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30/01/2007

Courts métrages en Auvergne

Clermont Ferrand, son riant climat, son nouveau tramway, sa place de Jaude, la chaleur de ses habitants et son festival incomparable du court métrage. Demain matin, je prends la route pour aller y passer quelques jours. Promis, je vous raconte à mon retour.

 

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25/01/2007

Les statues meurent aussi

"Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture.C’est que le peuple des statues est mortel. Un jour les visages de pierre se décomposent à leur tour. Les civilisations laissent derrière elles ces traces mutilées comme les cailloux du Petit Poucet mais l’histoire a tout mangé. Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu. Et quand nous aurons disparu nos objets iront là où nous envoyons ceux des nègres, au musée."

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22/01/2007

As-tu du coeur, Alain ? Alain, as-tu du coeur ?

Première séance de rattrapage de l'année par la grâce de ma petite salle Art et Essais de la place Garibaldi. Mercury, que ton nom soit loué pour les siècles à venir. Soit donc Coeur d'Alain Resnais, un film acclamé par (presque) tout le monde, Lion d'argent à Venise, éloges mérités pour un réalisateur majeur, un grand cinéaste toujours au sommet de son Art. J'en suis presque gêné de, non pas tant de critiquer le film, que de faire part de mes réticences à partager les envolées unanimistes. Je pensais à cette critique que l'on fait de plus en plus souvent à des gens comme Woody Allen ou Pedro Almodovar (voir par exemple sur Les objets gentils) : ne plus donner que de beaux objets consensuels qui ont atteint un haut niveau de qualité mais peinent à se renouveler, à surprendre, à donner le frisson du risque. Je ne suis d'ailleurs qu'à moitié d'accord avec cette critique dans la mesure ou, chez Allen par exemple, c'est justement l'aspect familier de ses films, confortable, qui me plaît. Mais d'un autre côté, j'adore que Akira Kurosawa termine sa carrière avec un film comme Madadayo.

Mais revenons à Resnais qui semble pourtant à l'abri de ce type de reproche tant son oeuvre est multiple, tant il a su explorer de nouvelles voies, notamment par son travail avec des scénaristes aussi différents que Duras, Jaoui et Bacri, Robbe-Grillet, Semprun ou encore Gruault. Mais encore, il est passé avec bonheur par des formes cinématographiques très diverses et peu de cinéastes sont capables comme lui de jouer avec le temps. Le problème avec Coeurs, c'est peut être d'être trop proche de ses derniers films. D'être une variation non musicale de On connaît la chanson avec son groupe de personnages à la poursuite désespérée du bonheur et de l'amour. Avec cette neige omniprésente sur Paris et dans les coeurs, image trop proche des fameuses méduses ou des noirs de l'Amour à mort. Avec ces magnifiques décors luisants comme dans les comédies de Lubitsch et comme dans Pas sur la bouche ou Mélo. Avec sa troupe impeccable, Arditi et son air de cocker digne, Dussolier et ses sourires de grand gamin, Azéma, sa coiffure en pétard et ses tenues sexy, Wilson et son énergie physique. Par bonheur, Isabelle Carré et Laura Morante (Ah !) apportent un regain d'intérêt au milieu de prestations séduisantes certes mais pas emballantes car assez prévisibles. Je ne sais pas si c'est parce que je cherche un appartement en ce moment mais celui avec lequel j'ai eu le plus de mal, c'est le personnage de Dussolier, agent immobilier comme dans On connaît la chanson et trop gentil pour être vraiment crédible. Autant sa relation avec sa soeur est intéressante, autant j'aurais aimé, je ne sais pas moi, qu'il ressemble à Pacino dans Glengarry Glen Ross.

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Et puis il y a le fond. Coeurs est sombre et si le très beau plan final du personnage d'Isabelle Carré posant sa tête sur l'épaule de son frère apporte un peu de douceur, j'ai l'impression que ce film est le plus douloureux depuis l'Amour à mort. L'humour de nombreuses scènes n'atténue guère le sentiment de tristesse générale et une noirceur qui contraste pour le coup avec les touches d'espoir concluant les films précédents. Entendons nous, je ne demande pas à Resnais de marcher dans les pas de Gérard Oury, mais il y a un côté systématique dans le dépressif que j'ai trouvé un peu artificiel. Les personnages vont par paires qui n'arrivent pas à être des couples. La mise en scène multiplie donc les cloisons, les rideaux, les effets de profondeur de champ. Il y a un moment ou l'on voit plus l'effet que l'on ne ressent sa signification. Curieusement, les dispositifs encore plus artificiels de Smoking/No smoking, On connaît la Chanson ou Pas sur la bouche ne m'avaient pas gêné outre mesure. Mystère du cinéma. A y bien penser, cette image de la neige omniprésente est bien adaptée à ce que j'ai ressenti sur le moment. Magnifique et délicate construction des flocons dont il ne reste qu'une trace humide quand on les prend au creux de la main.

Photographie : © Mars Distribution

 

 

16/01/2007

Révélations

Répondant à la double invitation d'Imposture et de Pierrot, je me suis creusé la tête pour répondre à ce petit jeu qui circule en ce moment : révéler cinq choses personnelles et transmettre à cinq autres bloggeurs. Bien sûr, puisque l'on est sur Inisfree, je vais m'en tenir au domaine cinématographique. Mais ce n'est pas facile, je ne crois pas être quelqu'un de très secret. D'ailleurs, de tous les bloggeurs que je lis, je dois être le seul a avoir mis sa photographie ! Petit megalo, va.


Et de un : je n'ai pas fait exprès de ne mettre qu'un « n » à Inisfree. Je suis coutumier de ces erreurs grossières mais cela s'est révélé bien pratique sur les moteurs de recherche.

Et de deuze : Hier soir, j'ai laissé ma fille mâcher voracement le dernier numéro des Cahiers du Cinéma sans remords. Et je l'ai même photographiée en pleine action. Moi qui vénère le moindre bout de papier relatif au cinéma !

Trois : Depuis quelques mois, j'ai dans ma chambre une grande affiche de La grande bourgeoise de Bolognini avec Catherine Deneuve. Avant, j'avais celle de L'homme qui tua Liberty Valance, mais mon amie n'aime pas les affiches avec des armes.

Quattro : J'ai lu Première pendant plusieurs années (si ce n'est pas de la révélation, ça). Je vous rassure, j'ai honte quand j'y repense.

Cinq et der : Je tiens une liste précise de tous les films que je vois en salle. Je conserve les tickets de cinéma dans une grande bombonne en verre. J'ai plusieurs cartons pleins de coupures de presse, photographies, trucs et machins. Je suis un peu maniaque.

Passionnant n'est-il pas ? Qui s'y colle ? Pibe San, Flickhead, Tepepa, Eightdayzeweek et Chris Lynch.

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15/01/2007

Sur un plateau

La série, superbe, n'est pas passée inaperçue chez Flickhead. Dr Macro a mis en ligne trois belles photographies de Howard Hawks dirigeant Angie Dickinson sur le plateau de Rio Bravo. Elles sont assez rares, je crois, en tout cas je ne les avaient jamais vues. Certains penseront que c'est du fétichisme mais je ne résiste pas au bonheur d'illuminer mon modeste blog de sa divine silhouette.
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14/01/2007

Copinage

De façon assez flagrante, Internet a révolutionné le fanzinat. Pour ceux qui s'y sont intéressé, dans les années 70 et 80, c'était le bon temps des maquettes bricolées, des articles passionnés, des tirages microscopiques, des photocopies approximatives, des séances d'agrafage et de mise sous pli. Le bonheur. Sites et blogs ont changé tout cela mais il reste des poches de résistances. L'évènement avait été annoncé cet été, mon ami Derry Sciarra vient de sortir un numéro spécial de son fanzine, New Rockin'Nice consacré à notre ami à tous (et toutes) Giuliano Gemma. Plus de 80 pages, des vraies, pour 15 euros (port compris) qui se commandent auprès de l'auteur : derry.sciarra@wanadoo.fr. Et une information : le prochain numéro sera consacré à Michel Constantin. Que l'on se le dise.
 
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13/01/2007

Quintessence du marxisme

10/01/2007

Notes sur quelques films français en 2006

Un poil administratif ce titre, mais cette année, pas de liste. Paternité oblige, je suis allé très peu en salle et j'ai profondément modifié ma façon de voir des films en 2006. Du coup la seule liste que je pourrais éventuellement proposer, ce serait celle des mes regrets (très relatifs parce que ma fille est passionnante à tous points de vue). Après Avril, petit poème élégiaque à la beauté de Sophie Quinton dont je vous avais parlé en juin (je m'amuse d'un rien), j'ai pourtant réussi à voir quatre films correspondant à quatre styles que j'affectionne dans le cinéma français.

Ici Najac, à vous la terre de Jean-Henri Meunier est caractéristique de ces documentaires qui partent d'expériences personnelles et sont de plus en plus présents sur les écrans. Comme si ces films entendaient démontrer que la réalité dépasse bien la fiction, et qu'ils sont mieux à même de passionner les foules sur des sujets puisés au coin de la rue. Voire plus près. Ici, Jean-Henri Meunier s'est installé il y a une dizaine d'années à Najac, petit village de l'Aveyron, et tout est partit de l'envie de filmer son voisin. Un premier film sort en 2004, La vie comme elle va dont Ici Najac, à vous la terre constitue la suite. La force et l'intérêt ce ce film est qu'il n'aurait pu être qu'un pamphlet altermondialiste de plus mais que tous les clichés attendus sur ce sujet sont dynamités par la personnalité peu banale du fameux voisin, Henri Sauzeau, le poète de la mécanique. Le film est d'abord un éloge de ceux qui sont encore maîtres de leur temps, une sorte d'éloge de la paresse si l'on est sensible à la pensée de Lafargue. Et de ce temps maîtrisé, les habitants de Najac font ce qu'ils veulent sans dogmatisme et sans se transformer automatiquement en militant. Il y en a bien un ou deux qui sont dans cette démarche, mais ils semblent bien pâles face à l'obstination du poète de la mécanique qui met en avant la passion de son ex-métier, lui qui entasse machines et carcasses automobiles pour les retaper par pur plaisir de l'activité. Plus encore que le chef de gare hédoniste, il est le pivot de cette chronique construite comme une fiction autour de ses démêlés avec ceux qui ne comprennent pas cette poésie. Car au delà, il y la valeur d'une certaine forme de travail, la dignité d'un homme et l'absurdité d'un système ou le gaspillage (tous les gaspillages) est roi.

Je me suis rendu à Changement d'adresse de Emmanuel Mouret sur les conseils de Pierrot qui avait écrit dessus avec enthousiasme en août. La surprise a été totale car, n'ayant pas la télévision, j'ignorais tout de Frédérique Bel. Quel ravissement ! Comme Karin Viard, Sandrine Kimberlain ou Jeanne Balibar, elle dégage tout à la fois humour, sensualité et vivacité. On a beaucoup écrit sur les liens entre cette comédie pétillante avec certains films de la Nouvelle Vague, surtout François Truffaut période Doinel. Je lui ai surtout trouvé une très proche parenté avec les comédies de Bruno Podalydes, Versailles rive-gauche en particulier, pour son adresse à tirer partie d'espaces très réduits pour en faire le moteur de la comédie. Placer un couple en devenir dans 12 mètres carrés, c'est donner à chacun de leurs gestes, chacun de leurs déplacements, une dose de suspense sensuel chargé d'érotisme. Sur un canevas on ne peut plus éculé (un garçon rencontre une fille), Mouret montre une nouvelle fois que la réussite d'une comédie tient au rythme, à la mise en scène de l'espace et à la mystérieuse alchimie que l'on fait naître entre les comédiens.

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Partir pour mieux revenir, c'est un peu ce que j'ai pensé du Voyage en Arménie de Robert Guédiguian. Quitter l'Estaque et son petit monde confortable pour illustrer magistralement les derniers moments de François Mitterrand. Revenir l'espace d'une scène d'ouverture pour repartir sur les traces de son passé dans l'Arménie moderne. Retrouver une fois encore sa troupe pour les faire partir dans de nouvelles directions. Une grande part du plaisir que j'ai pris à ce voyage ne tient pas tant au côté « recherche de ses racines » mais à la prestation de Gérard Meylan en général arménien improbable et aux déambulations d'Ariane Ascarides. Tentation du cinéma de genre qui affleure parfois chez Guédiguian (film noir, comédie musicale, western), quand Ariane s'empare d'un revolver et tire dans le tas pour aider la jeune esthéticienne imprudente, j'ai pensé à la Gloria de Cassavetes. Guédiguian, c'est flagrant depuis La ville est tranquille, maîtrise parfaitement son art et s'en délecte. Ses films ont de la majesté et de la simplicité. De la classe.

Philippe Lioret, dans un autre registre, c'est un peu pareil. Je vais bien, ne t'en fait pas ne semble pas avoir intéressé grand monde. Tant pis pour eux. J'aime le cinéma de Lioret. J'ai toujours aimé les classiques. Mademoiselle et L'équipier étaient deux beaux classiques dans le registre de la comédie et du mélodrame. Son petit dernier est plus compliqué. Construit comme un film de Shyamalan en bien moins roublard, il a pourtant une apparence des plus réaliste. Mais il ne cesse de bifurquer, explorant quelques figures classiques du cinéma français actuel pour mieux les expédier et rebondir sur autre chose. L'héroïne a une dépression ? Ce qui ferait un film entier chez certains est réglé en vingt minutes. Le film élimine cliché après cliché, piste balisée après certitude de spectateur blasé pour nous obliger, lors de l'émouvant final à reconsidérer tout ce que l'on a vu. Plus que ce que l'on a vu (comme disons chez Shyamalan) ce que l'on a ressentit. Face à ce genre de films, j'ai toujours envie de retenir mon emballement et d'attendre une seconde vision, histoire de voir si ça tient la route. Patience, donc et, il faut le dire, Mélanie Laurent est superbe.

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Deux regrets cette année, Dumont et Brisseau. A vrai dire, je voulais les voir parce que l'on en beaucoup parlé dans les blogs de mes petits camarades. J'aurais voulu discuter sur du solide. Je ne pense pas que ce soit un acte manqué, mais ça ne s'est pas fait. Dumont, je le crains un peu et je suis un peu tordu parce que je veux voir ce qu'il fait pour m'en débarrasser, comme je me sens débarrassé de Hanneke depuis La pianiste. C'est la pire des raisons pour voir un film mais on ne se refait pas. Brisseau, c'est autre chose. J'ai suivi « l'affaire » et, au début, je pensais comme Pierrot qu'il fallait le défendre, défendre le cinéaste et sa conception du cinéma. Puis j'ai lu la position de mes amis de la Maison du Film Court et j'ai nettement nuancé mon avis. Il y a la vision de Brisseau et la vision de ces jeunes femmes et qui suis-je pour aller juger ? Je ne pense pas que l'Art justifie n'importe quel comportement. Mais que s'est-il passé vraiment ? Mystère et boule de gomme. Bon, Brisseau a fait de sa vision un film (et les jeunes femmes feront peut être un livre). J'espère le voir un jour mais j'ai pu découvrir entre temps son précédent, l'objet du délit comme on dit : Choses secrètes. J'avoue que j'ai été déçu. La mise en scène est élégante, la photographie chaude et les corps filmés avec sensualité. Mais la plupart des acteurs jouent mal. Le vilain fils à papa pervers est à la limite du ridicule. Et le pauvre cadre bafoué ! Ca démoli un peu tout. Et sur le fond, j'ai trouvé tout ça bien sage. Ce n'est pas Bunuel, ni Kubrick, ni Oshima, ni Suzuki, ni pas mal de monde. Brisseau, ici en tout cas, ne manie pas le sexe comme un étendard révolutionnaire, comme un scalpel dans la chair de la société, comme un cri. Tiède le film. Heureusement qu'il y avait les yeux de Coralie Revel.

Photographies : Allociné 

08/01/2007

Petit bonheur

Il faisait gris. Un peu froid aussi. C'etait la reprise mollassone. Un coup de blues et puis le nouveau numéro de Positif : Dossier Sam Peckinpah. J'ai passé un excellent week end.

12:00 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, Positif, cinéma |  Facebook |  Imprimer | |

07/01/2007

Chère Jeanne

Chère Jeanne Balibar,

Vous venez donc de sortir avec Slalom dame un second album et je me demandais si vous aviez l'intention de poursuivre cette carrière de véritable rock-star. Non que je critique, non, j'ai bien sûr commandé cet album mais le père Noël a eu du retard. Alors je patiente. Non que j'ai des regrets, non, je me suis passé un grand nombre de fois votre premier essai, Paramour, dont je ne me suis jamais lassé. Comment vous en vouloir alors que vous reprenez la chanson de Johnny Guitar, la berceuse inquiétante de La nuit du Chasseur. Comment vous reprocher de sampler Godard et de nous offrir un duo suave et sensuel avec Maggie Cheung. Ah, Maggie ! J'ai adoré mettre ce disque en soirée et passer les dernières heures de la journée sur les accents de votre voix délicatement grave, légèrement rauque, chaude, proche. Envoutante.

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Pourtant, si, chère Jeanne Balibar, je vous en veut quand même un peu. Je vous en veux de ne pas être assez présente sur les écrans. J'avais eu l'idée de cette missive quand je vous ai vue dans la distribution de ce gros feuilleton diffusé sur France2 (aie !). Quelque réjouissante ait pu être votre courte prestation, de vous voir réduite à un tel second rôle m'a désolé. Notre cinéma se porte-t'il si mal qu'il ne soit pas fichu de créer un minimum de personnages à la dimension de votre talent ? Que vous deviez ainsi délaisser les écrans pour les scènes de théâtre et de concert ? Chère Jeanne, vous devriez faire trois films majeurs par an. Vous devriez avoir les mêmes flamboyances que Catherine Deneuve ou Jeanne Moreau dans les années 60 et passer ainsi d'un grand film d'auteur à un grand film populaire, donnant au cinéma quelques unes de ses figures de légende. Ne pourriez vous éventuellement demander les coordonnées de Wong Kar-wai à Maggie ? Je rêve de vous voir dans un tel univers. Au lieu de cela, vous êtes si rare. Trop rare. Quelques brillantes apparitions dans des films auxquels vous donnez le meilleur chez Nicloux, Assayas ou Honoré. Je vous avoue que j'ai plus retenu vos quelques minutes dans le rôle de l'ex-femme de Thierry Lhermitte que l'ensemble d'Une affaire privée.

Pourtant, depuis que vous êtes apparue chez Despleschin au sein de l'admirable bande de Comment je me suis disputé...(ma vie sexuelle) vous avez imposé quelques grandes figures. Anna d'abord, femme fatale, absolu féminin pour le personnage d'Albert dans la plus belle comédie des années 90, Dieu seul me voit de Bruno Podalydes. Vous y étiez une légende redoutable (« Tu vois ses seins, tu es mort » disait Otto à Albert) qui prenait corps et se révélait si compréhensive à l'issue d'un repas d'anthologie dans un décor sortit de chez Hergé. Vous étiez si belle dans l'encadrement du col du pull-over. Camille ensuite, pour Rivette dans Va savoir, magnifique actrice de théâtre, amoureuse de grande classe, portrait sublimé de ce vous semblez être dans la vraie vie, va savoir... Votre élégance, votre distinction, vos gestes félins, votre voix posée, vos accès de fantaisie, vos éclairs mélancoliques au fond du regard : Camille vous met au premier plan et synthétise toutes les facettes de votre talent. D'autres figures encore. Moretti féminin, médecin vague à l'âme au guidon de sa vespa, regard buté sous le grand casque dans J'ai horreur de l'amour. Maniaque hilarante et angoissante chez Jeanne Labrune. Amoureuse encore pour Assayas en compagnie de votre (réel) compagnon, Mathieu Amalric qui vous filmera sans retenue dans un film purement contemplatif au titre pour amateurs de tennis. C'est beaucoup et c'est bien peu. Aujourd'hui, chère Jeanne, je ne saurais vous dire assez combien j'attends avec impatience cette hache à laquelle il ne faut pas toucher qui vous fait retrouver Rivette à nouveau pour une adaptation de La duchesse de Langeais de Balzac. Le film est prévu pour mars 2007. Vivement.