de l'industrie. Riche, portant de terribles chemises, arrogant, détestable, mais habité d'une étrange et attachante fêlure. Le rejeton s'éprend aussi de la belle présentatrice. Elle choisi l'écrivain et le suit dans dans des jeux délicatement pervers. Lorsqu'il la quitte, elle se raccroche au rejeton et accepte de l'épouser. Mais le drame couve sous les anciennes rancoeurs.

 

Alors, on va bien sûr parler d'une nouvelle exploration par Chabrol des turpitudes de la bonne société. Il y a bien un secret mal enfoui, de fines parties dans une maison close de luxe, de la vie de province où tout le monde sait tout sur tout le monde et le cynisme du principe de réalité. C'est vrai mais ce n'est pas forcément l'essentiel dans la mesure ou ce milieu si souvent présent dans le cinéma chabrolien me semble avant tout une terre cinématographique au même titre que le Mexique de Sam Peckinpah où l'ile de Farö pour Ingmar Bergman. Une terre, un espace dans lequel Chabrol peut décliner ses thèmes favoris : la corruption du pouvoir (livré à l'ivresse) et la perversion de l'innocence. Un espace dans lequel il peut filmer tout à loisir ce qu'il aime par dessus tout : les livres, la bouffe, les grands crus et les belles femmes. Et puis citer ses grands maitres puisque, comme Rivette, son cinéma s'est formé chez Hawks, Lang et Hitchcock.

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Perversion de l'innocence, Gabrielle Deneige (merveilleuse trouvaille) est issue de la longue lignée d'héroïnes à laquelle je rattacherai les personnages de Stéphane Audran dans Le boucher, Isabelle Huppert dans Violette Nozières et Madame Bovary, Sandrine Bonnaire dans La cérémonie ou encore Emmanuelle Béart dans L'enfer. Ludivine Sagnier y trouve sa plus belle composition et Chabrol a l'élégance de ne pas nous la filmer nue façon Ozon au bord de la piscine, faisant preuve de beaucoup de pudeur, y compris dans une scène difficile dans laquelle elle se livre à un caprice de l'écrivain. Comme les personnages précédents, Gabrielle est innocente d'âme même si elle est tout à fait une femme moderne, libre, ambitieuse et autonome. Elle est prête à s'émerveiller et à s'investir dans une passion, prête à tout donner. « J'ai brulé mes malles en venant ici » disait la Vienna de Johnny Guitar. Hélas pour elle, le monde étriqué dans lequel nous vivons est bien cruel aux rêveurs et Gabrielle va encaisser de rudes coups. Elle synthétise donc nombre de caractères des héroïnes de Chabrol mais celui-ci, certains réalisateurs évoluent ainsi avec l'age, fait preuve d'indulgence et lui offre une chance de salut. Ce finale est d'autant plus touchant qu'il est aussi une sorte de retour au cinéma des origines, celui de Georges Mélies, avec sa filiation avec la prestidigitation, la surimpression et ce magnifique gros plan qui clôt le film.

Gabrielle agit comme un révélateur pour les autres personnages. Elle ramène Charles Saint-Denis, l'écrivain, à la fois à une certaine jeunesse à travers la passion qu'il lui inspire, mais aussi à ses propres limites puisqu'il préfère le confort de sa vie réglée entre femme compréhensive, éditrice maternelle et perversions du samedi soir entre amis. Francçois Berléand lui donne un visage fort mais roué, avec ses citations littéraires continuelles, ses piges au Nouvel Observateur et sont réel talent d'écrivain. Le portrait est caustique mais reste humain avec d'une part la gourmandise épicurienne du personnage et quelques scènes émouvantes, notamment celle où il la revoit lors de l'essais de la robe de mariage. Saint-Denis est aussi non sans humour une facette de Chabrol, artiste jouisseur (et doué!) mais pris entre pouvoir confortable et aspirations plus élevées. Chez Paul Gaudens, Gabrielle fait aussi ressortir le meilleur avant de provoquer le pire. Benoît Magimel joue sur le fil de l'excès les postures de dandy ridicule du jeune héritier. Mon amie, pendant la séance ne cessait de répéter à chacune de ses apparitions : « Mais c'est trop, là c'est trop ». Pourtant, si ses premières approches hérissent, on finit par croire à sa sincérité et le personnage prend de l'épaisseur. D'une façon plus générale, la réussite du film tient en partie au travail de Chabrol sur ses personnages. Il y en a une dizaine et aucun ne tombe, comme parfois dans ses films, dans la caricature ou le schématisme. Tous ont de l'épaisseur, il n'y a pas de faire-valoir. Les deux personnages de mère joués par Caroline Sihol (Paul) et Marie Bunel (Gabrielle) sont à et égard remarquables, possédant leur histoire propre et agissant en cohérence pour leurs enfants, chacune à leur manière. Et pour finir avec les femmes très présentes ici, je tiens à saluer la prestation de Mathida May terriblement sensuelle avec ses premières rides et sa ligne toujours impeccable en Capucine Jamet, éditrice de Saint-Denis et sorte d'ange noir de ses débauches.

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La réussite de Chabrol, c'est évidemment une mise en scène particulièrement maitrisée et inventive. Subtile, elle n'est pas voyante, pas de mouvements d'appareils sophistiqués, mais une limpidité dans la conduite du récit sans défaut. La fille coupée en deux est l'un de ses plus beaux montages, sans un temps mort, sans un plan qui ne réponde immédiatement à un autre. Le film progresse dans un grand mouvement logique qui se fait le plus souvent à l'intérieur des plans. Ainsi dès le début, la relation entre Saint-Denis et Capucine Jamet passe à travers une action anodine (l'arrivée d e l'éditrice au domicile de l'écrivain), un dialogue à la fois brillant (de Chabrol et Cécile Maistre) et fonctionnel, et ce petit geste en arrière plan esquissé de doigts baladeurs. Joli. Les ellipses sont amples (le voyage à Lisbonne), les rapports visuels inventifs (Le tramway qui ramène au souvenir toujours présent de l'écrivain) et il y a un travail formidable sur les couleurs. C'est Eduardo Serra qui signe la photographie et Chabrol joue en virtuose de compositions magnifiques, les tons beiges de la première scène chez l'écrivain, l'utilisation du rouge pour Gabrielle, couleur de passion et de mort (Le filtre du générique annonce le mécanisme qui fera se rencontrer l'écrivain et la jeune femme), la soirée où les costumes noirs forment un écrin à la robe rouge, je pourrais continuer encore mais je ne voudrais pas lasser. Et préserver quand même le plaisir de la découverte (je me suis d'ailleurs interdit de lire mes camarades blogueurs avant de voir le film). Vive Chabrol, donc, qui vient de nous offrir un film réjouissant, plein d'humour (la première partie est franchement sous le signe de la comédie), aux traits acérés (l'hilarante séquence de l'entretien télévisé, les soeurs Gaudens, les ridicules de l'écrivain) et finalement d'espoir avec le visage reconstitué, apaisé enfin, de la fille coupée en deux.

 

A lire aussi chez le Dr Orlof et Hyppogriffe.

Le site du film

Photographies : Allociné

 

24/05/2007

Pensées du 23

Bruno Mattei est mort ce 21 mai, et avec lui sont morts Michael Cardoso, Norman Dawn, Pierre Le Blanc, Vincent Dawn, Bob Hunter, Frank Klox et la bonne vingtaine d'identités qu'il a pris au long d'une carrière bien remplie entre films de femmes en prison, péplums coquins, zombies approximatifs, cannibales de stock-shots, rats en tout genre et mercenaire en tutu vert. Qu'il me soit permis de rendre ici hommage à un grand maître de l'authentique série Z, qui ne recula devant rien. Absolument rien.

Il y a une quinzaine, j'ai revu The Magnificent seven (Les 7 Mercenaires), le film de John Sturges, histoire de participer à la discussion sur le forum western movies. L'occasion était bonne. Cette nouvelle vision m'inspire des réflexions proches de celles d'Hyppogriffe et de Pierrot sur le cinéma actuel. Rien à voir ? Pas sûr. Les années 40 et 50 sont un âge d'or pour Hollywood, une réussite tant économique qu'artistique. Le film de Sturges est emblématique du tournant que prennent les années 60. C'est plus un concept marketing bien huilé qu'une oeuvre : situations fortes, distribution d'icônes d'où surnage le personnage angoissé de Robert Vaughn, imagerie d'Épinal et quelques bonnes répliques. La réalisation est correcte mais sans âme. L'année d'avant était sortit Rio Bravo de Hawks, antithèse absolue du film de Sturges. Le problème, c'est que ce n'est pas Rio Bravo qui a donné le ton de la décennie à venir. Il faudra 10 ans et une nouvelle génération pour que le cinéma américain s'en remette.

C'est là que je cesse d'être d'accord avec Hyppogriffe. Les « movie brats » ou le gang des barbus (Spielberg, Coppola, Cimino, Scorcese, de Palma...) voulaient renouer sincèrement avec cet âge d'or et je ne les vois certes pas comme des imposteurs. Ce que je peux éventuellement leur reprocher, c'est de s'être laissé déposséder du pouvoir qu'ils avaient obtenu, à quelques exceptions prés. Aujourd'hui, le cinéma américain, ce sont des rouleaux compresseurs comme 300 et Spiderman 3. Ces dernières année, il est devenu de plus en plus difficile de suivre des oeuvres, de reconnaître des signatures comme on reconnaissait un premier plan de Hitchcock ou de Ford. Et de Spielberg.

Est-ce que ce n'est tout simplement pas moi qui vieillit ? Qui ait perdu un peu de mon entrain juvénile ? Peut être que Ben Stiller c'est bien Jerry Lewis et que je ne sais plus ce que je vois.

La semaine dernière j'ai découvert Dio perdona, io no (Dieu pardonne, moi pas) le premier film de Giuseppe Colizzi avec le tandem Bud Spencer et Terence Hill en 1967. Ce qui m'a frappé, c'est qu'il y a plus d'inventivité, de cinéma, dans les cinq premières minutes avec l'arrivée du train plein de cadavres que dans tout le film de Sturges (Je me suis posé la question de savoir si Colizzi connaissait Les pirates du rail, un film de Christian Jaque de 1937 avec une scène proche). Mais voilà, depuis quelques temps, je me demande pourquoi je me sens si bien avec les grands classiques où avec le cinéma de genre, et si peu motivé au fond par la grande majorité de ce qui sort.

Et le cinéma français dans tout cela ?

Je vois ça un peu pareil. Quand le cinéma américain a battu de l'aile dans les années 60, il a été supplanté par les nouvelles vagues des films venus du japon, d'Italie, de Pologne, de Tchécoslovaquie, de France, d'Angleterre... En France, il y a eu une époque ou des auteurs pouvaient monter des projets ambitieux et trouver un public pour les suivre et leur donner les moyens nécessaires. C'est aussi comme ça que se fait le cinéma. J'aime bien cette idée qu'à l'époque, Belmondo pouvait passer de Verneuil et De Broca à Truffaut et Godard. Le problème aujourd'hui, enfin, l'un des problèmes, c'est que ça ne se fait quasiment plus, sauf Deneuve chez Garrel et Carax. Nous avons aujourd'hui une sorte de fracture toujours plus béante entre de grosses machines avec très peu de cinéma et beaucoup de moyens et de tout petits films, tout petits, petits, fait avec des bouts de ficelle et qui finissent non seulement par se ressembler tous mais encore par n'avoir guère plus de cinéma que les grosses machines. Tout le monde ne peut pas faire A bout de souffle où disons DjangoCarnival of souls, voilà qui serait marrant.

Christophe Honoré, par exemple. Je n'ai pas vu son film, Dans Paris, mais j'en ai lu beaucoup de bien, et puis aussi pas mal de mal : le fait d'être accroché à l'héritage de la nouvelle vague. 17 fois Cécile Cassard, déjà, il me manquait quelque chose malgré les 10 minutes de Balibar et Demy (tiens). Rebelote avec celui qu'il présente à Cannes : Les chansons d'amour. C'est une comédie musicale dans la ligne de Jacques Demy nous dit-on. Comme toutes les tentatives de comédie musicale depuis vingt ans, Resnais mis à part. J'adore Demy, mais je serais peut être plus excité si on me disait que la prochaine comédie musicale sera inspirée par Mark Sandrich ou Bob Fosse. Mieux, je rêve d'une comédie musicale violente et brûlante sur une musique de Noir Désir. Enfin quelque chose qui tranche un peu comme dans certains courts métrages étrangers que j'ai vu ici ou là.

Bon, ce qui manque, ce sont des films moyens, des films aux moyens moyens et donc susceptibles d'être autre chose que moyens. Des moyens à la hauteur de véritables ambitions. Un autre problème aujourd'hui, c'est que Rivette ou Podalydès ou Ferran ou Joffé ou même Beinex ait autant de mal à monter leurs projets et qu'ils tournent si peu. Et pendant ce temps là, les écrans sont saturés de pellicules improbables venues de transfuges de la télévision et de films qui tendent à devenir les bandes annonces du futur DVD collector à sortir sous six mois.

D'accord, tout cela reste assez général, quelques idées comme ça. Et puis j'exagère. En fait, le film dont je voulais vous parler, là maintenant, c'est Bouge pas, meurs et ressuscite de Vitali Kanevski. J'ai commencé à écrire et puis mon disque dur secondaire a sauté ce week end. Le texte est sans doute perdu, alors je suis un peu en rogne.

09/04/2007

Et le lendemain...

Jeanne Balibar dirigée à nouveau par Jacques Rivette, j'en rêve depuis que Hyppogriffe me l'avait annoncé il y a de nombreux mois. Dès que Ne touchez pas la hache est sortit, j'ai laissé mon esprit vagabonder sur ce que je pourrais bien en écrire sur Inisfree, imaginant un texte baigné de l'admiration que j'éprouve pour la plus féline de nos actrices.

Première surprise, il me faut répartir également mes louanges entre Jeanne Balibar et son partenaire Guillaume Depardieu. Dès les premiers plans dans l'église du monastère si présente que j'avais l'impression d'en sentir le parfum, dès ce premier mouvement qui s'approche du dos massif du général Armand de Montriveau, Depardieu impose une présence physique qui appelle le souvenir des créations de son père à son meilleur pour Truffaut, Blier, Pialat ou Ferreri. Il est « une force qui va », massif, déterminé, maladroit un peu aussi, tentant de contenir l'énergie de l'ex-général d'Empire et explorateur africain, imposant cette densité au sein de la délicatesse immémoriale du couvent comme dans les précieux et vains salons parisiens de la Restauration.

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Face à cette force, le duchesse de Langeais est toute finesse de traits et de corps, presque fragile et pourtant animée d'un grand feu intérieur né de sa passion. Tout en elle est fait de contrastes violents : frivole et profondément amoureuse, coquette et idéaliste, calculatrice et abandonnée. Dans leur affrontement qui constitue le coeur du film, Rivette joue admirablement de leur complémentarité. J'avais pensé intituler cette chronique « Acier contre acier » selon les mots mêmes de Blazac repris par Rivette, mais le critique de Politis y a pensé avant moi. Du coup, celui que j'ai choisi est plus en relation avec le style du film. Car, seconde surprise pour moi qui ne suis pas un grand familier de l'oeuvre du réalisateur, Ne touchez pas la hache est un film dans la tradition des grands films muets. Précision des cadrages, majesté des plans et du rythme, force des ellipses, expression physique des acteurs, tout ramène à cet art devenu si rare. Et avec beaucoup d'humour Rivette utilise des intertitres qui scandent ses scènes : «Et le lendemain... », « trois mois plus tard » etc. La très belle scène finale m'a irrésistiblement fait penser aux histoires de vampires de Murnau ou Dreyer avec sa mer si étale, son navire, ses couloirs du couvent et la découverte du corps de la duchesse. Je suis persuadé que l'on pourrait voir le film avec un simple accompagnement au piano et que l'on s'y attacherait tout autant. Paradoxe à nouveau puisque c'est un film très dialogué et que la « tendre guerre » entre le général et la duchesse est une guerre des mots autant que des corps. Le film est construit entre ces deux niveaux : le verbal avec des dialogues brillants puisés à la source même du texte de Balzac et le non-verbal avec les mouvements des corps et les regards. Jeanne Balibar y excelle entre gestes calculés, gestes retenus, regards qui se perdent, éclairs de malice, bourrasques de passion. Rivette joue d'elle et avec elle comme d'un merveilleux instrument.

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Il est bon de se rappeler que les « cinéastes sources » de Rivette sont Alfred Hitchcock et Howard Hawks, tout deux maîtres de ce style formé à l'école du muet et sachant intégrer les ressources du son. Ce type de couple dans ce type de dispositif, pour peu que l'on y réfléchisse un instant, a donné chez eux de véritables sommets. Ce sont Cary Grant et Ingrid Bergman dans Notorious (Les enchaînés) et John Wayne aux côtés d'Angie Dickinson dans Rio Bravo. Plus j'y pense et plus je trouve que la scène ou Montriveau menace la duchesse qu'il a fait enlever de la marquer au fer rouge est l'équivalent de la scène ou Feather menace le shérif Chance de sortir avec sa guêpière. On retrouve la même insolence érotique chez Jeanne Balibar et le même mélange de séduction raide chez Guillaume Depardieu. Que l'un ait fait un drame et l'autre une comédie me semble accessoire. Je suppose aussi que l'on pourrait trouver des connivences secrètes avec le travail de Robert Bresson, surtout en ce qui concerne le lien à la religion, à la passion, à la croyance. Mais je ne n'aventurerais pas sur ce terrain qui m'est bien peu familier. Voici donc quelques réflexions qui voudraient faire sentir la richesse de cette oeuvre. Il faudrait aussi citer malgré ce que j'ai écris sur les références au muet, le travail sur le son, le craquement des parquets, la résonance des pavés, le frottement des étoffes. Il faudrait évoquer la photographie de William Lubtchansky avec ses ambiances à la bougie. Il faudrait étudier la façon que Rivette a, une fois encore, d'introduire l'esprit du théâtre dans son cinéma avec les jeux sur les rideaux, il faudrait parler des apparitions de Bulle Ogier et de Michel Piccoli. Il faut surtout voir ce film absolument et s'immerger dedans complètement.


Photographies : © Moune Jamet (source les films du Losange)

Site officiel du film

22/01/2007

As-tu du coeur, Alain ? Alain, as-tu du coeur ?

Première séance de rattrapage de l'année par la grâce de ma petite salle Art et Essais de la place Garibaldi. Mercury, que ton nom soit loué pour les siècles à venir. Soit donc Coeur d'Alain Resnais, un film acclamé par (presque) tout le monde, Lion d'argent à Venise, éloges mérités pour un réalisateur majeur, un grand cinéaste toujours au sommet de son Art. J'en suis presque gêné de, non pas tant de critiquer le film, que de faire part de mes réticences à partager les envolées unanimistes. Je pensais à cette critique que l'on fait de plus en plus souvent à des gens comme Woody Allen ou Pedro Almodovar (voir par exemple sur Les objets gentils) : ne plus donner que de beaux objets consensuels qui ont atteint un haut niveau de qualité mais peinent à se renouveler, à surprendre, à donner le frisson du risque. Je ne suis d'ailleurs qu'à moitié d'accord avec cette critique dans la mesure ou, chez Allen par exemple, c'est justement l'aspect familier de ses films, confortable, qui me plaît. Mais d'un autre côté, j'adore que Akira Kurosawa termine sa carrière avec un film comme Madadayo.

Mais revenons à Resnais qui semble pourtant à l'abri de ce type de reproche tant son oeuvre est multiple, tant il a su explorer de nouvelles voies, notamment par son travail avec des scénaristes aussi différents que Duras, Jaoui et Bacri, Robbe-Grillet, Semprun ou encore Gruault. Mais encore, il est passé avec bonheur par des formes cinématographiques très diverses et peu de cinéastes sont capables comme lui de jouer avec le temps. Le problème avec Coeurs, c'est peut être d'être trop proche de ses derniers films. D'être une variation non musicale de On connaît la chanson avec son groupe de personnages à la poursuite désespérée du bonheur et de l'amour. Avec cette neige omniprésente sur Paris et dans les coeurs, image trop proche des fameuses méduses ou des noirs de l'Amour à mort. Avec ces magnifiques décors luisants comme dans les comédies de Lubitsch et comme dans Pas sur la bouche ou Mélo. Avec sa troupe impeccable, Arditi et son air de cocker digne, Dussolier et ses sourires de grand gamin, Azéma, sa coiffure en pétard et ses tenues sexy, Wilson et son énergie physique. Par bonheur, Isabelle Carré et Laura Morante (Ah !) apportent un regain d'intérêt au milieu de prestations séduisantes certes mais pas emballantes car assez prévisibles. Je ne sais pas si c'est parce que je cherche un appartement en ce moment mais celui avec lequel j'ai eu le plus de mal, c'est le personnage de Dussolier, agent immobilier comme dans On connaît la chanson et trop gentil pour être vraiment crédible. Autant sa relation avec sa soeur est intéressante, autant j'aurais aimé, je ne sais pas moi, qu'il ressemble à Pacino dans Glengarry Glen Ross.

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Et puis il y a le fond. Coeurs est sombre et si le très beau plan final du personnage d'Isabelle Carré posant sa tête sur l'épaule de son frère apporte un peu de douceur, j'ai l'impression que ce film est le plus douloureux depuis l'Amour à mort. L'humour de nombreuses scènes n'atténue guère le sentiment de tristesse générale et une noirceur qui contraste pour le coup avec les touches d'espoir concluant les films précédents. Entendons nous, je ne demande pas à Resnais de marcher dans les pas de Gérard Oury, mais il y a un côté systématique dans le dépressif que j'ai trouvé un peu artificiel. Les personnages vont par paires qui n'arrivent pas à être des couples. La mise en scène multiplie donc les cloisons, les rideaux, les effets de profondeur de champ. Il y a un moment ou l'on voit plus l'effet que l'on ne ressent sa signification. Curieusement, les dispositifs encore plus artificiels de Smoking/No smoking, On connaît la Chanson ou Pas sur la bouche ne m'avaient pas gêné outre mesure. Mystère du cinéma. A y bien penser, cette image de la neige omniprésente est bien adaptée à ce que j'ai ressenti sur le moment. Magnifique et délicate construction des flocons dont il ne reste qu'une trace humide quand on les prend au creux de la main.

Photographie : © Mars Distribution

 

 

10/01/2007

Notes sur quelques films français en 2006

Un poil administratif ce titre, mais cette année, pas de liste. Paternité oblige, je suis allé très peu en salle et j'ai profondément modifié ma façon de voir des films en 2006. Du coup la seule liste que je pourrais éventuellement proposer, ce serait celle des mes regrets (très relatifs parce que ma fille est passionnante à tous points de vue). Après Avril, petit poème élégiaque à la beauté de Sophie Quinton dont je vous avais parlé en juin (je m'amuse d'un rien), j'ai pourtant réussi à voir quatre films correspondant à quatre styles que j'affectionne dans le cinéma français.

Ici Najac, à vous la terre de Jean-Henri Meunier est caractéristique de ces documentaires qui partent d'expériences personnelles et sont de plus en plus présents sur les écrans. Comme si ces films entendaient démontrer que la réalité dépasse bien la fiction, et qu'ils sont mieux à même de passionner les foules sur des sujets puisés au coin de la rue. Voire plus près. Ici, Jean-Henri Meunier s'est installé il y a une dizaine d'années à Najac, petit village de l'Aveyron, et tout est partit de l'envie de filmer son voisin. Un premier film sort en 2004, La vie comme elle va dont Ici Najac, à vous la terre constitue la suite. La force et l'intérêt ce ce film est qu'il n'aurait pu être qu'un pamphlet altermondialiste de plus mais que tous les clichés attendus sur ce sujet sont dynamités par la personnalité peu banale du fameux voisin, Henri Sauzeau, le poète de la mécanique. Le film est d'abord un éloge de ceux qui sont encore maîtres de leur temps, une sorte d'éloge de la paresse si l'on est sensible à la pensée de Lafargue. Et de ce temps maîtrisé, les habitants de Najac font ce qu'ils veulent sans dogmatisme et sans se transformer automatiquement en militant. Il y en a bien un ou deux qui sont dans cette démarche, mais ils semblent bien pâles face à l'obstination du poète de la mécanique qui met en avant la passion de son ex-métier, lui qui entasse machines et carcasses automobiles pour les retaper par pur plaisir de l'activité. Plus encore que le chef de gare hédoniste, il est le pivot de cette chronique construite comme une fiction autour de ses démêlés avec ceux qui ne comprennent pas cette poésie. Car au delà, il y la valeur d'une certaine forme de travail, la dignité d'un homme et l'absurdité d'un système ou le gaspillage (tous les gaspillages) est roi.

Je me suis rendu à Changement d'adresse de Emmanuel Mouret sur les conseils de Pierrot qui avait écrit dessus avec enthousiasme en août. La surprise a été totale car, n'ayant pas la télévision, j'ignorais tout de Frédérique Bel. Quel ravissement ! Comme Karin Viard, Sandrine Kimberlain ou Jeanne Balibar, elle dégage tout à la fois humour, sensualité et vivacité. On a beaucoup écrit sur les liens entre cette comédie pétillante avec certains films de la Nouvelle Vague, surtout François Truffaut période Doinel. Je lui ai surtout trouvé une très proche parenté avec les comédies de Bruno Podalydes, Versailles rive-gauche en particulier, pour son adresse à tirer partie d'espaces très réduits pour en faire le moteur de la comédie. Placer un couple en devenir dans 12 mètres carrés, c'est donner à chacun de leurs gestes, chacun de leurs déplacements, une dose de suspense sensuel chargé d'érotisme. Sur un canevas on ne peut plus éculé (un garçon rencontre une fille), Mouret montre une nouvelle fois que la réussite d'une comédie tient au rythme, à la mise en scène de l'espace et à la mystérieuse alchimie que l'on fait naître entre les comédiens.

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Partir pour mieux revenir, c'est un peu ce que j'ai pensé du Voyage en Arménie de Robert Guédiguian. Quitter l'Estaque et son petit monde confortable pour illustrer magistralement les derniers moments de François Mitterrand. Revenir l'espace d'une scène d'ouverture pour repartir sur les traces de son passé dans l'Arménie moderne. Retrouver une fois encore sa troupe pour les faire partir dans de nouvelles directions. Une grande part du plaisir que j'ai pris à ce voyage ne tient pas tant au côté « recherche de ses racines » mais à la prestation de Gérard Meylan en général arménien improbable et aux déambulations d'Ariane Ascarides. Tentation du cinéma de genre qui affleure parfois chez Guédiguian (film noir, comédie musicale, western), quand Ariane s'empare d'un revolver et tire dans le tas pour aider la jeune esthéticienne imprudente, j'ai pensé à la Gloria de Cassavetes. Guédiguian, c'est flagrant depuis La ville est tranquille, maîtrise parfaitement son art et s'en délecte. Ses films ont de la majesté et de la simplicité. De la classe.

Philippe Lioret, dans un autre registre, c'est un peu pareil. Je vais bien, ne t'en fait pas ne semble pas avoir intéressé grand monde. Tant pis pour eux. J'aime le cinéma de Lioret. J'ai toujours aimé les classiques. Mademoiselle et L'équipier étaient deux beaux classiques dans le registre de la comédie et du mélodrame. Son petit dernier est plus compliqué. Construit comme un film de Shyamalan en bien moins roublard, il a pourtant une apparence des plus réaliste. Mais il ne cesse de bifurquer, explorant quelques figures classiques du cinéma français actuel pour mieux les expédier et rebondir sur autre chose. L'héroïne a une dépression ? Ce qui ferait un film entier chez certains est réglé en vingt minutes. Le film élimine cliché après cliché, piste balisée après certitude de spectateur blasé pour nous obliger, lors de l'émouvant final à reconsidérer tout ce que l'on a vu. Plus que ce que l'on a vu (comme disons chez Shyamalan) ce que l'on a ressentit. Face à ce genre de films, j'ai toujours envie de retenir mon emballement et d'attendre une seconde vision, histoire de voir si ça tient la route. Patience, donc et, il faut le dire, Mélanie Laurent est superbe.

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Deux regrets cette année, Dumont et Brisseau. A vrai dire, je voulais les voir parce que l'on en beaucoup parlé dans les blogs de mes petits camarades. J'aurais voulu discuter sur du solide. Je ne pense pas que ce soit un acte manqué, mais ça ne s'est pas fait. Dumont, je le crains un peu et je suis un peu tordu parce que je veux voir ce qu'il fait pour m'en débarrasser, comme je me sens débarrassé de Hanneke depuis La pianiste. C'est la pire des raisons pour voir un film mais on ne se refait pas. Brisseau, c'est autre chose. J'ai suivi « l'affaire » et, au début, je pensais comme Pierrot qu'il fallait le défendre, défendre le cinéaste et sa conception du cinéma. Puis j'ai lu la position de mes amis de la Maison du Film Court et j'ai nettement nuancé mon avis. Il y a la vision de Brisseau et la vision de ces jeunes femmes et qui suis-je pour aller juger ? Je ne pense pas que l'Art justifie n'importe quel comportement. Mais que s'est-il passé vraiment ? Mystère et boule de gomme. Bon, Brisseau a fait de sa vision un film (et les jeunes femmes feront peut être un livre). J'espère le voir un jour mais j'ai pu découvrir entre temps son précédent, l'objet du délit comme on dit : Choses secrètes. J'avoue que j'ai été déçu. La mise en scène est élégante, la photographie chaude et les corps filmés avec sensualité. Mais la plupart des acteurs jouent mal. Le vilain fils à papa pervers est à la limite du ridicule. Et le pauvre cadre bafoué ! Ca démoli un peu tout. Et sur le fond, j'ai trouvé tout ça bien sage. Ce n'est pas Bunuel, ni Kubrick, ni Oshima, ni Suzuki, ni pas mal de monde. Brisseau, ici en tout cas, ne manie pas le sexe comme un étendard révolutionnaire, comme un scalpel dans la chair de la société, comme un cri. Tiède le film. Heureusement qu'il y avait les yeux de Coralie Revel.

Photographies : Allociné 

06/07/2006

Avril en juillet

J'ai pu remarquer que nombre de blogs cinéphiles que je fréquente, comme une partie de la critique d'ailleurs, n'est pas très tendre envers le jeune cinéma français. Nous mettrons d'emblée de côté les transfuges de la télévision (à quelques très rares exceptions) et la horde des admirateurs stériles de l'efficacité américaine façon Besson. Il est aussi vrai que tout n'est pas réussi, difficile de défendre Peindre où faire l'amour des frères Larrieu quand bien même Un homme, un vrai était vraiment intéressant. Difficile de ne pas constater l'échec de Le Petit lieutenant de Xavier Beauvois, très mal construit. Mais je comprends moins les reproches fait à un film comme Travaux de Brigitte Rouan (n'est-ce pas, Pierrot) ou les pointes envers Arnaud Despleschin qui, s'il n'est peut être pas un gentil garçon n'en est pas moins un sacré cinéaste. Peut être est-ce parce que je m'intéresse beaucoup au court métrage mais j'y découvre souvent des personnalités attachantes dont j'attends avec impatience et souvent indulgence leur passage au long métrage. Parfois ils déçoivent (Eric Guirado) et parfois non (Yves Caumont). J'aime ensuite voir leur carrière se développer et les films construire l'un après l'autre une oeuvre. Cette oeuvre restera modeste, ou pas. Qu'importe. Tous les premiers films ne sont pas Citizen Kane, tant pis, et tous les jeunes réalisateurs ne seront pas Godard, tant mieux.

Ce qui m'amène à Gerald Hustache-Mathieu au parcours assez caractéristique. J'ai constaté avec un peu de tristesse que son premier film, Avril, n'a guère provoqué d'intérêt dans la presse « classique » ni sur les blogs. Il me semble pourtant que ce premier long de l'auteur de Peau de vache et de La Chatte andalouse avec Sophie Quinton, l'actrice qu'il a révélé dans les courts sus-cités, était en soi un petit évènement agréablement alternatif au grosses machines habituelles comme aux désespérances de notre cinéma national et qu'il méritait un soutien résolu.

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Avril, c'est l'histoire d'une jeune novice qui, au moment de prononcer ses voeux définitifs, apprend qu'elle a un frère jumeau et est poussée à partir à sa recherche. Avril, c'est l'histoire d'une mise au monde, une seconde naissance. C'est un récit initiatique, celui de la découverte des autres et de l'ouverture des sens. C'est aussi une sorte de façon, modestement, de réinventer le cinéma et le plaisir de filmer. Hustache-Mathieu pratique une petite musique cinématographique bien à lui et ce premier long prolonge habilement l'univers mis en place dans les deux courts. Un univers très dépouillé au départ, à l'image de la cellule d'Avril (c'est aussi le nom de la jeune novice), dans lequel le réalisateur introduit doucement quelques éléments étrangers. Un jeune homme, puis deux autres jeunes hommes, la mer, les dunes, le plaisir d'un bon repas, la musique, la peinture, faisant abstraction de tout ce qui est au-delà. Je me suis fait cette réflexion, à un moment, qu'il avait retrouvé cette essence du cinéma : partir en équipe, en bande, tourner au grand air une histoire simplement humaine. C'est Ford à Monument Valley, Hawks en Tanzanie, Truffaut à Nîmes, Renoir en Inde... Avril n'est pas Le fleuve, mais le film dégage cette fraîcheur, cette simplicité, cette forme de naïveté sympathique qui le rend attachant.

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Et puis, il y a Sophie Quinton. Rien que d'avoir su la filmer, de lui avoir écrit ce rôle, ce beau personnage, c'est déjà une grande réussite. Il y a aussi et j'y ai été sensible, le fait que Hustache-Mathieu évacue très vite le côté « mystique » de son récit. Je m'explique : les histoires avec des nonnes, cela donne souvent de profondes réflexions sur la foi, Dieu et le reste. J'y suis assez hermétique, mis à part Le narcisse noir de Powell parce que c'est incroyablement beau. Mais là, Avril est presque un film païen au sens où l'enjeu du film, c'est véritablement l'éclosion de cette jeune femme et la découverte de la vie ici et maintenant avec toute la sensualité qui va avec. Dieu n'est pas un ressort dramatique, Avril croit et c'est tout. Mais elle croit aussi au présent, à la matière du monde. Merveilleux plans où elle plonge ses mains dans le sable. Merveilleux sourire qui illumine le visage de Sophie Quinton et l'écran. Moments suspendus lorsqu'elle se tient face à la mer, comme dans La chatte andalouse, puis lorsqu'elle se livre, nue, aux vagues. Pas de psychodrames, pas d'angoisses métaphysiques. Hustache-Mathieu filme l'apprentissage de la joie. Merci à lui.

 

 

Pistes

un entretien avec le réalisateur sur Excessif

un entretien avec le réalisateur sur Cinémovies

Source images : Haut et Court 


19/09/2005

Parfum d'enfance

Il m'a l'air bien, ce film.
Je dirais même plus, ce film m'a l'air bien.
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Photographie : Allociné 

06/09/2005

Faire du cinéma ou...

Les frères Larrieu, Arnaud et Jean-Marie, font partie d'une génération de cinéastes discrète et prometteuse. Avec Yves Caumon (La Beauté du Monde, Amour d'Enfance et bientôt Cache Cache présenté à Cannes), Philippe Ramos (L'Arche de Noé, Adieu Pays), Alain Guiraudie ( Pas de Repos Pour les Braves et bientôt Voici Venu le Temps) ils partagent le goût pour un cinéma artisanal, nourri de leurs origines régionales (les pyrénées, l'aveyron, le sud ouest). Un cinéma du récit et des personnages ou ceux-ci s'inscrivent résolument au sein de la nature et du temps. Une manière de retour au classicisme, entre Renoir, Pagnol et, bien sûr, Ford.

Ceci n'empêche pas les audaces formelles, comme les passages chantés dans le premier film des frères Larrieu, Un Homme, Un Vrai ou ce passage dans le noir absolu dans Peindre ou Faire L'Amour qui vient de sortir (ce qui rappelle de façon amusante les audaces de Gosciny et Uderzo dans La Grande Traversée !). Cela n'empêche pas d'éclater le récit comme Guiraudie avec ses ellipses temporelles radicales. Cela n'empêche pas les références ouvertes au western dans le premier long métrage de Ramos.

Tous ont aussi commençé par le court métrage ambitieux, Un peu moins d'une heure pour La Beauté du Monde, L'Arche de Noé ou encore La Brèche de Roland des deux frères. Une façon encore de prendre son temps, un temps cinématographique, pour y faire exister la matière de leurs films.

Selon l'expression consacrée, j'aime beaucoup ce qu'ils font. J'aime l'attention qu'ils portent à leurs personnages et leur volonté d'en dégager l'humanité. Ca repose des rebelles sans cause, des cadres quarantenaires dépressifs et autres sujets d'études sociologiques. J'aime leurs paysages d'une France encore un peu sauvage, leurs images où l'on respire l'air de la fôret, le vent dans les noyers, les petites routes de campagne, les villages. Ca repose de l'urbain. J'aime aussi leur attention portée aux objets, aux textures et aux ambiances. Ainsi, Yves Caumon n'a pas son pareil pour filmer les papiers peints. Ca n'a l'air de rien, mais le sens du détail qui sonne juste, c'est déjà une grand qualité pour un cinéaste.

Tout ça pour vous parler de Peindre Ou Faire L'Amour que je n'ai pas trouvé aussi réussi que Un Homme, Un Vrai. Malgré la distribution trois étoiles, malgré ce couple intéressant qui m' a rappelé les échanges avec Ludovic Maubreuil, malgré un sens toujours présent de la nature, malgré la chanson de Brel. Le film a des côtés trop "fabriqué", le décor parfois, l'intrigue trop souvent. Peut être est-ce que cela vient de ce faux suspense qui ne nous amène nulle part. Suspense entretenu involontairement par ce que Sergi Lopez amène d'Harry, cet ami qui nous voulait du bien. Le sujet c'était le couple, rien que lui, comme dans le film précédent. Tout le reste est plaqué et ne fonctionne pas bien. Il reste de beaux moments. En attendant les prochains films.

 

Le DVD 

14/11/2004

Cap à l'ouest !

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Je le sentais bien. Le nouveau film de Philippe Lioret est une réussite. Tout ce que j'avais apprécié dans son précédent opus, Mademoiselle, je l'ai retrouvé dans L'équipier. A commencer par Sandrine Bonnaire qui retrouve un rôle de femme simple bouleversée par une passion aussi violente qu'inattendue. L'ile bretonne de L'équipier est très proche du fameux pont de Madison mis en scène par Clint Eastwood. Les amateurs de beaux mélodrames s'y retrouveront sans peine. Lioret a le cinéma classique, l'art de camper une atmosphère, de filmer un regard dérobé, un geste en suspens, quelque chose de l'art de Truffaut et sa sensibilité pour les personnages aux amours sans espoir.

Il a également un certain talent pour évoquer les activités professionnelles viriles façon Hawks. Ses gardiens de phare portent avec eux une façon de vivre et une certaine philosophie du "métier". Ils sont les frères des chasseurs d'Hatari !, des aviateurs de Seuls les anges ont des ailes, avec le caractère bien trempé des bretons des années 60 !

Philippe Torreton et Grégori Derangère développent une histoire d'amitié aussi passionnée et complexe que la relation amoureuse qui se noue entre Derangère et Bonnaire. On pourra trouver certains des ressorts classiques, mais ça fonctionne bien.

S'il y a un film français à découvrir en ce moment, c'est bien celui là.

Pour finir, une petite information, pour les amateurs de musique de film, ce site en anglais très complet : www.soundtrackcollector.com

Allez, à la prochaine...