19/08/2014
1969 (Quand parle la poudre)
C'est partit pour un retour en 1969 sur Zoom Arrière avec un éditorial ébouriffant de Frédérique. Sacrée belle année de cinéma dans les salles françaises pour clore la décennie. Il y a en ce qui me concerne une demi-douzaine de films de chevet, signés Truffaut, Leone, Peckinpah, Edwards, Corbucci ou Molinaro, et un cinéma venu des quatre coins du monde qui offre des œuvres majeures des cinéastes Rocha, Rohmer, Tarkovski, Costa-Gavras, Bunuel, Fischer, Ferreri, De Toth, sans compter tous ceux que je n'ai pas vus mais dont mes camarades disent tant de bien.
Ce qui me frappe pourtant, c'est l’impressionnante concentration, façon feu d'artifice, de westerns de haut vol. Le western à l'italienne offre aux français une sorte de bouquet final par le jeu du hasard des dates de sortie. Nous verrons donc, concentrés sur douze mois, l'aboutissement des œuvres des trois Sergio, Leone, Corbucci et Sollima. Le premier donne son film le plus ambitieux et rend hommage à John Ford en filmant quelques plans à Monument Valley même tout en pervertissant l'image des yeux bleus du "all american" Henry Fonda. Le second va au bout de sa veine nihiliste et sarcastique avec l'aide d'un Jean-Louis Trintignant aussi mutique qu'il était bavard à Clermont-Ferrand. Le troisième concentre sur les écrans sa trilogie politique avec Tomas Milian, royal en paysan frustre, rebelle et débrouillard. Derrière eux, comme l'écume, plusieurs films de belle tenue qui témoignent de la vitalité d'un cinéma de genre sur le point d'entrer en décadence.
Et, comme un passage de témoin, aux États-Unis, Sam Peckinpah remis de ses déboires avec les producteurs, peut réaliser avec The wild Bunch, le film du grand retour du western au pays natal. Clôturant dans le sang et la poudre des années soixante déprimantes, il reprend le genre là où l'avait laissé Ford dans The man who shot Liberty Valance (1962) et y intègre tout ce qui est né de formel du passage en Europe en y réinjectant le regard moral et humaniste des grands classiques américains. L'hommage à Ford ne passe pas comme chez Leone par le symbole mais par un état d'esprit. Dit autrement, ses Deke Thornton et Pike Bishop sont de la même trempe que Tom Doniphon et ce dernier, quand il s'efface, pourrait bien être partit pour le Mexique. Ce faisant, le grand Sam ouvre la porte à un nouveau western américain qui donnera de belles choses dans les années soixante-dix. Comme un échauffement, Sydney Pollack trousse un aimable Scalphunters.
Photographies DR
16:48 Publié dans Blog, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sergio léone, sergio sollima, sergio corbucci, sydney pollack, giuseppe colizzi | Facebook | Imprimer | |
01/06/2008
Hommages
On a beaucoup parlé de la disparition du premier et à peu près pas du tout de celle du second. Ainsi va la gloire du monde et toutes ces sortes de choses comme je dis souvent. Le premier, il faut le dire, plaisait en France. Archétype du metteur en scène « adulte », symbole d'un cinéma américain ambitieux des années 60 et 70, romanesque et politique, ayant résisté vaille que vaille aux effets spéciaux et à l'esprit adolescent qui fit des ravages à partir des années 80. Talentueux quand même. En France, il alla jusqu'à faire l'acteur dans une comédie bien calibrée. On lui en su gré. Le second était acteur. L'acteur d'un cinéma à l'opposé de celui du premier. Beau, magnifique, au registre aussi limité que celui d'un George Hilton, il fut une des icônes de ce cinéma des années 60 et 70 qui inspirera celui d'aujourd'hui, un cinéma de genre, populaire et commercial, coloré et vif, musical et violent, léger et fulgurant.
Sur Sydney Pollack, on tartine aujourd'hui sur Tootsie, comédie moyennement drôle qui prouve définitivement que Dustin Hoffman n'était pas à l'époque un acteur comique, et sur Out of Africa, interminable mélodrame qui m'avait déçu terriblement à sa sortie et que je donne volontiers pour les deux premières minutes du Hatari ! de Howard Hawks. Mais je serais injuste de le réduire à ses machines à oscars. Pollack a réalisé quelques films magnifiques comme This property is condemned (Propriété interdite – 1966), le western Scalphunter (Les chasseurs de scalps – 1968) et surtout Jeremiah Johnson en 1972, un des plus beaux westerns jamais fait, poème quasi muet au coeur d'une nature grandiose, raconté comme une ballade folk avec un Robert Redford magique. Le genre de film qui vous donne l'envie d'aller crapahuter dans les montagnes en hiver pour goûter le silence des cîmes et le vent dans les sapins. Il y a d'autres films, à chacun les siens. Je dois être une des seules personnes à avoir aimé et Bobby Deerfield (1977) et The firm (1991). J'aimais bien son cinéma.
John Phillip Law a été l'ange Pygare qui emporte Barbarella dans les airs, Diabolik, vêtu de cuir blanc ou noir pour Mario Bava, le jeune cow-boy brûlant de vengeance aux côtés de Lee Van Cleef pour Sergio Sollima, Sinbad aux côtés de la belle Caroline Munro et des effets de Ray Harryhausen, Docteur Justice, le héros altermondialiste de Pif Gadget, Le baron rouge pour Roger Corman et Michel Strogoff. Il incarnait le héros que l'on rêve d'être à douze ans. Passé cette belle époque, il s'est enferré comme tant d'autres dans des films minables puis est devenu, ce qui n'est pas forcément un cadeau, un acteur culte, un acteur qui ne tourne plus ou presque, mais que l'on cite volontiers avec un ton nostalgique. J'aimais bien son regard.
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