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31/07/2009

Questionnaire estival

La saison est propice à l'exercice, que l'on patiente au bureau dans l'attente du retour des collègues ou que l'on se prélasse à Palavas les flots, ou ailleurs, ou n'importe où. Sur la suggestion du Bon Dr Orlof, je me suis attelé avec mon maigre bagage d'anglais à la traduction de l'un de ces questionnaires concoctés par nos amis cinéphiles américains et relayé il y a peu par Flickhead. Voici donc 38 questions qui ont pour but de raviver les souvenirs, de susciter la curiosité et éventuellement de polytraumatiser les amateurs de Robert Altman.

 

1) Quel est votre second film favori de Stanley Kubrick ?

Eyes Wide Shut (1999).

2) Quelle est l'innovation la plus significative / importante / intéressante dans le cinéma de la dernière décade (pour le meilleur ou pour le pire) ?

La lumière des films de Wong Kar-wai.

3) Bronco Billy (Clint Eastwood) ou Buffalo Bill Cody (Paul Newman)?

Eastwood. Plutôt la machoire carrée que les yeux bleus, Marie-Thé me pardonne.

4) Meilleur film de 1949.

She wore a yellow ribbon (La charge héroïque) de John Ford.

5) Joseph Tura (Jack Benny) ou Oscar Jaffe (John Barrymore)?

« So they call me Concentration Camp Ehrhardt ? »  Benny presque sans hésiter.

6) Le style de mise en scène caméra au poing et cadre tremblé est-il devenu un cliché visuel ?

Certes... c'est surtout devenu un cliché critique dans la mesure ou, en cette matière comme en tant d'autres tout dépend de qui tient la caméra.

7) Quel est le premier film en langue étrangère que vous ayez vu ?

En salle, Stagecoach (La chevauchée fantastique – 1939) de John Ford, le film qui m'a incité à m'inscrire à la cinémathèque de Nice.

8) Charlie Chan (Warner Oland) ou Mr. Moto (Peter Lorre)?

Leurs films sont peu connus par ici, mais Lorre, c'est Lorre.

9) Citez votre film traitant de la seconde guerre mondiale préféré (période 1950-1970).

Kanal (1957) d'Andrzej Wajda.

10) Citez votre animal préféré dans un film.

Pyewacket, le chat de la sorcière incarnée par Kim Novak dans Bell, book and candle (L'adorable voisine – 1958) de Richard Quine. Photographie : the cat files.

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11) Qui ou quelqu'en soit le fautif, citez un moment irresponsable dans le cinéma.

Qui a eu l'idée de filer une caméra à Michael Haneke ? Pour la palme d'or on le sait.

12) Meilleur film de 1969.

The wild bunch (La horde sauvage) de Sam Peckinpah. Pas si facile, c'est une grande année.

13) Dernier film vu en salles, et en DVD ou Blu-ray.

En salle : Whatever works de Woody Allen. En DVD, au moment ou j'écris, Casanova '70 de Mario Monicelli.

14) Quel est votre second film favori de Robert Altman ?

M*A*S*H* (1970)

15) Quelle est votre source indépendante et favorite pour lire sur le cinéma, imprimé ou en ligne ?

Pour ne créer de tension parmi mes nombreux amis en ligne, je citerais la revue à laquelle je reste fidèle : Positif.

16) Qui gagne ? Angela Mao ou Meiko Kaji ?

Cheng Pei-pei.

17) Mona Lisa Vito (Marisa Tomei) ou Olive Neal (Jennifer Tilly)?

J'adore l'accent avec cheveu sur la langue de Jennifer Tilly.

18) Citez votre film favori incluant une scène ou un décor de fête foraine.

Panique (1946) de Julien Duvivier

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19) Quel est à aujourd'hui la meilleure utilisation de la video haute-definition sur grand écran ?

L'anglaise et le duc (2001) d'Eric Rohmer.

20) Citez votre film favori qui soit à la fois un film de genre et une déconstruction ou un hommage à ce même genre.

Django (1966) de Sergio Corbucci, comme plusieurs autres de ses films.

21) Meilleur film de 1979.

1941 !

22) Quelle est la plus réaliste / Sincère description de la vie d'une petite ville dans un film ?

Manon des sources version Pagnol en 1953.

23) Citez la meilleure créature dans un film d'horreur (à l'exception de monstres géants).

La chose de John Carpenter.

24) Quel est votre second film favori de Francis Ford Coppola ?

Peggy sue got married (Peggy Sue s'est mariée – 1986)

25) Citez un film qui aurait pu engendrer une franchise dont vous auriez eu envie de voir les épisodes.

Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro – 1988) de Hayao Miyazaki. Photographie source Bao-blog.

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26) Votre sequence favorite d'un film de Brian De Palma.

La scène avec la tronçonneuse dans Scarface (1983), c'est à cause d'elle que j'ai mis quelques années à me décider à aller voir le film.

27) Citez votre moment préféré en Technicolor.

L'orage dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque – 1949) de John Ford

28) Votre film signé Alan Smithee préféré.

Alan Smithee, invention bien américaine, est un pseudonyme utilisé par les réalisateurs qui ne souhaitent pas voir leur nom lié à un film qu'ils désavouent. Il s'agit donc en général de navets et il est délicat d'en citer un de favori. Le seul que j'ai pu voir est Supernova ( 2000) réalisé en fait par Walter Hill et dans lequel Coppola aurait trempé.

29) Crash Davis (Kevin Costner) ou Morris Buttermaker (Walter Matthau)?

J'aime bien les deux acteurs mais je n'ai vu aucun des deux films. Plutôt Tony D'Amato.

30) Quel film post-Crimes et délits de Woody Allen préférez vous ?

Vicky Cristina Barcelona (2008)

31) Meilleur film de 1999.

Eyes Wide Shut (1999)

32) Réplique préférée.

Hey, shérif, you forget your pants !

33) Western de série B préféré.

Apaches drums (Quand les tambours s'arrêteront - 1951) de Hugo Fregonese, ultime production Val Newton.

34) Quel est selon vous l'auteur le mieux servi par l'adaptation de son oeuvre au cinéma?

Encore sous le choc et venant de lire la longue nouvelle d'origine, je dirais Akiyuki Nosaka pour l'adaptation de Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) par Isao Takahata.

35) Susan Vance (Katharine Hepburn) ou Irene Bullock (Carole Lombard)?

Choix autrement plus difficile que pour les hommes. Plutôt Susan et son léopard. Photographie : Battleship Pretention.

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36) Quel est votre numéro musical préféré dans un film non musical ?

Purple light in the canyons

That's where I long to be

With my three good companions

Just my rifle, pony and me

37) Bruno (Le personnage si vous n'avez pas vu le film, ou le film si vous l'avez vu) : une satire subversive ou un ou un stéréotype ?

Pas vu et pas tenté.

38) Citez cinq personnes du cinéma, mortes ou vivantes, que vous auriez aimé rencontrer.

Catherine Deneuve, Jeanne Balibar, Steven Spielberg, François Truffaut et bien que ça me terrifie, John Ford.

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28/07/2009

Un double Mocky pour l'été - 2

Un drôle de paroissien

Jean-Pierre Mocky. Bourvil. Bourvil et son visage illuminé par la Grâce, en prières aux pieds de la statue de la vierge. « Sans la prière des humbles, que deviendrait le monde ? ». Bourvil qui marche comme en apesanteur revenant chez lui après avoir reçu le signe du ciel. Bourvil et ce geste de danseur pour arracher la boite aux lettres qui va lui servir à s'entraîner à piller les troncs d'église. Bourvil, fils de famille au phrasé délicat, aux gestes subtils et toujours précis. Bourvil et sa raie au milieu. Bourvil qui par moment ressemble étrangement à Claude Rich, autre évanescent fameux et futur comédien mémorable pour Mocky. Bourvil sublime naïf qui obéit scrupuleusement au commandement paternel : « Tu ne travailleras pas » et qui s'étonne que l'on s'irrite de son voeux d'oisiveté. « Est-ce que je m'irrite de les voir travailler ? ». Bourvil qui expose si simplement les principes et l'absurdité du capitalisme à son ami Raoul.

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Photographie : capture DVD Cahiers du Cinéma

Raoul, c'est Jean Poiret. Poiret au phrasé de Donald Duck. Poiret prothésiste dentaire qui se laisse entraîner par son ami par goût de l'aventure. Poiret qui s'amuse, comme en visite dans le film de Mocky, une visite qu'il renouvellera plusieurs fois. Poiret qui regarde Bourvil jouer et qui admire le jeu de Bourvil. Poiret qui s'amuse encore de faire tourner en bourrique les inspecteurs de la brigade de protection des églises, et le premier d'entre eux, l'inspecteur Crucherat. Francis Blanche. Poiret qui regarde jouer Francis Blanche et qui se régale.

Blanche. Son inspecteur cauteleux et asthmatique. Blanche et son sifflet et ses essoufflements. Blanche agenouillé en prières aux côté de Bourvil, sans le voir, dans un superbe slowburn. Blanche le transformiste qui entraîne le film dans une débauche de déguisements. Blanche qui contamine le film avec son goût du travestissement et tous de se travestir. « Au ciel, au ciel, au ciel... »

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Le DVD

26/07/2009

Un double Mocky pour l'été - 1

Snobs !

... ne pas oublier le point d'exclamation, est le troisième film de Jean-Pierre Mocky qui débuta dans le cinéma en tant qu'acteur, notamment pour Georges Franju. Ici, il rode une formule sans trouver pleinement ses marques. Il est intéressant de le découvrir dans la collection Deux films des Cahiers du Cinéma aux côtés de Un drôle de paroissien (1963) pour mesurer l'évolution rapide de Mocky cinéaste à l'époque. Foisonnant, pétillant, maladroit, empli de possibles, Snobs ! est, selon l'expression consacrée, une aimable pochade.

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Photographie : capture DVD Cahiers du Cinéma

Aimable parce qu'il contient déjà la majorité des éléments qui font le bonheur des admirateurs du cinéaste, dont je suis n'en doutez pas. Sens de la dérision, art de la caricature, talent pour le portrait croqué en deux plans ou un travelling, Mocky travaille un humour personnel qui nourrit la charge satirique d'une bonne dose d'humanité. Cela passe d'abord par son travail sur les acteurs, avec les acteurs, et s'exprime par ce goût bien connu pour les trognes étonnantes ce qui fait de lui, dans le genre, le plus proche équivalent français de Federico Fellini.

Il opère dans Snobs ! une alliance excitante entre différentes familles et générations d'acteurs, brassant les vétérans Noël Roquevert, Francis Blanche et Pierre Dac avec les atypiques Michael Lonsdale (excellent) ou Jacques Dufilho ; les jeunes pousses Gérard Hoffman et Véronique Nordey (madame Mocky) avec quelques visages profondément mockiens : l'imposant Robert Secq en patron de poids lourds amateur de jeunes danseuses, Claude Mansard dans son bain, et l'inimitable Roger Legris qui gobe quantité d'oeufs.

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Le DVD

24/07/2009

Poupée

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Debbie Edwards (Lana Wood) dans The searchers (La prisonnière du désert - 1956) de John Ford et Setsuko dans Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) de Isao Takahata. Merci à Rom qui m'a inspiré ce rapprochement.

23/07/2009

Indicateur

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Boite à bonbons ou pot de fleur, il faut savoir regarder les indicateurs.
Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) de Isao Takahata et E.T. (1982) de Steven Spielberg. Captures DVD Kaze et Universal

22/07/2009

Tant que ça fonctionne

Le nouveau film de Woody Allen, Whatever works, pour moi, ça sera plutôt pour. Restons dans l'esprit du titre (Quoi que ce soit tant que ça fonctionne), et disons que ça fonctionne avec moi et que c'est bien comme ça. Pour aller plutôt dans le sens du bon Docteur Orlof, j'ai été sensible à l'énergie juvénile du récit, aux dialogues bien balancés (Ma réplique favorite : « Alors votre mère, c'était aussi un homme ? » à l'absurde façon Billy Wilder), aux piquantes Evan Rachel Wood et Patricia Clarkson, à la mise en scène discrète mais toujours précise qui fait progresser le film à grandes enjambées d'ellipses, au côté faussement théâtral du dispositif allié aux interventions face caméra qui utilisent habilement le plan de l'écran et la complicité du spectateur. L'humour allenien a de nouveau un parfum des années 70, date à laquelle a été écrit le projet, bref Whatever works a tout du petit film pétant de santé, juste ce qu'il me fallait pour me remettre de l'expérience Takahata.

Pour aller, néanmoins un peu, dans le sens de Ed de Nightswiming, le film a tout du film de transition, une détente peut être après le périple européen et l'oeuvre majeure qu'était Vicky, Cristina, Barcelona. Ce retour à New-York, c'est un peu retrouver ses marques comme on retrouve, non sans déplaisir, ses pantoufles. Allen n'est guère original et souvent prévisible. On retrouve assez souvent des motifs vus par ailleurs (le poids du destin et du hasard, les allusions à la Shoah, le héros hypocondriaque...). Ce qui fait du film moins une oeuvre somme englobant et dépassant toutes les autres qu'une nouvelle variation sur les mêmes thèmes.

Je n'irais pas jusqu'à taxer le film d'un relatif cynisme et après la réplique grandiose du dernier Tarantino, « Je crois que je viens de réaliser mon chef d'oeuvre », j'ai apprécié avec gourmandise l'ultime confidence de Boris Yellnikoff : « Je suis le seul à avoir une vision globale ».

Depuis la fin des années 70, il y a toujours eu avec les films de Woody Allen ce sentiment contradictoire entre plaisir de retrouver régulièrement un univers familier et agacement à retrouver un peu toujours la même chose. C'en est même devenu une tarte à la crème critique. Après 40 ans de compagnonnage, il faut peut être en prendre son partit, accepter les hauts avec les bas. Après tout, tant que ça fonctionne...

13:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : woody allen |  Facebook |  Imprimer | |

17/07/2009

L'homme aux mille visages

Les quatre premiers plans du film disent assez ce qu'est Man of a thousand faces (L'homme aux mille visages) réalisé en 1957 par Joseph Pevney. Le premier est un logo façon médaille commémorative qui inclus le film dans la célébration des 50 ans de Hollywood. C'est du noir et blanc. Hollywood va se pencher sur son prestigieux passé, salutaire exercice pour un système qui sent alors le sol se dérober sous ses pieds. Le second, c'est le fameux logo de la Universal avec son globe terrestre. Nous verrons donc un film Universal qui se penche sur l'histoire de Universal et des films Universal. Le troisième est le logo du procédé Cinémascope. L'écran large est à cette période l'arme de choc de Hollywood contre la télévision. Cinémascope est devenu synonyme de vastes westerns, d'aventures épiques, de films plus grands que nature. C'est une façon de dire que l'on fait passer l'histoire du studio dans la dimension de la légende. Le quatrième nous montre l'entrée d'un studio (devinez) et un drapeau américain qui descend pour se mettre en berne. Un texte nous apprend que l'on va rendre hommage à un acteur. Avec le drapeau, Universal et le cinéma se fondent avec la patrie. Deux plans plus loin, une plaque, commémorative elle aussi, nous donnera son nom : Lon Chaney. Man of a Thousand Faces est donc la légende à grand spectacle de Lon Chaney aux studios Universal.

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Lon Chaney (1883 – 1930) est un acteur essentiel de la période muette de l'histoire de Hollywood. Comme Charlie Chaplin, il vient de la scène, de la pantomime, du clown. Il fait partie de ceux qui apportent quelque chose au jeu de purement cinématographique, une présence magnétique, électrisant les foules et traversant le temps. Il a un sens du visuel qui lui permettra de donner corps aux visions de metteurs en scène inspirés, au premier rang desquels il faut citer Tod Browning, Victor Sjöstrom, Rupert Julian ou Franck Lloyd. Le créneau de Chaney, c'est le fantastique, l'étrange, le différent, le bizarre. Son visage est dur et anguleux, il n'a pas un physique de séducteur. Alors il va faire peur, inquiéter, déranger. Son corps a la souplesse des grands burlesques et Chaney a développé un art très sûr du maquillage. Il laissera une empreinte indélébile sur des personnages comme Quasimodo, Le fantôme de l'opéra, le clown « he who get slapped », l'artiste qui s'ampute des deux bras par amour, l'assassin de Londres après minuit, le génie criminel du club des trois. Une galerie délirante et poétique, terrifiante et émouvante de gueules cassées, d'estropiés, de criminels hallucinés, d'amoureux diaboliques marqués par le destin. Lon Chaney est la première grande star de la peur à l'écran.

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Photographie : Lon Chaney (l'original) dans son rôle fétiche du fantôme de l'opéra. Source : Wikimedia

Le DVD

16/07/2009

Pur moment de perfection

14/07/2009

Le tombeau des lucioles

Alors que mes camardes blogueurs discourent sur le dernier Woody Allen ou le dernier Podalydès en se réconciliant avec la comédie française, je demeure depuis quelques jours avec une boule au fond de la gorge et pleure tel la fausse-tortue de Lewis Carroll. Je pense à la réplique du personnage joué par Charles Denner dans L'homme qui aimait les femmes (1977) de François Truffaut, quand il demande à la petite fille en larmes dans l'escalier : « Mais est-ce qu'au fond, tout au fond, tu ne ressens pas un tout petit plaisir ? ». Et j'en conclu que si, certainement.

Tout cela parce que j'ai voulu vérifier si je pouvais montrer Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) du maître Isao Takahata à ma fille. J'avais entendu dire que le film était un peu dur, un peu triste. J'aurais dû me méfier. J'aurais dû lire Didier Péron : « Le Tombeau des lucioles n'est pas seulement l'un des meilleurs dessins animés sortis des studios japonais Ghibli mais aussi l'un des plus redoutables lacrymogènes jamais mis en circulation. ». Vous m'objecterez que cela ne m'aurait pas empêché d'aller y voir, et vous aurez raison. Hotaru no Haka est un film bouleversant et qui redonne sa pleine signification au mot. C'est l'un de ces films avec lesquels il y a un « avant »  et un « après ». Un de ces films qui sont capables de vous faire ressentir en profondeur les sentiments qu'ils illustrent.

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Isao Takahata, alors associé avec Hayao Miyazaki dans la création des studios Ghibli, se lance à la fin des années 80 dans l'adaptation en animation d'une nouvelle Akiyuki Nosaka écrite en 1967. Le texte à une forte teneur autobiographique. Comme son héros, Nosaka alors jeune adolescent, a vécu les ravages de la fin de la guerre au Japon en 1945 et vu sa jeune sœur mourir de malnutrition. La nouvelle est imprégnée de son sentiment de culpabilité et participe de son travail de deuil. Hotaru no Haka fait vivre à l'écran Seita et sa petite sœur Setsuko, quatre ans, qui tentent de survivre dans un pays en plein effondrement, continuellement bombardé par les forteresses volantes américaines, dont les structures, certitudes et liens sociaux s'écroulent. Leur mère est tuée dès le début dans un bombardement et leur père, officier, est en mer. On comprend vite qu'il ne reviendra pas. Après un épisode douloureux chez une tante à l'égoïsme prononcé, les deux enfants s'installent dans un abri abandonné et tentent de se créer un petit monde à eux, refuge illusoire.

Le film ne joue pas le suspense. Il s'ouvre par la mort de Seita commentée par son fantôme qui a la réplique glaçante : « Je suis mort la nuit du 21 septembre 1945 ». C'est lui qui raconte l'histoire après avoir retrouvé le fantôme de sa sœur. Cette donnée de base est déterminante pour produire le profond sentiment de mélancolie, l'essence tragique qui baigne le film. Il est clair que l'émotion dégagée par Hotaru no Haka ne tient pas à son seul sujet. Des histoires d'enfance broyées par la violence de la guerre ou la folie des hommes, il y en a eu quelques unes. L'émotion tient à l'adéquation rare entre le fond et la forme, la seconde sublimant le premier. Le film est d'une beauté douloureuse en même temps que ses images sont belles et justes. Hotaru no Haka se situe au niveau du Kid (1921) de Charlie Chaplin, de Germania anno zero (Allemagne année zéro - 1948) de Roberto Rossellini, de Father and daughter (2000) de Michaël Dudok de Wit ou de Idi e smotri (Requiem pour un massacre – 1985) de Elem Klimov. Et nos larmes, il faut y revenir, proviennent tout à la fois de l'empathie avec le sort des personnages, du sentiment aigu de perte que le film fait naître en nous et de l'esthétique qui provoque ce sentiment.

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L'art de Takahata se nourrit de la grande tradition du cinéma japonais : l'intensité et le sens du mouvement de Akira Kurosawa, l'expression sensible de Kenji Mizoguchi, la rigueur des cadres et le sens du détail de Yasujirō Ozu. Mais on retrouve également dans le traitement de la violence ou dans l'invention formelle quelque chose de proche de cinéastes plus récents comme Immamura (la séquence après le bombardement) ou Oshima (les plans très larges sur le stade ou au bord de mer). Indéniablement, il y a chez Takahata une faculté à filmer l'enfance et les enfants exceptionnelle. Il faut voir la délicatesse et la précision des mouvements et des expressions de Setsuko qui s'accroupi quand elle comprend qu'elle ne pourra pas voir sa mère (et sans doute quand elle commence à comprendre qu'elle est morte). Et dans la même scène, la réaction de Seita, à la fois si dérisoire, si touchante et si juste, qui essaye de la consoler en faisant des tours sur une barre suspendue en criant « Regarde le balèze ! ». L'utilisation de multiples détails presque insignifiants se mêle à des scènes de grande ampleur (les bombardements) et décuple la force des moments les plus tragiques. Takahata enchaîne des passages qui pourraient être pleins de drôlerie et de légèreté s'ils n'étaient pas comme surplombés par l'ombre de la mort. Ainsi lors de la scène du bord de mer où le frère poursuit la sœur, jeu plein de mouvement et de rires, interrompu un peu plus loin quand Setsuko, suivant un crabe, découvre un cadavre enveloppé d'une natte derrière une barque. Le poids du destin donne par contrecoup une valeur inestimable à ces multiples instants de bonheur issus du monde de l'enfance et de l'entrée en adolescence. Cette construction très rigoureuse passe par l'alternance de séquences à l'animation virtuose avec des séquences très dépouillées travaillées dans le détail des gestes et des expressions et plusieurs plans immobiles, de simples dessins particulièrement émouvants qui « figent » l'histoire, comme cette image sombre de la dernière nuit de Seita et Setsuko, le garçon serrant sa sœur morte contre lui.

L'un des sommets du film, presque insoutenable par la douceur de ses motifs, est construit autour de la chanson Home, sweet home interprétée par Amelita Galli-Curci, un vieil enregistrement craquant joué sur un ancien gramophone. De joyeuses jeunes femmes retrouvent leur maison au bord du lac, à la fois symboles de la paix retrouvée et de ce que Setsuko ne deviendra jamais. A mesure que la chanson s'élève, la caméra traverse le lac et vient revisiter l'abri des deux enfants. L'image de la petite fille, ses jeux, ses rires, ses petites occupations, surgissent par fragments, apparaissant et disparaissant en fondus. Ce n'est pas encore son fantôme, c'est déjà son souvenir. Là encore, l'intensité de ce qui est exprimé se nourrit de la simplicité ce que qui est montré. Cette scène est l'une des plus belles représentations du sentiment de perte au cinéma qu'il m'ait été donné de voir.

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Seita est un personnage tout à fait passionnant qui permet à Takahata de garder son film de tout sentimentalisme ainsi que de l'ambiguïté propre au contexte. Seita est un jeune adolescent qui se comporte comme tel. C'est aussi un jeune japonais de 1945 qui porte en lui les marques de l'éducation de son époque. Alors que Setsuko est un bloc d'innocence, Seita est un mélange très humain d'insouciance, d'orgueil, de fierté nationaliste, de dévouement, de courage et d'amour, légèreté et responsabilité mêlées. L'intelligence de Takahata est de révéler ces différentes facettes par petites touches, parfois dans le même moment. Ainsi, chez la fameuse tante, il est le frère attentionné mais aussi le garçon qui passe ses journées comme en vacances, se laisse vivre en lisant des bandes-dessinées exaltant le soldat nippon. Après tout, c'est de son âge, mais dans le contexte et confronté à un monde adulte qui s'écroule et se replie sur sa survie, c'est ce qui noue le drame. Seita est finalement incapable, malgré ses efforts, de sauver sa sœur. Il prend des décisions au mauvais moment, avec courage mais trop tard. Il n'est pas de taille face à la violence du monde. Cette violence aussi, Takahata l'aborde de front, sans complaisance et par petites touches. C'est un groupe de galopins qui nous révèle par la bande l'état dramatique des conditions de vie des deux enfants. Un plan de cadavres carbonisés, quelques réflexions d'adultes, l'incompréhension de Seita quand on lui apprend que le pays a capitulé. Cela suffit a restituer le contexte. La première scène, avec l'indifférence des passants devant les corps mourants de jeunes garçons dans la gare, suffit à donner l'ampleur de la débâcle morale du pays. S'y ajoute une once de cynisme avec la réplique de celui qui se désole du sordide spectacle « alors que les américains seront bientôt là ». On retrouve cette débâcle dans la faillite des adultes, de la tante au médecin en passant par le paysan. Mais Takahata sait nuancer le sombre tableau de quelques touches d'humanité, la main anonyme qui laisse quelque nourriture près de Seita mourant ou l'attitude du policier.

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Il est piquant de noter que Hotaru no Haka a été réalisé dans les studios Ghili en parallèle avec Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro – 1988) de Hayao Miyazaki. J'ignore de quelle façon les liens entre les deux hommes et les équipes respectives ont pu jouer sur le résultat final des deux films. Ils sont, au premier abord, complètement opposés, celui de Miyazaki est un poème élégiaque d'où la figure du mal est absente alors que celui de Takahata est un véritable requiem. Ils ont pourtant plus d'un point commun, à commencer par leur très haute exigence artistique. On retrouve chez les deux réalisateurs (Notons au passage que Takahata ne dessine pas contrairement à Miyazaki) le talent pour créer des univers d'enfance. Setsuko est proche de Mei (dans la forme et dans l'esprit) et les attitudes de Satsuki, guère plus jeune que Seita, sont proches : protection de la cadette, substitut des parents plus ou moins présents, courage, réactions encore mal maîtrisées. Proches aussi les nombreux jeux des couples d'enfants, l'importance de la nourriture et le motif du bain. Important également la relation presque fusionnelle avec la nature. C'est l'un des points qui me séduisent le plus dans les films des deux maîtres. Leur faculté à donner vie à un Japon qui n'existe peut être plus, un pays rural équilibré à la nature luxuriante, foisonnante d'insectes, de fleurs et d'animaux, avec ses champs à taille humaine, bien ordonnés, capable de donner les plus beaux spectacles, l'imposant camphrier ou les vols de lucioles dans le ciel d'été. Un pays de paix.

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Hotaru no Haka a suscité pas mal de textes inspirés. On y sent que le critique de cinéma se trouve devant une œuvre pas banale et il tente de se montrer à la hauteur. Ceci tend à prouver que l'on a besoin de celles-ci pour écrire ceux-là. Ernest Rister a ainsi comparé le film à Schindler's List (La liste de Schindler – 1993) de Steven Spielberg. Je suppose qu'il rapproche l'intensité dramatique des deux films. Mais à travers le personnage de Seita, je ferais volontiers le lien avec le Jaimie d'Empire of the sun (Empire du soleil – 1987), autre remarquable description d'une enfance prise dans la guerre, lui aussi inspiré d'un récit autobiographie, celui de J.G. Ballard. On y trouve la même franchise dans la description des sentiments contradictoires qui animent leurs jeunes héros, fascination des choses militaires, initiation brutale au monde adulte, ouverture paradoxale d'un espace de liberté. Mais pour Seita, le chaos environnant est trop redoutable, les égoïsmes de la débâcle trop puissants. Avec sa sœur, il est la génération sacrifiée à un rêve cruel et dominateur. On pourra trouver une éventuelle consolation dans la présence de leurs esprits contemplant, unis et apaisés, la grande cité moderne illuminée. Kobé reconstruite et florissante. La persistance d'un rêve tel une boîte de bonbons à nouveau pleine et le vol nocturne des lucioles toujours recommencé.

Photographies : captures DVD Kaze (en cours)

Dossier très complet sur Buta connection

Dossier Teledoc avec étude de la première scène

Sur Asie Passion

Un article de Gilles Ciment

Sur Anime click (en italien)

Un article de Roger Ebert (en anglais)

Un article de Daniel Etherington (en anglais)

11/07/2009

Absence

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Hotaru no haka (Le tombeau des lucioles - 1988) de Isao Takahata (capture DVD Kaze)