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30/09/2014
Le charme de l'Égypte ancienne
Zita Johann dans The mummy (La momie - 1932) version réalisée par Karl Freund. DR Universal
17:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : karl freund, zita johann | Facebook | Imprimer | |
28/09/2014
Au nom du père et du Colt
Reverendo Colt (Le colt du révérend – 1970) un film de León Klimovsky
Texte pour les Fiches du Cinéma
Quand les européens se sont mis à faire du western, il y a eu deux lignes. La première visait à l'imitation pure et simple des modèles américains, pas tant des grands films des années cinquante mais plutôt des films de série et des programmes pour la télévision alors très populaires. La seconde est ouverte par Sergio Leone avec Per un pugno di dollari (Pour une poignée de dollars) en 1964 et s'appuie sur le film de samouraïs japonais pour trouver un ton propre dans la recherche formelle. La première ligne a donné de nombreux films de consommation courante assez naïfs et souvent peu passionnants. La seconde ligne a donné les chefs d’œuvres que l'on sait tout en engendrant ses propres imitations de série. Reverendo Colt (Le colt du révérend) fait plutôt partie de la première ligne ce qui est étonnant dans la mesure ou le genre, en 1970, entre en son déclin et se cherche désormais dans la surenchère et la comédie suite au succès du premier Trinità. La réalisation est signée par León Klimovsky qui malgré son nom est un argentin ayant fait carrière en Espagne et en Italie, utilisant parfois le pseudonyme de Henry Mankiewicz. Et pourquoi non ? Spécialisé dans le genre, le bon León a signé des films honnêtes comme Pochi dollari per Django (Quelques dollars pour Django) en 1966, mais sans éclat particulier. Sur le titre qui nous intéresse, il fait un travail de réalisation propre mais guère excitant comme dans Su le mani, cadavere, sei in arresto (Ça va chauffer, Sartana revient ! - 1971).
Miller est le révérend du titre. C'est une ancienne fine gâchette qui est devenu homme de Dieu après avoir provoqué la mort d'un enfant en vengeant la mort de son père. Je ne vais pas entrer dans les détails du scénario signé Manuel Martínez Remís et Tito Carpi, spécialiste du genre qui a œuvré avec Giuliano Carnimeo, Enzo G. Castellari et Marino Girolami, ici producteur. Ils cherchent à rendre compliqué un ensemble de situations balisées. Accusé à tort, notre héros va devoir jouer du Colt pour tirer d'affaire une petite troupe bigarrée assiégée dans un ancien fort par une bande d'affreux bandits. Jolie collection de clichés qui comprend une vieille baderne sudiste, un couple en rupture, une fille évanescente et un écossais rigolo joué par Cris Huerta. Il y aura même un bandit blessé qui trouvera la rédemption par l’amour. La gentillesse de tout ceci laisse songeur. Klimovsky donne à son film un côté lisse où même les mexicains de service font propre sur eux, tandis que les femmes portent haut leurs coiffures à anglaises. Dans le genre, vous avouerez que ce n'est pas courant. Il y a de longs dialogues où les personnages se tiennent comme dans un feuilleton télévisé avec un son de vent récurrent pour rappeler que nous sommes dans un western. Souvent je me suis dit que le film était destiné à un jeune public. Pour preuve, ma fille de huit ans l'a adoré.
Reverendo Colt n'est pourtant pas désagréable. D'abord parce que Klimovsky joue le jeu et que s'il filme plan-plan (l'un après l'autre), il ne bâcle pas et ne cherche pas à jouer au malin en ayant recours au second degré, ni ne se perd dans la parodie facile. Il semble croire à sa petite histoire. Et puis, il faut le dire, le révérend est joué par Guy Madison, américain pur jus, beau gosse de plein de westerns B sympathiques dans les années cinquante, voire excellent dans Reprisal ! (1956) de George Sherman. Madison est venu en Italie retrouver un second souffle et il a déjà été homme d’église dans le plus original Il figlio di Django (Le retour de Django) que réalise Osvaldo Civirani en 1967. Madison apporte à Miller son indéniable charisme et un minimum d'épaisseur. Il a fière allure, que ce soit dans la chemise rouge du vengeur ou dans la veste noire du pasteur. Le bonus de l'édition DVD Seven 7 consacré à sa carrière est donc tout à fait pertinent. A ses côtés il faut noter la présence de Richard Harrison en shérif droit, chose que l'on rencontre peu dans le western italien. Une musique all'dente de Gianni Ferrio avec un joli thème décliné à la guitare et à la trompette emballe le tout.
A lire chez Tepepa
Photographie : Notre cinéma
15:17 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : león klimovsky | Facebook | Imprimer | |
26/09/2014
Les joies du bain : sorti en 1970
Histoire de signaler la parution de la note consacrée à l'année 1970 sur Zoom Arrière, voici la lauréate de l'année 1969 avec la Maud d'Eric Rohmer qui trempe dans une baignoire rustique pour Sergio Corbucci et Gli specialisti (Le spécialiste). Ce film aura souvent été regardé d'un œil soupçonneux en raison de la participation, aux côtés de Françoise Fabian, de Johnny Halliday en vengeur taciturne. C'est bien dommage car outre le bain de la Fabian, le film est de bonne tenue. L'image du rocker national a tendance à faire de l'ombre à l’œuvre de ce côté des Alpes. Photographie DR.
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22/09/2014
Hasards et circonstances
"Ces quelques instants d'authentique surréalisme non voulu ont aujourd'hui pour nous un prix plus grand que celui de bien des classiques les plus réputés. En quelques images, ils nous restituent la saveur toute proustienne du temps retrouvé, ce qui constitue peut être la plus éminente fonction du cinéma, cet art si souvent involontaire, fruit imprévu du hasard et des circonstances."
Les oubliés du cinéma Français – Les tribulations de Titaÿna
Claude Beylie et Philippe d'Hugues ed. Cerf
Photographie Henri Manuel - 1938
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21/09/2014
Voilette
Photographie DR
11:10 Publié dans Actrices, Panthéon | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine deneuve | Facebook | Imprimer | |
18/09/2014
Sur le tour
5 tulipes rouges (1949) de Jean Stelli
Amicalement dédié au cycliste-cinéaste Gérard Courant
C'est pour moi une sacrée madeleine que ces 5 tulipes rouges que réalise Jean Stelli en 1948. c'est un film que j'ai vu vers mes dix ans et que j'ai toujours cherché à revoir depuis. Quand les DVD sont arrivés, j'ai cherché le titre puis, dès que j'ai eu Internet, j'ai récupéré les rares information à son sujet, espérant toujours. En vain jusqu'à cet été.
Alors ça se passe durant le tour de France et les cinq tulipes rouges du titre sont retrouvées l'une après l'autre sur les corps de cinq coureurs victimes d'accidents mortels. Accidents qui se révèlent vite des meurtres commis selon un plan obscur mais implacable. Un brave policier enquête avec l'aide d'une journaliste sportive, personnage savoureux et original, tandis que la tension monte au sein des équipes. Voilà, 5 tulipes rouges est un policier de série réalisé par un metteur en scène oublié et sans vedettes notable. A l'époque où je l'ai découvert, ce film alliait mes passions pour le cinéma et le tour de France. C'est la seule compétition sportive que j'ai jamais suivie. C’était l'été, les vacances et je vibrais un temps pour les exploits d'Eddy Merckx, mon idole, Cyrille Guimard, Bernard Thévenet, Luis Ocaña ou Raymond Poulidor. Puis ça m'a passé et le cinéma est resté, seul.
J'appréhendais un peu de retrouver ce vieil ami perdu de vue depuis si longtemps. Tout s'est bien passé. Jean Stelli, dans 5 tulipes rouges mène en parallèle deux films. Un documentaire sur le tour de France tourné pendant la compétition 1948, la seconde après la guerre, et qui sera remportée par Gino Bartali, et qui sert de toile de fond à à une fiction policière. Je me souvenais d'une atmosphère angoissante et du meurtre de l'un des coureurs dont on avait scié le guidon et qui faisait une chute mortelle à pleine vitesse dans un ravin. La fiction aujourd'hui a un côté suranné mais ludique et pas désagréable. Première surprise, comme le notait Djordj sur son blog, le film a tout du giallo avant l'heure. La succession de meurtres, les méthodes originales (dont un poignardage au rayon de vélo !), la présence de l'assassin signalée par des ombres ou des gants noirs, le rituel fétichiste des tulipes, le traumatisme venu du passé, tout y est. Seconde surprise, le personne de la Colonelle qui m'avait échappé à l'époque. Jouée par l'excellente Suzanne Dehelly, c'est une femme journaliste d'un certain âge avec un franc parler à la Arletty et un côté moderne remarquable qui défie nombre de clichés. A ses côtés, l'inspecteur chef Ricoul est un flic placide et déterminé façon Maigret qui se retrouve plongé dans un monde qu'il ne connaît pas et dans les valises de la Colonelle, lui le célibataire aux caleçons de flanelle. L'acteur Jean Brochard à la filmographie longue comme le bras, lui prête ses rondeurs sympathiques et sa petite moustache. René Dary, qui sera Riton dans Touchez pas au grisbi et incarnera Nestor Burma, joue l'entraîneur Pierre Lusanne mais le personnage manque un peu de nuances.
Le problème, c'est que le scénario de Charles Exbrayat comme la mise en scène de Jean Stelli exploitent mal leur matériau. Le film manque d'ambition, déroulant un programme avec métier mais sans forcer. Dans la partie policière le spectateur devine trop vite qui est le coupable. La fausse piste avec le personnage trop sympathique incarné par Raymond Buissière est cousue de fil blanc. Qui peut croire Buissière assassin ? Pas moi. Le dénouement final a quelque chose d'abrupt. Le suspense manque sur la durée d'intensité malgré les scènes bien découpées et la mise en scène qui joue le jeu dans la séquence de la cabine téléphonique où la Colonelle est menacée par le tueur ou celle où celui-ci tente de s'introduire dans sa chambre. Côté comédie, j'ai eu ce même sentiment d'un potentiel négligé. La liaison entre la Colonelle et Ricoul aurait pu donner lieu à un délicieux marivaudage entre célibataires endurcis, façon Noiret/Girardot dans Tendre poulet (1978) de Philippe de Broca. Dans la scène où elle lui propose de l'héberger dans sa chambre et la sépare en deux avec un paravent, je pensais à New-York- Miami (1934), mais Stelli n'est pas Capra.
La partie documentaire est bien plus passionnante. Je dois saluer le travail de Stelli et de sa monteuse Andrée Laurent qui d'une part intègrent avec perfection les acteurs en situation dans le vrai décor du tour de France, d'autre part mêlent avec habileté la fiction et les nombreux plans documentaires, avec en particulier de superbes travellings en voiture. 5 tulipes rouges est un film qui sent le grand air et l'air de son temps. C'est un film qui prend la route, qui ne recours pas à la transparence et où l'effort physique des acteurs-coureurs sonne juste. On y respire la fraîcheur des cols de montagne, on y ressent la chaleur des plaines, on vibre aux accents des foules des vélodromes (superbes plans du parc des Princes). Ces choix se répercutent sur certaines scènes de fiction comme ce long plan de discussion entre la Colonelle et Ricoul, filmé dans la voiture qui roule sur la côte d'Azur. Il y a cette scène charmante qui ne doit rien au récit (ce qui est peut être dommage d'un point de vue dramatique) où le peloton est obligé de stopper en pleine campagne devant un passage à niveau et d’attendre, non sans impatience, le passage du train. Stelli prend le temps d'inscrire son action dans le paysage et du coup, c'est pour moi l'aspect le plus remarquable du film, 5 tulipes rouges est une plongée précieuse dans la France de 1948. Elle nous est livrée intacte, pimpante, et nous voilà partis pour les nationales d'avant les autoroutes, pour les petites routes sinueuses de montagne, le départ à Paris, devant le Louvre puis porte de Saint-Cloud, le vélodrome de Bordeaux, l'arrivée au parc des Princes, pour une France d'avant la transformation des trente glorieuses et des immondes zones commerciales. Le nostalgique y trouvera son compte, l'historien de la matière. Jean Stelli donne l'impression que cette partie documentaire l'a plus intéressé que son habillage de fiction, que cette dernière n'était qu'accessoire. Je repensais à cette phrase de Jean Cocteau sur le cinéma qui serait « la mort au travail ». Formule poétique quoiqu'un peu macabre qui a été très commentée. Devant un film comme 5 tulipes rouges, sans génie, presque sans conscience, le cinéma montre qu'il sait fixer mieux que n'importe quelle autre forme d'art, de précieux moments de vie.
Quelques mots sur Jean Stelli, quand même. Il a réalisé une trentaine de films entre 1935 et 1961, débutant comme assistant de Julien Duvivier. Il devait aimer le vélo puisqu'il réalise en 1939 Pour le maillot jaune avec Albert Préjean sur la grande boucle. Outre ces tulipes, il réalise un grand succès pendant l'occupation avec Le voile bleu (1942) et La tentation de Barbizon qui est la première apparition de Louis de Funès sur un écran en 1945. Il termine sa carrière par quatre films de la série deuxième bureau, des histoires d'espionnage avec Franck Villard. Rien de vraiment saillant même s'il a fait tourner pas mal de beau monde. Il fait partie de ces réalisateurs capables et grand public qui seront balayés à la fin des années cinquante sans même susciter de débat critique.
A lire sur Jlipolar
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17/09/2014
... et cyclisme
19:23 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean stelli | Facebook | Imprimer | |
16/09/2014
Mystére...
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13/09/2014
Et le vent apporta la violence
The unforgiven (Le vent de la plaine – 1960) Un film de John Huston
Texte pour Les Fiches du Cinéma
Patrick Brion et François Guérif reviennent dans un entretien croisé pour les bonus du DVD de l’édition Opening sur les conditions difficiles du tournage de The unforgiven (Le vent de la plaine), western à grand spectacle que John Huston tourne en 1960. Le cinéaste fait de chacun de ses films une aventure et cette aventure, humaine, physique, semble pour lui aussi capitale que le film lui-même. Pour paraphraser Martin Scorcese, il est le cinéaste aventurier par excellence. The unforgiven est ainsi tourné au Mexique dans la région de Durango, un endroit difficile et aride, balayé de vents de sable et territoire de gangs qui se rajoutent à la corruption officielle. Pour aplanir les difficultés et se livrer à sa passion plus ou moins légale des antiquités pré-colombiennes, Huston fera appel, comme plus tard Sam Peckinpah, à Emilio Fernandez, acteur et réalisateur qui connaît tout le monde. Avec sa distribution de grand style, Huston doit naviguer entre les angoisses d'Audie Murphy, l'ego de Burt Lancaster qui vient de passer à la réalisation et a ses idées sur la question, qui est en outre l'un des co-producteurs du film, les problèmes de santé d'Audrey Hepburn suite à une chute de cheval, et la nostalgie envahissante de Lilian Gish qui regrette le bon temps de Dark W. Grifffith. The unforgiven est un rêve de western, un rêve de poussière et d'opéra, de chaleur et de tragédie. Mais avec tout cela, Huston file dès la fin du tournage et la production va tailler dans le montage et sabrer le rêve. Le réalisateur va renier en bloc son seul vrai western, classique et audacieux, qui ne trouvera que de rares défenseurs.
De tout cela, le film porte la trace. Dans ses scènes magnifiques, dans ses manques inexplicables, dans ses accès sauvages et ses pauses poétiques, dans ses paysages aussi hostiles que grandioses, dans l'hétérogénéité de interprétation, dans les accents au lyrisme classique de la partition de Dimitri Tiomkin et dans ce qui affleure chez les personnages comme les implications incestueuse de la relation entre Rachel et Ben, le couple vedette. The unfogiven est un film de sauvages et sur ce qu'ils portent en eux de fanatisme, d'intolérance et de racisme. La famille Zachary élève du bétail au Texas. Elle est bouleversée par les révélations autour de la cadette, Rachel, adoptée toute petite et qu'une tribu Kiowa vient réclamer pour l'une de leurs. Le récit est inspiré du second roman d'Alan le May, qui fut scénariste pour Cecil B. DeMille. Le May était déjà l'auteur de The searchers (La prisonnière du désert) que John Ford venait de porter à l'écran, et avec quel talent, en 1956. Les deux histoires sont proches, deux faces d'une même pièce qui se regardent en miroir. A la jeune blanche enlevée et élevée par les indiens répond l'indienne enlevée et élevée par la famille Zachary. Au massacre de la famille Edwards répond celui de la tribu Kiowa. On retrouve le même personnage d'errant un peu cinglé, Moses Harper chez Ford, Abe Kelsey chez Huston. On retrouve aussi chez le personnage masculin principal (joué par John Wayne ici, Burt Lancaster là) la même force physique, la même autorité morale, la même détermination, la même violence, les mêmes névroses, et la même capacité à une soudaine tendresse. Et puis il y a la famille, pivot indispensable, cellule de base qui doit être protégée à tout prix et dont les liens passent avant tout le reste. Sans doute que pour Ford, cette thématique est plus sensible et lui permet d'ouvrir sur sa vision de la communauté, alors que chez Huston, plus franc-tireur, la famille reste en vase clos et la communauté extérieure est aussi hostile que le reste. Toujours est-il que ces liens affectifs sont seuls capables de briser les préjugés, la haine et les sentiments de vengeance. Mais à quel prix ?
{The unforgiven} montre la violence qui secoue la famille Zachary comme les vents brûlants du désert. Elle vient de l'extérieur, des Kiowas qui viennent mettre le siège devant le ranch, de l'énigmatique et inquiétant Kelsey, mais aussi de la communauté qui n'accepte pas l'idée que l'une des leurs puisse être une indienne. Elle vient aussi de l'intérieur avec la haine viscérale de Cash, l'un des frères, qui rejette son propre sang, avec les pulsions de la mère qui tue pour protéger sa fille, de Ben le frère aîné et de Rachel. Tous portent en eux la violence originelle des pionniers, une violence du même ordre que celle des indiens qu'ils ont combattu sans pitié. Comme chez Shakespeare ou les légendes anciennes, cette violence est annoncée par un fantôme venu du passé, ici Kelsey, cavalier de l'apocalypse, clochard de la prairie et ancien sudiste (comme l'était Ethan Edwards). John Huston ouvre son film par une image étonnante. Une vache qui broute sur ce qui se révèle être le toit du ranch Zachary. C'est une demeure enfoncée dans la terre, un terrier, un fortin primitif et sombre, enserrant des secrets innommables et des pulsions inavouables. Deux ans plus tard, Huston réalise Freud. C'est de là que les Zachary assiégés tireront comme à la foire les indiens à l'attaque. C'est là que se cristallisera le combat féroce pour la survie et les révélations qui engagent le passé (l'origine de Rachel) comme l'avenir (le liaison entre Ben et Rachel, le choix de Cash).
Audrey Hepburn et John Huston sur le tournage
Huston bâtit son film en trois mouvements. La première partie montre autour du ranch de vastes espaces extérieurs, filmés avec souffle, parfois élégiaques, parfois hostiles comme lors de la superbe scène de la tempête de sable. Suit une longue scène nocturne aux lueurs des torches qui s'achève par la pendaison de Kelsey provoquée par la mère, et la rupture des Zachary avec la communauté. Arrive ensuite la séquence du siège où Huston enferme ses personnages dans leur refuge et resserre les cadres jusqu'à plonger dans les visages (Rachel devant son miroir). Espace réduit et bas de plafond, ambiance claustrophobe où se débattent les personnages coincés dans le cadre, menacés par le feu et la fumée. La séquence finale verra la caméra reprendre de la hauteur sur un paysage désolé et jonché de cadavres. Mais de ce chaos naît un espoir. Libéré du mensonge et de la haine, la couple Rachel/Ben peut enfin s'épanouir et Cash est libéré de sa pulsion de mort.
Le récit a quelques lacunes qui déséquilibrent le film, ayant sans doute souffert des coupes. C'est flagrant avec le personnage de Johnny Portugal (joué par l'excellent John Saxon), métis amoureux de Rachel qui disparaît sans explication dans le dernier tiers. Mais Huston réussit de nombreuses belles scènes intenses, magnifiées par la photographie de Franz Planer qui a travaillé sur des westerns à grand spectacle pour William Wyler ou Edward Dmytryk. La scène de la tempête est un morceau de bravoure aux lisières du fantastique où les Zachary traquent Kelsey dans un déchaînement de tourbillons de sable et de poussière où hommes et chevaux errent comme des spectres. La scène du lynchage adopte un dispositif un peu théâtral avec un découpage en blocs des différents groupes autour de Kelsey attaché sur son cheval. Il y a un côté Marc Antoine sur le Forum. Très réussi aussi les jeux de regards entre Lancaster et Hepburn qui expriment la complexité de leurs rapports. Et puis, emblématique du film, il y a cette scène d'un genre que l'on ne trouve que chez Huston, autour du piano à queue ramené par Ben à sa mère, symbole d'une autre civilisation quand celle-ci se met à jouer du Mozart sur la prairie. Lors du siège, la famille sortira pour un dernier concert, une lutte musicale avec les indiens qui chantent au même moment pour honorer leurs morts. Étrange et fascinant duel culturel nocturne.
Il y a donc très largement de quoi justifier de ne pas passer à côté de ce film superbe et il ne sert à rien de regretter ce qu'il aurait pu être. Tel qu'il reste, The unforgiven avec ses excès, ses élans, ses manques est un rare exemple de western alliant classique et baroque, l'une des dernières œuvres majeures de l'âge d'or du genre, portant la marque de l'élégance et de la fougue de son auteur.
Photographies : capture DVD Opening / For cinephiles by a cinefille / United Artists
A lire sur DVD Classik
Sur Critikat
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10/09/2014
Marquant
Une petite liste pour la rentrée, je ne saurais résister. Celle-ci m'est proposée par le Bon Docteur Orlof via un réseau social que tout le monde connaît bien : quels sont les dix films qui vous ont marqué. Un film qui marque, c'est vaste. Choc esthétique, émotionnel, circonstances particulières, rencontre décisive avec un univers, nous sommes marqués de bien des manières. Je vais donc remonter pour la majorité des titres à mon enfance et aux souvenir que je sais avoir conservés jusqu'ici, sans que la marque qu'ils ont imprimé en moi n'ait été conditionnée par tout ce que j'ai pu voir ou apprendre depuis lors. Une marque brute en quelque sorte.
Cinq tulipes rouges (1949) de Jean Stelli est une histoire de meurtre pendant le tour de France. J'ai fini cet été par revoir ce film que je recherchais depuis plus de quarante ans. Enfant, il alliait mon goût des films et du vélo et javais été impressionné par son atmosphère de mystère et par l'accident du coureur dont on avait scié le guidon. Très souvent quand je fais du vélo, je pense à cette scène.
King Kong (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Que dire ? Découvert vers 7 ou 8 ans, je ne m'en suis jamais remis. C'est un des films que j'ai vu le plus grand nombre de fois. Le plan du métro qui surgit du fond du tunnel, je ne sais pas pourquoi, est une image qui m'a toujours hanté.
Les pirates du rail (1937) de Christian Jaque. Aventures exotiques en Chine. Vu là encore très jeune, j'ai conservé ces images nocturnes du train mitraillé qui entre dans la gare sous la pluie avec les cadavres qui pendent des wagons. J'avais sans doute été sensible à l'atmosphère un peu étrange de certaines scènes et à Erich Von Stroheim en général chinois à monocle.
Bend of the river (Les affameurs – 1952) d'Anthony Mann. Le western en général m'a impressionné très tôt. Sur ce film, les « houhou » nocturnes des indiens et la flèche dans la gorge de Julia Addams ont été d'un traumatisme durable. J'ai aussi longtemps mêlé l'abandon de James Stewart en montagne et celui de John Wayne dans Red river (1948) de Howard Hawks.
Escape from Fort Bravo (1953) de John Sturges. Dans celui-ci, que j'ai mis très longtemps à revoir, c'est l'attaque finale des indiens qui envoient des volées de flèches sur le petit groupe de héros coincés dans un trou qui m'est restée. Il parait que John Carpenter aussi en avait été traumatisé.
Il grande silenzio (Le grand silence – 1968) de Sergio Corbucci. J'ai déjà raconté, je crois, combien j'ai été choqué par le final de ce film vu vers 15 ans à la télévision. C'est, et ça reste d'une certaine façon, la transgression absolue. Je dois être trop sensible.
Rio Bravo (1959) de Howard Hawks. Qui a dit encore ? Ce film m'a marqué de toutes les façon dont un film peut le faire. Ce qui le distingue, c'est que c'est au cours de l'une de mes nombreuses visions que j'ai eu la, j'ose à peine l'écrire, révélation de ce que qu'était la mise en scène de cinéma.
Ai no korīda (L'empire des sens – 1976) de Nagisa Oshima. Là, je suis plus grand, adulte même. Ce film qui en a marqué bien d'autres que moi, fait partie de ces œuvres dont je connaissais la réputation et auxquelles je devais, un jour ou l'autre, me mesurer. Le film d'Oshima fait partie de ces films rares qui sont à la hauteur de leur renommée et dont le pouvoir fascinant et ravageur pour nos âmes ne perd jamais en intensité.
Salò (1975) de Pier Paolo Pasolini en est un autre. J'ai un souvenir très fort de la projection en salle, une salle bondée où l'on sentait palpable la tension des spectateurs. Pour moi, c'est le film qui m'a le plus éprouvé, dans le bon sens du terme. Jusqu'ici indépassable.
Photographies : RKO, Warner Bros., Universal et DR.
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