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12/01/2020

Une décennie en 10 + 10 films

Exercice délicat que celui de faire un bilan de la décennie écoulée. Mais je ne vais pas me dérober. Disons que sur un plan personnel, ce fut une période assez mouvementée et que, sur plusieurs années, cela a pas mal perturbé ma fréquentation des salles et jusqu'à celle à la maison. Et puis comment m'en sortir avec dix titres quand mon réalisateur fétiche a été si prolifique avec autant de réussites ? Je me suis donc penché d'une part sur ce que j'avais fait pour la décennie précédente et sur l'exemple de la taulière de La Nuit du chasseur de films, ce qui m'a permis de dégager le terrain et de constater non sans plaisir qu'il y avait une continuité entre mes choix d'il y a dix ans. Trêve de justifications alambiquées, place aux titres :

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Lincoln (2012) de Steven Spielberg avec Ready Player One (2018), War Horse (2011), The Post (Pentagon Papers, 2018) et Bridges of Spies (Le Pont des espions, 2015)

Soshite Chichi ni Naru (Tel père, tel fils, 2012) de Hirokazu Kore-eda avec Manbiki kazoku (Une Affaire de famille, 2018), Umi yori mo mada fukaku (Après la tempête, 2016) et La Vérité (2019)

Memory Lane (2010) de Mickaël Hers avec Amanda (2018) et Ce Sentiment de l'été (2015)

Kaze tachinu (Le Vent se lève, 2013) de Hayao Miyazaki

Kaguya-hime no monogatari (Le Conte de la princesse Kaguya, 2013) de Isao Takahata

Mud (2012) de Jeff Nichols avec Loving (2016)

Mia madre (2015) de Nanni Moretti avec Habemus Papam (2013)

Paterson (2016) de Jim Jarmush avec Only Lovers Left Alive (2013)

Timuktu (2014) d'Abderrahmane Sissako

Leto (2018) de Kirill Serebrennikov

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Et dix de plus :

La Villa (2017) de Robert Guédiguian avec Au fil d'Ariane (2014)

Detroit (2017) de Kathryn Bigelow

Tonnerre (2013) de Guillaume Brac avec Un monde sans femmes (2011) et Contes de juillet (2017)

Un homme qui crie (2010) de Mahamat-Saleh Haroun

Bright Star (2010) de Jane Campion

Dylda (Une Grande fille, 2019) de Kantemir Balagov

Burning (2018) de Lee Chang-dong avec Poetry (2010)

Bella addormentata (La Belle endormie, 2012) de Marco Bellocchio avec Il tradittore (Le Traitre, 2019)

Cold War (2018) de Pawel Pawlikowski

Mademoiselle de Joncquière (2018) d'Emmanuel Mouret avec Caprice (2015) et L'Art d'Aimer (2011)

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Photographies : Copyright 20th Century Fox, Eye For Film, et DR.

A lire également chez le Bon Dr Orlof.

15/12/2019

Le regard, la parole, Anna Karina

10/09/2019

Il était une fois...

Belle archive de la RTS (Radio télévision Suisse". Sergio Leone parle de son film C'era una volta in America (Il était une fois en Amérique, 1984) dans un français impeccable. Entretien mené par Christian Defaye pour l'émission Spécial Cinéma du 14 mai 1984.

12/08/2019

Le compagnon de la marguerite

J'ai toujours aimé le cinéma de Jean-Pierre Mocky et pourtant je ne le connais pas si bien que ça. Cela pourra sembler curieux au vu de sa filmographie, mais il est pour moi associé à l'enfance, époque où j'ai découvert Un drôle de paroissien (1963) et La Grande lessive (1968), deux de ses films avec Bourvil qui passaient souvent à la télévision (ce qui est piquant quand on connaît le thème du second). Est-ce que c'était dû à la vedette, que j'adorais, à la galerie d'acteurs qui l'entourait, Jean Poiret, Francis Blanche, Michael Lonsdale, à la collection de visages inoubliables dans lesquels je vois un esprit bande dessinée comme Roger Legris, Marcel Pérès, Rudy Lenoir, Jean-Claude Rémoleux ou Dominique Zardi, mon chauve favori ? Est-ce que c'était la musicalité de Joseph Kosma ou François De Roubaix, le rythme, les gags, le burlesque des poursuites et des travestissements ? Je ne saurais le dire mais ces films m'ont marqué et je les ai toujours revus avec joie, même si plus tard j'y ai vu d'autres choses à côté de la comédie loufoque : un portait de Paris, des réflexion parfois prophétiques (la place de la télévision dans le second), parfois iconoclastes (les idées décapantes sur le travail dans le premier), un esprit frondeur, beaucoup disent anarchiste, qui exalte l'action, individuelle ou groupée, contre les systèmes. Dans les années soixante, ces actions sont encore marquées par l'humour et la bienveillance, ce qui n'empêche pas le professeur Saint-Just (!) d'intervenir avec détermination. Plus tard, plus sombre, je découvrirais les films noirs comme Solo (1970) où Mocky, qui s'investira alors souvent dans les rôles principaux, fait preuve d'une violence désespérée. Il faudrait peut être écrire « dégoûtée » face à des combats qui ne peuvent plus être gagnés.

jean-pierre mocky

Avec Fernandel sur le tournage de La Bourse et la vie (1966)

Photographie fonds André Cros CC BY-SA 4.0

Petit à petit, j'ai découvert d'autres films avec une prédilection pour ceux des années soixante, moins convaincu par ses tentatives méritoires dans le fantastique, enthousiasmé par ce qu'il avait proposé à Catherine Deneuve dans Agent Trouble (1987), réussi à tirer de Patrick Sébastien dans Le Pactole (1985) et sa réjouissante collaboration avec Michel Serrault. Je dois avoir décroché quand ses films se sont fait à la fois plus nombreux et plus rares. Coïncidence, j'ai vu il y a une semaine, avant mon départ en montagne, un film plus récent, 13 French street (2007) avec Thierry Frémont, Tom Novembre et l’époustouflante découverte de Nancy Tate. Le film m'a séduit, huis-clos érotique rendant hommage au film noir, où l'on sent un peu le manque de moyens mais pas le manque d'ambition, le désir toujours vif de cinéma. Avant d'apprendre la disparition du cinéaste, je me disais que j'avais envie de rattraper le temps perdu avec ses films.

Franc-tireur, libertaire, grande gueule, tout aura été dit dans les portraits et les hommages qui l'auraient sans doute fait marrer. On aura évoqué sa date de naissance fluctuante, ses enfants innombrables (lire ici pour des éléments plus solides), ses colères légendaires sur les tournages comme sur les plateaux télé, ses méthodes de tournage à l'énergie et à l'économie. Oui, oui, oui, mais il ne faudrait pas le réduire à cette image projetée par l'homme. Il ne faut pas oublier le grand cinéaste qu'il a été, son invention constante malgré, parfois grâce aux circonstances, ses qualités « graphiques » de caricaturiste capable de faire vivre en un plan et une réplique un personnage mineur, sa cinéphilie amoureuse, ses jolis mensonges à l'italienne, ses audaces, ses intuitions, sa capacité unique à saisir un pays et son époque, les nôtres. Et je ne veux pas oublier qu'à côté de tant de films satiriques, désespérés, noirs comme le souvenir, il a une veine profondément humaniste, sensible aux rêveurs, aux déclassés, aux idéalistes, aux jeunes femmes volontaires et aux enfants. Grand pourfendeur de la bêtise, il n'a guère d'équivalents dans sa génération, Claude Chabrol excepté. Cinéaste indépendant dans tous les sens du terme comme Paul Vecchiali, tournant coûte que coûte, empruntant les chemins de traverse quand se dérobaient les routes principales, il a montré une voie sans chercher à assurer une descendance. Il s'en fichait bien. Il y aura toujours à apprendre de son œuvre.

Lire également l'hommage de Jean-François Rauger dans Le Monde.

11/08/2019

Master of horror

John Carpenter dirige Donald Pleasence sur le plateau d'Halloween (1978).


23/07/2019

Spielberg sur Jaws

Bel entretien, surtout si vous êtes au bord de la mer, avec Steven Spileberg en plein tournage de Jaws (Les Dents de la mer, 1975) et ça se passe début mai 1974 à Martha's Vineyard. On y voit bien que le temps n'est pas terrible et que les bateaux tanguent beaucoup. 

11/05/2019

Marilyn éternelle

Qui pourrait résister à 200 photographies de Marilyn Monroe ? Pas moi ! Outre les films, elle a été photographiée jusqu'au délire et par les plus grands noms de son époque comme Milton H. Greene, Sam Shaw ou Bert Stern avec la fameuse "Dernière séance" de 1962. Pour les heureux parisiens, ou les visiteurs non moins chanceux, la Galerie Joseph (116 rue de Turenne 75003) expose une série de ces photographies du 9 juillet au 22 septembre 2019. 200 photos originales et des documents inédits pour faire passer une fois encore la magie Marilyn.

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Marilyn Monroe en 1956

© Photographed by Milton H. Greene © 2019 Joshua Greene

27/03/2019

Stanley et Audrey

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Stanley Donen et Audrey Hepburn sur le tournage de Funny Face (Drôle de frimousse, 1957) à Montmartre devant le Sacré Cœur. © Gérard Decaux / Paramount.

25/03/2019

Spielberg à la Cinémathèque Française


18/09/2018

Souvenir de vacances

Visite des lieux où Jean Renoir tourna en 1939 les extérieurs de La Règle du jeu. Château de La Ferté Saint-Aubin et environs d'Aubigny en Sologne. Un petit côté Moulinsart (inspiré en fait par Cheverny), mais le souvenir de la folle sarabande, des bois et des étangs est très présent. Photographie CC.

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02/07/2018

Palombella Rossa

Nanni Moretti parle de Palombella rossa (1989) à André S. Labarthe dans la formidable émission Cinéma Cinémas.

19/05/2018

Sergio Corbucci, le livre !

Mon premier livre va sortir courant juin et il est consacré au cinéaste italien Sergio Corbucci. Les familiers d'Inisfree ont l'habitude de lire des choses à son sujet dans ces colonnes et c'est bien des premiers échanges avec Tepepa, Breccio et quelques autres qu'est née, petit à petit, l'idée de cet ouvrage.

Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci, aux éditions LettMotif, sera le premier livre jamais consacré au cinéaste, à l'exception du Sergio Corbucci d'Orio Caldiron, un projet de biographie interrompu par le décès du réalisateur et repris en 1993 en forme d'hommage.

2018 semble devoir être l'année Corbucci puisqu'après la projection de Le Spécialiste sur la plage de Cannes pendant le festival, un cycle imposant se tiendra à la Cinémathèque Française en juillet. Je suis donc à la fois fier, ému et anxieux à la perspective imminente de cette sortie. Les pré-commandes sont ouvertes sur le site participatif Ululle : https://fr.ulule.com/sergio-corbucci/

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Connu surtout en France pour ses westerns à l’italienne baroques, drôles et violents, Navajo Joe avec Burt Reynolds, le culte Django qui révéla Franco Nero, El Mercenario, Le Grand silence avec Jean-Louis Trintignant et un terrifiant Klaus Kinski, ou Le Spécialiste avec Johnny Hallyday, Sergio Corbucci est aussi un réalisateur dont l’ample filmographie comporte plus de soixante longs-métrages.

Du néoréalisme de l’après-guerre aux mélodrames des années cinquante, de l’âge d’or du cinéma de genre (western, gothique, peplum) aux grandes heures de la comédie (son genre de prédilection) jusqu’aux années difficiles du cinéma transalpin, soixante-dix et quatre-vingt, Sergio Corbucci traverse quatre décennies de cinéma italien, en épousant tous les mouvements, parfois précurseur, toujours animé par la passion de filmer.

Romain jusqu’au bout des ongles, personnalité attachante, “L’autre Sergio” a peu suscité l’intérêt de la critique. Cet ouvrage est le premier à parcourir l’ensemble de sa carrière, une œuvre riche et excitante à découvrir sous toutes ses facettes.

sergio corbucci

Le livre :

Format 17x24, 300 pages minimum, couleurs.

Le livre sur le site de l'éditeur : Cliquer

La page Facebook : Cliquer

L'auteur : Vincent Jourdan

Cinéphile viscéral ayant sévi sur les ondes et divers sites (Kinok, Zoom Arrière, les Fiches du Cinéma), Vincent Jourdan est l’auteur du blog Inisfree où il partage depuis 2004 ses goût éclectiques, embrassant d’un large et généreux mouvement John Ford et Sergio Corbucci, l’Afrique et l’Asie, le cinémascope et le Super 8. 

Président de l’association niçoise Regard Indépendant, Vincent anime depuis 1999 les Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice autour du cinéma qui fait un pas de côté. Voyage dans le cinéma de Sergio Corbucci est son premier ouvrage.

L'éditeur : LettMotif

Les éditions LettMotif ont été créées en 2014 au sein du studio graphique LettMotif (fondé en 1989 à Nîmes). Spécialisées dans les livres de cinéma, plusieurs collections ont vu le jour : guides du scénariste, scénarios de films, anthologies du cinéma, essais et thèses consacrées au cinéma, Darkness, censure et cinéma…

http://www.edition-lettmotif.com/

30/04/2018

Et surtout, pas de psychologie !

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Catherine Deneuve et Luis Buñuel sur le tournage de Belle de jour (1967). Photographie Manuel Litran / DR

20/02/2018

Edwige

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16/01/2018

Inspiration

La délicieuse Jean Arthur devant l'angoisse de la page blanche dans Mr. Smith goes to Washington (Monsieur Smith au sénat - 1939) classique comédie devant l'éternel signée Franck Capra. D.R.

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17/12/2017

Madame D.

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Danielle Darrieux 1917 - 2017

16/10/2017

Saignant

La nourriture est très présente au cinéma, parfois des plus dramatique, mais pas toujours appétissante d'un point de vue gastronomique. Dans la longue histoire des plats montrés à l'écran, il n'y a guère d'équivalents aux steaks que nous montre John Ford dans The man who shot Liberty Valance (L'homme qui tua Liberty Valance) en 1962. Nous sommes dans la cuisine du restaurant de Nora et Peter Ericson. C'est le coup de feu du samedi soir et toute la petite ville de Shinbone se presse pour dîner. Dans de vastes poêles de fer défilent des steaks rien moins qu'énormes. Je serais curieux d'avoir l'avis d'un boucher professionnel, mais pour celui que manie Nora avec dextérité, je dirais qu'à vue de nez nous ne sommes pas loin du kilo. C'est à dire que chez moi on mangerait à quatre avec un pareil morceau de bidoche. D'ailleurs les assiettes en porcelaine blanche tiennent plutôt du plat. Là, il s'agit de nourrir les rudes hommes de l'Ouest, de ceux qui sont sur un territoire, pas encore un état, problématique qui sera l'un des enjeux du film. Donc, ils mangent du costaud, du saignant, du bœuf sans doute élevé sur place. Des steaks épiques à la hauteur d'un monde en marche. Ce ne sont plus de simples steaks,mais toute une façon de vivre et, bon sang, que ce symbole semble savoureux. Pour peu on en sentirait le bon fumet. Et voilà que l'un de ces steaks va occuper le devant du plan, par là de la scène. C'est celui préparé pour Tom Doniphon, l'un des héros du film. Les Ericson soignent les quantités et la garniture, aidés par leur fille Hallie qui en pince pour Tom. Normal qu'elle le gâte. La tâche du service est dévolue à Ransom Stoddart, l'autre héros du film. Ransom « Ranse » possède la grâce un peu gauche de James Stewart, dégingandé dans un grand tablier blanc qui accentue le sentiment de voir un homme pas tout à fait à sa place. C'est que Ranse est avocat et que son arrivée dans l'Ouest ne s'est pas faite sous les meilleurs auspices. A quoi peut servir un avocat non violent dans l'Ouest ? Du coup Ranse ne mange pas les steaks, il les sert. Et il se presse parce que ça se mange chaud.

Entrée en salle de notre homme. Manque de chance, viennent de débarquer Liberty Valance, l'homme du titre, et ses deux acolytes. Valance, c'est le visage aux rondeurs inquiétantes de Lee Marvin. C'est le sale type de l'histoire, un tueur portant un costume tape à l’œil avec des boucles argentées et une espèce de fouet dont il a déjà fait goûter les lanières (de bœuf ?) à Ranse. Valance est au service des gros éleveurs du territoire. Des producteurs de bœuf. De ceux qui vivent des gros steaks. Ranse est courageux, il s’avance dans la salle. Valance est un salaud farceur, il fait un croc-en-jambe à Ranse qui s'étale et, avec lui, le steak. Dans le fond du restaurant, Doniphon déplie avec puissance le mètre quatre-vingt treize de John Wayne. Oui, Doniphon, c'est le Duke, et il est lui aussi un homme élevé aux steaks. D'ailleurs c'est aussi un éleveur, plus modeste donc en opposition aux gros. Donc l'ennemi de Valance. Nous frémissons. En voulant humilier Ranse, Valance a touché par ricochet Doniphon dans un fondamental, son repas. Comme Doniphon, nous avions déjà l'eau à la bouche et le parfum aux narines. C'est une frustration intolérable, un coitus interruptus inadmissible. Nous n'assisterons pas sur l'écran à ce repas de roi. Il y a pourtant pire, Valance en jetant le steak dans la poussière avec l'avocat, commet un double sacrilège. A la provocation involontaire de Doniphon se rajoute un geste offensant envers sa propre nature. Ce steak déchu, c'est ce qui le fait vivre, c'est l'emblème de ses employeurs, c'est une partie profonde de lui-même qu'il fait choir avec sa cible. C'est un peu comme s'il s'était tiré dans le pied en voulant sortir son revolver. Ce geste aussi stupide qu'inconscient signe le destin du personnage.

L'affrontement est inévitable dans la grande tradition des gunfights de l'Ouest. Nous ne doutons pas que, bien plus que l'honneur de cet avocat qu'il a déjà secouru et qui tourne un peu trop à son goût autour de sa promise, Doniphon va laver dans le sang l'affront fait au symbole culinaire de la Frontière. Pourtant, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Ranse va avoir un geste inouï. La voix tremblante de colère, ce tremblement génial de la voix de James Stewart quand il est prêt à rappeler les valeurs des pères fondateurs aux brutes qui les ignorent, Ranse ramasse sans un regard le steak poussiéreux, le remet dans son assiette et le tout sur la table. «  C'est ramassé ! », sous-entendu, « Bande de bouseux indignes de la grandeur de la nation américaine ». Ce geste est lourd de symbole, plus lourd que le kilo de bœuf. Il ramène le gros éleveur, le modeste éleveur, le sbire et tous leurs troupeaux à leur juste valeur. Pas grand chose. Nous sommes assez loin de l'épopée des vaches de Red river (La rivière rouge – 1948) de Howard Hawks. Ford a fait là un rare film politique de chambre (comme ont dit musique de). Ranse nous tient d'un geste un discours d'adulte responsable. L'avocat vient de nous faire voir d'un coup le dérisoire de nos histoire de cow-boys, leurs postures et leur violence. C'est l'un des grands thèmes du film, mais ce n'est pas ici le sujet. Plus tard, Ford nous montrera que ce dérisoire peut aussi être sacrément émouvant. Voire déchirant. C'est le fond du film mais c'est une autre histoire. En attendant Valance, qui est le véritable humilié de la scène, quitte piteusement le décor après avoir tenté une dernière pirouette (proposer d'acheter un steak frais) qui se heurte au roc Doniphon. Celui-ci a encore assez de prestance et d'intelligence pour arborer le sourire magique de Wayne et passer à autre chose Pas question qu'il mange un steak qui a perdu toute dimension mythologique. Ce steak qui nous a fait rêver sort lui aussi de scène. Mais il nous aura fait fantasmer comme aucun autre steak avant, ni après lui ne l'aura fait. Et c'est ainsi que, une nouvelle fois, John Ford est grand.

john ford

Au centre, le steak déchu dans la main de l'homme de la Loi, de part et d'autre les hommes de l'Ouest. A gauche, le petit peuple craintif, à droite, le quatrième pouvoir en embuscade.

Photographie DR.

29/09/2017

Deux hommes dans l'Ouest

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Le "Duke" et "Papy", John Wayne et John Ford sur le tournage de The horse soldiers (Les cavaliers - 1959). Photographie DR, source 50westerns from the 50s.

18/04/2017

Saludos hombre !

Les media français, sans doute très occupés par d'autres choses, ne se sont guère émus de la disparition de Tomas Milian (à la notable exception de Jean-François Rauger dans Le Monde. Étonnant quand le plus modeste acteur a droit à son paragraphe un peu partout. Et pourtant ! Caramba ! Tomas Milian, bon sang ! Inisfree ne pouvait dès lors manquer, malgré mon peu de goût pour la nécrologie, de saluer comme il convient ce comédien d'exception. Et je pèse mes mots, le dernier en particulier. Milian est exceptionnel et je ne vois guère sur la même période que Klaus Kinski pour avoir construit sans préméditation, dans la plus grande liberté, une carrière aussi riche, aussi dense, aussi folle. Et puis Milian était plus sexy, plus souriant et semble-t-il plus sympathique que le terrifiant teuton, sans être beaucoup plus contrôlable. Milian pouvait tout jouer et ce n'est pas là une tournure de style. Il pouvait être beau comme un dieu, laid comme un pou, outrageusement grimé, porter les costumes et les perruques les plus improbables, être chauve comme un œuf, personnifier le héros populaire, l'éphèbe alangui, le policier impitoyable, le truand sadique, l'intellectuel réfléchi, l'amoureux, le fou, le poète, le révolutionnaire, le paysan minable comme le chef charismatique, la légende. Milian pouvait mener l'action, la regarder passer, la subir. Il pouvait être un second rôle, un comparse, la vedette, la star, il crevait toujours l'écran. Caméléon de choc et de charme, Milian était toujours différent, le plus souvent inoubliable. Et puis il était malin. Il avait du nez. Un pied dans le cinéma d'auteur, un pied dans le cinéma populaire, il a fait très souvent de bons choix. Dans le western italien dont il est devenu une icône, il ne fait quasiment aucun faux-pas et aligne une bonne demi-douzaine d’œuvres phares du genre dans toutes ses nuances, classique, western zapata, parodie et politique. Dans le poliziottesco, il est des meilleurs films et couvre toute la gamme des personnages, du tueur le plus vil au flic le plus radical. Et quand il ne trouve plus sa place dans le cinéma italien, il repart aux États-Unis pour des seconds rôles chez rien moins que Oliver Stone, Steven Spielberg, Sydney Pollack ou Steven Soderbergh.

tomas milian

Tepepa, cigare et sombrero

Il a été Michel, Cuchillo, El Vasco, Esposito, Il gobbo, Er Monezza, Nico Giraldi, Tepepa, Providence, Sakura, et toujours Tomas Milian. Cubain né en 1933, il quitte son île pour les États-Unis à la fin des années cinquante et entrer à l'Actor's studio. Je l'aurais bien vu jouer face à Marlon Brando. Mais il est embarqué en Italie pour y jouer du Cocteau sur les planches. Dans la foulée, il débute sur l'écran entre quelques superbes spécimens de la jeune génération européenne (Laurent Terzieff, Jean-Claude Brialy, Elsa Martinelli, Mylène Demongeot, Rossana Schiaffino) sous la caméra de Mauro Bolognini avec La notte brava (Les garçons – 1959) écrit par Pier Paolo Pasolini. Milian tournera deux autres fois pour Bolognini, fait un passage éclair chez Pasolini, et fréquente le cinéma de Luchino Visconti, Alberto Lattuada, Francesco Maselli qui en fait le frère de Claudia Cardinale dans Gli indifferenti (1964) adapté d'Alberto Moravia, et Valerio Zurlini pour lequel, délicat et sobre, il escorte une troupe de prostituées destinées à l'armée dans Le soldatesse (Des filles pour l'armée) en 1965. Mais à côté de ce cinéma prestigieux, il crève l'écran dans le western en créant un type de héros inédit : le paysan mexicain. Quelques années avant Bruce Lee, Milian incarne le premier héros non occidental à séduire en masse le public occidental et à faire chavirer le cœur des masses du tiers-monde. Avec La resa dei conti (Colorado - 1966) de Sergio Sollima, il crée le personnage de Cuchillo (couteau), péon et bandido, roublard et crasseux, courageux et débrouillard, cavaleur et sensuel, en butte aux puissants qui veulent lui coller sur le dos un viol et un meurtre. Sollima et Milian approfondissent le sujet avec Faccia a faccia (Le Dernier face à face – 1967) qui raconte les trajectoires croisées d'un bandit (Milian) et d'un intellectuel (Gian Maria Volonte), l'éducation politique du second provoquant une prise de conscience du premier. Milian incarnera Cuchillo dans de nouvelles aventures, toujours sous la direction de Sollima dans l'enlevé Corri, uomo, corri (Saludos hombre) en 1970.

tomas milian

Se sei vivo, spara ay, gringo !

Entre-temps, notre homme aura traversé la perle noire du genre, Se sei vivo, spara (Tire encore si tu peux – 1967) de Giulio Questi. De nouveau bandit mexicain, Milian est exécuté avec sa bande par ses complices américains après un sanglant hold-up. Il ressort de la tombe pour être secouru par deux indiens et chercher sa vengeance dans une petite ville réceptacle de toutes les perversions du monde, à commencer par celles de l'or et du sexe. Milian y campe un anti-héros qui va se révéler plus spectateur qu'acteur de la violence qui se déchaîne dans ce petit monde surréaliste. Dans une scène, il est torturé, crucifié quasi nu, avec juste un pagne. Une image qui renvoie à une autre scène tournée deux ans plus tard par Lucio Fulci pour Beatrice Cenci (Liens d'amour et de sang - 1969) où Milian meurt sur le chevalet par fidélité pour sa maîtresse. Il est également le paysan brésilien Espedito qui devient bandit d'honneur pour venger le meurtre de sa vache par l'armée dans le superbe O'Cangaceiro (1969) de Giovanni Fago ; et le révolutionnaire Tepepa dans le film de Giulio Petroni où il est opposé à rien moins que Orson Welles. Puis il rencontre Sergio Corbucci qui le met en tandem avec Franco Nero pour l'époustouflant Vamos a matar companeros ! (1970). Milian compose pour l’occasion un avatar farfelu de Che Guévara, béret basque inclus, et énerve son partenaire en se moquant de ses yeux bleus. Suivront le Jed Trigado de La banda J. e S., cronaca criminale del Far West (Far-west story – 1972), superbe variation western sur l'histoire de Bonnie et Clyde, puis la farce de Il bianco, il giallo, il nero (Le Blanc, le jaune et le noir – 1975) où Corbucci fait ses adieux rigolards au western et donne à Milian un rôle de samouraï idiot cherchant à récupérer un poney sacré et péteur. Comme son réalisateur, Milian sent que les temps changent et il se sert de ces rôles pour créer un nouveau type, celui du romain hâbleur, baratineur, un peu truand, avec cette voix si particulière qui est, doublage oblige en Italie, celle de l’acteur Ferruccio Amendola. Cela fera sa nouvelle fortune dans des films d'un tout autre genre. Il Vasco et Jed, comme le chasseur de primes chaplinesque Providence, sont les prototypes de Er Monezza et du flic atypique Nico Giraldi.

tomas milian

Gli indifferenti, la classe Milian (Source Wikipedia)

Car entre-temps, le film policier remplace le western. Là encore, Milian a un coup d’avance. Il est le policier déterminé de Banditi a Milano (Bandits à Milan), film séminal du genre que tourne Carlo Lizzani en 1968 et retrouve Fulci pour un de ses meilleurs films, le giallo rural Non si sevizia un paperino (La longue nuit de l'exorcisme) en 1972 où il est un journaliste enquêtant sur des meurtres d'enfants dans un village reculé. Milian change de camp pour Umberto Lenzi et crée le terrifiant Giulio Sacchi dans Milano odia: la polizia non può sparare (La Rançon de la peur - 1974). Bossu, sadique, le visage torve, il assassine de sang froid et ne recule pas devant le mitraillage d'un enfant. Lenzi n'y va pas avec le dos de le cuiller et l'oppose au flic joué par le rude Henry Silva. Milian emporte le film avec d’authentiques éclairs de folie. De ce personnage, il tirera, à peine adouci, celui d'Il gobbo opposé à Maurizio Merli et sa moustache impavide dans Roma a mano armata. Grand moment quand le flic l'oblige à avaler une balle de revolver que Milian fait descendre d'un coup de rouge. Il passe ainsi par toute la gamme des figures du genre et crée Er Monezza (l'ordure) toujours pour Lenzi dans Il trucido e lo sbirro en 1976. Barbu, tignasse noire frisée, parlé populaire romanesco, Er Monezza ramène en Italie les personnages de mexicains populaires et marginaux et tire le polar violent vers la comédie à l'italienne. De la même façon, Nico Giraldi, le flic débraillé, fils d'un escroc et d'une prostituée, est joué par Milian dans un registre toujours plus comique. A partir de 1976 avec Squadra antiscippo (Flic en jeans), il initie une série de films à succès où Milian laisse libre cours à sa faconde exubérante.

tomas milian

Vamos a matar, companeros ! où la révolution n'est pas un dîner de gala.

Dans la même période, Milian poursuit ses grand écarts. Il est du redoutable péplum érotique Messalina, Messaline (Messaline impératrice et putain - 1977) que tourne Bruno Corbucci dans les décors du Caligula de Tinto Brass. Coiffé comme Er Monezza, il est un escroc romain qui se fait chevaucher par Anneka Di Lorenzo dans le rôle titre. Et à côté de ces hautes œuvres, Milian joue dans La luna (1979) de Bernardo Bertolucci et il incarne pour Michelangelo Antonioni le personnage principal de Identificazione di una donna (Identification d'une femme), le réalisateur Niccolo pris entre deux figures féminines jouées par Daniela Silverio et Christine Boisson. Il fait aussi quelques incursions dans le cinéma français, chez Claude Chabrol et surtout dans l'adaptation du roman de Jean-Patrick Manchette, Folle à tuer, réalisée en 1975 par Yves Boisset, où il est un tueur froid traquant Marlène Jobert et qui balance sans pitié Victor Lanoux du haut d'une carrière. Comme tant qu'autres, sa carrière italienne marque le pas dans les années quatre-vingt, la crise, la télévision, la dégénérescence du cinéma de genre, toutes ces sortes de choses. Milian sent la lassitude du public et il repart en Amérique pour mieux revenir dans des seconds rôles pour des films d'un autre calibre. Point d'orgue de cette nouvelle carrière, le général corrompu Salazar dans le film de Steven Soderbergh Traffic (2000). Ce panorama sans doute incomplet de son impressionnante filmographie devrait suffire à démonter combien Tomás Quintín Rodríguez Milián aura marqué son époque, libre, fou, exalté, enthousiasmant, inquiétant, hilarant, désarmant, chantant même à l’occasion. Tomas, où que tu sois, joue encore si tu peux !

16/04/2017

Bang ! Bang !

cyd charisse

Cyd Charisse toujours classe, même en action. Photographie publicitaire pour le film Meet me in Las Vegas (1956) réalisé par Roy Rowland. © MGM.