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31/05/2006

Cannes (6)

Beauté

Dans la foulée, Warner nous a proposé la version restaurée de La prisonnière du désert. Je ne vais pas vous agonir sous les superlatifs à propos de ce film. Je l'ai longtemps tenu pour mon film préféré. Aujourd'hui encore, je comprends toujours Godard quand il parlait de la dernière séquence parce que je ne peux la regarder les yeux secs. Au départ, je n'avais pas prévu de rester mais je n'ai pas pu résister. La qualité de la restauration est exceptionnelle. Dès les premières images, la porte d'un noir profond s'ouvre sur un désert limpide, on sent le vent, le sable ocre et la profondeur infinie de Monument Valley, l'espace. Je n'avais jamais vu le film aussi beau aussi parfait. J'ai retrouvé une fois encore, intacte, absolue, la raison pour laquelle rien ne remplacera l'expérience de la vison en salle. Warner annonce la restauration de Rio Bravo pour l'an prochain. Les braves gens.

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Cannes (5)

Ford, Ford, Ford.

C'était le cri du coeur en forme de boutade d'Orson Welles qui nous a été rappelé par Peter Bogdanovitch sur la scène de la salle Bunuel. A la question : « Quels sont les cinéastes que vous admirez », il avait répondu : « Les grands maîtres du passé, c'est à dire John Ford, John Ford et John Ford ». Impossible pour moi de manquer le documentaire de Sam Pollard, John Ford / John Wayne : The filmmaker and the legend. Ford est toujours très présent pour moi, et j'ai l'impression qu'il continue d'alimenter les imaginaires et les réflexions de nos contemporains. Ainsi, après Spielberg dans Munich, c'est Alain Etchegoyen qui cite L'homme qui tua Liberty Valance dans une chronique consacrée au courage politique publiée dans le Figaro. Bref, si je n'ai rien appris de fondamentalement nouveau dans le film de Pollard, il a l'intérêt d'envisager la carrière de Ford à travers se relation avec son acteur de prédilection, John Wayne. 13 films ensembles, une collaboration aussi riche et dense que celles de Léaud avec Truffaut, Mastroianni avec Fellini ou Huppert avec Chabrol. Le film montre bien comment Ford a fait, progressivement, avec nombre d'hésitations, de Wayne son alter-ego bien plus que Fonda. On voit la complexité des rapports entre les deux hommes et leurs contradictions devenir le moteur d'oeuvres uniques. Ford, démocrate, ardent défenseur du New Deal, courageux, engagé dans les services secrets, alcoolique, autoritaire, cassant, pénible sans doute, poète à coup sûr ; et Wayne, très à droite, marqué par son image patriotique, qui ne porta jamais l'uniforme, mais encaissant sans broncher, gentil sur les plateaux comme le rappelle avec humour Mark Rydell, très pro, finalement simple et naturellement un très grand comédien (Moullet a bien raison). Et Ford qui sait faire porter à Wayne le poids trop lourd pour lui de ses interrogations, qui en fait son double dans des oeuvres aussi complexes que La chevauchée fantastique, Le massacre de Fort Apache, La Prisonnière du désert et ... Valance. Ford qui finira par retrouver les positions de Wayne sur la fin de sa vie alors que le « Duke » va à la rencontre des étudiants contestataires de Harvard avec beaucoup d'humour.

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Un seul reproche, l'oubli sans doute volontaire des films les moins connus qui me semblent pourtant enrichir la thèse de Pollard. Dans The long voyage, Wayne y est clairement un jeune homme (à près de quarante ans) constamment sous la protection de ses aînés. Sa création de Robert M. Hightower dans Le fils du désert préfigure celle d'Ethan Edwards. L'aigle vole au soleil, outre que Ford y fait jouer son propre personnage par Ward Bond, est une réflexion subtile sur le couple (une fois encore Wayne et Maureen O'Hara) et la dévotion à la patrie. Les Cavaliers et Rio Grande sont deux films d'aventures qui posent aussi la question de l'unité du pays et dans lesquels Wayne est toujours le nordiste, le progressiste dont le sens du sacrifice passe avant tout, y compris la famille. La plupart des acteurs de cette épopée artistique sont aujourd'hui disparus et le film, narré par Sidney Pollack, donne la part belle aux critiques et aux cinéastes admirateurs (Bogdanovitch, Scorcese, Milius, Rydell) avec un joli sens de l'équilibre quand l'un d'eux (un critique) avoue sa détestation de l'Homme tranquille. Tant pis pour lui, je reste un indéfectible d'Innisfree.

29/05/2006

Cannes (2)

Dorotheea

« C'est l'histoire de ma génération, une chronique de l'air du temps. Comment alors il fallait rire et pleurer. » Comment j'ai fêté la fin du monde est le premier film de long métrage de Catalin Mitulescu qui avait reçu la Palme d'or du court métrage pour Trafic en 2004. Comme il l'a dit lors de la présentation, Cannes est important et lui porte chance. Son film est plein de vie et d'humour, chronique des derniers mois de la dictature de Ceaucescu à travers les déboires d'une jolie adolescente superbement campée par Dorotheea Petre qui découvre tout à la fois l'amour, l'indépendance et la révolte. Autour d'elle, une galerie de personnages attachants où domine son petit frère qui, pour lui rendre la joie de vivre, envisage un complot pour assassiner le dictateur. La mise en scène, qui recherche un certain réalisme à coup de caméra portée, de recadrages rapides et de mises au point dans le plan ne m'a pas franchement convaincue mais ne m'a pas trop gêné non plus. C'est que le film possède cette qualité propre à nombre de films de l'est (Iosseliani, Kusturica, Longuine...), celle de savoir donner vie à tout un petit monde truculent, coloré sans être caricatural, vivant. Du coup, le film devient vite emballant. J'aime assez quand faire de la révolte politique passe par prendre des bains glacés en compagnie d'une jolie fille. Dorotheea Prete a reçu le prix d'interprétation féminine d'Un Certain Regard. Mitulescu avait raison, Cannes lui porte chance.

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