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23/07/2016

1990, la belle américaine

L’équipe de Zoom arrière entre dans la dernière décennie du XXème siècle. Et cette belle année 1990 m'apparaît comme très américaine, même si d'ici et d'ailleurs viennent quelques beaux films. Mais quand même, en 1990 sortent en France des films aussi personnels que réussis, à commencer par ceux de Steven Spielberg et de Clint Eastwwod. C'est le temps des fantômes bienveillants et des avions argentés, de l'Afrique et du cinéma, d'une épopée de la guerre de Sécession et d'une contre épopée du Vietnam où Tom Cruise montre qu'il peut jouer. C'est le temps de femmes d'exception, Michelle Pfeiffer se roulant en robe rouge sur le piano de Jeff Brigdges tandis qu'Ellen Barkin coince Al Pacino (enfin sortit du purgatoire) contre le mur "Qu'est-ce que tu cherches ?". C'est le temps de superbes polars sombres signés Sidney Lumet et Mike Figgis où Nick Nolte et Richard Gere dévoilent des registres inattendus et inquiétants, de l’œuvre élégante d'Abel Ferrara habitée par un Christopher Walken aristocratique. Un prince. Le film distingué par l'équipe peut rejoindre sans peine cette catégorie, signé Martin Scorcese qui revient à ce qu'il fait de mieux. C'est le temps de films étranges, l'aventure de Joe contre le Volcan, le retour des bestioles de Joe Dante et les états d'âme de Woody Allen. C'est le temps du grand retour des studios Disney avec une merveilleuse aventure aquatique. il y en aurait quelques autres à ajouter, la science fiction de Paul Verhoeven, les machinations de John Dahl, le cas de conscience de Brian de Palma, mais il faut savoir s'arrêter. Voici donc 1990 en 12 films Made In USA.

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Photographies DR (Universal, Disney, UGC).

20/07/2016

Viol et châtiment

Autostop rosso sangue (La proie de l’auto-stop - 1977), un film de Pasquale Festa Campanile

Texte pour Les Fiches du Cinéma

Le réalisateur italien Pasquale Festa Campanile est connu d'abord pour ses comédies et sa manière sensuelle de filmer les femmes. Rire et érotisme avec ce sens de la satire qui fait la gloire de la comédie all'italianna sont ses deux marques de fabrique. Il aura déshabillé et fait défiler devant sa caméra Catherine Spaak dans La matriarca (L'amour à cheval - 1968), Laura Antonelli dans Il merlo maschio (Ma femme est un violon - 1971), Edwige Fenech et Bernadette Laffont dans Il ladrone (Le larron – 1980), et encore Agostina Belli, Ornella Muti, Barbara Bouchet et Lilli Carati qui fut sa compagne. Festa Campanile ou l'homme qui aimait les femmes. Au sein de cette filmographie, Autostop rosso sangue (La proie de l’auto-stop) qu'il tourne en 1977, jure quelque peu. Il s'agit d'un thriller violent, très sérieux, avec des pointes de sadisme et une bonne dose de cynisme. Walter et Ève Mancini forment un couple d'italiens qui voyage en Californie. Les époux sont en pleine crise, Walter est un journaliste frustré qui boit et fait payer ses lâchetés à sa femme. Ève de son côté, quoique moins perturbée en apparence, entretient et encourage une relation sadomasochiste avec son mari. Le couple va prendre en auto-stop Adam (!) Kunitz qui va se révéler un bandit en cavale, psychopathe et donc très dangereux. Autostop rosso sangue est un mélange de road movie et de huis clos électrisant, relevant d'une lignée particulière de films produits dans les années soixante-dix que l'on appelle désormais les « rape and revenge ».

pasquale festa campanile

Les éditions Artus rééditent l’œuvre atypique de Festa Campanile dans une très belle édition qui comprend une copie superbe et un petit livre autour de ce sous-genre particulier. Un livre écrit par David Didelot avec force érudition et illustrations. Le lecteur cinéphile s'y reportera pour tout apprendre sur le « rape and revenge » soit : le viol et la vengeance. Je me contenterais ici de rappeler que le film fondateur en est The last house on the left (La dernière maison sur la gauche) film-culte signé Wes Craven en 1972 et inspiré par Jungfrukällan (La source – 1960) d'Ingmar Bergman ce qui fait bien dans le tableau. A dire vrai, nous sommes en présence d'une sous catégorie du film de vengeance, qui se mange froide comme chacun sait. Et depuis que le cinéma raconte des histoires de vengeance, les scénaristes savent qu'il est mieux d'avoir un bon motif pour le vengeur. L'humiliation est un bon motif qui renforce l’empathie avec le spectateur et l'humiliation sexuelle, le viol, apporte une dose d'horreur supplémentaire qui peut être plus poignante, ou plus racoleuse selon le degré de délicatesse du réalisateur. Dans nombre de westerns, le meurtre d'êtres chers qui va motiver la chasse du héros est souvent lié à des violences sexuelles, que l'on se souvienne de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de John Ford. Avec le recul de la censure tout au long des années soixante, le lien entre viol et vengeance va se faire de plus en plus prégnant, visant le plus souvent à provoquer un sentiment de malaise qui va culminer dans quelques scènes aussi célèbres que difficilement soutenables. Je pense ici au point culminant de Deliverance (1972) de John Boorman. David Didelot explique comment les italiens se sont emparés des codes de ces œuvres marquantes pour nourrir un filon de films de genre dont Autostop rosso sangue est l'une des plus belles réussites.

pasquale festa campanile

La mise en scène de Pasquale Festa Campanile y est pour beaucoup. Le maestro de la comédie érotique s'y révèle doué pour faire monter la tension et pour l'action. Avec ses scénaristes Ottavio Jemma et Aldo Crudo, il propose un récit tendu qui recèle plusieurs coups de théâtres souvent surprenants et qui fonctionne d'autant mieux que les personnages principaux sont assez intéressants pour que l'on s'intéresse à ce qui leur arrive au delà de la simple mécanique du thriller. Ottavio Jemma est un collaborateur régulier de Festa Campanile, un scénariste tout terrain. Aldo Crudo est d’abord un écrivain spécialisé dans le Giallo, la série Noire à l'italienne, avec près de quatre cent romans qui se déroulent le plus souvent en Amérique. Son apport semble essentiel pour ce film qui est censé se passer en Californie mais qui a été intégralement tourné dans les Abruzzes. L'illusion, sans être parfaite, est parfois confondante. Le décor de la station service par exemple est plein de petits détails justes même si l'on voit apparaître la bonne trogne de Ignazio Spalla en barman. Et la photographie de Franco Di Giacomo et Guiseppe Ruzzolini ajoute une touche de sophistication (vestes espaces ensoleillés, couchers de soleils, scènes nocturnes aux noirs profonds) qui séduit. Tous les deux ont travaillé pour le Giallo avec Aldo Lado ou Dario Argento et Ruzzolini a collaboré avec l'exigeant Sergio Leone. Les deux hommes ont une solide expérience d'une certaine image à l'américaine. En contrepoint, c'est le maestro Ennio Morricone qui signe une superbe partition pour le film, alternant des passages plutôt pop avec des morceaux plus lancinants, avec chœurs, dans l'esprit de ce qu'il faisait dans les années soixante-dix pour le polar français. Il souffle ainsi le froid de l'angoisse et la chaleur de l'action. Et puisque l'on en parle, il faut mentionner la scène très réussie où le couple, pensant être débarrassé du tueur, est pris en chasse par un camion. Festa Campanile a vu et potassé le Duel (1971) de Steven Spielberg et en offre une jolie démarcation, reprenant cadres et découpage, comme le principe de la cabine opaque qui dissimule les traits du chauffeur. Plus loin, ce sera un superbe ralenti qui conclut la course désespérée de ses héros. Plus original, il sait d'un mouvement de caméra faire basculer une scène, et celui qui conclut la rencontre entre le tueur et le couple a dû inspirer Robert Harmon pour son Hitcher en 1986. Et en bon italien, Festa Campanile sait jusqu'où aller trop loin. Son finale est à la fois désespéré et tout à fait immoral, rebattant les cartes du « rape and revenge », ce qui vaudra à son film quelques déboires avec la censure de notre beau pays.

pasquale festa campanile

Néanmoins ce sont plus les implications morales du récit qui font le sel de Autostop rosso sangue. Pour ce qui est de la dimension sexuelle pure, le film n'est pas aussi audacieux que certains fleurons du genre et du coup prête moins le flanc à l'accusation de racolage. Dans le rôle d'Eve, c'est la jolie Corinne Clery qui apporte son physique ravissant et son succès coquin dans l'adaptation d'Histoire d'O par Just Jaeckin en 1976. Clery passera en Italie pour une carrière dans le cinéma populaire entre Sergio Corbucci, Giorgio Capitani et Antonio Margheriti. Sans être bouleversante, Clery apporte à Ève son visage innocent et le mélange détonnant de fragilité et de sensualité qui émane de son corps. Le plan où elle sort de la caravane, nue et tenant un des fusils de chasse de son époux pour exercer la partie « revenge », fonctionne parce que c'est elle. Elle est à la fois crédible dans la partie de la femme humiliée, servant d'enjeu sexuel entre les deux mâles qui sont d'une certaine façon renvoyés dos à dos, et en femme trouble, plus forte qu'elle le paraît. Elle conserve ainsi une certaine dignité à son personnage sans pour autant rien dissimuler de sa gracieuse anatomie. A ses côtés, Franco Nero, toute moustache dehors, reste dans un registre qu'il connaît bien et qui lui réussi, celui d'un homme qui encaisse beaucoup et semble toujours prêt à exploser. Comme dans ses grands rôles pour Enzo G. Castellari ou Sergio Corbucci, Nero est celui contre qui le destin ne retient pas ses coups. Il ne craint pas d'apparaître antipathique : ivrogne, journaliste raté, brutal avec sa femme qu'il viole presque, opportuniste à un point qui défie l'imagination. Pourtant il conserve quelque chose d'une rage profonde qui le rend attachant, comme une révolte mal exprimée mais à laquelle on peut s'identifier. C'est ce qui rend le retournement final si brutal, si cynique. Dernier membre du trio, Adam Konitz est joué par David Hess, le frisé terrifiant qui exerçait chez Wes Craven. Hess apporte tout le bagage de son personnage précédent et l'authenticité d'un américain pur sucre. Il est aussi inquiétant que l'on peut le désirer sans faire preuve de beaucoup de subtilité. Grimacier parfois, il dégage néanmoins une sensualité déviante qui fait son effet dans les scènes avec Clery.

Tendu, étouffant malgré les grands espaces, Autostop rosso sangue est une parfaite réussite du cinéma d’exploitation fait avec conviction et ce qu'il faut de talent. S'il ne se cache pas de ses modèles ni des illusions qu'il met en scène, il arrive à trouver sa voie en privilégiant la tension psychologique et la terreur pure à l'effet choc. Ceci n’empêche pas Festa Campanile de donner quelques gages aux amateurs de sensations fortes, que ce soit avec Corinne Clery ou quelques effets gore, francs sans être appuyés. Le réalisateur arrive même à donner à son film un sous-texte politique rappelant qu'il a été tourné en Italie pendant les années de plomb. Impuissance de la police, enlèvements, frustrations, banditisme, hippies redoutables, désillusions politiques et débâcle morale forment l'arrière-plan de cette histoire bien balancée comme dans quelques belles réussites du cinéma de genre de cette époque.

Photographies : Medusa distribuzione.

A lire sur Culturopoing par Vincent Roussel.

09/07/2016

Can't take my eyes off your movies

Je me souviens encore très bien de la sortie en 1981 de Heaven's gate (La porte du paradis – 1980) dans la foulée de sa présentation cannoise. A l'époque je lisais les compte rendus du festival dans Le Matin qu'achetait mon père et j'avais remarqué ce qui semblait être un western à grand spectacle. J'avais 15 ans et les westerns se faisaient rares en salles. Je me souviens avoir eu l'envie d'aller le voir et que quelqu’un, qui cela m'échappe, m'en a dissuadé. Peut être que j’étais tombé sur l'un des articles négatifs qui avaient accueillit le film, ou bien sur le récit de ce qui était déjà présenté comme une catastrophe financière, le fameux « Rarement montagne d’argent aura accouché d’une aussi malingre souris »  d'Olivier Eyquem dans Positif. Bref... je suis passé à côté de Michael Cimino en 1981. Puis il y eu un éditorial de Starfix dont l'équipe avait vu une partie de Year of the dragon (L'année du dragon – 1985) et en avait tiré un texte court et enflammé bien dans leur manière, citant les ténors du cinéma américain du moment (Spielberg, De Palma, Coppola, Lucas...) en concluant que Cimino était un cran dessus. Je devrais essayer de retrouver le texte mais pas ce soir. Ce film là, je ne l'ai pas raté et il reste pour moi la grande rencontre avec le cinéaste. Je n'avais jamais vu un polar de cette trempe, ni des personnages aussi magnifiques, aussi incarnés. Je pense à celui de la femme de White jouée par Caroline Kava qui m'avait bouleversé. Cimino prenait ainsi une place de choix dans mon panthéon et comme beaucoup, j'ai attendu avec impatience son Sicilien. C'était aussi le bref morceau de temps où Christophe Lambert a fait illusion. Vu en 1987, en avant-première dans l'auditorium d'Acropolis, The sicilian a été une déception. Pas autant que ce qui en a été dit ensuite, il y a de belles choses dans le film. Mais par rapport au précédent, Lambert par rapport à Rourke, quelque chose fonctionnait mal. Pour Cimino, il faudra attendre quatre années avant un nouveau film, Desperate Hours en 1990, sortie discrète pour un film là encore pas complètement satisfaisant. Mais pour l'admirateur de John Ford que je suis, le plan au début du film où l'avocate se recueille devant un vaste paysage sauvage avec une stèle « Au capitaine Nathan Brittles » m'avait touché. Nathan Brittles est le nom du personnage joué par John Wayne dans She wore a yellow ribbon (La charge héroïque – 1949). J'ignore combien de personnes ont fait le lien. C'est une de ces connivences secrètes qui me réjouissent toujours, comme le fait que c'est John Wayne, peu de temps avant sa mort, qui a remis à Cimino son oscar du meilleur film début 1979.

michael cimino

Entre temps, j’avais découvert Heaven's gate (La porte du paradis), d’abord en 1990 sur grand écran à la Cinémathèque de Nice, dans la première version complète, puis au Cinéma de Minuit de Patrick Brion qui avait été l’artisan de la redécouverte de cette œuvre monumentale l'année suivante. La gifle, l'extase. L’incompréhension aussi face à la façon dont le monde est passé à côté de ce film. Ce sont des choses qui arrivent. D'une certaine façon, je suis heureux d’avoir découvert le film dans sa forme aboutie et non dans la version tronquée proposée en 1981. Ce film majestueux brassait dans un vaste mouvement épique des choses que j'aimais chez David Lean, Sergio Leone, Luchino Visconti, Sam Peckinpah et John Ford, quelques autres aussi, mais tourné d'une manière très personnelle qui fait du film une expérience unique. Comme pour celles qui ont compté dans ma vie, il y a eu un avant et un après Heaven's gate. The deer hunter (Voyage au bout de l'enfer – 1978) est venu après et j'aurais ainsi découvert l’œuvre de Cimino à l'envers pour l'essentiel. Inutile d'aligner les superlatifs, le plus étonnant pour moi dans ce film là, c'est que j'y adore Robert De Niro et Meryl Streep dont je ne suis pas, à de rares exceptions près, grand amateur. Et puis la façon dont John Cazale se dresse dans la scène du bar, la façon dont George Dzundza se met au piano pour le Nocturne de Chopin... C'est un film qui a imprimé profondément en moi et que je revois régulièrement avec un sentiment d'intimité et d'admiration qui ne cesse de grandir. La dernière fois, je me disais que la scène finale, celle autour de la chanson God bless America, c'était un peu comme si Cimino reprenait la fin de The searchers (La prisonnière du désert – 1956) de Ford, mais avec un Ethan Edwards qui ne serait pas resté dehors et serait venu partager le repas de la réconciliation. Et avec tout ça, j'ai redécouvert Thunderbolt and Lightfoot (Le canardeur – 1974) qui ne m'avait pas marqué lors d'une première vision télévisée. Reste encore Sunchaser. Les derniers souvenirs sont littéraires, la lecture surprise de Big Jane, son premier roman en 2001, drôle de bouquin avec une drôle d'héroïne et du golf, un texte dont j'essayais de deviner les images derrière les mots. Et enfin les conversations avec Jean-Baptiste Thoret, brillantes. Cimino m'aura manqué, comme tous les cinéastes avec lesquels j'ai grandit et qui ont tourné trop peu. Seule consolation, il n'aura pas été de ces cinéastes dont j'aurais pu voir la dégringolade artistique, ceux dont l'espoir mis en leur talent aura tourné en eau de boudin. Non, comme Joe Dante ou John Carpenter, Cimino laisse une œuvre certes plus courte qu'espéré, mais qui, telle qu'elle est, donne plus de plaisir que tant d'autres plus fournies. Et je ne donnerais pas de nom !

Photographie United Artist.

03/07/2016

Requiem pour un cinéaste

Michael Cimino 1939-2016