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22/10/2014
Pianissimo
Richard Hageman dans Three godfathers (Le fils du désert - 1948) de John Ford (DR)
11:24 Publié dans Musique, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : richard hageman | Facebook | Imprimer | |
21/10/2014
1984/2014
Petit hommage à un de mes réalisateurs de chevet qui avait de saines lectures. DR.
22:26 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françois truffaut | Facebook | Imprimer | |
20/10/2014
Une lettre
"Dorénavant, tu devras chausser mes éperons et ce ne sera pas toujours drôle. Essaye pourtant de retrouver un peu de ces rêves qui nous habitaient, nous autres, de l'ancienne génération. Même si tu t'en moques avec ta fantaisie habituelle, nous t'en serons reconnaissants. Au fond, on était des sentimentaux.
En ce temps, l'Ouest était désert, immense, sans frontières. On croyait tout résoudre, face à face, d'un coup de révolver, on n'y rencontrait jamais deux fois la même personne. Et puis, tu es arrivé. Il est devenu petit, grouillant, encombré de gens qui ne peuvent plus s'éviter.
Mais si tu peux encore te promener en attrapant des mouches, c'est parce qu'il y a eu des hommes comme moi, des hommes qui finissent dans les livres dhistoire, pour inspirer ceux qui ont « besoin de croire en quelque chose », comme tu dis. Dépêche-toi de t'amuser, parce que ça ne durera plus bien longtemps. Le pays sest développé et il a changé. Je ne le reconnais plus. Je m'y sens déjà étranger. Le pire, cest que même la violence a changé. Elle s'est organisée. Un coup de révolver ne suffit plus, mais tu le sais déjà, car cest ton siècle, ce nest plus le mien.
À propos, jai trouvé la morale de la fable que ton grand-père racontait, celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué. C'est la morale des temps nouveaux. Ceux qui te mettent dans la merde ne le font pas toujours pour ton malheur, et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur. Mais surtout ceci : quand tu es dans la merde, tais-toi."
Capture DVD Studio Canal
10:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tonino valérii | Facebook | Imprimer | |
17/10/2014
Marie Dubois
Marie Dubois, je l'aimais bien la clope au bec dans Les grandes gueules de Robert Enrico, dans les draps froissés de Tirez sur le pianiste de François Truffaut, avec ce manteau blanc très années 70 dans Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet où encore toute simple en « petite fille du guignol » chez Gérard Oury. Elle portait aussi très bien le costume d'époque chez René Clair ou Louis Malle mais comme Claude Jade ou Brigitte Fossey, Nathalie Baye à ses débuts, elle incarnait pour moi l'image de la jeune femme simple, franche, avec son visage rond et clair, à la sensualité discrète mais tenace, sage et affirmée, camarade et amante. Les pieds sur terre, rieuse souvent elle pouvait laisser passer dans son délicieux regard une vague de mélancolie qu'elle savait chasser d'un léger mouvement de tête et de ces sourires que j'aime voir illuminer l'écran. Chez Truffaut, chez Oury, chez Lautner, chez Sautet, elle était d'humeur égale et d'égal talent.
11:45 Publié dans Actrices | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie dubois | Facebook | Imprimer | |
16/10/2014
La flame pourpre
The purple plain (La flamme pourpre - 1954) un film de Robert Parrish
Texte pour Les Fiches du Cinéma
C'est un film de fantômes en temps de guerre. Les fantômes qui hantent Bill Forrester, celui venu du passé, celui de sa jeune épouse tuée durant un bombardement pendant le Blitz à Londres, celui de l'homme qu'il était avant le drame, et le fantôme bienveillant venu le ramener à la vie et qui s'incarne dans la splendide Anna. Elle lui apparaît soudain au cœur d'une lumière verte, couleur d'espoir, telle ces charmants esprits sensuels des contes asiatiques. C'est que ce dernier fantôme, Forrester le rencontre dans un coin perdu de Birmanie où il combat les japonais comme pilote. Bill Forrester est un homme brisé, possédé, en proie à d'affreux cauchemars et qui trimbale au sein de son unité une sale réputation de porte-malheur. The purple plain sera le récit de sa reconstruction par l'amour.
C'est Robert Parrish qui signe le film en 1954. Parrish est un metteur en scène peu connu mais remarquable, qui a suscité l’enthousiasme de ceux qui ont croisé son œuvre. Il a été à la meilleure école qui soit, celle de John Ford dont il fut l'acteur puis, comme ce n'était pas sa voie, le monteur son, puis image sur les documentaires réalisés en temps de guerre. Sa carrière, sans être spectaculaire, comprend des titres magnifiques comme Saddle the wind (Libre comme le ven} – 1958) ou Wonderful country (L'aventurier du Rio Grande - 1959). Dans ses meilleurs films, refusant tout tapage, Parrish a le lyrisme tranquille, une mise en scène délicate et attentive à l’humain, ciselée au langage riche. Parrish tient l’équilibre difficile entre maîtrise, expressivité et le respect de la fluidité du récit, le plaisir de l'histoire. The purple plain est l'une de ses grandes réussites.
La scène qui ouvre le film est superbe. Un homme, Forrester, est éveillé en sursaut par un bombardement. Parrish est en gros plan sur le visage, nous faisant entrer d'emblée dans l’intériorité du personnage, saisi dans cette panique qui l'envahi. Bill est incarné par Gregory Peck, acteur légendaire qui prête au personnage ses traits un peu figés, un rien crispés, qui laissent deviner ses démons intérieurs comme dans ses compositions pour Alfred Hitchcock ou Henry King. Le bombardement est traité par le son seul, l'homme par l'image et cette caméra qui le colle, qui le suit quand il se rue à l'extérieur de sa tente vers son avion. Et Parrish d'élargir le cadre en suscitant le doute. Ce n'était pas un simple effet de style. Il n'y a pas de bombardement. Bill est en proie à son cauchemar familier dont l'intervention brutale d'un technicien au sol le sort d'une bonne paire de gifles. C'est l'une des plus magistrale séquence de cauchemar qu'il m’ait été donné de voir.
Fort de cette première scène puissante, Robert Parrish peut dérouler le scénario signé Eric Ambler, romancier et scénariste pour Carol Reed ou David Lean. Les pulsions suicidaires de Forrester, son amitié avec le docteur Harris (joué en finesse par Bernard Lee, le « M » original des James Bond), et sa rencontre dans une mission avec la belle Anna. Cette scène a quelque chose de la beauté onirique du Laura d'Otto Preminger. Forrester s'est assoupi dans la moiteur birmane. C'est à travers le vert d'une carafe de jus de fruit qu'il entrevoit Anna, en robe verte, nimbée d'une lumière irisée. C'est une véritable apparition, un miracle, bientôt une révélation. C'est un coup de foudre tout en retenue que le réalisateur traite avec une infinie pudeur. Le film de guerre s'efface et laisse place au mélodrame avec la promenade des amants dans un décor paradisiaque (tournage au Sri Lanka), nature luxuriante, verte jusqu'à l’exubérance, avec cette sensation d'une civilisation très ancienne et à la spiritualité très présente. Parrish donne à voir avec ce couple mixte, audacieux pour l'époque, un choc des cultures. Une scène belle et étrange donne le ton. Forrester et Harris observent une petite fille jouant avec un lézard et qui, tout à coup, le tue. C'est un moment brutal, dérangeant, mais aussi comme l’explique Harris, l'expression d'un autre rapport au monde. Il y a là une sorte de poésie bunuelienne. Le chemin intérieur de Forrester passera par un chemin vers l'autre. En guise de talisman, Anna lui remet un rubis, de ces fameux rubis birmans pas très authentiques et destinés au touriste occidental avide, qui se transforme ici en gage d'amour, rouge-passion.
Cet amour va redonner à Forrester le goût de vivre et le réalisateur revient alors au film de guerre pour donner à son héros le prétexte de faire ses preuves. Abattu avec deux collègues lors d'une mission de routine, Forrester doit traverser la jungle derrière les lignes japonaises pour revenir vers son amour et prouver par la même occasion la solidité de son instinct de vie retrouvé. Le film met en parallèle les trajectoires de Forrester et de Blore, son trop terre à terre compagnon de tente, qui dans l'épreuve perdra tous ses moyens et la gestion précautionneuse de son existence jusqu'à commettre l'irréparable. The purple plain fonctionne ainsi par effets de miroirs, ceux que l'on traverse et ceux qui se contentent de refléter.
Robert Parrish a réalisé là le plus atypique des films de guerre, d'une beauté visuelle élégiaque portée par la photographie en technicolor du grand Geoffrey Unsworth qui fit ses classes d'opérateur avec Michael Powell et Emeric Pressburger. Le montage tiré au cordeau est signé du futur réalisateur Clive Donner. L'interprétation est sans faute, en particulier Brenda de Banzie très émouvante en chef de la mission, dominant une très belle scène de repas où elle évoque ainsi les épreuves traversées : « Trois cent d'entre nous sont mortes dans la jungle. C'est l'âge que j'ai ». Le plus impressionnant est la composition de Win Min Than en Anna, actrice débutante et authentique birmane à une époque où Gene Tierney, Shirley McLaine ou Angie Dickinson jouent les chinoises. La finesse et la retenue de son jeu la rendent intemporelle, il suffit de voir la dernière scène et de soupirer d'aise. Win Min Than est d'une grande beauté et son époux, un bête politicien, ne supporta pas son succès et les proposition hollywoodiennes. The purple plain fut son unique film et elle devint par la suite nonne bouddhiste. C'est bien dommage pour le cinéma.
10:09 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | Imprimer | |
14/10/2014
Pianissimo
Bernard Herrmann (DR)
11:21 Publié dans Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bernard herrmann | Facebook | Imprimer | |
08/10/2014
Vivent les Prévert
Mon frère Jacques (1961) un film de Pierre Prévert
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Des étoiles et des enfants
Le soleil et des tournesols
Des films et des livres
Un canal, des oiseaux
Des amoureux et le Diable
Des ouvriers, des petits métiers
Une cigarette et des chats
Un œuf dur et un raton laveur
Et puis Paris
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai aimé les mots de Jacques Prévert. C'est le premier poète que j'ai lu de moi-même sans que l'école ne me l'impose. Il est aussi l'artisan essentiel de ces superbes films du réalisme poétique que j'ai vus et aimé très tôt, de Le crime de monsieur Lange (1936) de Jean Renoir à Les enfants du Paradis (1945) de Marcel Carné en passant par Drôle de drame (1937) toujours de Carné, Remorques (1940) de Jean Grémillon, sans oublier le délicieux Les disparus de St Agil (1938) de Christian-Jaque et Le roi et l'oiseau (1980) de Paul Grimault. A jeu égal avec les réalisateurs, il apporte son univers, sa langue à la fois simple et raffinée, ce mélange d'humour et de tendresse qui baigne toutes ses créations, ses amoureux seuls au monde et ses salauds flamboyants. Il y a bien sûr la collection de répliques immortelles, les « Bizarre, bizarre » et les « T'as beaux yeux, tu sais », mais aussi les morceaux de bravoures dialogués comme la confrontation entre Carette et Saturnin Fabre dans Les portes de la nuit} (1946) de Carné encore, la crise de Gabin devant Morgan dans Remorques ou l'ivresse de Michel Simon dans Les disparus de St Agil. Autant de moments où se régalent des comédiens qui se surpassent, des ténors, Morgan, Barrault, Arletty, Simon, Jouvet, etc. comme les sublimes seconds rôles, Carette, Le Vigan, Fabre, Delmont, Aimos, et j'en passe. Un peu plus tard, j'ai découvert l'homme de conviction, d'indignations implacables, de calmes colères qui visent juste et frappent fort. L'homme de La crosse en l'air et de Citroën aux éclats de mots acérés. Le poète proche des surréalistes et le compagnon de route du groupe Octobre qui reste pourtant libre, libertaire, disponible toujours, jamais au garde-à-vous. Il est le chat qui va devant, une lanterne à la main et qui éclaire le chemin.
C'est une séance estivale de Adieu Léonard (1943) qui m'avait fait découvrir Pierre, le frère cadet. Tourné en pleine occupation, le film m'avait séduit par sa fantaisie de ton et sa légèreté de rythme. Charles Trénet était un héritier à la Mister Deeds qui transformait sa demeure en cour des miracles et qu'un vendeur de farces et attrapes joué par Carette était forcé d'assassiner par un cousin indélicat. Les deux hommes finissaient par filer dans la roulotte de bohémiens (dont la débutante Simone Signoret). Pierre Prévert a une carrière libre et iconoclaste, travaillant beaucoup avec son frère sur des films comme le délicieux L'affaire est dans le sac (1932) avec son fameux béret français, Paris mange son pain (1958) ou Voyage surprise (1946) où ils partagent le même univers loufoque, populaire et poétique.
Sur le tournage de L'affaire est dans le sac
En 1961, Pierre réalise pour la Cinémathèque Royale de Belgique et la télévision belge un documentaire consistant sur son frère Jacques. Celui-ci est désormais dans la légende et le cinéma est derrière lui. Il se consacre plutôt à ses poèmes, à ses dessins et à ses excellents collages. Pierre filme Jacques chez lui, cité Véron à Paris, invitant tour à tour les amis, tous ceux qui ont travaillé avec eux. Mon frère Jacques est composé de ces rencontres en toute décontraction, avec cette touche d'humour inimitable. Les deux hommes reçoivent ainsi le peintre Népo qui œuvre sur leur portrait, Marcel Duhamel que Jacques rencontre lors de son service militaire et qui sera le créateur de la Série Noire chez Gallimard. Au passage, j'ai appris que c'est Prévert qui a eu l'idée du titre de la collection. Suivent Raymond Bussières parigot jusqu'au bout de la casquette, et Jacques B. Brunius, compagnons des premiers films, tous deux membres du groupe Octobre et amis indéfectibles. Marcel Carné, Jean Gabin (qui ne retient pas une petite pique envers la Nouvelle Vague), Arletty, admirable Arletty, Pierre Brasseur, barbu, et le décorateur Alexandre Trauner évoquent en compagnie des frangins les grandes heures du Réalisme Poétique et cet âge d'or du cinéma français. Paul Grimault vient parler de leur travail sur les films d'animation et sur les soucis de La bergère et le ramoneur (1953) qui ne deviendra Le roi et l'oiseau que 27 ans plus tard. Avec Jeanne Witta, secrétaire de Jacques, nous revenons aux films en collaboration avec les deux frères. La dernière partie se focalise sur la production littéraire, évoquée avec le premier éditeur de Jacques, René Bertelé, et artistique avec les collages et les collaborations avec Pablo Picasso ou Joan Miró. Sacré générique !
A ce plateau à couper le souffle s'ajoutent de nombreux extraits de films, les mythiques comme de précieuses raretés, et nombre de documents dont beaucoup ont été rajoutés lors du remontage du matériau d'origine à l'occasion de la restauration effectuée en 2004 par Catherine Prévert, fille de Pierre, qui rétabli la couleurs sur certains passages (les collages, l'extrait de Paris la belle (1959), les vues de Van Gogh ou Miró). Les extraits sont remarquables en ce qu'ils s’écartent des figures imposées sur les films les plus célèbres et prennent le temps de montrer des scènes complètes, la scène de l'ours au début des Visiteurs du soir (1942) par exemple. Prendre son temps. Prendre le temps de pénétrer en douceur et en profondeur l'univers de Jacques Prévert, c'est le principe du film. Jacques parle beaucoup, le plus souvent la cigarette au bec rythmant de ses tressautements la parole aux ruptures inattendues du poète, déroulant ses histoires dites de sa voix un peu rauque, laissant filer cette pensée vive comme un chat sur les toits. Jacques donne le tempo, Pierre l'écoute sans jamais le couper. Auditoire idéal, il donne le temps et au film sa richesse créant une remarquable qualité d'intimité. Recevant à domicile, les deux frères se révèlent des hôtes chaleureux. Il s'adressent parfois directement au spectateur et nous installent à leurs côtés. Ce sentiment d'intimité partagée est renforcé par le cadrage serré, parfois incongru comme l’échange entre Pierre Brasseur et Jacques dans un escalier où se retrouve le style décalé du réalisateur.
Avec le recul, celui du spectateur d'aujourd'hui, Mon frère Jacques fait défiler toute une époque glorieuse, le cinéma bien entendu, mais aussi la poésie, le théâtre, la peinture la sculpture, la littérature, la musique, une époque d'intense créativité. En 1961, les deux hommes ont déjà des disparus comme l'acteur Pierre Batcheff ou Jean Grémillon. En 2014, toutes ces belles personnes alors dans leur maturité, ont disparu. Mais dans le film, ils sont là, devant nous, avec nous, dans le salon ou l'atelier de Jacques. Si vivants. Miracle toujours renouvelé du cinéma. Avec malice, Jacques Prévert nous explique le principe de ce miracle dans une scène délicieuse où il s'adresse au spectateur de l'an 2000. Vertige de ce pont jeté à travers le temps. Prévert me parle, moi qui ne suis pas même né quand il le fait. « Le chat de gouttière tient la lanterne et il leur montre le chemin ». C'est bien ça. Chaque minute de cette rencontre doit être savourée sans réserves. Tout est bon chez eux, y'a rien à jeter, sur l'île déserte, il faut tout emporter.
La travail des éditions Doriane films sur Mon frère Jacques est remarquable, encore que le puriste aurait aimé savoir ce qu'il y avait dans la version originale et qui n'a, pour des raisons techniques ou de droits, pas pu être conservé. Le film de Pierre Prévert est proposé en deux DVDs. Au rayon raretés, on trouve La pêche à la baleine, un court métrage de 1934 signé Lou Tchimoukow sur un texte de Jacques qui joue dedans et dit son propre texte paru plus tard dans Paroles, et {La faim du monde} court d'animation réalisé par Grimault sur une commande de l'UNESCO. Un troisième DVD provoque l'extase avec cinq films inédits sur ce support. Violons d'Ingres est un court métrage de Jacques B. Brunius de 1939, qui n'a pas de rapport direct avec les Prévert si ce n'est l'état d'esprit. C'est un hommage aux peintres et sculpteurs du dimanche comme aux bricoleurs acharnées, à ceux qui ont la passion de créer pour la simple joie de créer. Un manifeste esthétique qui célèbre l'Art Brut avec tous les anonymes mais aussi le facteur Cheval et le douanier Rousseau. On aura l'émouvante surprise d'une séquence avec Georges Méliès soi-même dans ce qui est sa dernière apparition au cinéma, en prestidigitateur, bien entendu. Aubervilliers (1945) est un bijou signé Éli Lotar qui avait travaillé sur La pêche à la baleine, avec un texte et des chanson de Jacques Prévert, «La chanson des enfants» est interprétée par Germaine Montero. Commande de la municipalité communiste, le court métrage est une œuvre aux images fortes, dures parfois, qui évoque par moments Jean Vigo. C'est pourtant l'expression profonde du Prévert engagé, de ses préoccupations sociales et politiques, de sa sensibilité aux enfants, aux modestes, aux travailleurs, de sa haine de la misère et de l'exploitation. Et malgré tout, c'est aussi cette volonté d'optimisme, cette foi dans l'homme et dans sa dignité qui transparaît dans le portrait de la famille Isy. Chaque situation, chaque portrait est précis et va à l'essentiel, au scandale.
Aubervilliers
Germaine Montero porte à nouveau les mots de Jacques Prévert dans Paris mange son pain qui date de 1958 et est réalisé par Pierre. Le film est dans un registre plus léger, suite de variations sur le rapport des parisiens avec la bouffe. C'est un joli portrait de la ville portant la baguette. Le plus intéressant aujourd'hui, ce sont les nombreuses vues prises dans la quartier des Halles, un an avant leur déménagement à Rungis. Le portrait d'un Paris aimé et aujourd'hui révolu.
Paris encore et toujours avec le superbe Paris la belle, tourné l'année suivante toujours par les deux frères. Le film en fait, est composé à partir d'un premier court métrage que les Prévert réalisent en 1928 avec leur complice Marcel Duhamel, Souvenirs de Paris ou Paris express. Le film est perdu avec les ans et c'est Henri Langlois qui en retrouve les morceaux à la fin des années cinquante. Du coup, sur une proposition du producteur Anatole Dauman, les deux frères ont l'idée de Paris la belle. Une introduction est tournée à Gréolières dans les Alpes Maritimes, chez Jacques qui accueille le facteur (joué par Duhamel) en compagnie de sa fille, de sa nièce, et de sa cigarette. Il fait chaud, un album qui ramène aux collages de Prévert met Paris dans la conversation. Prévert n'a pas de nostalgie. A la question «C'était mieux avant ?» il répond «C'était différent». Le film devient alors un aller-retour entre les images noir et blanc de 1928 et celles en couleur de 1959. Pierre Prévert retrouve les mêmes cadrages pour de superbes raccords qui abolissent le temps, ou presque. C'est virtuose. Arletty prête sa voix au texte de Jacques avec classe. Figure centrale, la parisienne est célébrée, celle de jadis comme celle d'aujourd'hui. Paris est toujours tout petit pour ceux qui s'aiment d'un aussi grand amour.
Long métrage destiné à la télévision, Le grand Claus et le petit Claus est l'adaptation d'un conte d'Andersen résultant de la collaboration entre les frérots et Paul Grimault. C'est une affaire de famille avec devant l'écran Maurice Baquet et Roger Blin, anciens du groupe Octobre, et la fille du musicien Jean Wiener, Élisabeth. La musique est signée Christiane Verger, amie d'enfance de Jacques, et Jeanne Witta veille sur son petit monde. La mise en scène toujours enlevée de Pierre Prévert mêle les dessins de Grimault, des photographies, des scènes en extérieur et d'autres en studios, avec des décors peints où l'on retrouve une nouvelle fois le principe du collage. C'est de la télévision ambitieuse sans être prétentieuse, une chose rare. Un livret très détaillé et bien illustré complète cette édition que tout personne de goût se doit de posséder, ne serait-ce que pour donner l'exemple.
Le site du film
Photographies DR et captures DVD Doriane Films
12:16 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jacques prévert, pierre prévert | Facebook | Imprimer | |
04/10/2014
Simone
23:34 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : simone signoret | Facebook | Imprimer | |
02/10/2014
La crypte du vampire
La crypte du vampire (La cripta e l'incubo - 1963) un film de Camillo Mastrocinque
Texte pour Les Fiches du Cinéma
De la belle ouvrage gothique que nous proposent les éditions Artus avec ce La cripta e l'incubo ({La crypte du vampire) signée par Camillo Mastrocinque en 1963. De l'épouvante all'italiana au point de croix qui ravira l'amateur sans toutefois le faire crier au sublime. Tout est en place pour un tour en train fantôme avec quelques scènes qui feront frissonner alternativement de cette peur confortable que l'on ne trouve qu'au cinéma et de ce plaisir que dégage la sensualité d'un trio d'actrices ravissantes, sourcils joliment peints et déshabillés vaporeux qui flottent et baillent comme il se doit. Le scénario est signé de deux pointures du cinéma de genre, Ernesto Gastaldi et Tonino Valerii, futur metteur en scène de belles réussites dans le western avec Il prezzo del potere (Texas - 1969 ) et Il mio nome é nessuno (Mon nom est personne - 1973). Le duo s'inspire de la Carmilla de Sheridan Le Fanu, classique de la littérature fantastique, mais surtout du film fondateur qu'est La maschera del demonio (Le masque du démon - 1960) de Mario Bava. Mastrocinque a bien étudié ses classiques et les succès de la Hammer film britannique, bénéficiant sur l'écran de la présence du grand (à tout point de vue) Christopher Lee qui ayant toujours eu une relation conflictuelle avec son personnage de Dracula, trouve avec le comte Karnstein un personnage positif qui combat le mal. A noter que par un effet de vases communicants, les Karnstein seront au centre d'une trilogie produite par la Hammer Films au début des années 70.
Revenons à nos moutons italiens. Mastrocinque et ses scénaristes troussent un scénario habile qui mêle un grand château, une malédiction, une sorcière, une médium, vampirisme et sorcellerie, bossu inquiétant qui pourrait s'appeler Igor (prononcer Eye-gor), gouvernante inquiétante, pieux, souterrains et toiles d’araignées artistiquement disposées. Notons que le château utilisé est celui de Balsorano à L'Aquila dans les Abruzzes qui servira de décor à l'amusant Il boia scarlatto (Vierges pour le bourreau – 1965) de Massimo Pupillo. Et puisque nous sommes dans le décor, remarquons la participation à ceux-ci de Demofilo Fidani futur réalisateur de westerns particulièrement barrés et futur medium. Voilà. Rien de très neuf dans cette histoire où le brave baron fait appel à un jeune spécialiste en restauration de peintures pour aider sa fille Laura qui se croit victime d'une ancienne malédiction. Comme chez Bava, mais plus loin dans le métrage, nous verrons en un flashback qui utilise un érotisme sadomasochiste l'exécution d'une sorcière et que la malédiction n'est pas une simple vue de l'esprit. Inutile de rentrer dans les détails de l'intrigue, si ce n'est pour signaler une sacrée surprise vers la fin, surprise que je ne saurais trahir. L'autre élément marquant du film, c'est l'aspect lesbien de la relation entre Laura et Ljuba, jeune femme recueillie après un accident de calèche, qui transpose la dimension de fascination érotique que Terence Fisher avait introduite dans ses Dracula. Si cet élément est traité de façon fort sage, il est plutôt bien exploité.
Mis à part cela, comme dans toutes les réussites du genre, c'est la mise en scène qui fait la différence et là, Mastrocinque fait du bon travail sans se transcender. Il travaille sur une atmosphère étudiée avec l'aide de la remarquable photographie de l'espagnol Julio Ortas et de l'italien Giuseppe Aquari que Mastrocinque retrouvera sur l'excellent et plus audacieux Un angelo per Satana (Un ange pour Satan – 1965) où il filme la sublime Barbara Steele. Nos pupilles se réjouiront d'un noir et blanc étudié, aux noirs profonds dans les nombreuses scènes nocturnes sur lesquelles se détache le blanc des silhouettes féminines en chemise de nuit. Ambiances de couloirs et de cryptes sombres éclairés à la bougie (et quel chandelier!). Ambiances de bois où doivent rôder les loups et où les ténèbres peuvent se refermer d'horrible manière. La réalisation joue sur le contraste entre ces scènes et la luminosité des extérieurs diurnes dans le grand jardin baigné d'une lumière solaire, mais où la peur s'invite en la présence du bossu. Les effets de contrastes se font aussi entre l'espace vaste et paisible de l'extérieur et le sentiment d’oppression qui se dégage des intérieurs aux décors gothiques chargés, entre la masse du château et la tour isolée qui obsède l'héroïne et sera le lieu de l'une des scènes les plus intenses du film. Le travail sur le son renforce ces ambiances, que ce soit la musique de Carlo Savina avec ses accents de mellotron, la précision des bruits nocturnes ou l'utilisation tout à fait dramatique de la cloche dans la nuit. Dans ce cadre, la caméra joue les mouvements lents qui distillent l'angoisse et le montage parfois brusque essaye de brouiller les repères spatiaux, entretenant le trouble entre le réel et l'imaginaire tourmenté de l'héroïne. Si l'on veut bien, une nouvelle fois, se prendre au jeu, La cripta e l'incubo est une réussite mineure (Il manque une Barbara Steele dans la distribution féminine) présentée ici dans une copie fort correcte et dont on aurait tort de se priver, un soir de pleine lune, ou d'orage.
Photographies : Artus Films
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19:50 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : camillo mastrocinque | Facebook | Imprimer | |