Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/03/2014

Alain Resnais, les réalisateurs meurent aussi

"Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art."

Resnais05.jpg

Photographie DR (source Tout le ciné)

08/11/2009

Amateur éclairé

D'un film à l'autre, d'affiches en affiches, d'Enki Bilal à Floc'h et jusqu'à Butch, Alain Resnais affirme un goût très sûr en matière de bande-dessinée. Une raison de plus avec la présence de la magnifique Anne Consigny pour ne pas attendre trois mois et aller voir Les herbes folles, histoire de discuter avec mes petits camarades, les enthousiastes et les réservés.

La vie est un roman.jpg
Smoking.jpg
Herbes folles.JPG

12/05/2008

Joli mai : Utopie en salles

Découvrir L'An 01 aujourd'hui est, je trouve, une expérience un peu déprimante. Un peu triste. Pourtant, le film est plein d'enthousiasme, de vitalité, et souvent drôle. L'An 01, sortit en 1973, est une oeuvre collective de Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch et Gébé, admirable dessinateur disparu en 2004, d'après sa bande dessinée parue dans Charlie Hebdo dont il était l'un des piliers. L'An 01, c'est un peu le concentré des utopies de 1968. L'An 01 c'est un commencement. On y voit deux hommes sur le quai d'une gare de banlieue. Le premier a remarqué que le second, la veille, n'est pas monté dans le train. Une envie comme une évidence. Mais il a pris le suivant. « A deux, ça doit être plus facile ». Le train arrive. Les deux hommes restent à quai. C'est un début. L'An 01 ce sont des gens qui font un pas de côté et ne feront plus un pas en arrière. L'An 01 c'est la douce perversion du système de l'intérieur. On y organise des équipes clandestines pour se partager le boulot. Un salaire divisé par cinq, mais un seul jour de travail par semaine. L'An 01 c'est la victoire radicale de la réduction du temps de travail. « On arrête tout ». « Il faudrait une date ». « Mercredi ». « Et une heure ». « 15h00 ». L'An 01 c'est une planification impeccable. Un ministre s'interroge : « Comment arrêter un arrêt ? Nous n'avons pas d'historique ». L'An 01 c'est un général qui demande ce qui se passe à son chauffeur qui sourit. « On arrête tout ». Une jeune femme arrive d'Argentine : « Là-bas, on ne parle que de ça ». A New-York, une voix égrène la litanie des cours de la bourse qui dégringolent. Définitivement. Anéantis, quelques hommes d'affaire se jettent par les fenêtres de leurs immeubles de Wall Street et tombent comme des feuilles mortes. Images étranges à contempler après celles du World Trade Center en 2001. Mais nous sommes en 01 et dans les rues, la foule est heureuse. En Afrique, on apprend avec plaisir que les ouvriers de Roubaix arrêtent de produire des bonnets. « En France aussi, on a pensé ! » dit le chef du village. C'est l'An 01 et ce qu'il en advient.

987998159.jpg

Lorsque Gébé a l'idée de faire de sa bande dessinée un film, il demande l'aide de Jacques Doillon qui accepte. Ce sera son premier long métrage. Le film se finance d'une façon originale, Charlie Hebdo lançant un appel à ses lecteurs. Ceux-ci proposent des scènes, accueillent l'équipe de tournage ou l'intègrent. Alain Resnais et Jean Rouch tournent leurs séquences bénévolement. Le premier réalise celle de New-York avec l'aide de Stan Lee, pape des super héros du Marvel Comic Group qui prête sa voix, et l'apparition de Lee Falk, créateur de Mandrake le magicien dont Resnais rêve toujours d'adapter les aventures, en banquier. Rouch réalise la séquence africaine au Nigéria. Oeuvre collective, L'An 01 regroupe toute un pan de la vie culturelle du début des années 70. Gérard Depardieu est l'un des hommes sur le quai de la gare. On croise Henry Guibet et Miou-Miou, l'équipe du théâtre du Chêne Noir à Avignon, Jean-Paul Faré, Nelly Kaplan, Jacques Higelin et sa guitare, Gotlib et sa moustache en gardien de prison, l'équipe naissante du Splendid en chimistes (oui, il y a même Christian Clavier), Romain Bouteille en collectionneur de billets de banque, l'équipe Hara Kiri avec Cavanna, Cabu et Reiser en conspirateurs à cravates, François Béranger, et Coluche pour l'excellente scène finale. La musique est diégétique et la photographie, en noir et blanc assurée par cinq personnes dont William Lubtchansky et Renan Pollès, fidèle collaborateur de Pascal Thomas. C'est une superproduction.

1754071070.jpg

Peut-on parler de L'An 01 en simples termes de cinéma ? Mais oui. Le film donne la part belle aux plans larges et aux plans séquence qui laissent le champ libre aux personnages, le meilleur choix pour filmer le collectif. Il y a quelques beaux mouvements notamment un panoramique à 360° façon De Palma. J'ignore si le choix du noir et blanc a été dicté par des impératifs économiques ou un choix artistique mais il renforce le côté documentaire, comme chez Eustache ou Roméro à la même époque. Il est souvent lumineux, solaire. Seule la séquence de Resnais a une esthétique propre, plus froide, gratte-ciel et chute de banquiers oblige. Question rythme, tout le début est admirable, le suspense prenant alors qu'il faut jongler avec de nombreuses actions parallèles. Passé le déclenchement de 01, ça faiblit un peu. L'humanité se cherche et le film aussi. Il se reprend vers la fin avec deux scènes de pure comédie très réussies, jolie façon de ne pas conclure.

1441606062.jpg

La tristesse que l'on pourra éventuellement ressentir à ce film tient à la douloureuse comparaison avec ce qui est advenu. Près de 40 ans plus tard, ce n'est pas tant que les utopies de L'An 01 ne se soient pas concrétisées qui fait mal que leur terrible absence en tant que telles. Ainsi à l'aube des années 70, il y avait des rêves, des propositions, des élans capables de donner de tels films. On en chercherait en vain l'équivalent aujourd'hui, au milieu ou à la marge. Un tel projet ne s'attirerait qu'un mépris ironique ou un sourire navré. Il faut avouer qu'il y a deux trois choses qui font grincer des dents. Que ce soit de voir ce que certains participants sont devenus ou encore cette drôle d'idée d'avoir des micros et caméras partout. Dans le film, ça part d'un bon sentiment, mais quand on voit ce qu'est la vidéo surveillance sécuritaire aujourd'hui, je couine. Pourtant, pourtant, mon optimisme naturel me souffle que « tout n'est pas perdu, non, tout n'est pas perdu de vos mythes d'aurore ». Observe attentivement, camarade, comment s'est faufilée une partie du programme de 01. L'amour est plus libre, le vélo plus présent, la femme plus égale et cette idée d'une intelligence collective virtuelle se construit jour après jour sur Internet. Mais si, c'est déjà un pas de côté. C'est plus dur qu'on ne le croit, de faire un pas de côté. Tout semble si simple dans le film, si clair. Si je pousse le bouchon un peu plus loin, L'An 01 est l'équivalent des contes démocratiques de Franck Capra, de It's a wonderful life (La vie est belle– 1946) en particulier. Un même beau mensonge sur le vivre ensemble, une même utopie politique et sociale destinée à nous donner envie. Tu dis ? Je pousse un peu loin le bouchon ? Pas sûr, réfléchissons-y.

Le DVD

Photographies : © Artedis source Allociné 

28/04/2008

A la française

La place du fantastique et de la science fiction dans le cinéma français a déjà fait couler pas mal d'encre. Généralement, c'est pour déplorer qu'elle soit si minime. Je n'ai pas l'intention de me joindre au choeur des pleureuses, mais je vois là l'occasion d'aborder deux films remarquables qui posent néanmoins quelques questions.

Il me semble, en préliminaire, qu'il existe une solide tradition fantastique dans notre cinéma, tradition héritée de la poésie, de la littérature et du mouvement surréaliste. On compte de belles réussites chez René Clair, Georges Franju, Jean Cocteau, Jacques Demy, Maurice Tourneur, Jean Renoir ou Jean Rollin. Si nous sommes loin des grands mouvements qui traversent les cinémas anglo-saxons, italiens ou japonais, ce n'est pas rien. La science-fiction n'a, elle, pas du tout la cote. Les tentatives de François Truffaut et de Jean-Luc Godard ne m'ont pas plus convaincues que celles, plus récentes, des laborieux imitateurs de modèles américains. Restent quelques ovnis, quelques films de Jeunet, le premier film de Luc Besson. C'est peu. Avec quelques contorsions, on pourrait rattacher le Playtime de Jacques Tati, mais la seule réussite incontestablement bien dans le genre, c'est encore La jetée de Chris Marker. Une histoire de temps.

Je t'aime, je t'aime, tourné en 1968 par Alain Resnais, est aussi une histoire de temps. Une histoire de voyage dans le temps. Le film a été écrit par Jacques Sternberg, un des grands noms de la littérature de science fiction francophone (il est belge), même si mon optimisme naturel s'accommode mal de ses histoires désespérées. Nous y faisons connaissance avec Claude Ridder, joué par Claude Rich. Ridder vient de tenter de se suicider. Il se réveille dans un hôpital où viennent le rencontrer des hommes mystérieux. Qui lui proposent d'être le cobaye d'une étrange expérience. Un voyage temporel. Ridder dont le désespoir est intact accepte. Dans la cave d'un centre secret, il pénètre dans une étrange sphère. Une sorte de pomme de terre géante dans laquelle on est comme dans un ventre maternel. Ridder a un compagnon de voyage, une souris blanche. L'aventure commence. Enfin, pas vraiment. Dès le début, l'expérience échappe à ses instigateurs. Ridder se retrouve un an plus tôt, sur une plage ensoleillée. Il émerge de l'eau comme Vénus en son temps et rejoint sa belle compagne, Catrine. Un moment heureux qu'il se plaît à revivre, en admettant qu'il conserve sont point de vue « du présent », et qui va l'amener à se perdre dans le temps. Mais est-ce véritablement dans le temps que voyage Ridder ? Voyageur immobile, il est le spectateur de ses souvenirs. Son voyage est en lui-même. Certes, il disparaît littéralement de l'image et à la surveillance des scientifiques, mais ce n'est pas lui, le Ridder du présent, que nous voyons dans le passé, mais le Ridder du passé. Alors, où se trouve le Ridder du présent censément partit dans le passé ? Je ne sais pas si c'est bien clair, mais dans les histoires de voyage dans le temps, ce qui est intéressant c'est de faire perdre les repères.

1544034457.jpg

Alain Resnais a sur le sujet une approche très originale mais aussi quelque peu déroutante. L'aspect science-fiction semble rapidement mis de côté. Les scientifiques, une fois perdu le contrôle de l'expérience, s'agitent vainement sans que Resnais s'intéresse beaucoup à eux. De la même façon, le réalisateur ne cherche pas à « jouer sur le temps » en se livrant au délices du paradoxe temporel, mais reconstitue petit à petit l'histoire de Ridder jusqu'à nous la faire appréhender de façon linéaire. Le mystère n'est pas ce voyage temporel mais l'esprit de Ridder dans lequel est enfoui son sentiment de culpabilité. Car s'il s'est suicidé, c'est parce que Catrine est morte. Et qu'il n'a pas su vivre avec elle. A ce point je me suis posé la question de savoir si l'on aurait eu un film différent si, au lieu d'une expérience de science-fiction, Ridder avait eu un accident de voiture provoqué par un routier aux allures de Bobby Lapointe. Je n'en ai pas l'impression. Le film, de part sa construction, est finalement assez proche tant de L'année dernière à Marienbad que du plus tardif Mon oncle d'Amérique. Je t'aime, je t'aime, n'en est pas moins superbe, l'un des plus limpides de son auteur, d'une rigueur mathématique enveloppé de la fascinante partition de Krzysztof Penderecki. Et puis il y a Claude Rich, acteur quelque peu sous estimé, parfait tant aux côtés de Louis de Funes et Lino Ventura que dans les contes satiriques de Jean-Pierre Mocky. Son visage fin, son allure élégante et fragile, sa diction précise et rapide m'enchantent toujours un peu plus. Ici, il est un parfait Ridder auquel il donne plus que son prénom. A un moment, lorsqu'il discute avec les scientifiques, il a un petit geste de la main pour gratter le rebord de la table. J'adore ce genre de trouvailles. Reste donc qu'Alain Resnais pratique une science fiction intimiste jusqu'à l'absence. C'est assez étonnant pour un homme si sensible à des formes de culture populaire qu'il intègre de façon plus directe, que ce soit la bande-dessinée, le mélodrame ou l'opérette. Je t'aime, je t'aime est sortit difficilement en 1968 pour cause d'évènements dont l'annulation du festival de Cannes. La même année sortaient 2001 de Stanley Kubrick et Planet of the apes(La planète des singes) de Franklin J. Schaffner qui ouvraient en grand les portes de l'imaginaire sans sacrifier à la réflexion. Resnais avait choisi le voyage intérieur. Olga Georges-Picot est superbe.

Autre temps, autre film, l'Histoire de Marie et de Julien tourné par Jacques Rivette en 2003 est passé quasi inaperçu. Film étrange, difficile à appréhender, fascinant par moments, déconcertant à d'autres. Un film sur lequel il est assez difficile d'écrire tant tout ce que l'on pourra dire de la mise en scène impeccable de Rivette n'aura que peu de poids face aux sentiments éprouvés face au film. Soit un horloger joué par Jerzy Radziwilowicz, maître chanteur à ses heures, amoureux d'une mystérieuse jeune femme jouée par Emmanuelle Béart. Rivette est habile à faire naître le fantastique. Il y a une chambre mystérieuse comme chez Lang ou Truffaut et un fantôme. Les horloges et leurs mécanismes à nu que répare Julien portent symbole et promesses. Le récit marche clairement dans les traces de M. Night Shyamalan et de Alejandro Amenabar et Rivette cite Allan Edgard Poe et Henry James. Pourtant le film tient constamment le fantastique et le mystère à distance pour se focaliser, comme souvent chez Rivette sur l'amour fou que se portent les personnages. A ce niveau, le film fonctionne, porté par les deux acteurs et la grande attention à leurs moindres gestes.

1443253394.jpg

Mais les promesses ne sont qu'à moitié tenues, comme si Rivette ne savait que faire de ses éléments fantastiques, comme s'il reculait devant eux, hésitant sur l'intérêt qu'il leur porte. Il se dérobe presque, nous laissant, moi du moins, avec une certaine frustration. Un exemple caractéristique est l'utilisation du chat Nevermore, félin compagnon de Julien. Quand on sait combien il est difficile de faire jouer un chat, on reste admiratif devant la performance obtenue par Rivette. Dans la première partie du film, Nevermore est un personnage à part entière, sorte de passeur vers un autre univers. On pense au Pyewacket de Richard Quine et au chat noir de Poe. Mais sa participation s'estompe dans la seconde partie et Nevermore se fait presque oublier. J'y vois, là encore, une difficulté pour les cinéastes français à franchir résolument le rideau des choses réelles dont parlait Abraham Merritt et à laisser vraiment les fantômes venir à leur rencontre.

Le DVDde Je t'aime, je t'aime

Photographie (c) Editions Montparnasse et Moune Jamet
Le DVDde Histoire de Marie et Julien

25/01/2007

Les statues meurent aussi

"Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture.C’est que le peuple des statues est mortel. Un jour les visages de pierre se décomposent à leur tour. Les civilisations laissent derrière elles ces traces mutilées comme les cailloux du Petit Poucet mais l’histoire a tout mangé. Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu. Et quand nous aurons disparu nos objets iront là où nous envoyons ceux des nègres, au musée."

medium_lesstatues.jpg

22/01/2007

As-tu du coeur, Alain ? Alain, as-tu du coeur ?

Première séance de rattrapage de l'année par la grâce de ma petite salle Art et Essais de la place Garibaldi. Mercury, que ton nom soit loué pour les siècles à venir. Soit donc Coeur d'Alain Resnais, un film acclamé par (presque) tout le monde, Lion d'argent à Venise, éloges mérités pour un réalisateur majeur, un grand cinéaste toujours au sommet de son Art. J'en suis presque gêné de, non pas tant de critiquer le film, que de faire part de mes réticences à partager les envolées unanimistes. Je pensais à cette critique que l'on fait de plus en plus souvent à des gens comme Woody Allen ou Pedro Almodovar (voir par exemple sur Les objets gentils) : ne plus donner que de beaux objets consensuels qui ont atteint un haut niveau de qualité mais peinent à se renouveler, à surprendre, à donner le frisson du risque. Je ne suis d'ailleurs qu'à moitié d'accord avec cette critique dans la mesure ou, chez Allen par exemple, c'est justement l'aspect familier de ses films, confortable, qui me plaît. Mais d'un autre côté, j'adore que Akira Kurosawa termine sa carrière avec un film comme Madadayo.

Mais revenons à Resnais qui semble pourtant à l'abri de ce type de reproche tant son oeuvre est multiple, tant il a su explorer de nouvelles voies, notamment par son travail avec des scénaristes aussi différents que Duras, Jaoui et Bacri, Robbe-Grillet, Semprun ou encore Gruault. Mais encore, il est passé avec bonheur par des formes cinématographiques très diverses et peu de cinéastes sont capables comme lui de jouer avec le temps. Le problème avec Coeurs, c'est peut être d'être trop proche de ses derniers films. D'être une variation non musicale de On connaît la chanson avec son groupe de personnages à la poursuite désespérée du bonheur et de l'amour. Avec cette neige omniprésente sur Paris et dans les coeurs, image trop proche des fameuses méduses ou des noirs de l'Amour à mort. Avec ces magnifiques décors luisants comme dans les comédies de Lubitsch et comme dans Pas sur la bouche ou Mélo. Avec sa troupe impeccable, Arditi et son air de cocker digne, Dussolier et ses sourires de grand gamin, Azéma, sa coiffure en pétard et ses tenues sexy, Wilson et son énergie physique. Par bonheur, Isabelle Carré et Laura Morante (Ah !) apportent un regain d'intérêt au milieu de prestations séduisantes certes mais pas emballantes car assez prévisibles. Je ne sais pas si c'est parce que je cherche un appartement en ce moment mais celui avec lequel j'ai eu le plus de mal, c'est le personnage de Dussolier, agent immobilier comme dans On connaît la chanson et trop gentil pour être vraiment crédible. Autant sa relation avec sa soeur est intéressante, autant j'aurais aimé, je ne sais pas moi, qu'il ressemble à Pacino dans Glengarry Glen Ross.

medium_Coeurs.jpg

Et puis il y a le fond. Coeurs est sombre et si le très beau plan final du personnage d'Isabelle Carré posant sa tête sur l'épaule de son frère apporte un peu de douceur, j'ai l'impression que ce film est le plus douloureux depuis l'Amour à mort. L'humour de nombreuses scènes n'atténue guère le sentiment de tristesse générale et une noirceur qui contraste pour le coup avec les touches d'espoir concluant les films précédents. Entendons nous, je ne demande pas à Resnais de marcher dans les pas de Gérard Oury, mais il y a un côté systématique dans le dépressif que j'ai trouvé un peu artificiel. Les personnages vont par paires qui n'arrivent pas à être des couples. La mise en scène multiplie donc les cloisons, les rideaux, les effets de profondeur de champ. Il y a un moment ou l'on voit plus l'effet que l'on ne ressent sa signification. Curieusement, les dispositifs encore plus artificiels de Smoking/No smoking, On connaît la Chanson ou Pas sur la bouche ne m'avaient pas gêné outre mesure. Mystère du cinéma. A y bien penser, cette image de la neige omniprésente est bien adaptée à ce que j'ai ressenti sur le moment. Magnifique et délicate construction des flocons dont il ne reste qu'une trace humide quand on les prend au creux de la main.

Photographie : © Mars Distribution