« 2016-01 | Page d'accueil
| 2016-03 »
29/02/2016
L'enterrée vivante
Horror (Le manoir de la terreur – 1963), un film de Alberto De Martino
Texte pour Les Fiches du Cinéma
L'esprit du grand Allan Edgar Poe souffle sur chaque scène de Horror connu en France sous le titre Le manoir de la terreur et opportunément exhumé par les éditions Artus. Le mot « exhumé » est bien dans l'esprit aussi et convient à un film méconnu, resté dans l'ombre des grands classiques du fantastique gothique à l'italienne. Un statut qu'il doit peut être à la faible renommée de son réalisateur, Alberto De Martino à qui l'on doit une trentaine de films dans tous les genres (western, espionnage, fantastique, guerre, peplum, giallo) sans rien, je l'avoue, de bien exceptionnel. Peut être aussi que la distribution italo-espagnole, pour être composée d'acteurs et d’actrices solides, manque d'une tête d'affiche. Et puis le film est sorti tardivement en France en 1966, trois ans après l'Italie et surtout isolé après que la grande vague du gothique classieux en noir et blanc soit passée de mode. Ce qu'il en est du destin des films ! C'est donc un grand plaisir de découvrir cette œuvre des plus estimable et d'en savourer les saveurs fantastiques comme celles d'un vieil alcool oublié au fond de la cave.
Le scénario de Horror est l’œuvre de Bruno Corbucci et Giovanni Grimaldi sous les pseudonymes de Gordon Wilson Jr. et Jean Grimaud. Le tandem écrivait alors beaucoup de comédies, en particulier pour l'immense Totò, mises en scène par le frère de Bruno, Sergio, oui le futur réalisateur de Django. A vrai dire, les trois hommes travaillaient de façon étroite et il est possible que Sergio ait participé à l'écriture de ce film. D'autant qu'ils feront tous les trois le célèbre Danza macabra (Danse macabre - 1964) que Sergio commence l'année suivante avant de laisser la main à Antonio Margheriti, un film qui baigne aussi dans l'atmosphère de Poe, mis en scène en tant que personnage dans l'introduction. Mais il est vrai que l'on ne prête qu'aux riches et la question n'est pas tranchée.
Toujours est-il que Horror est une histoire d'héritage dans une famille d’aristocrates un rien décadents du XIXème siècle, les De Blancheville, avec une malédiction familiale angoissante, une gouvernante au chignon strict et à l'air inquiétant, et un château sinistre plein de couloirs sombres et de caves voûtées. Surtout, il y a une très belle scène où l'héroïne Emily est enterrée vivante en état de catalepsie et qui utilise la voix off de manière remarquable pour traduire la peur panique qui s'empare de l'esprit coincé dans le corps immobile. L'amateur pourra reconnaître les divers emprunts aux Histoires extraordinaires parmi les plus marquantes.
Distribution de modeste envergure, mais composée d'acteurs convaincus et spécialistes rodés du cinéma de genre. L'allemand Gérard Tichy joue du piano de façon lugubre et fait flotter sa cape de belle manière entre les arbres. La jolie Ombretta Colli, que l'on reverra dans de la science fiction à l'italienne et chez Ettore Scola, est une héroïne dans la grande tradition des jeunes filles en détresse, errant dans les couloirs en chemise de nuit, un bougeoir à la main. La plutôt sublime Helga Liné, beauté illuminant peplums et westerns, originaire d’Allemagne elle aussi, campe la redoutable gouvernante hitchcockienne, et nous la retrouverons aux côtés de Barbara Steele dans Amanti d'oltretomba (Les amants d'outre-tombe - 1965) de Mario Caiano. L'espagnol Leo Anchóriz complète le quatuor de tête en bon docteur assez transparent, mais indispensable à l'histoire.
Sur un socle bien classique mais solide, la mise en scène de De Martino crée une atmosphère très réussie d'angoisse avec quelques élans de poésie morbide comme la procession lugubre de l'enterrement dans les bois désolés. Quelques naïvetés aussi et une musique de Giuseppe Franci un peu trop redondante. Mais les ambiances sont prenantes, De Martino utilise des mouvements de caméra souples et lents et se casse un peu la tête pour les angles biscornus. Il noie ses décors de brume, des bois dépouillés par l'hiver au superbe décor du château de Coracera à San Martín de Valdeiglesias avec son imposante église en ruine que l'on reverra dans Vamos a matar, companeros ! (Companeros - 1970) de... Sergio Corbucci. La photographie en noir et blanc canonique est signée d'un grand chef opérateur espagnol, Alejandro Ulloa, que l'on retrouvera sur les images de quelques œuvres phares de Giovanni Fago, Lucio Fulci, Enzo G. Castellari et... Sergio Corbucci. Il fait ressentir la présence des fantômes et du mystère dans la texture même des images.
Photographies DR
08:42 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alberto de martino | Facebook | Imprimer | |
27/02/2016
Du côté de Belleville
Le cinéma Bellevue, au 118 boulevard de Belleville, vers 1965. Ce cinéma de quartier a disparu en 1989. Ouvert en 1905, il a changé plusieurs fois de nom, d'abord Cinématographe Parisien, puis Cinéma Gavroche, Ciné Bellevue et enfin le Bellevue.
13 et 15 rue de Belleville 1965. Le cinéma Floréal a été démoli avec le bas de la rue de Belleville en1968. Le Bal Favier était un ancien café-concert crée en 1830 puis diffusant des films à partir de 1912. Après une fermeture pendant la Première Guerre Mondiale, il reprend ses activités et devient cinéma à part entière en 1925 sous le nom de Floréal.
Photographies © Jean-Luc de Baudouin / Source BNF-Custom Rodder-Ciné Façades.
21:02 Publié dans Curiosité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : salle | Facebook | Imprimer | |
15/02/2016
L'extase de l'or
14:21 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ennio morricone | Facebook | Imprimer | |
12/02/2016
Voir le pape (et mourir)
L'Udienza (L'audience - 1972) de Marco Ferreri
Texte pour Les Fiches du Cinéma
« Je trouve cette situation un peu kafkaïenne » déclare Amedeo au policier Aureliano Diaz chargé de l'interroger, dans les premières minutes de L'Udienza (L'audience), film peu connu de Marco Ferreri que l'on peut (re)découvrir pour les 10 ans de l'éditeur Sidonis. Une manière pour Ferreri et ses scénaristes Raphael Azcona et Dante Matelli de désamorcer avec leur ironie coutumière la référence inévitable à l’œuvre du romancier de Prague. L'Udienza fonctionne en effet sur le même principe que Le château et Le procès. Comme K. Amedeo cherche à entrer en contact avec une figure du pouvoir, ici le pape Paul VI, avec la même obstination, et il est en butte aux même arbitraire, se heurte aux mêmes obstacles qui rendent sa quête vaine jusqu'à l’absurde. Amedeo veut donc parler au pape. Il a un message important à lui transmettre. Lequel ? Nous ne le saurons jamais mais quelle importance. Un seul personnage en aura la teneur, un jésuite joué par Alain Cuny. Sa réaction bouleversée suffit à nous convaincre de la gravité de la chose. Le Jésuite n'enrayera pourtant pas la mécanique qui bloque Amedeo. Ce message est un parfait MacGuffin hitchcockien et seule compte la volonté d'Amedeo, inflexible jusqu'à l'obsession, et les forces de pouvoir qui s'opposent à cette volonté. Ferreri met en scène cette lutte inégale mais absolue avec des accents surréalistes, quelque chose qui relève d'un fantastique que je rapprocherais, dans l’esprit, de celui de El ángel exterminador (L'ange exterminateur – 1962) de Luis Buñuel où une force mystérieuse et invisible annihilait la volonté d'un groupe d'aristocrates et les retenait dans une vaste demeure, disparaissant sans autre raison pour réapparaître dans un final ironique. Cette même force flotte sur le film de Ferreri, sans doute inspirée par son complice Azcona, espagnol et sensible au surréalisme bunuelien.
Admis à une audience collective, Amedeo pourrait sans problème atteindre son but. Mais sa nervosité et sa candeur le font remarquer par les prélats et tomber dans mains du commissaire Diaz. A partir de là se met en marche la machine de l'état pontifical, des gardes suisses aux cardinaux. Tous se liguent pour contrarier la mission d'Amadeo. Dans le dédale du Vatican et de ses dépendances, il va croiser un prince fasciste qui entraîne une milice privée, divers monsignori espagnols et allemands, un prêtre cauteleux et faux-cul, un autre moderniste, un jésuite haut placé, des gardes impassibles et la belle prostituée Aiche, qui lui est mise dans les pattes par Diaz. Aiche pourrait être le salut d'Amedeo. Elles est jouée par Claudia Cardinale, charnelle comme rarement, filmée comme seul Ferreri sait filmer les femmes, et c'est un maître en la matière. Au jeux de pouvoir infantiles et cruels des hommes, le réalisateur oppose l'évidence de la femme, les deux pieds sur terre et les bras ouverts, putain sublime qui offre le seul repère de bon sens dans un monde de fous. Tout à sa chimère, Amedeo ne saura pas saisir cette chance même s'il tombe, heureux homme, dans les bras d'Aiche. Suivant le jeune homme dans tous ses espoirs déçus, Ferreri fait preuve d'une ironie un rien distante mais d'autant plus cruelle dans sa description des hommes de pouvoir. Il bénéficie d'une distribution brillante, Ugo Tognazzi en policier, Michel Piccoli en ecclésiastique, Vittorio Gassman en aristo et le vénérable Alain Cuny en jésuite. Par contraste, c'est Enzo Jannacci, jeune chanteur de rock avec peu d'expérience de l’écran, qui campe Amedeo. Sa virginité d'acteur est l’écho parfait de celle de son personnage.
C'est la mise en scène de Marco Ferreri qui crée la distance, comme dans ses plus beaux films... et comme chez Buñuel. Sa caméra est toujours posée, ses cadres larges, sa photographie veloutée signée Mario Vulpani, ses mouvements précis et ses atmosphères tranquilles. Un écrin paisible comme le pavillon de La grande bouffe (1973). Et c'est à l'intérieur de cet écrin que s’expriment les plus grandes abjections, les plus curieux mystères. C'est là qu’éclosent les situations les plus dramatiques. Dans L'Udienza, Ferreri crée un labyrinthe mental autant que physique, une toile d'araignée policée dans laquelle se débat son héros. Le réalisateur s'amuse à mettre en valeur la richesse des décors anciens, la beauté classique des architectures simulant le Vatican et mêlées à des plans sans doute volés sur place, et il se paye le luxe d'une apparition pontificale à travers un film super 8 que porte Amedeo avec lui. Contraste là encore entre une idée de civilisation évoluée et raffinée, et la bêtise, la bassesse de ceux qui agissent comme de sales gosses. L'idée de jeu domine le film, comme ceux qu'organise le prince, comme les caprices du personnage de Piccoli, comme cette idée de labyrinthe, ou la tentative ridicule de faire parvenir le message au Pape à l'aide d'une sarbacane.
Une nouvelle fois chez le réalisateur sarcastique, l'homme peine à devenir adulte comme à assumer ses responsabilités face à la femme. Le pouvoir n'est qu'un cache misère et cela le conduit à la folie ou à la mort, voire aux deux. Pris par son improbable mission, Amedeo en sera une nouvelle victime. Le final en forme de boucle, refermant le film sur lui-même et le Vatican sur une menace mystérieuse, est un pied-de-nez libérateur. Parabole sur le système oppressif et satire par l'absurde nourris de situations puisées dans les années de plomb commençantes et du solide anticléricalisme de l'auteur,L'Udienza conserve tout le plaisir donné par son impeccable mécanisme et la force d'un cinéma qui ne fonctionnait pas à l'eau tiède.
Photographies DR.
14:21 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marco ferreri | Facebook | Imprimer | |
02/02/2016
Bien entouré (Va savoir)
Jacques Rivette en marge du tournage de Va savoir (2001) entre les belles Jeanne Balibar et Hélène De Fougerolles. Merci à La chambre - Éclair alias Grr, alias Oups, victime des limitations dans les commentaires sur Haut et Fort. L'important, c'est que nous puissions tous en profiter. DR.
14:42 Publié dans Panthéon, Réalisateur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jacques rivette | Facebook | Imprimer | |