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03/01/2010

La décennie fantastique

Exercice de beaucoup plus délicat, la liste des films marquants de la décennie 2000/2009. Déjà qu'il est dur de sélectionner une dizaine de titre par année. Je me suis fixé quelques règles : ne pas relire les listes de films sortis, ne pas exclure à-priori courts métrages et documentaires (et pourquoi non ?) et favoriser des cinéastes qui ont donné, qui m'ont donné durant cette décennie, plus ou autre chose qu'en d'autres moments de leur carrière. A lire les nombreuses autres listes qui fleurissents sur les blogs (compilées par Ed sur Nightswimming) et ailleurs, je me rends compte que je continue à avoir un goût prononcé pour un certain classicisme qui me fait non pas rejeter, mais moins apprécier des auteurs célébrés comme Lynch, Van Sant, Gray ou Cronenberg. Je regrette aussi que certains auteurs qui me sont chers ne m'aient pas marqué autant que je l'aurais voulu, même s'ils n'ont pas démérité (Je pense à Nanni Moretti par exemple). Il faut dire aussi que derrière ces titres, il y a pour moi un ensemble de films, une cohérence d'ensemble autour d'un réalisateur dont les films n'ont cessé de me passionner (Guédiguian, Spielberg, Rivette, Miyazaki, Tarantino, Hark, Lioret, Eastwood, Chabrol...), un goût pour certaines cinématographies (l'Italie, l'Asie), et le plaisir de découvertes dont j'attends beaucoup pour la décennie à venir (Hers, Dudok de Vit, Imbert, Taylor-Young). Enfin, il faut se résoudre à citer ces fichus titres.

Sen to Chihiro no Kamikakushi (Le voyage de Chihiro – 2001) Hayao Miyazaki. Un chef d'oeuvre au sens le plus classique du terme pour ouvrir la décennie, un film-somme d'une grande beauté plastique pour la clore et un superbe exercice formel de vitesse et de merveilleux entre les deux. Miyazaki impose définitivement un canon alternatif en animation à la déferlante numérique. Un maître.

Minority report (2002) Steven Spielberg. Quatre films majeurs (plus un Terminal mineur) qui explorent les angoisses de l'Occident en général et des Etats-Unis en particulier tout au long de la décennie. Spielberg arrive à faire la synthèse de sa veine divertissante (Stars, budgets, imaginaire du cinéma de genre) avec ses ambitions de grand cinéaste. Minority report est le plus emblématique de ses films, réflexion sur une société verrouillée et paranoïaque, saturée d'images et d'informations que l'on arrive plus à lire. Du coup, je passe sur l'Indiana Jones de trop. Le cinéaste de la décennie.

Va savoir (2001) Jacques Rivette. Théâtre et cinéma, deux actrices lumineuses, peut être le film le plus accessible de Rivette, le plus charmant dans le sens charmeur. Symbole de la vitalité du cinéma de l'ancienne génération (Resnais, Rohmer, Chabrol), il a également donné un beau rôle à Emmanuelle Béart et une adaptation rigoureuse de Balzac. Et puis toujours Jeanne Balibar.

No pasaran, album souvenir ( 2003) Henri-François Imbert. L'histoire de l'Europe à travers l'histoire de ses camps. Concentration, transit, rétention, extermination. Un voyage vertigineux dit sur un ton tranquille à partir d'un tout petit souvenir familial. L'aboutissement du cinéaste à la première personne, comme Smolders ou Cavalier.

In the mood for love (2000) Wong Kar-wai. Belle conclusion de la décennie précedente, mais impossible de résister à la fascination excercée par cette histoire d'amour et de frustration ni à la beauté de Maggie Cheung.

La ville est tranquille (2001) Robert Guédiguian. Il reste pour moi l'un des cinéastes français qui me parle le plus, que j'admire pour sa constance et pour la faculté qu'il a eu, sur cette décennie, de synthétiser tout ce qui faisait son cinéma depuis 1980 pour faire passer à son cinéma un cap. Il a quitté son Estaque rêvée pour revenir à ses racines et s'intéresser à la Grande Histoire que ses personnages jusqu'ici subissaient (Le socialisme au pouvoir, la fin du bloc de l'Est, la Résistance). Son cinéma a pris des ailes et une ampleur assez rare chez nous.

Kill Bill (2003/2004) Quentin Tarantino. Dans un tout autre registre, le fils spirituel de Sergio Leone a donné deux oeuvres de total divertissement, déclarations passionnées à tout un cinéma de genre qu'il arrive à investir de personnages sensibles. Au sein mais en marge d'un cinéma miné par le second degré, il fait toute la différence. Le dyptique à la gloire de La Mariée est un pur objet de jouissance tandis que son petit dernier laisse espérer de nouvelles ambitions.

Father and daughter (Père et fille – 2000) Mickael Dudok de Wit. Comment avais-je écris à l'époque de la découverte de ce petit bijou de moins de dix minutes : le genre de film qui rend tous les autres insignifiants.

Ghosts of Mars (2001) John Carpenter. L'exception qui confirme la règle. La décennie a dù être terrible pour John Carpenter, ce film étant son dernier. C'est pourtant l'un de ses plus beaux, seule authentique véritable superbe série B. Et puis Nastacha Henstridge. Il paraît que Big John a retrouvé le chemin des plateaux de tournage. Respect.

Primrose Hill (2007) Mikhaël Hers. Je ne sais pas si Hers sera, comme l'a dit Luc Moullet, le grand réalisateur de demain, mais j'ai envie de le croire. Deux moyens métrages superbes, prenants, au charme insidieux mais tenace. Des films qui ne vous lâchent pas. Pourtant, ils ont tous les éléments du tout venant du cinéma français que l'on a trop vu, de celui qui a trop déçu. Mais il y a de la magie dans la façon de filmer les visages, la ville, le froid, la nuit, les frémissements de l'amour et tous ces jeunes acteurs superbes. Vivement la décennie suivante.

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Et dix de plus :

Time and tide (2000) Tsui Hark

Love you more (2008) de Sam Taylor-Wood

Munich (2005) Steven Spielberg

L'équipier (2004) Philippe Lioret

Oasis (2002) Lee Chang-dong

La 25e heure (25th hour - 2002) Spike Lee

Moolaade (2004) Ousmane Sembène

La Meglio Gioventù (Nos meilleures années – 2003) Marco Tullio Giordana

La fille coupée en deux (2007) Claude Chabrol

Millions dollar Baby (2004) Clint Eastwood

 

Photographies : © Le Studio Ghibli / Pixel Surgeon / DVD Beaver / Editions Montparnasse / A and H / AlloCiné / © TFM Distribution / SciFi-movies / Les films du préau

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02/01/2010

Meilleurs voeux en rouge

01/01/2010

La belle année 2009

C'est de saison, dès la mi-décembre, on commence à cogiter sur le bilan de l'année écoulée. Il est toujours possible de suivre le conseil de Pierre Léon et de faire un moratoire sur les listes, mais après tout, il n'est pas désagréable se revenir sur ce qu'a représenté l'année en matière de cinéma pour soi. Ce dernier mot est essentiel. Tout ceci n'a guère de valeur, à plus forte raison si l'on a dans l'idée de vouloir à tout pris être dans l'air du temps ou, pire, de vouloir le souffler. L'air du temps, je veux dire. Listes, listes, vous n'êtes révélatrices que de ceux qui vous dressent et n'avez de prix que votre sincérité et les pistes que vous offrez comme autant d'étrennes à nos mains tremblantes et nos yeux avides, toujours plus avides, d'images.

Voici donc mon petit bilan personnel avec quelques précautions d'usage. Je vais toujours assez peu en salle et j'ai sans doute raté pas mal de choses. Mais de ce que j'ai pu voir, 2009 est une très belle année qui a vu la majorité des cinéastes vivants et intéressants (y compris ceux qui ne m'intéressent pas) sortir un film. A quelques notables exceptions près, vous pouvez chercher ils ont tourné en 2009 et de ce que je ressens, il n'y a pas eu de véritable ratage. Il me semble même qu'il y a eu quelques œuvres marquantes sinon essentielles, mais cela, le temps le dira. Et quand il le fera, vous pourrez répondre avec la voix brisée d'émotion « J'y étais » et un murmure se répandra : « Voilà un brave ».

Sinon mon rapport avec les films passe toujours plus par le DVD, notamment via ma collaboration au site Kinok qui m'a permit quelques beaux rattrapages et la découverte des Oshima années 60 et Dwan années 50 ce qui n'est pas rien. Merci à Laurent pour ces ouvertures. Inisfree a passé le cap des cinq ans, on se sent plus sûr sur ses jambes. C'est le bon moment pour remercier mes lecteurs et mes commentateurs, surtout ceux qui font les deux à la fois. Assez parlé, c'est partit :

Dix films (sans ordre de préférence) :

Gake no Ue no Ponyo (Ponyo sur la falaise) Hayao Miyazaki

L'armée du crime Robert Guédiguian

Giù la testa ! (Il était une fois... la révolution - reprise 1971) Sergio Leone

Vincere Marco Bellocchio

Montparnasse Mikhaël Hers

Gran Torino Clint Eastwood

Inglorious basterds Quentin Tarantino

Bellamy Claude Chabrol

Welcome Philippe Lioret

L'initiation de Boris Carré et François-Xavier Drouet

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Salutations admiratives :

Pedro Almodovar, Elia Suleiman, Luc Moullet, Emmanuel Mouret et Woody Allen

Deux amis :

Jérémie Lenoir pour Foniké (en guise de manifeste)

Xavier Ladjointe pour Ma vie avec ATTAC 06

Trois actrices :

Diane Kruger, Lola Naymark et Giovanna Mezzogiorno

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Quatre courts :

Légende de Jean l’inversé Philippe la Mensch

Naglinn (Le clou) Benedikt Erlingsson

A matter of Loaf and Death (Un sacré pétrin) Nick Park

Man stirbt Patrick Doberenz et Philipp Enders

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Belles découvertes :

Father and daughter (Père et fille - 2000) Michael Dudok de Wit

The rising of the moon (Quand se lève la lune – 1957) John Ford

Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles – 1988) Isao Takahata

Terror in a Texax town (Terreur au Texas – 1958) et The big Combo (Association criminelle -1955) Joseph H. Lewis

The notorious landlady (L'inquiétante dame en noir - 1962) Richard Quine

The lady Hermit (Les griffes de jade – 1971) Ho Meng Hua

Gli fumavano i colt... lo chiamano Camposanto (1971) Giuliano Carnimeo

Theater of blood (Théâtre de sang – 1973) Douglas Hickox

Signore e signori (Ces messieurs-dames - 1966) Pietro Germi

Feest ! (La fête ! - 1963) Paul Verhoeven

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Photograhies : © Le Studio Ghibli / AgoraVox / Unifrance / © Moune Jamet / Jean-Baptiste Mondino / Festimage.be / capture DVD MGM

10:34 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : bilan |  Facebook |  Imprimer | |

31/12/2009

Moisson rouge (Slightly scarlet)

Bouquet final du coffret, Slightly scarlet est un manifeste esthétique en forme de film noir aux couleurs vibrantes. Une série noire installée au sein des décors d'un mélodrame de Douglas Sirk. Étrange destinée que celle de ce film, un projet que Dwan a pris avec des pincettes, dubitatif qu'il était sur le matériau  de départ, un roman de James Cain, l'auteur d'Assurance sur la mort (adapté par Billy Wilder) et du fameux Le facteur sonne toujours deux fois (adapté par Luchino Visconti, Tay Garnett et Bob Rafelson). Le roman est mauvais nous dit-on, aussi Dwan et son scénariste Robert Blees se sont employés laisser l'intrigue de côté pour développer les personnages, leurs actions et pulsions, et faire du cinéma. D'où une œuvre atypique, maniant l'abstraction (La ville imaginaire de Big City, les décors inattendus, les éclairages expressionnistes), mêlant le classique à l'audacieux, le romantisme au maximum d'érotisme permis à l'époque, pour un film construit sur des oppositions fortes, sur le rythme syncopé d'un morceau de jazz. Mal exploité par un studio en pleine déconfiture, le film est un échec, mais cela lui vaudra paradoxalement son statut de diamant noir, de perle rare, de film culte selon l'expression consacrée et ici assez justifiée.

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Plus que cela, Slightly scarlet est la synthèse du style né de l'association Bogeaus / Dwan et des hommes et femmes réunis autour d'eux. Slightly, c'est le soupçon de, la touche de, cela se murmure, cela exprime la légèreté, la classe et l'élégance, le suggéré, le cool. Scarlet, c'est tranchant, sec comme une gifle ou un baiser rageur. C'est l'écarlate de la passion, le rouge du sang qui bat aux tempes ou qui coule des blessures, l'éclat des chevelures rousses luxuriantes.
Dwan retrouve ici deux de ses acteurs fétiches, John Payne et Rhonda Fleming, pour une histoire délibérément complexe d'étreintes, de frôlements, de manipulation, de coups et de chaleur. Au-delà de l'apport de Cain, le film brasse quelques grandes figures du film noir. Les deux soeurs June et Dorothy, jouées par Fleming et Arlene Dahl, avec leur rivalité amoureuse, leurs névroses sexuelles (Dorothy, qui sort de prison, est kleptomane, nymphomane et un brin masochiste), rappellent les soeurs Sternwood de The big Sleep (Le grand sommeil – 1946) de Howard Hawks. L'ambiance de corruption municipale et les rivalités entre notables et gangsters ramènent à La clef de verre écrit en 1931 par Dashiell Hammett et les manipulations du héros Ben Grace (tout un programme) à La moisson rouge (1929) du même Hammett, deux romans qui inspirèrent Kurosawa, Leone ou les frères Cohen pour Miller's crossing (1990). A cette prestigieuse série, on ajoutera le Kiss me deadly (En quatrième vitesse) de Robert Aldrich sortit un peu avant qui partage avec le film de Dwan le goût du rythme saccadé et l'efficacité dans la représentation de la violence et du sexe, et puis bien sûr, le seul film proche en termes esthétiques, le superbe Party Girl (Traquenard) de Nicholas Ray sortit en 1958 qui utilise remarquablement la couleur au sein du genre.
Mais ceci nous éloigne de Slightly scarlet qui est avant tout œuvre de style, de style et encore de style. La voiture bleue de Ben Grace, le coupé crème de June, l'intérieur lumineux au jardin luxuriant des deux soeurs, La demeure aux éclairages gothiques de Solly Casper, le roi de la pègre, la villa sur la falaise avec ce plan toujours répété de la voiture qui glisse dans le virage, les grandes ombres déployées par John Alton (il est ici à son sommet) dans les grands espaces des décors de Van Nest Polglase, les shorts courts de June et Dorothy, leurs décolletés, le grand aquarium, le foulard bleu de Dorothy qui met en valeur ses cheveux et ses yeux capiteux, et toujours les touches de rouge à travers les bouquets de fleurs, il n'y a pas d'images anodines dans le film. Une nouvelle fois, Dwan met en scène un trio, un homme et deux femmes ici, et toujours cet enjeu sous-jacent mais capital, quelle est la part de vérité dans les sentiments exprimés par l'homme ? Par quels chemins se débarrassera-t'il de ses instincts contradictoires (argent, pouvoir) pour finir entre les bras féminins ? John Payne reste merveilleusement ambigu et son Ben Grace ne trouve sa rédemption morale que par une épreuve physique, douloureuse, semblable à celle du personnage de Cornel Wilde dans Passion. Il faut avouer qu'il a fort à faire, ses pulsions d'ascension sociale se trouvant en butte aux désirs des deux soeurs, l'un des couples les plus sensuels vu sur un écran hollywoodien. À 70 ans, Dwan a l'érotisme flamboyant et filmer une belle jambe ou une lèvre frémissante  lui inspire les images les plus émouvantes. Pour avoir ainsi embelli le cinéma et le monde qu'il en soit ici remercié.

Chronique pour Kinok

Photographie : Henning Sebastian Jahre

12:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : allan dwan |  Facebook |  Imprimer | |

30/12/2009

Rhonda au bain (Tennessee's partner)

Tennessee arrive devant la porte de la duchesse et stoppe en l'entendant chanter. Elle prend son bain dans une de ces belles baignoires sabot de l'Ouest, environnée d'étoffes, levant haut une jambe parfaite. Tennessee ne cherche pas à entrer, il reste là sur le seuil avec un sourire étrange, un peu félin. Dedans, la pièce est plongée dans une douce lumière dorée qui fait miroiter l'abondante chevelure rousse répandue sur les épaules. Tout autour, les rideaux verts sombre, les tentures, les serviettes, composent un écrin soyeux d'où ressortent l'ovale du visage pris de trois quart dos, la courbe de l'épaule et la finesse des mains. Si Tennessee n'entre pas, c'est qu'il a du tact mais aussi qu'il savoure par avance le spectacle qu'il connaît bien. Lui et la duchesse sont amants. Ils sont aussi en affaire, elle qui dirige la maison de rendez vous la plus huppée de la ville (où l'on reconnaîtra si l'on est attentif la débutante Angie Dickinson), lui qui est joueur professionnel et assure discrètement la sécurité. C'est le premier couple admirable de Tennessee's partner. Deux figures types du western, deux clichés transformés en êtres sensibles, uniques. Pour mesurer l'art et la sensibilité de Dwan, il suffit de comparer ce couple à ce que fera John Sturges deux ans plus tard dans Gunfight at OK Corral avec le couple Burt Lancaster / Rhonda Fleming, pestant de se voir imposer l'actrice par le producteur Hal Wallis, arguant que son personnage ralentissait l'action. Sturges est un âne, visiblement incapable de détourner une contrainte à son profit. Dwan en utilisant les ressources de Fleming, en privilégiant de tels temps calmes, fait de son couple l'un des plus beaux de l'histoire du western. Et sans sacrifier l'action.

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Le second couple est tout aussi original. C'est celui formé de Tennessee et de son partenaire, Cowpoke, le cow-boy un peu rustre joué par Ronald Reagan dans l'un de ses meilleurs rôles. Deux hommes et une femme, combinaison chère à Dwan comme à Howard Hawks, compliqué ici de la femme que Cowpoke doit épouser (le mariage du titre français), jouée par la belle Coleen Gray, diaphane fiancée de John Wayne dans Red river (1946) de Hawks, vue aussi chez Tourneur, Fregonese et Kubrick. Joli personnage double qui cherche à manipuler le naïf Cowpoke. Contrairement à Hawks, Dwan s'amuse à jouer sur l'ambiguïté de la relation masculine, ce qui nous vaut quelques scènes étonnantes, surtout dans le contexte de l'époque, et quelques échanges à double sens : « Je ne sais pas où coucher / Tu restes avec moi » ou l'excellent « Tu devrais te marier / Mais il faut épouser une femme ! ». Donc Cowpoke sauve la vie de Tennessee et c'est désormais à la vie à la mort entre les deux hommes. La chambre qu'ils partagent à un moment est baignée de la lumière sensuelle de John Alton, Cowpoke, torse nu et avantageux, est langoureusement lové dans ses draps tandis qu'il écoute son ami. On se croirait chez les deux sœurs de Slightly scarlet. La force du cinéma de Dwan réside dans de telles scènes et dans ce qu'elles irradient sur l'intrigue du film de série, solide histoire de western avec mine d'or, meurtre, manipulations et cavalcades. Mais son enjeu profond est le conflit entre amitié virile et amour hétérosexuel, entre une vie sans attaches, adolescente, et une vie de responsabilités, d'engagement. Un conflit qui ne se résout que par le déchirement. A la fin, il y a un plan admirable où l'on voir Tennessee rejoindre la Duchesse, le pas lourd, les épaules voûtées. Il monte lentement la pente et le temps est comme suspendu. Un moment unique juste avant le classique happy end. Sur le côté, un massif de fleurs rouges, comme la signature de Dwan et Alton.

Chronique pour Kinok

Photographie source : Film noir photos (vous pouvez la découvrir avec une plus grande résolution)

A suivre...

10:08 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allan dwan |  Facebook |  Imprimer | |

29/12/2009

Sweet Virginia (Pearl of the south Pacific)

Le cinéma hollywoodien a manifesté un goût certain pour l'aventure exotique située dans les îles paradisiaques du Pacifique sud. Plages bordées de cocotiers, sympathiques tribus locales vêtues d'élégants paréos colorés, mise à l'eau des canots effilés sous les yeux des villageois, lagons paisibles recelant perles rares protégées par de gigantesques pieuvres, élégantes maisons de bambou et de palme, sensualité moite, rites païens, aventuriers avides de richesses ou de rédemption. Toute une imagerie qui exprime au son de mélodies hawaïennes l'idée du paradis perdu traversant les oeuvres de Ford, Murnau, Ludwig, Thorpe, Robson, Malik et ici Allan Dwan.

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Bien que son réalisateur confesse n'avoir pas aimé le film (« une catastrophe complète »), Pearl of the south Pacific est une agréable découverte. Ses naïvetés et son côté kitsch sont transcendés par un scénario habile écrit par Jesse L. Lasky Jr, la beauté de la mise en scène et surtout l'érotisme véhiculé par l'éclatante Virginia Mayo. On retrouve dans ce film un schéma qui nourrit cette série de films, une relation homme-femme dans laquelle se mêlent manipulation et amour vrai. L'évolution de l'aventurier Dan Merrill de son avidité pour les perles noires vers son désir de la belle Rita Delaine se complique du propre parcours de Rita dont la conscience s'éveille au contact de la civilisation harmonieuse préservée par Tuan Michael et l'amour que lui porte son fils, Georges (comme vous ou moi). Une combinaison qui rappelle celle de Cattle Queen of Montana, d'autant que Lance Fuller joue à nouveau l'amoureux exotique et transi tandis que le triangle se complique de la jalousie de la belle Momu promise à Georges, du fait que Rita et Dan sont d'anciens amants et que Rita a séduit de son côté le rustique Bully Hague pour monter l'expédition. Ici, rien des implications érotiques du quintet n'est éludé. Seul point faible du film, l'interprétation masculine manque de relief. David Farrar joue un Bully d'une pièce et Dennis Morgan est un héros solide mais un peu pâle. Son Dan Merrill rappelle le personnage joué par John Wayne dans Wake of the red witch (Le réveil de la sorcière rouge – 1948) d'Edward Ludwig, film qui possède également un lagon à perles gardé par une pieuvre géante. Mais Farrar est loin d'avoir le charisme du Duke.

C'est le genre de détail qui ne trouble pas Dwan qui reporte toute son attention sur Virginia Mayo. Virginia... du premier plan qui montre ses longues jambes descendant l'escalier du bateau à ses poses alanguies, jouant de l'accordéon sur le pont comme Rita Hayworth chez Welles, de ses poses provoquantes, épaules et seins en avant, à son troublant déshabillage nocturne, tout le film est une ode sensuelle à sa beauté. Et qui ne manque pas d'humour quand la belle se fait passer pour une missionnaire avec sa longue robe rose et blanche. Dwan l'enveloppe de mouvements caressants, la peint aux couleurs chaudes de John Alton dont le travail est particulièrement inspiré. La visite nocturne de Momu puis de Bully est une splendeur visuelle faite de noirs et de bruns profonds où percent des éclats de lumière qui révèlent la ligne d'une jambe ou le modelé d'une épaule.

Chronique pour Kinok

Affiche source : Movie posters

A suivre...

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28/12/2009

Un soupçon de rouge (Escape to Burma)

Robert Ryan cavale dans la jungle Birmane. Accusé du meurtre du fils du Sawbwa, le potentat local, il a des soldats à ses trousses. Barbara Stanwyck élève seule des éléphants dans la jungle. Cattle queen of Burma, elle règne sur une propriété vaste et splendide, est bonne pour les pachydermes et bienveillante pour les indigènes. Ryan débarque dans la demeure de Stanwyck. Comme il n'y a personne, il fait comme boucle d'or dans le conte et se sert un solide whisky avec l'élégante désinvolture d'un John Payne dans Slightly Scarlet. Moment magnifique, temps mort, suspendu, le monde lui appartient. Au retour de Stanwyck, tout se passe bien, il est retenu à dîner et on lui prépare une chambre. C'est Hollywood. Art de vivre, art de recevoir, art de filmer. Ryan, grand, superbe, l'allure d'Indiana Jones pour nos plus jeunes lecteurs, réveille la femme de chair et de sang à peine assoupie chez Stanwyck. Du bruit dans l'obscurité de la nuit tropicale, elle se lève vivement et traverse l'immense chambre en faisant voler à la lumière de la lune sa chemise de nuit. C'est la lumière de John Alton. Plus tard, ce sera une étreinte dans la jungle moite et sensuelle. Envolée musicale de Louis Forbes.

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Sur ce débarque un policier anglais, joué par David Farrar. Il porte le nom d'un manteau (Cardigan). Il est censé régler cette histoire avec tout le tact britannique. Stanwyck manque de le faire écraser par un de ses éléphants. Pas touche à mon homme. Mais le poison du doute s'est insinué dans la passion. Ryan mentirait-il ? Ne se sert-il pas d'elle et de ses sentiments ? Comme Reagan dans le film précédent, Ryan joue l'ambiguïté, sa virilité s'embarrassant peu d'explications. Il est d'un bloc et il faut tout entier le prendre ou le laisser. Fuite dans la jungle, étrange ménage à trois, retournements de situation, menottes, singes et une nuit dans un temple façon Fritz Lang. Escape to Burma a été tourné dans les décors loués de la superproduction The conqueror (Le conquérant), navet à grand spectacle de Dick Powell qui fit jouer à John Wayne Gengis Khan avec des moustaches tombantes. Voyez le tableau.

Dwan a une autre classe et conserve, en Technicolor, le charme des jungles de studio des années 30 qui dégageaient une vraie poésie. Fatiguée, Stanwyck s'allonge avec abandon sur les dalles du temple antique. Plaisir intense de l'aventure avec le piment de deux mâles à ses côtés. La magie de Dwan et du film est de ces moments là, quand les péripéties comptent pour du beurre et que les enjeux se situent entre elles, dans les frémissements de l'héroïne, les mouvements félins de Ryan, l'attention porté à un plan comme celui de l'enfant messager. Charme d'une interprétation sans faille, d'un rythme soutenu, de mouvements enveloppants. Atmosphère des nuits bleutées de studio. Poésie ludique quand Dwan et Alton parsèment leurs images de touches de rouge, un foulard, une poignée de rubis, de multiples fleurs de la jungle, un coussin. Rouge du sang qui roule dans les veines et de la passion qui serre les coeurs.

Chronique pour Kinok

Photographie source : capture DVD Carlotta

A suivre...

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